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18/02/2003 | SUISSE | N°2A.362/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 18 février 2003, 2A.362/2001


{T 1/2}
2A.362/2001 /dxc

Arrêt du 18 février 2003
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Hungerbühler, Müller, Merkli, Zappelli, juge suppléant,
greffier Langone.

Banque Cantonale Vaudoise,
place St-François 14, 1002 Lausanne,
recourante, représentée par Me Guy Mustaki, avocat,
place Benjamin-Constant 2, case postale, 1002 Lausanne,

Baumgartner Papiers Holding SA,
agissant par Me François Kaiser, avocat, rue de la Grotte 6, case
postale
2480, 1002 Lausanne,

Baumgartner Papiers SA, 1023 Crissier,
agissant par Me François Kaiser, avocat, rue de la Grotte 6,
case postal...

{T 1/2}
2A.362/2001 /dxc

Arrêt du 18 février 2003
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Hungerbühler, Müller, Merkli, Zappelli, juge suppléant,
greffier Langone.

Banque Cantonale Vaudoise,
place St-François 14, 1002 Lausanne,
recourante, représentée par Me Guy Mustaki, avocat,
place Benjamin-Constant 2, case postale, 1002 Lausanne,

Baumgartner Papiers Holding SA,
agissant par Me François Kaiser, avocat, rue de la Grotte 6, case
postale
2480, 1002 Lausanne,
Baumgartner Papiers SA, 1023 Crissier,
agissant par Me François Kaiser, avocat, rue de la Grotte 6,
case postale 2480, 1002 Lausanne,
Fondation de prévoyance en faveur du personnel de Baumgartner Papiers
SA,
agissant par Me François Kaiser, avocat, rue de la Grotte 6,
case postale 2480, 1002 Lausanne,
Caisse de retraite de Baumgartner Papiers SA, 1023 Crissier,
agissant par Me François Kaiser, avocat, rue de la Grotte 6,
case postale 2480, 1002 Lausanne,
Grandjean Lisette, Devenoge Andrée, Grandjean Claude,
agissant par Claude Grandjean, Administrateur, 1326 Juriens,

contre

Chambre des offres publiques d'acquisition de la Commission fédérale
des
banques,
Schwanengasse 12, Postfach, 3001 Berne,
Commission des offres publiques d'acquisition (OPA), Selnaustrasse
32, 8021
Zürich,

Edelman Value Partners L.P., US-New York,
agissant par Me Christophe Buchwalder, avocat,
quai de la Poste 12, 1211 Genève 11,
Edelman Value Fund Ltd., LU-Luxembourg,
agissant par Me Christophe Buchwalder, avocat,
quai de la Poste 12, 1211 Genève 11,
Paper I Partners L.P., LU-Luxembourg,
agissant par Me Christophe Buchwalder, avocat,
quai de la Poste 12, 1211 Genève 11,
Paper II Partners L.P., LU-Luxembourg,
agissant par Me Christophe Buchwalder, avocat,
quai de la Poste 12, 1211 Genève 11,
The Wimbledon Fund Ltd., BS-Nassau,
agissant par Me Christophe Buchwalder, avocat,
quai de la Poste 12, 1211 Genève 11.

qualité de partie d'un groupe d'actionnaires pour requérir la
constatation de
l'obligation de présenter une offre publique d'acquisition aux
actionnaires
de Baumgartner Papiers Holding SA,

recours de droit administratif contre la décision de la Chambre des
offres
publiques d'acquisition de la Commission fédérale des banques du 4
juillet
2001.

Faits:

A.
La société Baumgartner Papiers Holding SA, dont le siège social est à
Crissier, possède un capital-actions de 13'000'000 fr. divisé en
130'000
actions nominatives d'une valeur nominale de 100 fr. chacune, qui
sont cotées
au marché principal de la SWX Swiss Exchange.

