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22/07/2016 | FRANCE | N°15/0019

France | France, Tribunal de grande instance de Montpellier, 1ère chambre b - chambre de la famille, 22 juillet 2016, 15/0019


TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

1ère Chambre B _ CHAMBRE DE LA FAMILLE

Jugement du 22 Juillet 2016
Numéro de RG/ 15/ 0019
1ère B CONTENTIEUX
AFFAIRE : X... C/ M. PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE

JUGEMENT
PARTIE DEMANDERESSE
Madame Y..., Marie-Gabrielle, Z... Véronique X... Née le 11 Novembre 1968 a PARIS 14 (75014), demeurant...-34400 LUNEL

Représentée par Maître Michèle ARNOLD de Ia SELARL ARNOLD MICHELE, avocats postulants au barreau de MONTPELLIER et par Maître Cl © lia RICHARD, avocat plaidant au barreau de PARIS
PARTI

E DEFENDERESSE
Monsieur le Procureur de la République du tribunal de grande instance de Montpellier,...

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

1ère Chambre B _ CHAMBRE DE LA FAMILLE

Jugement du 22 Juillet 2016
Numéro de RG/ 15/ 0019
1ère B CONTENTIEUX
AFFAIRE : X... C/ M. PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE

JUGEMENT
PARTIE DEMANDERESSE
Madame Y..., Marie-Gabrielle, Z... Véronique X... Née le 11 Novembre 1968 a PARIS 14 (75014), demeurant...-34400 LUNEL

Représentée par Maître Michèle ARNOLD de Ia SELARL ARNOLD MICHELE, avocats postulants au barreau de MONTPELLIER et par Maître Cl © lia RICHARD, avocat plaidant au barreau de PARIS
PARTIE DEFENDERESSE
Monsieur le Procureur de la République du tribunal de grande instance de Montpellier, sis Place Pierre Flotte 34965 MONTPELLIER CEDEX 2
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :
Président : Madame SIBUE, Assesseur : Madame YOUL-PAILHES, vice-présidente Assesseur : Madame JIMENEZ, Juge Greffier : Madame TAZROUT lors des débats et de Marjorie NEBOUT tors du délibéré

Procureur : Monsieur REDON
DEBATS : Les débats ont eu lieu à l'audience du 24 Mars 2016, hors la présence du public, au cours de laquelle le président a fait un rapport oral de l'affaire
MISE EN DELIBERE au 26 Mai 2016 et prorogé au 22 Juillet 2016
JUGEMENT du 22 Juillet 2016 prononcé par le président, qui l'a signé avec le greffier.
Par assignation délivrée au Procureur de la République le 31 juillet 2015, Mme Clarisse X... a saisi la Chambre du Conseil du Tribunal de Grande instance de Montpellier d'une demande de transcription d'un acte de reconnaissance qu'elle a souscrit auprès d'un notaire en date du 14 mars 2014, concernant l'enfant A... née le 18 mars 2014 de son épouse Nathalie B....
Au terme de ses dernières conclusions signifiées ie 3 février 2016, Clarisse X... fonde son action sur les articles 316 et suivants du Code Civil et sur la Convention Européenne des Droits de l'Homme et demande en outre la désignation d'un administrateur ad hoc pour représenter l'enfant à l'instance.
Elle fait principalement valoir que, née de sexe masculin le 11 novembre 1968 elle a obtenu du Tribunal de Grande instance de Montpellier par jugement du 3 février 2011 la modification de son état civil, le tribunal ayant constaté l'irréversibilité de son appartenance au sexe féminin sans qu'aucune opération de réassignation sexuelle n'ait été exigée ni pratiquée.
Antérieurement à cette décision de justice, elle avait contracté mariage avec Nathalie B..., le 14 août 1999 et de leur union était nés deux enfants : C... en 2000 et D... en 2004.
Exposant que l'enfant A... est issue des oeuvres charnelles des deux épouses, et qu'elle a procédé à une reconnaissance prénatale de l'enfant, Clarisse X... demande au tribunal d'ordonner la transcription de cette reconnaissance sur l'acte de naissance de A..., pour que sa filiation soit établie a l'égard de ses deux parentes, car il n'y a pas d'autre solution juridique : d'une part la présomption de paternité du mari de la mère ne peut pas trouver application, puisque du fait de son changement de sexe, elle n'est plus le mari mais la femme de la mère et d'autre part l'adoption de l'enfant de son épouse ne peut pas intervenir non plus puisque la mère ne veut pas consentir à l'adoption de sa fille souhaitant que sa filiation réelle soit établie.
Elle précise que l'acte de reconnaissance est régulier en la forme et qu'il est efficace puisqu'il s'agit d'établir la réalité de la filiation d'un enfant, en dehors de la conception de la mère gestatrice reprise par le Code Civil, puisque A... est issue de l'oeuvre de deux femmes, par un processus biologique entièrement naturel, sans intervention de tiers ni recours à une quelconque assistance médicale, que la maternité est ici dédoublée et la paternité évincée.
Clarisse X... rajoute que l'opposition du Ministère Public à sa demande constitue une application erronée du droit de la filiation et une violation des principes fondamentaux établis par la Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales notamment du droit au respect de la vie privée de A... B... et de Clarisse X... prévus par son article 8.
Au terme de ses conclusions signifiées le 23 novembre 2015, le Ministère Public s'oppose à la demande car l'établissement d'une double filiation maternelle n'est permise dans notre droit qu'en cas d'adoption et que la revendication par Clarisse X..., personne trans-identitaire et mère non gestatrice, d'une reconnaissance de maternité prénatale est contraire à la loi.
Il suggère à la requérante de procéder à une adoption plénière de l'enfant de son épouse, avec transmission du nom X... afin, d'assurer l'équilibre de la fratrie seule solution conforme au droit en vigueur dans le respect des libertés fondamentales et rappelle que le tribunal peut toujours passer outre au refus de la mère, Nathalie B..., s'il estime ce refus abusif.
La clôture de la procédure a été ordonnée le 15 février 2016.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de rabat de l'ordonnance de clôture

