{T 0/2}
1A.204/2001/dxc
Arrêt du 22 février 2002
Ire Cour de droit public
Les juges fédéraux Aeschlimann, juge présidant la Cour,
Féraud, Fonjallaz,
greffier Thélin.
X.________, recourant, représenté par Me Louis-Marc Perroud, avocat,
case
postale 538, 1701 Fribourg,
contre
Office de la circulation et de la navigation du canton de Fribourg,
route de
Tavel 10, 1700 Fribourg,
Tribunal administratif du canton de Fribourg, IIIe Cour
administrative, 1762
Givisiez.
protection des données
(recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal
administratif du
canton de Fribourg du 6 novembre 2001)
Faits:
Le Tribunal fédéral considère en fait et en droit:
1.
L'«Auto-Index» est une liste des détenteurs de véhicules automobiles
du
canton de Fribourg, que chacun peut acquérir et consulter, établie
sur la
base de données transmises à l'éditeur par l'Office de la circulation
et de
la navigation de ce canton. Le 29 mars 1999, X.________ s'est adressé
à
l'Office afin d'obtenir qu'à l'avenir, les renseignements le
concernant ne
soient plus communiqués au public et, en particulier, qu'ils ne
figurent plus
dans l'Auto-Index. Il redoutait un risque pour sa sécurité et celle
de ses
proches, compte tenu qu'il exerce la profession de garde du corps et
transporteur de fonds, et qu'une entreprise de cette branche avait
récemment
subi une prise d'otage au Tessin.
Après un échange de correspondance, par décision du 20 mai 1999,
l'Office a
rejeté la requête au motif que son auteur n'invoquait aucun intérêt
suffisant, au regard de l'art. 20 al. 1 de la loi fédérale sur la
protection
des données (LPD; RS 235.1), pour s'opposer à la communication des
renseignements en cause.
X. ________ a déféré ce prononcé au Tribunal administratif du canton
de
Fribourg; statuant le 6 novembre 2001, cette juridiction a rejeté le
recours.
2.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, X.________
requiert
le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif et
d'ordonner
le blocage des renseignements le concernant. Il tient l'arrêt attaqué
pour
contraire aux législations fédérale et cantonale sur la protection des
données.
Invité à répondre, le Tribunal administratif a renoncé à déposer des
observations. L'Office cantonal propose le rejet du recours; il
indique
qu'une cause semblable, concernant un autre détenteur de véhicule, est
actuellement pendante devant la Commission fédérale de la protection
des
données, et il exprime le souhait que les deux litiges connaissent un
sort
judiciaire identique.
3.
Le recours de droit administratif est ouvert contre les décisions
cantonales
de dernière instance fondées sur le droit public fédéral (art. 97, 98
let. g
OJ), ou qui auraient dû être fondées sur ce droit, à condition
qu'aucune des
exceptions légales ne soit réalisée. Le recours de droit
administratif est
également recevable contre des décisions fondées à la fois sur le
droit
cantonal ou communal et sur le droit fédéral, dans la mesure où la
violation
de dispositions de droit fédéral directement applicables est en jeu.
Le
Tribunal fédéral examine aussi, dans le cadre de cette procédure, les
mesures
prises en vertu de dispositions cantonales d'exécution du droit
fédéral
dépourvues de portée indépendante; il examine en outre les mesures
prises sur
la base d'autres dispositions cantonales, lorsque celles-ci
présentent un
rapport de connexité suffisamment étroit avec les questions de droit
fédéral
à élucider (ATF 124 II 409 consid. 1d/dd p. 414; voir aussi ATF 125
II 10
consid. 2a p. 13, 123 II 231 consid. 2 p. 233, 122 II 274 consid. 1a
p. 277).
Indépendamment des autres règles fédérales ou cantonales à prendre en
considération, l'arrêt attaqué met en cause les art. 104 al. 5 de la
loi
fédérale sur la circulation routière (LCR; RS 741.01), prévoyant que
la liste
des détenteurs de véhicules peut être publiée, et 126 al. 1 de
l'ordonnance
réglant l'admission des personnes et des véhicules à la circulation
routière
(OAC; RS 741.51), d'après lequel le nom et l'adresse du détenteur
d'une
plaque de contrôle peuvent être communiqués à chacun; il s'agit de
dispositions de droit fédéral directement applicables.
4.
Le recours de droit administratif est irrecevable si un autre recours
peut
être exercé au préalable (art. 102 let. d OJ). Il est donc nécessaire
d'examiner si le recourant aurait pu saisir la Commission fédérale de
la
protection des données, à titre d'autorité de recours selon l'art. 33
al. 1
let. b ou d LPD. Aucun échange de vues ne doit intervenir avec la
Commission,
car cette autorité ne se prononce pas en dernière instance; au
contraire, ses
décisions sont ensuite susceptibles de recours au Tribunal fédéral
(art. 97,
98 let. e OJ; ATF 126 II 126 consid. 3 p. 129).
