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09/07/2003 | SUISSE | N°2P.77/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 09 juillet 2003, 2P.77/2003


{T 0/2}
2P.77/2003/ROC/ajp

Arrêt du 9 juillet 2003
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Wurzburger, Président, Betschart, Hungerbühler, Müller
et
Zappelli, Juge suppléant.
Greffière: Mme Rochat.

Y. ________,
recourante, représentée par Me Dominique Hahn, avocate, rue Caroline
7, case
postale 3520,
1002 Lausanne,

contre

Conseil d'Etat du canton de Vaud, Château cantonal, 1014 Lausanne.

Art. 9 et 29 Cst.: droit d'être entendu; renvoi pour justes motifs,

recours de

droit public contre la décision du Conseil d'Etat du
canton de
Vaud du 12 février 2003.

Faits:

A.
Depuis l'ob...

{T 0/2}
2P.77/2003/ROC/ajp

Arrêt du 9 juillet 2003
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Wurzburger, Président, Betschart, Hungerbühler, Müller
et
Zappelli, Juge suppléant.
Greffière: Mme Rochat.

Y. ________,
recourante, représentée par Me Dominique Hahn, avocate, rue Caroline
7, case
postale 3520,
1002 Lausanne,

contre

Conseil d'Etat du canton de Vaud, Château cantonal, 1014 Lausanne.

Art. 9 et 29 Cst.: droit d'être entendu; renvoi pour justes motifs,

recours de droit public contre la décision du Conseil d'Etat du
canton de
Vaud du 12 février 2003.

Faits:

A.
Depuis l'obtention de sa licence en sciences commerciales de
l'Université de
Genève en 1970, Y.________, née en 1945, a occupé plusieurs emplois
dans des
entreprises privées avant d'enseigner les branches commerciales à
l'Ecole
professionnelle commerciale de X.________ (en abrégé : EPC) dès
janvier 1983.
Engagée d'abord comme auxiliaire, Y.________ a été nommée dans cette
école à
52% dès juin 1985, à 88% dès juin 1989 et à 100% dès juin 1990. Elle
a été
chef de file des enseignants en matière de Techniques Quantitatives de
Gestion (TQG) entre 1991 et 1999.

B.
Au cours d'un entretien du 22 juin 1999, A.________, directrice de
l'EPC, a
formulé divers reproches à l'encontre de Y.________ au sujet de la
divulgation de résultats de travaux d'examens intermédiaires, de ses
notes
trop basses, de ses problèmes de discipline et de ses difficultés de
communication. A cette occasion, A.________ a informé l'intéressée
qu'elle
n'aurait plus de classe de 3ème année en 1999-2000 et qu'elle
n'exercerait
plus la fonction de chef de file. Elle lui a également proposé de
travailler
dans un autre établissement pour une partie de son temps, d'envisager
de
diminuer son temps de travail et de suivre des séminaires ou stages de
développement personnel. Cet entretien a été confirmé par courrier du
11
juillet 1999, après que Y.________ eut contesté les reproches qui lui
étaient
faits et exprimé son souhait de conserver son poste de chef de file.

C.
Au mois de mai 2001, Y.________ a reçu des indications par l'un de ses
collègues sur le contenu de l'examen TQG de la session de juin 2001,
savoir
qu'il porterait sur l'analyse du bilan de l'entreprise Bobst S.A. Au
cours de
sa dernière leçon de TQG, le 13 juin 2001, elle a revu avec ses
élèves tous
les chapitres de la présentation comptable, en se basant sur les
chiffres du
rapport financier 1999-2000 de Bobst S.A. trouvés sur Internet. Le
même jour,
la directrice a montré à Y.________ l'épreuve d'examen concernant sa
classe.
Celle-ci en a informé ses élèves, en précisant que l'épreuve
comportait une
question relative à la nature et à la taille de l'entreprise et que
les
chiffres étaient ceux de l'année 1998-1999 et non pas ceux de 1999-
2000 dont
ils disposaient déjà.