Dans ses dernières conclusions Clarisse X... demande la réouverture des débats pour permettre au tribunal de recevoir ses conclusions tardives qui contiennent des arguments complémentaires indispensables à la défense de ses intérêts.
ll convient de relever que la demanderesse a signifié ses dernières conclusions le 3 février 2016, antérieurement à l'ordonnance de clôture qui a été rendue le 15 février.
Il n'y a donc pas lieu à réouverture des débats.
Sur la demande de désignation d'un administrateur ad hoc pour l'enfant A... B...
La représentation du mineur en justice résulte des droits et devoirs que possèdent les parents sur l'enfant en vue d'assurer sa protection, et la désignation d'un administrateur « ad hoc » est prévue dans le cas où, " dans une procédure, les intérêts d'un mineur apparaissent en opposition avec ceux de ses représentants légaux " selon l'article 3882 du Code Civil.
Faute pour Clarisse X... d'avoir attrait à l'instance son épouse Nathalie B... qui est la seule représentante légale de l'enfant A..., elle doit être déclarée irrecevable en sa demande de désignation d'un administrateur ad hoc pour l'enfant sur laquelle elle n'a aucun droit.
Sur la transcription de l'acte de reconnaissance de maternité non gestatrice
ll est tout d'abord indispensable de rappeler que la création d'un être humain procède de la rencontre d'un ovocyte (principe féminin) et d'un spermatozoïde (principe masculin) et qu'il est donc impossible que deux personnes de même sexe soient les parents biologiques d'un enfant.
C'est la raison pour laquelle, hors, bien entendu, le cas de l'adoption qui est la création d'un lien de filiation effective notre droit ne reconnaît pas l'établissement de deux liens de filiation maternelle ou paternelle, exigeant que le premier soit contesté avant de pouvoir établir le second, en se fondant sur la réalité de la filiation.
En ce qui concerne la maternité, cette réalité est biologique et se prouve par la gestation et l'accouchement.
En ce qui concerne le père, cette réalité est sociale et résulte soit de la présomption de paternité du mari de la mère, soit de la reconnaissance de paternité et elle ne devient biologique qu'en cas de contestation de ce lien de filiation.
Clarisse X... ne peut donc pas établir sa maternité sur A... par reconnaissance, dès lors qu'elle n'en a pas accouché et que son épouse est la mère biologique de cette enfant, d'autant plus qu'elle prétend que cette enfant est biologiquement issue de ses spermatozoïdes, ce qui ne peut correspondre en droit qu'à une filiation paternelle, à savoir le droit au respect de sa vie privée et le droit à l'absence de discrimination fondée notamment sur le sexe, à raison de sa transidentité.
ll faut cependant noter que ces principes ont été particulièrement respectés puisque le jugement du 3 février 2011 a fait droit à sa demande de changement de sexe au motif que son appartenance au sexe féminin était irréversible, en se fondant sur les éléments médicaux versés aux débats et en tenant compte de son apparence sociale et que plusieurs possibilités lui sont offertes par le Code Civil pour parvenir à établir un lien de filiation avec l'enfant.
Par l'acte de procréation masculine qu'elle revendique, Clarisse X... a fait le choix de revenir de façon unilatérale sur le fait qu'elle est désormais reconnue comme une personne de sexe féminin, et elle doit en assumer les conséquences à savoir soit procéder à une reconnaissance de paternité sur l'enfant et revenir dans son sexe masculin d'origine soit engager une procédure d'adoption plénière de l'enfant de sa conjointe et rester dans son sexe féminin, solution que préconise d'ailleurs le Ministère Public dans le respect des principes fondamentaux énoncés ci-dessus ainsi que de l'intérêt de l'enfant.
ll convient en conséquence de débouter Clarisse X... de sa demande.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL,
statuant publiquement après débats en Chambre du Conseil, par jugement contradictoire et en premier ressort,
- DIT n'y avoir lieu a réouverture des débats
DÉBOUTE en conséquence Clarisse X... de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture
Vu les articles 388-1, 311-25 et suivants du Code Civil, 8 et 14 de la Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales
Vu l'acte authentique de reconnaissance de maternité souscrit le 14 mars 2014 par Clarisse X... sur l'enfant à naître dont son épouse Nathalie B... était enceinte
Vu la naissance de A... le 18 mars 2014 dont la mère est Nathalie B...
DÉCLARE Clarisse X... irrecevable en sa demande de désignation d'un administrateur ad hoc pour représenter l'enfant A... B... à la présente instance
DÉBOUTE Clarisse X... de sa demande de transcription sur les registres de l'état civil de sa reconnaissance de maternité sur l'enfant A... qui a pour mère Nathalie B...
REJETTE toute autre demande plus ample ou contraire
CONDAMNE la demanderesse qui succombe aux entiers dépens.


