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17/06/2015 | FRANCE | N°369021

France | France, Conseil d'État, 10ème / 9ème ssr, 17 juin 2015, 369021


Vu la procédure suivante :

M. C...B...A...a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 26 avril 2011 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en tant qu'elle rejette sa demande d'admission au bénéfice de l'asile.

Par une décision n° 12004409 du 25 mars 2013, la Cour nationale du droit d'asile a annulé cette décision et reconnu la qualité de réfugié à M. B...A....

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 juin et 8 août 2013 au secrétariat du contentieu

x du Conseil d'Etat, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides demande au...

Vu la procédure suivante :

M. C...B...A...a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 26 avril 2011 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en tant qu'elle rejette sa demande d'admission au bénéfice de l'asile.

Par une décision n° 12004409 du 25 mars 2013, la Cour nationale du droit d'asile a annulé cette décision et reconnu la qualité de réfugié à M. B...A....

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 juin et 8 août 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision de la Cour nationale du droit d'asile ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande présentée par M. B...A...devant la Cour nationale du droit d'asile.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 ;

- le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

- la directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jacques Reiller, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Foussard, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à la SCP Tiffreau, Marlange, de la Burgade, avocat de M. A...;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B...A..., ressortissant érythréen entré sur le territoire maltais en août 2006, s'est vu reconnaître le bénéfice de la protection subsidiaire par les autorités maltaises le 23 novembre 2007 ; qu'en application d'un engagement pris par la France lors d'un conseil des ministres européens au mois de décembre 2008, en vue de la réinstallation en France de ressortissants d'Etats tiers bénéficiaires d'une protection internationale reconnue par Malte, il a été admis à séjourner sur le territoire français sous couvert d'un laissez-passer valable du 14 septembre au 14 octobre 2010 et s'est vu délivrer par le préfet du Val-de-Marne un récépissé constatant son admission au séjour au titre de l'asile valable jusqu'au 7 avril 2011 ; que M. B...A...ayant déposé une demande d'asile le 27 octobre 2010, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides lui a reconnu le 26 avril 2011 le bénéfice de la protection subsidiaire et a refusé de lui accorder la qualité de réfugié au seul motif qu'il devait se voir accorder la même protection qu'à Malte ; que, sur le recours de M. B...A..., la Cour nationale du droit d'asile a annulé la décision du directeur général de l'Office et reconnu sa qualité de réfugié par une décision du 25 mars 2013 ; que l'Office se pourvoit en cassation contre cette décision ;

Sur la régularité de la décision attaquée :

2. Considérant que la minute de la décision attaquée de la Cour nationale du droit d'asile comporte bien, conformément aux dispositions de l'article R. 733-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les signatures du président de la formation de jugement et du chef de service ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'irrégularité de la décision attaquée doit être écarté ;

Sur le bien-fondé de la décision attaquée:

3. Considérant qu'aux termes du 2° du A de l'article 1er de la convention de Genève, la qualité de réfugié est reconnue à " toute personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays " ; qu'aux termes de l'article L. 712-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 712 2, le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié mentionnées à l'article L. 711-1 et qui établit qu'elle est exposée dans son pays à l'une des menaces graves suivantes : a) La peine de mort ; b) La torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants ; c) S'agissant d'un civil, une menace grave, directe ou individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence généralisée résultant d'une situation de conflit armé interne ou international (...) " ;

4. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 9 du règlement du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers : " Si le demandeur est titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, l'Etat membre qui a délivré ce titre est responsable de la demande d'asile " ; que, toutefois, aux termes du 2 de l'article 3 de ce règlement : " (...) chaque Etat membre peut examiner une demande d'asile qui lui est présentée par un ressortissant d'un pays tiers, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : / 1° L'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, ou d'engagements identiques à ceux prévus par ledit règlement avec d'autres Etats ;/ (...) Les dispositions du présent article ne font pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne qui se trouverait néanmoins dans l'un des cas mentionnés aux 1° à 4° " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 723-1 du même code : " L'office statue sur les demandes d'asile dont il est saisi. Il n'est toutefois pas compétent pour connaître d'une demande présentée par une personne à laquelle l'admission au séjour a été refusée pour le motif prévu au 1° de l'article L. 741-4 " ;

5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que lorsqu'une personne s'est vu reconnaître le bénéfice de la protection subsidiaire dans un Etat membre de l'Union européenne, sur le fondement de persécutions subies dans l'Etat dont elle a la nationalité, elle ne peut plus normalement, aussi longtemps que le bénéfice de cette protection lui est maintenu et effectivement garanti dans l'Etat qui lui a reconnu ce statut, revendiquer auprès d'un autre Etat membre, le bénéfice d'une protection conventionnelle ou subsidiaire à raison de ces persécutions dès son entrée sur le territoire de cet Etat ; que, cependant, dès lors qu'elle a été admise au séjour par cet Etat, quel que soit le motif de cette admission, il lui est toujours loisible d'y déposer une demande d'asile ; qu'en France, lorsque cette demande a été déposée auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'Office est légalement tenu, sans que puissent y faire obstacle des décisions unilatérales du type de celle prise en l'espèce par les autorités françaises, d'examiner si, au regard des persécutions dont la personne établit qu'elle serait, à la date de sa demande, menacée dans le pays dont elle a la nationalité, elle est fondée à demander le bénéfice de l'asile conventionnel et, à défaut, de la protection subsidiaire ; qu'en jugeant que, contrairement à ce que soutenait l'Office, la circonstance que M. B...A...bénéficiait déjà de la protection subsidiaire octroyée à Malte ne faisait en rien obstacle à ce que sa demande d'asile conventionnel fût examinée, la Cour n'a pas commis d'erreur de droit ; que le moyen ne peut donc qu'être écarté ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque ; que son pourvoi doit donc être rejeté ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. Considérant que M. B...A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Tiffreau, Corlay, Marlange renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le versement à cette société de la somme de 3 000 euros ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides est rejeté.