Les sociétés Edelman Value Partners L.P., à New York (USA), Edelman
Value
Fund Ltd, à Luxembourg, Paper I Partners L.P., à Luxembourg, Paper II
Partners L.P., à Luxembourg, et The Wimbledon Fund Ltd, à Nassau
(Bahamas)
(ci-après: le groupe Edelman) sont actionnaires de Baumgartner Papiers
Holding SA et détiennent ensemble 27,6% des droits de vote.

La Banque Cantonale Vaudoise, Baumgartner Papiers SA, la Fondation de
prévoyance en faveur du personnel de Baumgartner Papiers SA, la
Caisse de
retraite de Baumgartner Papiers SA, Claude et Lisette Grandjean
(ci-après: la
Banque Cantonale Vaudoise et consorts) sont également actionnaires de
Baumgartner Papiers Holding SA et détiennent globalement 33,9% des
droits de
vote.

B.
Le 29 janvier 2001, le groupe Edelman a demandé à la Commission des
offres
publiques d'acquisition (ci-après: la Commission des OPA) de
constater que la
Banque Cantonale Vaudoise et consorts formaient un groupe organisé et
devaient donc présenter une offre publique d'achat obligatoire aux
actionnaires de Baumgartner Papiers Holding SA, tout en précisant que
l'actionnaire Andrée Devenoge (détenant 3,6% des droits de vote)
devait être
considérée comme une personne proche de ce groupe.

Dans sa prise de position du 26 février 2001, la Banque Cantonale
Vaudoise
notamment a contesté qu'elle faisait partie d'un groupe organisé
d'actionnaires visant à contrôler Baumgartner Papiers Holding SA,
tout en
déniant au groupe Edelman la qualité de partie pour participer à la
procédure
engagée par la Commission des OPA portant sur l'existence d'une
éventuelle
obligation d'offre.

C.
Par recommandation du 2 avril 2001, la Commission des OPA a indiqué
que les
sociétés du groupe Edelman avaient qualité de parties dans la
procédure
tendant à la constatation de l'éventuelle obligation des actionnaires
Banque
Cantonale Vaudoise et consorts de présenter une offre publique
d'acquisition
aux actionnaires de Baumgartner Papiers Holding SA (chiffre 1); qu'à
l'échéance du délai de rejet de la présente recommandation, elle
transmettrait au groupe Edelman, dans le cadre d'un deuxième échange
d'écritures, notamment la prise de position de la Banque Cantonale
Vaudoise
du 26 février 2001 et qu'elle impartirait au groupe Edelman un délai
pour
poursuivre la procédure (chiffre 2); la présente recommandation serait
publiée sur le site Internet de la Commission des OPA avec la
recommandation
portant sur le fond (chiffre 3).
Par lettre du 6 avril 2001 adressée à la Commission des OPA, la Banque
Cantonale Vaudoise notamment a déclaré rejeter ladite recommandation.

D.
Statuant le 4 juillet 2001, la Chambre des offres publiques
d'acquisition de
la Commission fédérale des banques (ci-après: la Commission fédérale
des
banques) a confirmé que le groupe Edelman avait le statut de partie
pour
requérir la constatation par la Commission des OPA d'une éventuelle
obligation de présenter une offre publique d'acquisition à la charge
des
actionnaires Banque Cantonale Vaudoise et consorts, avec suite de
frais à la
charge de ces derniers.

E.
Agissant le 20 août 2001 par la voie du recours de droit
administratif, la
Banque Cantonale Vaudoise demande au Tribunal fédéral principalement
d'admettre le recours (I); d'annuler la décision de la Commission
fédérale
des banques du 4 juillet 2001 (II); de dire que la Commission des OPA
n'est
pas compétente pour rendre une recommandation sur l'existence d'une
obligation de présenter une offre publique d'achat (III); de dire que
les
sociétés membres du groupe Edelman n'ont pas qualité de parties dans
le cadre
d'une dénonciation à la Commission fédérale des banques tendant à la
constatation que la Banque Cantonale Vaudoise et consorts forment un
groupe
organisé et doivent présenter une offre obligatoire (IV) et de mettre
les
frais de la charge des sociétés du groupe Edelman, solidairement
entre elles
(V). Subsidiairement, la Banque Cantonale Vaudoise conclut à
l'admission du
recours (I); à l'annulation de la décision de la Commission fédérale
des
banques du 4 juillet 2001 (II); à ce que les sociétés du groupe
Edelman n'ont
pas qualité pour demander à la Commission des OPA de constater que la
Banque
Cantonale Vaudoise et consorts forment un groupe organisé et doivent
présenter une offre obligatoire (III); à ce que les sociétés membres
du
groupe Edelman n'ont pas qualité de parties dans le cadre d'une
dénonciation
à la Commission fédérale des banques tendant à la constatation que la
Banque
Cantonale Vaudoise et consorts forment un groupe organisé et doivent
présenter une offre obligatoire (IV) et à ce que les frais sont mis à
la
charge des sociétés du groupe Edelman, solidairement entre elles (V).

La Commission des OPA conclut implicitement au rejet du recours. Le
groupe
Edelman propose également de rejeter le recours. La Commission
fédérale des
banques conclut au rejet des conclusions principales et subsidiaires
du
recours en tant qu'elles sont recevables. Quant aux autres
actionnaires
consorts de la Banque Cantonale Vaudoise, ils ont renoncé à déposer
une
réponse, tout en précisant que le recours était bien fondé de sorte
qu'il
devait être admis dans ses conclusions principales et subsidiaires.

F.
Par ordonnance présidentielle du 20 septembre 2001, la requête d'effet
suspensif formulée par la recourante a été admise.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 128 II 13 consid. 1a, 46 consid. 2a, 56
consid. 1,
66 consid. 1 et les arrêts cités).

2.
Les conclusions du recours ne peuvent porter que sur l'objet du
litige (cf.
ATF 124 II 499 consid. 1c p. 502 et les références citées), soit en
l'espèce
la reconnaissance de la qualité de partie du groupe Edelman pour
requérir la
constatation par la Commission des OPA (qui ne s'est pas encore
prononcée sur
le fond) d'une éventuelle obligation de présenter une offre publique
d'acquisition pour la Banque Cantonale Vaudoise et consorts. Sont donc
irrecevables toutes les conclusions principales et subsidiaires qui
sortent
du cadre du présent litige.

3.
3.1Selon l'art. 97 OJ en relation avec l'art. 5 PA, la voie du
recours de
droit administratif est ouverte contre les décisions fondées sur le
droit
public fédéral - ou qui auraient dû l'être -, à condition qu'elles
émanent
des autorités énumérées à l'art. 98 OJ et pour autant qu'aucune des
exceptions prévues aux art. 99 à 102 OJ ou dans la législation
spéciale ne
soit réalisée (ATF 128 II 311 consid. 2, 259 consid. 1.2).

La décision attaquée, par laquelle la Commission fédérale des banques
a
reconnu la qualité de parties aux sociétés du groupe Edelman
(actionnaires
minoritaires) dans la procédure ouverte devant la Commission des OPA,
ne
constitue pas une décision partielle, dans la mesure où elle ne
tranche pas
définitivement une question de principe de droit matériel (cf. ATF
120 Ib 97
consid. 1b p. 99 et la jurisprudence citée). Il s'agit bien plutôt
d'une
décision incidente au sens de l'art. 101 let. a OJ, dès lors qu'elle
ne règle
qu'une question de procédure et ne représente qu'une étape vers la
décision
finale sur le fond, soit l'existence ou non d'une obligation de
présenter une
offre publique d'achat. Dans ce contexte, on peut toutefois relever
que les
recommandations ne peuvent porter en principe que sur les questions
matérielles relatives à l'obligation de présenter une offre ou à
l'octroi de
conditions et dérogations particulières (cf. art. 35 al. 1 et 2 de
l'ordonnance de la Commission fédérale des banques du 25 juin 1997
sur les
bourses et le commerce des valeurs mobilières [ordonnance de la CFB
sur les
bourses, OBVM-CFB; RS 954.193]). A contrario, il est donc douteux que
les
éventuelles questions de procédure préalables qui se posent à la
Commission
des OPA - comme c'est le cas en l'espèce - puissent faire l'objet
d'une
recommandation séparée du fond. On peut même se demander si une telle
façon
de faire est compatible avec une procédure simple et rapide telle que
voulue
par l'art. 55 de l'ordonnance de la Commission des OPA du 21 juillet
1997 sur
les offres publiques d'acquisition (ordonnance sur les OPA, OOPA; RS
954.195.1). Comme la Commission fédérale des banques a cependant
statué sur
la question de la qualité de partie, il convient d'examiner si la
décision
attaquée peut faire immédiatement l'objet d'un recours de droit
administratif
auprès du Tribunal fédéral.

3.2 Le recours de droit administratif n'est recevable - séparément du
fond -
à l'encontre d'une décision incidente qu'à la double condition que
cette voie
de droit soit ouverte contre la décision finale (art. 101 let. a OJ a
contrario) et que la décision incidente soit de nature à causer un
préjudice
irréparable au recourant (art. 45 al. 1 PA). A l'égard de cette
dernière
condition, la jurisprudence admet cependant qu'il suffit que le
recourant ait
un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit
immédiatement annulée ou modifiée (ATF 126 V 244 consid. 2a p. 246
ss; 125 II
613 consid. 2a; 124 V 82 consid. 2 p. 85; 122 II 204 consid. 1 p.
207, 211
consid. 1c p. 213; 120 Ib 97 consid. 1c p. 99; 116 Ib 344 consid. 1c
p. 347).

3.2.1 La première de ces conditions est réalisée, puisque la voie du
recours
de droit administratif est ouverte contre la décision finale de la
Commission
fédérale des banques (autorité de surveillance) portant sur
l'obligation ou
non de présenter une offre publique d'achat (art. 39 en relation avec
l'art.
32 de la loi fédérale du 24 mars 1995 sur les bourses et le commerce
des
valeurs mobilières [loi sur les bourses, LBVM; RS 954.1]).

3.2.2 Par ailleurs, la décision querellée est propre à causer un
préjudice
irréparable à la société recourante. Par recommandation du 2 avril
2001, la
Commission des OPA a, d'une part, reconnu la qualité de parties aux
sociétés
du groupe Edelman dans la procédure tendant à la constatation de
l'éventuelle
obligation des actionnaires Banque Cantonale Vaudoise et consorts de
présenter une offre publique d'acquisition aux actionnaires de
Baumgartner
Papiers Holding SA (chiffre 1) et, d'autre part, indiqué qu'à
l'échéance du
délai de rejet de la présente recommandation, elle transmettrait au
groupe
Edelman, dans le cadre d'un deuxième échange d'écritures, notamment
la prise
de position de la Banque Cantonale Vaudoise du 26 février 2001. Or la
qualité
de partie confère des garanties de procédure étendues telles que
l'accès au
dossier (voir ci-dessous, consid. 4). Dès lors, si la décision
attaquée
devait être confirmée, le groupe Edelman pourrait, en sa qualité de
partie,
avoir connaissance, entre autres pièces du dossier, de la prise de
position

du 26 février 2001 de la recourante. Or celle-ci ne s'est pas bornée,
dans
cette écriture, à contester la qualité de parties des actionnaires
minoritaires appartenant au groupe Edelman, mais a également fourni
des
informations notamment sur les relations qu'elle entretenait avec
d'autres
actionnaires de Baumgartner Papiers Holding SA. On peut donc
raisonnablement
admettre, contrairement à l'opinion de la Commission des OPA, qu'une
telle
écriture - qui n'est pas accessible au public - contient, du moins en
partie,
des informations confidentielles. La société recourante a donc un
intérêt
digne de protection à ce que ses observations ne soient pas
transmises au
groupe Edelman et donc que la décision attaquée soit immédiatement
annulée.
Une décision finale même favorable à la recourante ne pourrait pas
faire
disparaître complètement le dommage.

