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12/06/2002 | SUISSE | N°2A.178/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 12 juin 2002, 2A.178/2002


{T 1/2}
2A.178/2002 /dxc

Arrêt du 12 juin 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Hungerbühler et Yersin,
greffier Dubey.

Municipalité de Bassins, 1269 Bassins,
recourante, représentée par Me Marc-Etienne Favre, avocat, case
postale 3149,
1002 Lausanne,

contre

La Poste, Service juridique, Viktoriastrasse 21, 3030 Berne,
Commission de recours du Département fédéral de l'environnement, des
transports, de l'énergie et de la communication, Schwarztorstrass

e
59, Case
postale 336,
3000 Berne 14.

décision de fermeture de l'office postal de Bassins

(recours ...

{T 1/2}
2A.178/2002 /dxc

Arrêt du 12 juin 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Hungerbühler et Yersin,
greffier Dubey.

Municipalité de Bassins, 1269 Bassins,
recourante, représentée par Me Marc-Etienne Favre, avocat, case
postale 3149,
1002 Lausanne,

contre

La Poste, Service juridique, Viktoriastrasse 21, 3030 Berne,
Commission de recours du Département fédéral de l'environnement, des
transports, de l'énergie et de la communication, Schwarztorstrasse
59, Case
postale 336,
3000 Berne 14.

décision de fermeture de l'office postal de Bassins

(recours de droit administratif contre la décision de la Commission de
recours du Département fédéral de l'environnement, des transports, de
l'énergie et de la communication, du 5 mars 2002)
Faits:

A.
En janvier 2001, le Conseil d'administration de La Poste Suisse
(ci-après: la
Poste) a informé l'Administration communale de Bassins (ci-après: la
Municipalité) qu'il entendait réorienter le réseau postal. Il
exposait en
particulier que les "offices P" devraient être remplacés par une forme
d'exploitation alternative qui n'était pas encore décidée, pareille
décision
devant être prise au cas par cas dans les années à venir. Au mois
d'août
2001, la Poste et la Municipalité ont eu des entretiens sur ce sujet.
Il
était question notamment de trouver un partenaire pour exploiter une
agence
postale sous contrat avec la Poste et moyennant rémunération.

Le 7 novembre 2001, la Poste a adressé à la Municipalité le courrier
suivant:
"Sans nouvelle de votre part au sujet de l'éventuelle mise en place
d'une
agence, la commission ad hoc a examiné le
dossier du service postal de votre localité et a
pris sa décision. Cette dernière confirme
la proposition de la Région Ouest, à savoir le
service à domicile.
Comme cela a été relevé dans le procès-verbal du résultat de l'étude,
vous
désiriez encore examiner la
variante de l'agence en établissant un partenariat.
La décision de l'entreprise étant prise, nous devons maintenant
réaliser le
changement au 1er février 2002
comme cela est signifié dans la communication.
Cette date ne pourra pas être reportée et je vous prie de me
communiquer
jusqu'au 20 novembre prochain
votre décision, soit l'organisation d'une agence ou
l'abandon de ce projet par les autorités
communales".
Un courrier daté du même jour également adressé par la Poste à la
Municipalité exposait ce que signifiait la solution "service à
domicile" et
les modalités de mise en oeuvre de ce service. Le 20 novembre 2001, la
Municipalité informait la Poste qu'elle n'envisageait plus la
variante de
l'agence et se contentait d'un service à domicile.

B.
Le 22 janvier 2002, la Municipalité a déposé un recours "contre la
décision
de fermeture de l'office postal de Bassins" auprès du Tribunal
administratif
du canton du Vaud, qui a été transmis à la Commission de recours du
Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie
et de la
communication (ci-après: la Commission de recours). La Municipalité ne
pouvait accepter les justificatifs de la Poste et les délais imposés
par
cette dernière sans possibilité de recours auprès d'un organe neutre.

Par décision du 5 mars 2002, la Commission de recours a déclaré le
recours
irrecevable. L'annonce de fermeture du bureau poste de Bassins
constituait
une mesure d'organisation interne de la Poste ne répondant pas à la
définition légale de décision attaquable. En outre, les courriers de
la Poste
avaient été communiqués à la Municipalité le 12 novembre 2001, en
sorte que
le recours déposé le 22 janvier 2002 était tardif.