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Montpellier
Formation : 1ère chambre b - chambre de la famille
Numéro d'arrêt : 15/0019
Date de la décision : 22/07/2016

Analyses

Deux personnes de même sexe ne pouvant être les parents biologiques d'un enfant, notre droit, hors le cas de l'adoption, ne reconnaît pas l'établissement de deux liens de filiation maternelle ou paternelle, exigeant que le premier soit contesté avant de pouvoir établir le second, en se fondant sur la réalité de la filiation. En ce qui concerne la maternité, cette réalité est biologique et se prouve par la gestation et l'accouchement. En ce qui concerne le père, cette réalité est sociale et résulte soit de la présomption de paternité du mari de la mère, soit de la reconnaissance de paternité et elle ne devient biologique qu'en cas de contestation de ce lien de filiation. Une personne devenue femme suivant jugement faisant droit à sa demande de changement de sexe ne peut donc pas établir sa maternité par reconnaissance sur l'enfant dont son épouse est la mère biologique dès lors qu'elle n'en a pas accouché, d'autant plus qu'elle prétend que cette enfant est biologiquement issue de ses spermatozoïdes, ce qui ne peut correspondre en droit qu'à une filiation paternelle. Ses droits fondamentaux au respect de sa vie privée et à l'absence de discrimination fondée notamment sur le sexe, à raison de sa trans-identité, reconnus dans les article 8 et 14 de la Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales ont été respectés puisque le jugement précité a constaté que son appartenance au sexe féminin était irréversible, en se fondant sur des éléments médicaux et en tenant compte de son apparence sociale et que plusieurs possibilités lui sont offertes par le Code Civil pour parvenir à établir un lien de filiation avec l'enfant. Par l'acte de procréation masculine qu'elle revendique, elle a fait le choix de revenir de façon unilatérale sur le fait qu'elle est désormais reconnue comme une personne de sexe féminin et elle doit en assumer les conséquences, à savoir, soit procéder à une reconnaissance de paternité sur l'enfant et revenir dans son sexe masculin d'origine, soit engager une procédure d'adoption plénière de l'enfant de sa conjointe et rester dans son sexe féminin, solution que préconise d'ailleurs le Ministère Public dans le respect des principes fondamentaux ainsi que de l'intérêt de l'enfant.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.montpellier;arret;2016-07-22;15.0019 ?
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