3.3 Interjeté dans un délai de dix jours dès la notification de la
décision
(art. 106 al. 1 OJ) et dans les formes prescrites par la loi, le
présent
recours est donc recevable.

3.4 Conformément à l'art. 104 let. a OJ, le recours de droit
administratif
peut être formé pour violation du droit fédéral, y compris l'excès et
l'abus
du pouvoir d'appréciation. Le Tribunal fédéral revoit d'office
l'application
du droit fédéral qui englobe notamment les droits constitutionnels du
citoyen
(ATF 128 II 56 consid. 2b; 126 V 252 consid. 1a p. 254). Comme il
n'est pas
lié par les motifs que les parties invoquent, il peut admettre le
recours
pour d'autres raisons que celles avancées par le recourant ou, au
contraire,
confirmer l'arrêt attaqué pour d'autres motifs que ceux retenus par
l'autorité intimée (art. 114 al. 1 in fine OJ; ATF 127 II 8 consid.
1b p. 12,
264 consid. 1b p. 268).

4.
4.1Selon l'art. 23 LBVM, l'autorité de surveillance, soit la
Commission
fédérale des banques, institue une Commission des OPA, composée
d'experts
représentant les négociants, les sociétés cotées en bourse et les
investisseurs. L'organisation et la procédure de la Commission des OPA
doivent être approuvées par l'autorité de surveillance (al. 1er); la
Commission des OPA veille au respect des dispositions applicables aux
offres
publiques d'acquisition. Elle peut demander aux offrants et aux
sociétés
visées tous les renseignements et les documents dont elle a besoin.
Elle
édicte des recommandations à l'adresse des personnes concernées et
peut les
publier (al. 3); en cas de rejet ou d'inobservation de ses
recommandations,
elle en informe l'autorité de surveillance. Celle-ci peut alors
rendre une
décision (al. 4). L'art. 32 al. 1 OBVM-CFB dispose que, sur demande,
la
Commission des OPA se prononce sur l'obligation de présenter une
offre (cf.
aussi art. 35 OBVM-CFB).
Aux termes de l'art. 53 al. 1 OOPA, l'offrant, les personnes qui
agissent de
concert avec lui et la société visée sont parties à la procédure
(devant la
Commission des OPA). Selon l'art. 54 OOPA, toute personne qui fait
valoir un
intérêt légitime direct peut intervenir dans la procédure et émettre
des
objections (al. 1er); ont notamment un intérêt légitime direct les
personnes
visées à l'art. 38 (les détenteurs d'au moins 5 pour cent des droits
de vote
exerçables ou non de la société visée; al. 2); les intervenants
s'expriment
en principe uniquement par écrit et sur la base des documents
publics. S'ils
font valoir un intérêt légitime à la consultation d'autres pièces du
dossier,
la Commission des OPA tranche en tenant compte de tous les intérêts
en cause
(al. 3). S'agissant des principes de procédure, l'art. 55 OOPA
prévoit que la
procédure respecte l'égalité de traitement et le droit d'être
entendu; les
modalités du droit d'être entendu sont fixées par la délégation de la
Commission des OPA, en tenant compte des principes dégagés de la
jurisprudence et de tous les intérêts en cause (al. 1). La procédure
est
simple et tient compte des brefs délais dans lesquels les
recommandations
doivent être édictées (al. 2); les recommandations sont brièvement
motivées
et sont notifiées aux parties (al. 4). La loi fédérale sur la
procédure
administrative n'est pas applicable à la procédure (devant la
Commission des
OPA; al. 5).