C.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, la
Municipalité
demande au Tribunal fédéral, avec suite de frais et dépens, d'annuler
la
décision de la Commission de recours du 5 mars 2002, de renvoyer la
cause
pour nouveau jugement dans le sens des considérants et,
subsidiairement, de
réformer la décision en ce sens que le bureau de poste de la Commune
de
Bassins est maintenu.

La Commission de recours et la Poste concluent au rejet du recours.

D.
La requête d'effet suspensif, respectivement de mesures
provisionnelles,
présentée par la Municipalité a été rejetée par ordonnance du
Président de la
IIe Cour de droit public du 13 mai 2002.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 128 II 13 consid. 1a p. 16, 46 consid. 2a p.
47).

1.1 Selon l'art. 97 OJ en relation avec l'art. 5 PA, la voie du
recours de
droit administratif est ouverte contre les décisions fondées sur le
droit
public fédéral, à condition qu'elles émanent des autorités énumérées
à l'art.
98 OJ et pour autant qu'aucune des exceptions prévues aux art. 99 à
102 OJ ou
dans la législation spéciale ne soit réalisée. Ces conditions sont
remplies
en l'espèce. La décision attaquée, qui se fonde sur les art. 5 et 50
PA, a
été rendue par la Commission de recours (art. 98 lettre e OJ). Aucune
des
exceptions prévues aux art. 99 à 102 OJ ou dans la législation
spéciale n'est
réalisée.

1.2 Les collectivités de droit public telles que les communes ont
qualité
pour exercer le recours de droit administratif lorsqu'une disposition
de
droit fédéral le prévoit (art. 103 lettre c OJ). Elles ont en outre
qualité
pour agir dans les cas où elles sont touchées directement de la même
manière
qu'un particulier, ainsi que dans ceux où, touchées dans leurs
attributions
de détentrices de la puissance publique, elles font valoir un intérêt
digne
de protection à l'annulation ou à la modification de la décision
attaquée
(art. 103 lettre a OJ). A cet égard, l'intérêt général à l'application
correcte du droit fédéral ne suffit pas à leur conférer la qualité
pour
recourir (ATF 124 II 293 consid. 3b p. 304 et les références citées).
En
l'espèce, en tant que cliente du bureau de poste en cause et en tant
que
collectivité publique touchée d'une manière générale par la fermeture
de la
poste (cf. à cet égard, ATF 123 II 371 consid. 2c p. 374 s.), la
recourante à
intérêt à l'empêcher, de sorte qu'elle dispose de la qualité pour
exercer le
recours de droit administratif.

1.3 Les conclusions du présent recours ne peuvent porter que sur
l'objet du
litige, soit l'existence ou non d'une décision attaquable et le
respect du
délai de recours devant la Commission de recours qui ne s'est pas
prononcée
sur le fond (cf. ATF 124 II 499 consid. 1c p. 502 et les références
citées).
Elles sont donc irrecevables en tant qu'elles demandent la réforme de
la
décision attaquée, en ce sens que le bureau de poste de la Commune de
Bassins
serait maintenu.

1.4 Pour le reste, déposé en temps utile (art. 106 OJ) et dans les
formes
requises (art. 108 OJ), le présent recours est recevable.

2.
Le recours de droit administratif peut être formé pour violation du
droit
fédéral, y compris l'abus ou l'excès du pouvoir d'appréciation (art.
104
lettre a OJ). Le Tribunal fédéral vérifie d'office l'application du
droit
fédéral, sans être lié par les motifs invoqués par les parties (art.
114 al.
1 in fine OJ). Lorsque le recours est dirigé, comme en l'espèce,
contre la
décision d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral est lié par
les faits
constatés dans la décision, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou
incomplets ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles
de
procédure (art. 104 lettre b et 105 al. 2 OJ).

3.
La Commission de recours a déclaré irrecevable le recours déposé le 22
janvier 2002 "contre la décision de fermeture de l'office postal de
Bassins",
parce qu'à son avis, l'annonce de la fermeture d'un bureau de poste
constitue
une mesure d'organisation interne de la Poste qui ne répond pas à la
définition légale de décision attaquable. Dans la première partie de
son
recours de droit administratif, la recourante tente de démontrer le
contraire. Cette question n'a toutefois pas besoin d'être tranchée,
dès lors
que le recours doit de toute façon être rejeté pour un autre motif.