L'examen pour cette classe s'est déroulé le 19 juin 2001. Lors de la
correction centralisée, il est apparu que les épreuves de l'EPC
présentaient
une similitude frappante et que la moyenne TQG pour la classe de
Y.________
était nettement plus élevée que la moyenne générale du canton pour ce
même
examen. A la suite de la lettre des élèves de la classe de maturité
professionnelle du 1er juillet 2001, qui révélait les informations
reçues par
leur enseignante, l'examen de TQG a été annulé.

Par courrier du 2 juillet 2001, la Conseillère d'Etat chargée du
Département
de la formation et de la jeunesse a informé Y.________ de la mise en
oeuvre
d'investigations sur sa part de responsabilité dans les faits
survenus lors
de la session des examens finaux de TQG en juin 2001. Elle lui a
signifié la
suspension de ses fonctions avec effet immédiat en application de
l'article
84 de la loi sur le statut général des fonctions publiques
cantonales, avec
maintien du traitement.

Le recours de Y.________ contre cette décision a été déclaré
irrecevable,
pour défaut du paiement de l'avance de frais dans le délai imparti.

D.
Le 10 juillet 2001, Y.________ a sollicité l'intervention du groupe
Impact,
chargé d'examiner les cas de harcèlement dans l'administration
cantonale.
Elle se plaignait des agissements de la directrice A.________ et de
B.________, doyenne. Après avoir entendu les personnes mises en
cause, le
groupe Impact a décidé, le 14 novembre 2001, d'entreprendre des
investigations.

Au vu du rapport du Service de la formation professionnelle concluant
à la
commission d'une faute professionnelle grave, la Conseillère d'Etat
chargée
du Département de la formation et de la jeunesse a décidé, le 2
novembre
2001, d'ouvrir une procédure de renvoi ou de déplacement à l'encontre
de
Y.________. Conformément à l'art. 58 de l'arrêté d'application du 22
décembre
1950 de la loi sur le statut général des fonctions publiques
cantonales,
l'intéressée a été invitée à se déterminer sur le rapport du Service
de la
formation professionnelle dans un délai de 10 jours ou à demander son
audition par une délégation du Conseil d'Etat.

Dans le cadre de cette procédure, Y.________ a sollicité, le 18
janvier 2002,
l'audition de trois témoins, dont deux enseignants et une élève à
l'EPC. Elle
a aussi requis que le rapport du groupe Impact soit versé au dossier
dès
qu'il aura été rédigé, en lui donnant l'occasion de se déterminer sur
ce
rapport.

Entendue par la délégation du Conseil d'Etat le 23 janvier 2002,
Y.________ a
confirmé avoir été victime de harcèlement, principalement de la part
de la
directrice de l'école. Le 28 janvier 2002, son avocate a également
fait
parvenir au Conseil d'Etat ses déterminations sur le rapport du
Service de la
formation professionnelle et a réitéré sa demande d'audition de trois
témoins.

Le 31 janvier 2002, la délégation du Conseil d'Etat a décidé
d'attendre la
remise du rapport d'investigation du groupe Impact avant de rendre son
préavis. En conséquence, elle a informé l'intéressée que la procédure
de
renvoi pour justes motifs était suspendue jusqu'au dépôt de ce
rapport. La
délégation a refusé en outre d'entendre les témoins indiqués par
Y.________,
en considérant qu'il était "plus que probable que ces personnes seront
entendues dans le cadre de l'investigation menée par le groupe
Impact" et en
estimant que "le rapport remis par ce dernier sera suffisant pour
qu'elle
puisse préaviser en connaissance de cause."

En juillet 2002, le groupe Impact a transmis son rapport
d'investigation à la
Conseillère d'Etat chargée du Département de la formation et de la
jeunesse.
Après avoir procédé notamment à l'audition de dix-sept témoins, il a
conclu
qu'aucun agissement relevant du harcèlement psychologique au travail
ne
pouvait être imputé à A.________ ou à B.________.

Y. ________ a pu consulter ce rapport dans les locaux du département
le 22
juillet 2002. Par lettre du 2 août 2002, elle s'est plainte en
particulier de
n'avoir pas eu accès au dossier constitué par le groupe Impact, qui
comprenait vingt-cinq procès-verbaux d'entretiens, ainsi que les
pièces
remises par les parties et les témoins. Elle a donc requis la copie
entière
du rapport du groupe Impact, dont elle n'avait pu obtenir que les
conclusions
(pages 30 et 31), ainsi que la copie du dossier constitué par ce
groupe,
avant de pouvoir se déterminer. Renvoyée à formuler sa requête
directement
auprès du groupe Impact, Y.________ s'est vu refuser la consultation
du
dossier, par lettre du 30 août 2002 pour le motif que la plus stricte
confidentialité avait été assurée aux témoins. Le 5 septembre 2002,
une copie
du rapport du groupe Impact a toutefois été adressée à Y.________,
avec un
délai de dix jours pour faire valoir d'éventuelles prétentions.
Le 12 septembre 2002, Y.________ a recouru auprès de la Conseillère
d'Etat
chargée du Département de l'économie contre la décision du 30 août
2002 lui
refusant l'autorisation de consulter le dossier du groupe Impact. A la
demande de la recourante, le Département de la formation et de la
jeunesse a
accepté, le 17 septembre 2002, le principe de lui accorder un délai
pour se
déterminer sur le rapport d'investigation du groupe Impact et l'a
invitée à
lui communiquer l'issue de son recours déposé auprès de la Cheffe du
Département de l'économie.

Le 18 septembre 2002, ce département a informé Y.________ que son
recours du
12 septembre 2002 serait traité comme une demande de communication à
des
tiers au sens de la loi cantonale. Partant, il a sollicité les
déterminations
du Bureau de l'égalité entre les femmes et les hommes puis, le 25
octobre
2002, le préavis du Service de justice. Rien dans le dossier ne permet
toutefois de dire que le préavis du Service de justice a été déposé
et, au
moment du dépôt du présent recours, le Département de l'économie
n'avait
toujours pas statué sur la requête de Y.________ du 12 septembre 2002.

E.
Statuant le 12 février 2003 sur préavis de sa délégation, le Conseil
d'Etat a
prononcé le renvoi pour justes motifs de Y.________ au sens de
l'article 89
de la loi du 9 juin 1947 sur le statut général des fonctions publiques
cantonales (ci-après: StF/VD). Après avoir constaté que la procédure
de
renvoi et le droit d'être entendu de la recourante avaient été
respectés, il
a retenu en bref que le lien de confiance qui liait l'intéressée à
l'Etat de
Vaud était définitivement détruit en raison de son comportement, jugé
inadmissible.

F.
Agissant par la voie du recours de droit public, Y.________ demande au
Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler la
décision de
renvoi prise le 12 février 2003.

Le Conseil d'Etat conclut au rejet du recours dans la mesure où il est
recevable.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 129 II 225 consid. 1 p. 227; 128 I 177
consid. 1 p.
179, 46 consid. 1a p. 48)
1.1La loi du 12 novembre 2001 sur le personnel de l'Etat de Vaud
(ci-après:
Lpers) a abrogé, dès son entrée en vigueur le 1er janvier 2003, la
loi du 9
juin 1947 sur le statut général des fonctions publiques cantonales
(art. 68
al. 1 Lpers). L'art. 66 Lpers prévoit toutefois que les procédures
statutaires de renvoi pour justes motifs engagées avant le 1er
janvier 2003
sont traitées selon l'ancien droit, soit par le Conseil d'Etat (art.
89
StF/VD).

Dans la mesure où les décisions du Conseil d'Etat ne sont pas
susceptibles de
recours auprès du Tribunal administratif (art. 4 al. 2 de la loi
vaudoise du
18 décembre 1989 sur la juridiction et la procédure administrative et
94
StF/VD), la décision attaquée respecte le principe de l'épuisement des
instances cantonales (art. 86 al. 1 OJ). Pour le reste, il n'y a pas
lieu de
remettre en cause la compétence du Conseil d'Etat pour statuer dans la
présente affaire, dès lors que la recourante ne prétend pas qu'elle
aurait dû
bénéficier d'un tribunal indépendant et impartial au sens de l'art. 6
§ 1
CEDH et de la jurisprudence (ATF 129 I 207 consid. 4 p. 211 ss et les
références citées) et ne conteste pas davantage la procédure
transitoire
prévue par l'art. 66 Lpers.