4.2 Bien qu'admettant que la loi sur la procédure administrative ne
soit pas
formellement et directement applicable à la Commission des OPA, la
Commission
fédérale des banques a reconnu la qualité de partie au groupe Edelman
devant
la Commission des OPA en se référant à l'art. 6 PA, aux termes duquel
"ont
qualité de parties les personnes dont les droits ou les obligations
pourraient être touchés par la décision à prendre, ainsi que les
autres
personnes, organisations ou autorités qui disposent d'un moyen de
droit
contre cette décision." A son avis, les art. 53 et 54 OOPA ne
feraient pas
obstacle à la reconnaissance de la qualité de partie des actionnaires
minoritaires, mais préciseraient seulement les modalités de
l'exercice des
droits attachés à cette qualité. Ainsi, l'art. 53 OOPA ne serait pas
applicable ici. Une telle argumentation - au demeurant difficile à
suivre -
n'est toutefois pas convaincante. D'une part, l'application de la loi
fédérale sur la procédure administrative devant la Commission des OPA
est
expressément exclue par l'art. 55 al. 5 OOPA. L'ordonnance sur les
OPA, qui
contient des règles de procédure propres, constitue en quelque sorte
une lex
specialis par rapport à la loi sur la procédure administrative. Il
est donc
difficilement concevable d'appliquer l'art. 6 PA - fût-ce par
analogie - pour
déterminer le cercle des parties à la procédure devant la Commission
des OPA.
On peut relever du reste que l'application de la loi fédérale sur la
procédure administrative ne serait guère compatible avec une
procédure simple
et rapide devant la Commission des OPA (art. 55 al. 2 OOPA). D'autre
part, et
quoi qu'en dise la Commission fédérale des banques, le texte clair de
l'art.
53 al. 1 OOPA ne désigne explicitement comme parties que l'offrant,
les
personnes qui agissent de concert avec lui et la société visée. En
tant que
simples actionnaires minoritaires de la société visée, les sociétés
du groupe
Edelman n'appartiennent à aucune de ces trois catégories de personnes
énumérées exhaustivement par cette disposition. Contrairement à ce que
soutient la Commission fédérale des banques dans ses observations, il
n'y a
aucun motif sérieux de retenir que les dispositions de procédure de
l'ordonnance sur les OPA - tels les art. 53 et 54 - ne
s'appliqueraient pas à
la constatation de l'existence ou non d'une obligation d'offre au
sens de
l'art. 32 LBVM, mais seulement dans le cadre du déroulement des offres
publiques d'acquisition. Et rien ne permet d'affirmer qu'en ce qui
concerne
la désignation des parties, l'ordonnance sur les OPA - édictée par la
Commission des OPA et approuvée par la Commission fédérale des
banques - soit
contraire à la loi sur les bourses ou à la Constitution ou qu'elle ne
reste
pas dans les limites des pouvoirs conférés par la loi (cf. art. 23,
28, 29
al. 3, art. 30 al. 2 et art. 31 al. 5 LBVM) à l'auteur de
l'ordonnance. Au
contraire, l'art. 53 OOPA est en harmonie avec l'art. 23 al. 3
deuxième
phrase LBVM prévoyant que la Commission des OPA peut demander aux
seuls
offrants et aux sociétés visées tous les renseignements et documents
dont
elle a besoin. De surcroît, il ne faut pas perdre de vue que la
procédure de
la Commission des OPA conduit à de simples recommandations et non à
des
décisions juridiquement contraignantes au sens de l'art. 5 PA et que
la loi
sur la procédure administrative prévoit elle-même à son art. 1er al.
1er
qu'elle n'est applicable qu'à la procédure dans les affaires
administratives
qui doivent être réglées par des décisions d'autorités
administratives au
sens de l'art. 5 PA. Ainsi donc, la Commission fédérale des banques a
violé
le droit fédéral en reconnaissant la qualité de partie au groupe
Edelman.
Celui-ci pouvait tout au plus participer à la procédure devant la
Commission
des OPA comme intervenant dans les limites de l'art. 54 OOPA,
disposition qui
prend suffisamment en compte les intérêts légitimes des actionnaires
minoritaires. La doctrine partage du reste cette opinion. Matthias