4.
Dans la deuxième partie de son mémoire, la recourante reproche à la
Commission de recours d'avoir agi de manière manifestement arbitraire
et
contraire aux garanties de procédure de l'art. 35 PA en retenant
qu'elle
aurait dû agir dans un délai de trente jours à compter de la
réception de la
correspondance du 7 novembre 2001, puisque la Poste soutiendrait
elle-même
qu'il ne s'agissait pas d'une décision et que les deux courriers
datés du 7
novembre ne rempliraient pas les conditions formelles d'un tel acte,
en
particulier s'agissant de l'indication des voies de droit.

4.1 Aux termes de l'art. 50 PA, le recours doit être déposé dans les
trente
jours ou, s'il s'agit d'une décision incidente, dans les dix jours
dès la
notification de la décision. La décision, objet du recours, doit à
cet égard
indiquer les voies de droit (art. 35 al. 1 PA).

4.2 A supposer que la fermeture d'un bureau de poste constitue une
décision
au sens de l'art. 5 PA, le recours déposé devant le Tribunal
administratif du
canton de Vaud le 22 janvier 2002 et dûment transmis (art. 21 al. 2
PA) à la
Commission de recours est tardif. Certes, les courriers du 7 novembre
2001
n'indiquaient pas de voies de droit contrairement au prescrit de
l'art. 35
al. 1 PA. Toutefois, même si une disposition légale prévoit
expressément
qu'une décision - à supposer encore une fois qu'il s'agisse bien d'une
décision - doit contenir une indication de la voie de droit ouverte à
son
encontre, on peut attendre du justiciable qui entend attaquer cette
décision
et n'a reçu aucune indication, qu'il se renseigne auprès d'un avocat
ou de
l'autorité qui a statué. Chacun sait en effet que les décisions
deviennent
définitives si elles ne sont pas attaquées dans un certain délai;
l'absence
de toute indication incite naturellement à se renseigner sans
attendre. La
règle de la bonne foi s'applique aussi au justiciable qui ne saurait
être
protégé en cas de faute de sa part. On ne peut donc admettre, en
pareille
situation, qu'un recours soit déposé dans n'importe quel délai (ATF
121 II 72
consid. 2a p. 78; 119 IV 330 consid. 1c p. 334 et la jurisprudence
citée). La
durée de ce délai dépend des circonstances du cas d'espèce; il faut
cependant
admettre que trente jours est un délai de recours usuel en droit
suisse (ATF
119 IV 330 consid. 1c p. 334).

4.3 En l'espèce, on pouvait attendre de la recourante - qui rend
d'ailleurs
aussi des décisions sujettes à recours dans sa propre activité -
qu'elle
examine avant l'écoulement d'un délai de 30 jours dès la notification
des
courriers du 7 novembre 2001 et qu'elle n'agisse pas seulement le 22
janvier
2002, si elle voulait s'y opposer. En effet, en tant que pure
manifestation
de volonté de la Poste destinée à être divulguée à des tiers,
l'annonce de
fermeture d'un bureau de poste est un acte soumis à réception. Sa
réception a
lieu dès que ses destinataires, dont la recourante, en ont pris
connaissance.
Sous cet angle, l'un des courriers du 7 novembre 2001 mentionnait en
toutes
lettres que "la commission ad hoc (...) a pris sa décision" et le
contenu de
cette décision "à savoir le service à domicile". L'autre courrier en
exposait
les conséquences et les modalités pratiques. La portée des courriers
du 7
novembre 2001 ne pouvait par conséquent échapper à la Municipalité;
elle ne
le prétend d'ailleurs pas. Au demeurant, le sens de ces courriers ne
lui
avait pas échappé puisque, dans un courrier subséquent daté du 20
novembre
2001, elle affirmait "se contenter d'un service à domicile (...) à
partir du
1er février 2002". Dans ces conditions, la recourante devait s'en
tenir au
délai de recours usuel de trente jours, qu'elle n'a manifestement pas
respecté, ou pour le moins agir plus vite qu'elle ne l'a fait.

Par conséquent, en déclarant le recours de la Municipalité
irrecevable pour
tardiveté, la Commission de recours a correctement appliqué le droit
fédéral.

5.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours dans la
mesure
où il est recevable.

Succombant, la recourante doit supporter les frais judiciaires (art.
156 al.
1, 153 et 153a OJ) et n'a pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument de justice de 3'000 fr. est mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la
recourante, à La
Poste et à la Commission de recours du Département fédéral de
l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication.

Lausanne, le 12 juin 2002

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.178/2002
Date de la décision : 12/06/2002
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-06-12;2a.178.2002 ?
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