Article 2 : L'Office français de protection des réfugiés et apatrides versera à la SCP Tiffreau, Marlange, de la Burgade, avocat de M. B...A..., une somme de 3 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que la SCP Tiffreau, Marlange, de la Burgade renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à M. C...B...A....


Synthèse
Formation : 10ème / 9ème ssr
Numéro d'arrêt : 369021
Date de la décision : 17/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

- CAS D'UNE PERSONNE S'ÉTANT DÉJÀ VU RECONNAÎTRE LE BÉNÉFICE DE LA PROTECTION SUBSIDIAIRE DANS UN ETAT MEMBRE DE L'UNION EUROPÉENNE - 1) PRINCIPE - IMPOSSIBILITÉ DE SOLLICITER DE LA FRANCE LE BÉNÉFICE D'UNE PROTECTION CONVENTIONNELLE OU SUBSIDIAIRE - 2) EXCEPTION - PERSONNE ADMISE AU SÉJOUR - POSSIBILITÉ DE DÉPOSER UNE DEMANDE D'ASILE - EXISTENCE - OBLIGATION DE L'OFPRA DE L'EXAMINER - EXISTENCE [RJ1].

095-03 1) Lorsqu'une personne s'est vu reconnaître le bénéfice de la protection subsidiaire dans un Etat membre de l'Union européenne, sur le fondement de persécutions subies dans l'Etat dont elle a la nationalité, elle ne peut plus normalement, aussi longtemps que le bénéfice de cette protection lui est maintenu et effectivement garanti dans l'Etat qui lui a reconnu ce statut, revendiquer auprès d'un autre Etat membre, dès son entrée sur le territoire de cet Etat, le bénéfice d'une protection conventionnelle ou subsidiaire à raison de ces persécutions.... ,,2) Cependant, dès lors qu'elle a été admise au séjour par cet Etat, quel que soit le motif de cette admission, il lui est toujours loisible d'y déposer une demande d'asile. En France, lorsque cette demande a été déposée auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), l'Office est légalement tenu, sans que puissent y faire obstacle des décisions unilatérales des autorités françaises, telles qu'un engagement en vue de la réinstallation en France de ressortissants d'Etats tiers bénéficiaires d'une protection internationale reconnue par un Etat membre de l'Union européenne, d'examiner si, au regard des persécutions dont la personne établit qu'elle serait, à la date de sa demande, menacée dans le pays dont elle a la nationalité, elle est fondée à demander le bénéfice de l'asile conventionnel et, à défaut, de la protection subsidiaire.

- CAS D'UNE PERSONNE S'ÉTANT DÉJÀ VU RECONNAÎTRE LE BÉNÉFICE DE LA PROTECTION SUBSIDIAIRE DANS UN ETAT MEMBRE DE L'UNION EUROPÉENNE - 1) PRINCIPE - IMPOSSIBILITÉ DE SOLLICITER DE LA FRANCE LE BÉNÉFICE D'UNE PROTECTION CONVENTIONNELLE OU SUBSIDIAIRE - 2) EXCEPTION - PERSONNE ADMISE AU SÉJOUR - POSSIBILITÉ DE DÉPOSER UNE DEMANDE D'ASILE - EXISTENCE - OBLIGATION DE L'OFPRA DE L'EXAMINER - EXISTENCE [RJ1].

095-06 1) Lorsqu'une personne s'est vu reconnaître le bénéfice de la protection subsidiaire dans un Etat membre de l'Union européenne, sur le fondement de persécutions subies dans l'Etat dont elle a la nationalité, elle ne peut plus normalement, aussi longtemps que le bénéfice de cette protection lui est maintenu et effectivement garanti dans l'Etat qui lui a reconnu ce statut, revendiquer auprès d'un autre Etat membre, dès son entrée sur le territoire de cet Etat, le bénéfice d'une protection conventionnelle ou subsidiaire à raison de ces persécutions.... ,,2) Cependant, dès lors qu'elle a été admise au séjour par cet Etat, quel que soit le motif de cette admission, il lui est toujours loisible d'y déposer une demande d'asile. En France, lorsque cette demande a été déposée auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), l'Office est légalement tenu, sans que puissent y faire obstacle des décisions unilatérales des autorités françaises, telles qu'un engagement en vue de la réinstallation en France de ressortissants d'Etats tiers bénéficiaires d'une protection internationale reconnue par un Etat membre de l'Union européenne, d'examiner si, au regard des persécutions dont la personne établit qu'elle serait, à la date de sa demande, menacée dans le pays dont elle a la nationalité, elle est fondée à demander le bénéfice de l'asile conventionnel et, à défaut, de la protection subsidiaire.


Références :

[RJ1]

Comp. CE, Assemblée, 13 novembre 2013, Cimade et M.,, n°349735 349736, p. 269.


Publications
Proposition de citation : CE, 17 jui. 2015, n° 369021
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jacques Reiller
Rapporteur public ?: M. Edouard Crépey
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP TIFFREAU, MARLANGE, DE LA BURGADE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:369021.20150617
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