Feldmann
(L'obligation de présenter une offre publique d'acquisition à la
suite d'une
prise de contrôle, thèse Lausanne 1999, p. 163) dit clairement que si
les
détenteurs de titres de participation cotés peuvent exiger de la
Commission
des OPA qu'elle se prononce sur l'existence d'une obligation d'offre,
ils ne
revêtent cependant pas la qualité de parties dans cette procédure et
ne
bénéficient donc pas des droits correspondants tels que celui de
l'accès au
dossier. En revanche, ils ont en règle générale la qualité
d'intervenants et
partant le droit de présenter des observations. Dans l'hypothèse où la
Commission des OPA constate que les conditions d'une offre
obligatoire selon
l'art. 32 LBVM ne sont pas réunies, les détenteurs de participations
ne
peuvent pas saisir la Commission fédérale des banques sur la base de
l'art. 5
al. 1 OOPA (voir aussi Myriam Senn, Die Übernahmekommission nach dem
Börsengesetz, Entstehung-Rechtsnatur-Organisation-Ausblick, in PJA
1997 p.
1177 ss, plus spéc. p. 1182 ss; contra: Renate Wey/Lukas Huber, Aus
der
Praxis der Übernahmekommission, in RSDA 2001 p. 144 ss, plus spéc. p.
151
s.).
Certes, la question de la qualité de partie devant la Commission
fédérale des
banques doit être résolue sur la base de l'art. 6 PA, faute de règles
spécifiques dans la législation en matière de bourses (cf. art. 5 al.
3 in
fine OOPA). Contrairement à l'opinion de la Commission fédérale des
banques
et de la Commission des OPA, il n'est toutefois pas certain que tout
actionnaire minoritaire - soit en l'occurrence le groupe Edelman -
puisse
bénéficier devant la Commission fédérale des banques du statut de
partie au
sens de l'art. 6 PA dans le cadre d'une procédure en constatation de
l'existence ou non d'une obligation de présenter une offre. Cette
question
est d'ailleurs controversée en doctrine. Feldmann (op. cit., p. 164
s.)
soutient en effet qu'il faut dénier la qualité de parties aux simples
détenteurs de titres de participation cotés dans la mesure où, selon
lui, ils
ne seraient pas directement touchés par une éventuelle décision de la
Commission fédérale des banques en matière d'obligation de présenter
une
offre (contra: Renate Wey/Lukas Huber, op. cit., p. 151).
Si, comme l'affirme l'autorité intimée, le groupe Edelman avait de
toute
manière la qualité de partie devant la Commission fédérale des
banques sur la
base de l'art. 6 PA, on pourrait alors se demander s'il ne faudrait
pas aussi
la lui reconnaître devant la Commission des OPA. Il est vrai que des
inconvénients peuvent résulter du fait que la notion de partie est
plus
restrictive devant la Commission des OPA que devant la Commission
fédérale
des banques. Mais ces éventuels inconvénients ne suffisent pas pour
s'écarter
des dispositions claires de l'ordonnance sur les OPA. A noter du
reste que
sous l'empire de l'ancienne loi sur les cartels, le Tribunal fédéral
avait
jugé admissible une réglementation prévoyant que les intéressés ne
pouvaient
pas faire valoir tous les droits de partie découlant de la loi
fédérale sur
la procédure administrative devant la Commission des cartels qui
n'émettait
que de simples recommandations, alors qu'ils le pouvaient devant le
Département fédéral de l'économie publique habilité à rendre des
décisions.
Il soulignait que, même dans ce dernier cas, il fallait appliquer la
loi
fédérale sur la procédure administrative en tenant compte des
particularités
de la procédure en matière de cartels (cf. ATF 117 Ib 481 ss). Cette
jurisprudence peut s'appliquer ici par analogie: il y a lieu
d'interpréter
l'art. 6 PA à la lumière des dispositions d'organisation et de
procédure
particulières contenues dans la législation en matière boursière.
Quoi qu'il
en soit, il n'est pas nécessaire de trancher définitivement le point
de
savoir si le groupe Edelman aurait la qualité de partie devant la
Commission
fédérale des banques, du moment que le litige est ici limité à la
question de
la qualité de partie du groupe Edelmann devant la Commission des OPA.