1.2 La recourante se plaint uniquement de violations des règles de la
procédure ayant conduit à son renvoi pour justes motifs. Elle a de
toute
façon qualité pour agir au sens de l'art. 88 OJ, car les art. 89 ss
StF/VD
font dépendre le licenciement de conditions matérielles (ATF 126 I 33
consid.
1 p. 34; 120 Ia 110 consid. 1b p. 112).

1.3 Il y a lieu ainsi d'entrer en matière sur le présent recours qui,
déposé
en temps utile (art. 89 OJ), remplit les exigences de forme de l'art.
90 al.
1 OJ.

2.
La recourante se plaint de plusieurs violations de son droit d'être
entendue
découlant de l'art. 29 al. 2 Cst., ainsi que de l'art. 63 al. 2 de la
Constitution vaudoise du 1er mars 1885, abrogée par l'entrée en
vigueur, le
14 avril 2003, de la nouvelle Constitution, qui stipulait qu'aucun
agent ne
pouvait être révoqué avant d'avoir été entendu. Actuellement, le
droit d'être
entendu des parties est prévu, de façon générale et dans toute
procédure, à
l'art. 27 al. 2 Cst./VD qui, comme l'art. 63 al. 2 aCst./VD
applicable au
moment où la décision attaquée a été rendue, offre les mêmes
garanties que
celles découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. Les griefs soulevés par la
recourante peuvent dès lors être examinés à la lumière des principes
déduits
directement de la Constitution fédérale (ATF 125 I 257 consid. 3a p.
259 et
les arrêts cités).

2.1 Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al.
2 Cst.,
comprend le droit pour l'intéressé de prendre connaissance du
dossier, de
s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit
prise
touchant à sa situation juridique, de produire des preuves
pertinentes,
d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes,
de
participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le
moins de
s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur
la
décision à rendre (ATF 126 I 15 consid. 2a p. 16, 124 II 132 consid.
2b p.
137 et la jurisprudence citée). Le droit de consulter le dossier
n'est pas
absolu; son étendue doit être définie de cas en cas, en tenant compte
des
intérêts en présence et de toutes les circonstances du cas d'espèce.
Il peut
être
restreint, voire supprimé, lorsque l'intérêt public ou l'intérêt
prépondérant de tiers exige que des documents soient tenus secrets,
du moins
partiellement. Une pièce dont la consultation a été refusée à la
partie ne
peut être utilisée à son désavantage que si l'autorité lui en a
communiqué,
oralement ou par écrit, le contenu essentiel se rapportant à
l'affaire et lui
a donné l'occasion de s'exprimer et de fournir des contre-preuves
(ATF 126 I
7 consid. 2b p. 10; 122 I 153 consid. 6a p. 161). Au surplus, la
jurisprudence admet que le droit d'être entendu n'empêche pas
l'autorité de
mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui
ont
permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non
arbitraire
à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore
proposées, elle
a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion
(ATF
124 I 208 consid. 4a p. 211).

2.2 La recourante reproche au Conseil d'Etat de ne pas avoir pu
prendre
connaissance de l'entier du dossier et plus particulièrement des
vingt-cinq
procès-verbaux d'entretien dressés par le groupe Impact dans la
procédure
concernant le grief de harcèlement. Elle fait aussi valoir qu'elle
n'a pas
obtenu l'administration d'une preuve pertinente, soit l'audition de
trois
témoins, alors que ces personnes ont été entendues par le groupe
Impact et
qu'elle n'a pas pu s'exprimer sur le résultat de ces auditions. Elle
se
plaint enfin de n'avoir pas pu se déterminer sur le rapport du groupe
Impact,
alors que cette faculté lui avait été expressément garantie, avant
que la
décision prononçant son renvoi pour justes motifs ne soit rendue.

