Numéro de dossier 38372
Juges : Moldaver, Michael J.; Karakatsanis, Andromache; Brown, Russell; Rowe, Malcolm; Martin, Sheilah
En appel de Terre-Neuve-et-Labrador
L’appel interjeté contre l’arrêt de la Cour d’appel de Terre-Neuve-et-Labrador, numéro 201701H0018, 2018 NLCA 59, daté du 17 octobre 2018, a été entendu le 22 mars 2019 et la Cour a prononcé oralement le même jour le jugement suivant :
Le juge Moldaver — Le présent appel de plein droit vise un arrêt de la Cour d’appel de Terre-Neuve-et-Labrador. Nous devons décider si les juges majoritaires de ce tribunal ont fait erreur en annulant l’acquittement prononcé en faveur de l’appelant à l’égard d’une accusation d’agression sexuelle au terme d’un procès devant juge et jury, et en ordonnant un nouveau procès. La question particulière qu’il faut trancher consiste à décider si les juges majoritaires de la Cour d’appel ont erronément conclu que la juge du procès avait commis une erreur en refusant de donner au jury des directives sur l’al. 273.1(2) c) du Code criminel, L.R.C. 1985, c. C-46 , disposition qui précise que le consentement du plaignant ne se déduit pas dans les cas où l’accusé l’incite à l’activité sexuelle par abus de confiance ou de pouvoir.
Nous sommes d’avis de rejeter le pourvoi, essentiellement pour les motifs exposés par la majorité de la Cour d’appel.
L’alinéa 273.1(2) c) a pour objet [traduction] « [l]a protection des personnes faibles et vulnérables ainsi que la préservation du droit de consentir librement à une activité sexuelle » (R. c. Hogg (2000), 148 C.C.C. (3d) 86 (C.A. Ont.), par. 17). Inciter quelqu’un à donner son consentement par abus de relations comme celles mentionnées à l’al. 273.1(2) c) n’implique pas le même type de coercition que celle envisagée à l’al. 265(3) d) du Code criminel , qui vise les cas de consentement obtenu lorsque le plaignant se soumet ou ne résiste pas en raison de l’« exercice de l’autorité ». En fait, comme l’a fait remarquer le juge Doherty dans R. c. Lutoslawski, 2010 ONCA 207, 258 C.C.C. (3d) 1 : [traduction] « Un individu qui est dans une situation où il a la confiance d’une autre personne peut se servir des sentiments personnels et de la confiance engendrés par cette relation pour obtenir un consentement apparent à l’activité sexuelle » (par. 12).
Eu égard aux faits de la présente affaire, nous estimons qu’il aurait été loisible au jury de conclure que, en abusant de la confiance qui lui était accordée et du pouvoir dont il disposait, l’accusé a profité de la plaignante — qui était très ivre et vulnérable — en utilisant les sentiments personnels et la confiance engendrés par leur relation pour obtenir son consentement apparent à l’activité sexuelle. Des directives sur l’al. 273.1(2) c) s’imposaient donc. Par conséquent, nous sommes d’avis de rejeter le pourvoi.