4.3 En résumé, la décision attaquée doit être annulée pour les motifs
exposés
ci-dessus. Compte tenu de l'issue du litige, il est superflu
d'examiner les
autres griefs soulevés par la recourante.

5.
Vu ce qui précède, le recours de droit administratif doit être
partiellement
admis dans la mesure où il est recevable et la décision attaquée
annulée.
Succombant, les sociétés intimées du groupe Edelman doivent supporter
les
frais judiciaires, solidairement entre elles (art. 156 al. 1 et 7 OJ).
Obtenant gain de cause sur le principe, la recourante, assistée d'un
mandataire professionnel, a droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis dans la mesure où il est recevable
et la
décision du 4 juillet 2001 de la Chambre des offres publiques
d'acquisition
de la Commission fédérale des banques est annulée.

2.
Un émolument judiciaire de 10'000 fr. est mis à la charge des sociétés
intimées Edelman Value Partners L.P., à New York (USA), Edelman Value
Fund
Ltd, à Luxembourg, Paper I Partners L.P., à Luxembourg, Paper II
Partners
L.P., à Luxembourg, et The Wimbledon
Fund Ltd, à Nassau (Bahamas),
solidairement entre elles.

3.
Les sociétés Edelman Value Partners L.P., à New York (USA), Edelman
Value
Fund Ltd, à Luxembourg, Paper I Partners L.P., à Luxembourg, Paper II
Partners L.P., à Luxembourg, et The Wimbledon Fund Ltd, à Nassau
(Bahamas),
débitrices solidaires, verseront à la société recourante une
indemnité de
12'000 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties,
ainsi
qu'à la Chambre des offres publiques d'acquisition de la Commission
fédérale
des banques et à la Commission des offres publiques d'acquisition.

Lausanne, le 18 février 2003

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.362/2001
Date de la décision : 18/02/2003
2e cour de droit public

Analyses

Qualité de partie d'un groupe d'actionnaires minoritaires devant la Commission des OPA (art. 53 et 54 OOPA) dans le cadre d'une procédure visant à faire constater l'éventuelle obligation de présenter une offre publique d'achat; décision incidente; inapplicabilité de l'art. 6 PA devant la Commission des OPA. Constitue une décision incidente de nature à causer un préjudice irréparable à la recourante la décision par laquelle la Commission fédérale des banques a reconnu, à tort, le statut de partie devant la Commission des OPA à un groupe d'actionnaires minoritaires voulant faire constater qu'un autre groupe d'actionnaires - dont la recourante - avait l'obligation de présenter une offre publique d'achat (consid. 3). La qualité de partie devant la Commission des OPA - qui émet de simples recommandations - se détermine exclusivement d'après la disposition spéciale de l'art. 53 OOPA, et non au regard de l'art. 6 PA qui, en principe, s'applique devant la Commission fédérale des banques. La question - controversée - de savoir si un actionnaire minoritaire aurait la qualité de partie devant la Commission fédérale des banques sur la base de l'art. 6 PA a été laissée indécise (consid. 4).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-02-18;2a.362.2001 ?
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