Dans sa réponse au présent recours, le Conseil d'Etat admet que la
recourante
n'a pas eu accès aux procès-verbaux d'audition des témoins entendus
par le
groupe Impact, mais considère que ceux-ci devaient bénéficier de
l'anonymat
en vertu de l'arrêté du 23 juin 1999 relatif à la lutte contre le
harcèlement
au travail dans l'administration cantonale vaudoise (ci-après:
l'arrêté du 23
juin 1999). Au demeurant, la procédure prévue par cet arrêté serait
tout à
fait distincte de celle relative au renvoi pour justes motifs,
laquelle ne
prévoit pas l'audition de témoins. En ce qui concerne les trois
témoignages
demandés, la recourante n'en aurait d'ailleurs pas démontré la
pertinence.
Quant au rapport du groupe Impact, la recourante a pu se déterminer à
deux
reprises sur son contenu dans le délai de dix jours qui lui avait été
imparti
par courriers des 15 juillet et 5 septembre 2002.

2.3 L'arrêté du 23 juin 1999 a été remplacé, depuis le 1er janvier
2003, par
le règlement du 9 décembre 2002 relatif à la gestion des conflits au
travail
et à la lutte contre le harcèlement. Il reste cependant applicable en
l'espèce, dans la mesure où la procédure d'investigation menée par le
groupe
Impact s'est déroulée antérieurement. Cette procédure est ouverte sur
demande
d'un employé de l'Etat de Vaud qui s'estime victime de harcèlement
psychologique ou sexuel (art. 9 al. 1) en vue d'établir les faits
(art. 10
al. 1), lorsque la procédure de médiation est impossible ou a échoué.
Sur la
base du rapport d'investigation établi par le groupe Impact, le chef
du
département concerné "prend les mesures qui s'imposent. En cas
d'ouverture
d'une procédure de renvoi", ce rapport "est une pièce versée au
dossier"
(art. 10 al. 3). L'art. 11 de l'arrêté du 23 juin 1999 prévoit en
outre la
protection des personnes plaignantes, ainsi que des témoins
éventuels, en ce
sens qu'ils ne "doivent subir aucun préjudice du fait de leur
témoignage"
(al. 1).

Il ressort donc de ces dispositions que si la procédure
d'investigation est
certes indépendante de la procédure de renvoi prévue aux art. 89 ss
StF/VD,
les deux procédures sont toutefois étroitement liées lorsque, comme en
l'espèce, elles sont menées conjointement. Ici, la recourante n'a pas
nié les
faits qu'on lui a reprochés au sujet de la session d'examen de juin
2001,
mais elle entendait démontrer qu'elle les avait commis à la suite du
stress
engendré par le harcèlement psychologique dont elle prétendait être la
victime, principalement de la part de la directrice de l'école où elle
enseignait. La délégation de l'autorité cantonale chargée d'instruire
la
procédure disciplinaire a tenu compte de ce moyen de défense,
puisqu'elle a
estimé utile de suspendre la procédure et d'attendre les résultats du
rapport
du groupe Impact avant de déposer son préavis. Dans sa décision de
renvoi
pour justes motifs, le Conseil d'Etat se réfère d'ailleurs à diverses
reprises à ce rapport et en adopte la conclusion selon laquelle la
recourante
n'a pas été victime de harcèlement psychologique. Or cette conclusion
était
décisive pour la décision à rendre, car si les motifs invoqués par
l'intéressée pour expliquer son comportement n'étaient pas retenus, la
sanction du renvoi immédiat pouvait être envisagée.

Dans le cas particulier, la recourante a certes pu prendre
connaissance du
rapport du groupe Impact, mais elle n'a pas eu la possibilité de
vérifier les
sources sur lesquelles s'appuyaient les auteurs de ce rapport. Ces
derniers
étayaient en effet leur conclusion sur vingt-cinq procès-verbaux
d'entretiens, dont ceux de dix-sept témoins, auxquels l'intéressée
n'a pas eu
accès.

Il est certes vraisemblable que des investigations concernant le
soupçon de
harcèlement soient plus aisées si les personnes appelées à témoigner
peuvent
bénéficier de la confidentialité, bien que celle-ci ne soit pas
expressément
garantie par l'arrêté du 23 juin 1999 qui leur assure uniquement
l'absence de
préjudice du fait de leur témoignage. Toutefois, cette
confidentialité ne
saurait être invoquée, sauf circonstances exceptionnelles non
alléguées en
l'espèce, à l'encontre du droit d'être entendu d'un fonctionnaire
menacé de
renvoi. Cela se justifie d'autant plus lorsque l'autorité se réfère
notamment
aux déclarations des témoins pour fonder sa décision concernant la
sanction
disciplinaire. En l'espèce, le Conseil d'Etat a lui-même eu accès aux
vingt-cinq procès-verbaux d'entretiens et les a analysés
attentivement,
puisqu'il affirme qu'ils sont conformes au résumé qui en est fait
dans le
rapport du groupe Impact. Cette constatation est plausible, mais elle
ne
remplace pas l'examen par la recourante des procès-verbaux des
témoignages,
en particulier ceux des trois témoins dont elle avait requis
l'audition. Dans
ces conditions, le refus d'autoriser la recourante à consulter les
procès-verbaux des témoins auditionnés par le groupe Impact constitue
une
limitation injustifiée de son droit à pouvoir se déterminer en toute
connaissance sur le rapport en cause.

2.4 En ce qui concerne les témoins requis, il s'agissait de deux
enseignants:
C.________, auquel la directrice de l'EPC aurait également montré les
épreuves d'examen, et D.________, qui aurait pu témoigner des
pressions
exercées sur les maîtres pour la fixation des notes, ainsi que d'une
élève de
la classe de la recourante, E.________. Alors que ces témoins ont été
entendus par le groupe Impact et que le Conseil d'Etat a pu prendre
connaissance de leurs dépositions, l'accès à ces témoignages devant
le groupe
Impact, de même que l'audition desdits témoins ont été refusés à la
recourante.

Après avoir annoncé qu'il attendrait le résultat des investigations
du groupe
Impact et qu'il n'était pas nécessaire d'entendre les témoins requis,
car ils
seraient certainement entendus dans le cadre de cette procédure, le
Conseil
d'Etat ne peut pas prétendre, après coup, qu'il s'estimait
suffisamment
renseigné par le rapport du Service de la formation professionnelle et
l'audition de la recourante, tous deux antérieurs au rapport du groupe
Impact, pour rendre sa décision. En effet, comme on l'a vu, ce
rapport et les
témoignages qu'il contient ont été déterminants pour constater qu'il
n'y
avait pas harcèlement psychologique. Dans la mesure où l'autorité
intimée
savait, au moment où elle a rendu sa décision, que la recourante
n'avait pas
eu connaissance des déclarations des trois témoins dont elle avait
requis
l'audition, son refus de donner suite à cette offre de preuve
pertinente
constitue une violation du droit d'être entendu de l'intéressée.

2.5 Au vu de ce qui précède, Y.________ s'est vue doublement
restreindre son
droit d'être entendue, ce qui n'était pas admissible dans les
circonstances
présentes. Il s'ensuit l'admission du recours pour ce motif, sans
qu'il soit
nécessaire d'examiner les autres moyens soulevés par la recourante, en
particulier le grief de déni de justice formel concernant son recours
auprès
du Département de l'économie, qui devient sans objet.

3.
Le recours doit par conséquent être admis et la décision attaquée être
annulée.

Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 156 al. 2 OJ).
L'autorité
intimée, qui succombe, devra, en revanche, verser à la recourante une
équitable indemnité pour ses dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et la décision rendue par le Conseil d'Etat du 12
février 2003 est annulée.

2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3.
L'Etat de Vaud versera à la recourante une indemnité de 2'500 fr. à
titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie à la mandataire de la
recourante et
au Conseil d'Etat du canton de Vaud.

Lausanne, le 9 juillet 2003

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.77/2003
Date de la décision : 09/07/2003
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-07-09;2p.77.2003 ?
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