4.1 L'art. 33 al. 1 let. b LPD concerne les décisions des organes
fédéraux en
matière de protection des données; ces organes sont les autorités et
services
fédéraux et, en outre, les personnes chargées de tâches de la
Confédération
(art. 3 let. h LPD). Les autorités et services des cantons n'ont pas
qualité
d'organe fédéral, au sens de cette disposition, même lorsqu'ils
appliquent le
droit fédéral dont l'exécution est confiée aux cantons (ATF 122 I 153
consid.
2d p. 156).
4.2 L'art. 33 al. 1 let. d LPD vise les décisions cantonales de
dernière
instance prises en application de dispositions de droit public fédéral
relatives à la protection des données. Il s'agit des dispositions de
la loi
fédérale qui sont, le cas échéant, applicables selon l'art. 37 LPD
(Renata
Jungo, Kommentar zum schweizerischen Datenschutzgesetz, n. 12 ad art.
33
LPD), et celles d'autres lois ou ordonnances concernant la protection
des
données dans un domaine déterminé, tel que, par exemple, le droit des
étrangers ou celui des assurances sociales (message du Conseil
fédéral du 23
mars 1988, FF 1988 II 421, p. 489 in medio).
Certaines parties de la loi fédérale sur la protection des données, en
particulier l'art. 20 LPD relatif à l'opposition à la communication de
données personnelles, sont applicables aux organes des cantons lorsque
ceux-ci agissent en exécution du droit fédéral, s'ils ne sont pas
soumis à
des dispositions cantonales de protection des données (art. 37 al. 1
LPD). Il
est nécessaire, à ce sujet, d'examiner le champ d'application des
règles
cantonales qui entrent en considération, et, en outre, de vérifier que
celles-ci assurent, dans le cas concret, une protection comparable à
celle
prévue par la législation fédérale (Beat Rudin, même ouvrage, n. 16
et 22 à
30 ad art. 37 LPD). Or, le canton de Fribourg a adopté, le 25
novembre 1994,
une loi sur la protection des données (LPD frib.), laquelle
s'applique aux
services de l'administration cantonale et comporte, à son art. 11,
des
clauses analogues à celles des art. 19 al. 4 et 20 LPD; à première
vue, c'est
donc cette législation cantonale, à l'exclusion des dispositions
fédérales
précitées, qui était déterminante.
Quoi qu'il en soit, l'arrêt attaqué constitue de toute manière, comme
on l'a
vu, une décision d'application des art. 104 al. 5 LCR et 126 al. 1
OAC. Ces
dispositions spécifiques appartiennent elles aussi au droit fédéral
de la
protection des données, selon l'art. 33 al. 1 let. d LPD, et, par
conséquent,
au domaine de compétence de la Commission. Le recours aurait donc dû
être
formé devant cette autorité, de sorte qu'il est irrecevable devant le
Tribunal fédéral; il doit être transmis à l'autorité compétente
conformément
à l'art. 96 al. 1 OJ (ATF 121 II 248 consid. 1c p. 251).
5.
A l'instar du recours de droit administratif au Tribunal fédéral, le
recours
à la Commission peut être formé pour violation du droit fédéral, y
compris
les droits constitutionnels (art. 49 let. a PA, correspondant à
l'art. 104
let. a OJ; ATF 125 II 1 consid. 2a p. 5, 124 V 90 consid. 3 p. 92,
121 II 235
consid. 1 p. 237/238; Zimmerli/Kälin/Kiener, Grundlagen des
öffentlichen
Verfahrensrechts, Berne 1997, p. 95). La Commission élucidera donc la
portée
des art. 104 al. 5 LCR et 126 al. 1 OAC et, au besoin, celle d'autres
dispositions légales fédérales; s'il se confirme que le traitement des
données personnelles concernant le recourant est régi, en
l'occurrence, par
la loi cantonale du 25 novembre 1994, la Commission contrôlera
l'application
de cette loi au regard de la protection contre l'arbitraire assurée
par
l'art. 9 Cst., ou de celle conférée, la cas échéant, par d'autres
garanties
constitutionnelles.
6.
En raison de l'issue de la procédure entreprise devant le Tribunal
fédéral,
un émolument judiciaire réduit est mis à la charge du recourant.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours de droit administratif est irrecevable.
2.
La cause est transmise à la Commission fédérale de la protection des
données,
comme objet de sa compétence.
3.
Le recourant acquittera un émolument judiciaire de 1'000 fr.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, à
l'Office de la circulation et de la navigation et au Tribunal
administratif
du canton de Fribourg, IIIe Cour administrative, au Préposé fédéral à
la
protection des données, à l'Office fédéral des routes, ainsi qu'à la
Commission fédérale de la protection des données.
Lausanne, le 22 février 2002
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le juge présidant: Le greffier: