Répertorié : R. c. Cody
No du greffe : 37310.
en appel de la cour d’appel de Terre‑neuve‑et‑Labrador
Traduction française officielle
Procureur général de l’Ontario, procureure générale du Québec, procureur général du Manitoba, procureur général de la Colombie-Britannique, procureur général de l’Alberta, directeur des poursuites criminelles et pénales et Criminal Lawyers’ Association of Ontario, Intervenants
Coram : Les juges Abella, Moldaver, Karakatsanis, Wagner, Gascon, Côté et Brown
Motifs de jugement (par. 1 à 75) : La Cour
Arrêt : Le pourvoi est accueilli et l’arrêt des procédures est rétabli.
En l’espèce, le délai était déraisonnable et le droit garanti à C par l’al. 11b) de la Charte a en conséquence été violé. La Cour d’appel a mal appliqué l’arrêt Jordan. Entre le moment où C a été accusé et la date à laquelle son procès de cinq jours devait commencer, cinq années complètes se sont écoulées. Tant le ministère public que la défense et le système ont contribué à ce délai. Selon le cadre d’analyse établi dans l’arrêt Jordan, chaque acteur au sein du système judiciaire a la responsabilité de s’assurer que les procédures criminelles se déroulent de manière compatible avec le droit de l’inculpé d’être jugé dans un délai raisonnable. C’est ce cadre qui régit dorénavant l’analyse requise pour l’application de l’al. 11b) et, à l’instar des prescriptions de tout autre précédent de la Cour, il doit être suivi et il ne saurait être infirmé ou écarté à la légère. Correctement appliqué, ce cadre accorde déjà suffisamment de souplesse, en plus de prévoir la période de transition requise pour que le système de justice criminelle puisse s’adapter.
Une fois calculé le délai total entre le dépôt des accusations et la conclusion réelle ou anticipée du procès selon le cadre établi dans Jordan, il faut en soustraire le délai imputable à la défense. Le délai imputable à la défense comporte deux volets : le délai que la défense renonce à invoquer et le délai qui résulte de la conduite de cette dernière. Le seul délai imputable à la défense qui peut être déduit en vertu du deuxième volet est un délai qui est causé uniquement ou directement par l’accusé et découle d’une action prise illégitimement par la défense dans la mesure où elle ne vise pas à répondre aux accusations. Dans ce contexte, l’illégitimité d’une conduite n’équivaut pas nécessairement à une faute professionnelle ou éthique, mais tire plutôt son sens du changement de culture exigé dans Jordan. La détermination de la légitimité de la conduite de la défense est une décision qui présente un caractère discrétionnaire élevé et à l’égard de laquelle les tribunaux d’appel doivent faire montre d’un degré de déférence similairement élevé. La notion de conduite de la défense vise autant le fond que la procédure — la décision de prendre une mesure, ainsi que la manière dont celle‑ci est exécutée, sont toutes deux susceptibles d’examen. Pour déterminer si une action de la défense a été prise légitimement en vue de répondre aux accusations, les circonstances entourant l’action ou la conduite peuvent donc être prises en considération. Le nombre total des demandes présentées par la défense, leur solidité, leur importance, la proximité des plafonds établis dans Jordan, le respect de toutes les exigences en matière de préavis ou de dépôt et la présentation de ces demandes dans les délais impartis constituent autant de considérations pertinentes qui peuvent être prises en compte. Indépendamment de son bien‑fondé, une action de la défense peut être considérée illégitime si elle vise à retarder l’instance ou encore si elle témoigne d’une inefficacité ou indifférence marquées à l’égard des délais.
Au‑delà de la comptabilisation rétrospective du délai, il faut que toutes les personnes associées au système de justice criminelle adoptent une approche proactive afin d’empêcher de tels délais et de les réduire au minimum. Les juges de première instance devraient proposer des moyens d’instruire plus efficacement les demandes et requêtes légitimes et utiliser leurs pouvoirs de gestion des instances, et ils ne devraient pas hésiter à rejeter sommairement des demandes dès qu’il apparaît évident qu’elles sont frivoles.
Une fois que le délai imputable à la défense a été soustrait, le délai net doit ensuite être comparé au plafond présumé applicable établi dans Jordan. Si le délai net dépasse le plafond, il est présumé déraisonnable. Pour réfuter cette présomption, le ministère public doit établir la présence de circonstances exceptionnelles, lesquelles se divisent en deux catégories : les événements distincts et les affaires particulièrement complexes. À l’instar du délai imputable à la défense, les événements distincts donnent lieu à la déduction quantitative de certaines périodes. Cependant, la complexité d’une affaire requiert une appréciation qualitative et elle ne peut être utilisée pour déduire des portions précises du délai. La complexité ne constitue une circonstance exceptionnelle que dans les cas où l’affaire dans son ensemble est particulièrement complexe. Le délai qui a été causé par une seule étape isolée présentant des aspects complexes ne doit pas être déduit suivant cette catégorie.
Il est possible de tenir compte de considérations d’ordre transitoire comme troisième forme de circonstances exceptionnelles dans les cas où l’instance était déjà en cours lorsque l’affaire Jordan a été tranchée. Tout comme le critère de la complexité de l’affaire, l’application de la mesure transitoire exceptionnelle implique une appréciation qualitative. La nature exceptionnelle de la « mesure transitoire exceptionnelle » ne repose pas sur le fait qu’elle s’applique rarement, mais plutôt sur le fait qu’elle s’applique temporairement pour justifier des délais qui excèdent le plafond parce que les parties se sont raisonnablement conformées au droit tel qu’il existait auparavant. Le degré général de diligence manifesté par les parties, la gravité de l’infraction et l’absence de préjudice sont tous des facteurs qui doivent être pris en considération selon ce qui convient dans les circonstances.
En l’espèce, le délai total s’élevait à environ 60,5 mois, total dont il faut déduire la période à laquelle C a renoncé (13 mois). Il faut ensuite déduire deux autres périodes au titre des délais imputables à la défense : le délai résultant du premier changement d’avocat de C (1 mois) et le délai résultant de la demande de récusation de C (2,5 mois). Une fois ces périodes déduites, le délai s’établit à 44 mois, ce qui dépasse le délai de 30 mois établi dans Jordan, et constitue donc un délai présumé déraisonnable.
En ce qui a trait aux circonstances exceptionnelles, les délais suivants doivent être déduits en tant qu’événements distincts : la nomination de l’ancien avocat de C à la magistrature (4,5 mois) et une partie du délai découlant de la situation liée à la communication de la preuve suivant l’arrêt McNeil qui a surgi (3 mois). Le délai net est donc de 36,5 mois. Malgré la preuve volumineuse qui a été communiquée, la présente affaire ne saurait être qualifiée de particulièrement complexe.
Vu les conclusions du juge de première instance portant qu’il y a eu effectivement un préjudice réel et substantiel et que la conduite de C n’était pas incompatible avec le désir que le procès se tienne dans les meilleurs délais, le ministère public n’est pas en mesure de démontrer que le délai net était justifié parce qu’il serait conforme à l’état antérieur du droit. Au contraire, les conclusions tirées par le juge de première instance en vertu du cadre établi dans Morin militent plutôt en faveur de l’arrêt des procédures. Dans les cas où la mise en balance des facteurs requise par ce cadre favorise le prononcé d’un arrêt des procédures, le ministère public ne réussira que rarement, voire jamais, à justifier le délai en invoquant la mesure transitoire exceptionnelle prévue par le cadre énoncé dans Jordan.
Jurisprudence
Arrêt appliqué : R. c. Jordan, 2016 CSC 27, [2016] 1 R.C.S. 631; arrêts mentionnés : R. c. Morin, [1992] 1 R.C.S. 771; Canada (Procureur général) c. Bedford, 2013 CSC 72, [2013] 3 R.C.S. 1101; Carter c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 5, [2015] 1 R.C.S. 331; R. c. McNeil, 2009 CSC 3, [2009] 1 R.C.S. 66; R. c. Dixon, [1998] 1 R.C.S. 244; R. c. Kutynec (1992), 7 O.R. (3d) 277; R. c. Vukelich (1996), 108 C.C.C. (3d) 193; R. c. Williamson, 2016 CSC 28, [2016] 1 R.C.S. 741.
Lois et règlements cités
Charte canadienne des droits et libertés, art. 7 , 11b).
POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de Terre‑Neuve‑et‑Labrador (les juges Welsh, White et Hoegg), 2016 NLCA 57, 365 C.R.R. (2d) 111, [2016] N.J. No. 357 (QL), 2016 CarswellNfld 405 (WL Can.), qui a annulé l’arrêt des procédures ordonné par le juge Burrage, 2014 NLTD(G) 161, 359 Nfld. & P.E.I.R. 123, 1117 A.P.R. 123, [2014] N.J. No. 395 (QL), 2014 CarswellNfld 399 (WL Can.), et renvoyé l’affaire pour qu’elle soit jugée. Pourvoi accueilli.
Michael Crystal et Frank Addario, pour l’appelant.
Croft Michaelson, c.r., et Vanita Goela, pour l’intimée.
Tracy Kozlowski, pour l’intervenant le procureur général de l’Ontario.
Stéphane Rochette et Abdou Thiaw, pour l’intervenante la procureure générale du Québec.
Ami Kotler, pour l’intervenant le procureur général du Manitoba.
Trevor Shaw, pour l’intervenant le procureur général de la Colombie‑Britannique.
David A. Labrenz, c.r., pour l’intervenant le procureur général de l’Alberta.
Nicolas Abran et Daniel Royer, pour l’intervenant le directeur des poursuites criminelles et pénales.
Megan Savard, pour l’intervenante Criminal Lawyers’ Association of Ontario.
Version française du jugement rendu par
La Cour —
I. Introduction
[1] Dans l’arrêt R. c. Jordan, 2016 CSC 27, [2016] 1 R.C.S. 631, la Cour a constaté l’existence d’une culture de complaisance à l’égard des délais dans le système de justice criminelle. Les difficultés sur les plans théorique et pratique qui affligeaient le cadre d’analyse alors applicable au droit d’être jugé dans un délai raisonnable garanti aux inculpés par l’al. 11b) de la Charte canadienne des droits et libertés ont contribué à cette culture. Ce pourvoi illustre une fois de plus pourquoi un changement est nécessaire. Entre le moment où l’appelant James Cody a été accusé d’infractions liées aux drogues et aux armes et la date à laquelle son procès de cinq jours devait commencer (date antérieure à l’arrêt Jordan de notre Cour), cinq années complètes se sont écoulées. Comme nous l’expliquerons plus loin, tant le ministère public que la défense et le système ont contribué à ce délai. Cela nous amène à réitérer ce que notre Cour a précisé dans Jordan, à savoir que chaque acteur au sein du système judiciaire a la responsabilité de s’assurer que les procédures criminelles se déroulent de manière compatible avec le droit de l’inculpé d’être jugé dans un délai raisonnable.
[2] Appliquant l’ancien cadre d’analyse établi dans R. c. Morin, [1992] 1 R.C.S. 771, le juge de première instance a conclu à la violation du droit que l’al. 11b) de la Charte garantit à M. Cody, et il a ordonné l’arrêt des procédures. Les juges majoritaires de la Cour d’appel de Terre‑Neuve‑et‑Labrador ont infirmé cette décision et ont renvoyé l’affaire pour qu’elle soit jugée. M. Cody se pourvoit maintenant de plein droit devant notre Cour.
[3] Un certain nombre des procureurs généraux provinciaux qui sont intervenus ont demandé à la Cour de modifier le cadre d’analyse établi dans Jordan afin de permettre une plus grande souplesse dans la déduction et la justification des délais. Mais l’arrêt Jordan a été rendu il y a moins d’un an. À l’instar de tout autre précédent de notre Cour, cet arrêt doit être suivi et il ne saurait être infirmé ou écarté à la légère (Canada (Procureur général) c. Bedford, 2013 CSC 72, [2013] 3 R.C.S. 1101, par. 38; Carter c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 5, [2015] 1 R.C.S. 331, par. 44). C’est le cadre énoncé dans Jordan qui régit dorénavant l’analyse requise pour l’application de l’al. 11b) et, correctement appliqué, ce cadre accorde déjà suffisamment de souplesse, en plus de prévoir la période de transition requise pour que le système de justice criminelle puisse s’adapter.
[4] Après avoir appliqué ce cadre d’analyse, nous concluons qu’en l’espèce le délai était déraisonnable. La Cour d’appel a mal appliqué l’arrêt Jordan. En conséquence, nous sommes d’avis d’accueillir le pourvoi et de rétablir l’ordonnance du juge de première instance prononçant l’arrêt des procédures engagées contre M. Cody.
II. Faits
[5] Le 12 janvier 2010, M. Cody a été arrêté dans le cadre de l’[traduction] « Opération Razorback », une enquête en matière de trafic de drogue. Même si M. Cody n’était pas un suspect dans cette enquête, il se trouvait avec l’une des principales cibles de cette enquête lorsque cette personne a été arrêtée, et il a lui aussi été arrêté. La fouille du véhicule de M. Cody a permis d’y découvrir un demi‑kilogramme de marijuana, un kilogramme de cocaïne et un pistolet à impulsion électrique.
[6] Monsieur Cody a été inculpé de deux chefs de possession en vue de trafic, d’un chef de possession d’une arme prohibée et d’un chef de possession d’une arme alors que cela lui était interdit. Il a été libéré sous caution le lendemain. Quelques autres personnes ont également été accusées par suite de l’enquête.
[7] Cinq mois après l’arrestation de M. Cody, soit le 30 juin 2010, le ministère public a fait savoir qu’il était prêt à communiquer sa preuve. En raison de l’enquête connexe plus large, la preuve qui devait être communiquée était volumineuse, soit plus de 20 000 pages figurant sur deux CD. Cependant, le ministère public a d’abord demandé à l’avocat de M. Cody de signer un engagement qui aurait interdit la reproduction électronique des CD. L’avocat de M. Cody a refusé, comme l’ont fait les avocats d’autres accusés.
[8] Trois mois et trois visites au tribunal plus tard, les parties se trouvaient toujours dans une impasse. Les avocats de la défense ont demandé la communication forcée de la preuve. La question a été renvoyée en gestion d’instance, au terme de laquelle a été inscrite, le 30 septembre 2010, une ordonnance sur consentement intimant à M. Cody de signer son propre engagement afin de pouvoir obtenir une copie des CD. Neuf mois après l’arrestation de ce dernier, la preuve a été communiquée à son avocat, le 18 octobre 2010.
[9] Le 29 novembre 2010, M. Cody a changé d’avocat, ce qui a retardé d’un mois — du 11 mars 2011 au 7 avril 2011 — la tenue de son enquête préliminaire. Il a ensuite renoncé à invoquer un délai d’un an allant jusqu’au 2 avril 2012.
[10] Le 1er mai 2012, le début du procès de M. Cody — qui devait durer cinq jours — a été fixé au 5 novembre 2012. Cette période a par la suite été réservée plutôt pour l’audition d’une demande sollicitant l’exclusion, en vertu de la Charte , des éléments de preuve découverts dans le véhicule de M. Cody au moment de son arrestation.
[11] Le 3 septembre 2012, le deuxième avocat de M. Cody a été nommé juge de la Cour provinciale. En conséquence, les dates prévues pour l’audition de la demande fondée sur la Charte ont été annulées et, après trois visites au tribunal, l’audition de cette demande a été fixée au 6 mai 2013. En raison d’une erreur dans l’établissement du calendrier, la défense a renoncé à invoquer environ un mois de ce délai.
[12] Le vendredi précédant la date où devait être entendue la demande fondée sur la Charte , le ministère public a informé l’avocate représentant maintenant M. Cody que des allégations d’inconduite avaient été formulées contre l’un des policiers ayant participé à l’Opération Razorback. En prévision de la communication, sur la base de l’arrêt R. c. McNeil, 2009 CSC 3, [2009] 1 R.C.S. 66, de la preuve concernant les allégations, l’audition de la demande fondée sur la Charte a été reportée. La preuve en question a été communiquée à la fin de juin 2013 et les parties étaient alors disposées à procéder à la fin du mois en question, mais le tribunal n’était pas en mesure de tenir une audience pendant l’été. Comme l’avocate de la défense n’était pas disponible en septembre 2013, l’audience a finalement eu lieu en octobre 2013. Les motifs écrits de la décision rejetant la demande fondée sur la Charte ont été déposés le 20 décembre 2013.
[13] En janvier 2014, le ministère public a avisé l’avocate de M. Cody de l’existence d’une erreur dans l’exposé conjoint des faits utilisé dans le cadre de la demande présentée en vertu de la Charte en vue d’obtenir l’exclusion des éléments de preuve. L’avocate de M. Cody a déposé une demande sollicitant l’arrêt des procédures ou l’annulation du procès, au motif que les droits garantis à M. Cody par l’art. 7 de la Charte auraient été violés en raison de l’erreur que comportait l’exposé conjoint des faits. À la fin du mois d’avril 2014, cette demande a été rejetée, l’erreur a été supprimée des motifs du juge de première instance accompagnant la décision initiale sur la demande fondée sur la Charte , et le voir‑dire a été rouvert pour permettre à M. Cody de contre‑interroger le policier dont les notes avaient été utilisées pour rédiger l’exposé. L’avocate de M. Cody a alors indiqué qu’il était possible qu’elle présente, sur la base de l’al. 11b) de la Charte , une demande invoquant une atteinte au droit de M. Cody d’être jugé dans un délai raisonnable. Le 26 juin 2014, le tribunal a confirmé sa décision initiale rejetant la demande d’exclusion de la preuve qu’avait présentée M. Cody en vertu de la Charte .
[14] Par la suite, invoquant l’existence d’une crainte raisonnable de partialité, l’avocate de M. Cody a déposé une demande de récusation. Cette demande a été rejetée le 10 septembre 2014. Suivant les dates qui avaient été fixées, le procès devait commencer le 26 janvier 2015, mais la demande de M. Cody fondée sur l’al. 11b) de la Charte a été entendue à la fin de novembre 2014 et accueillie le 19 décembre 2014.
III. Décisions des juridictions inférieures
A. Cour suprême de Terre‑Neuve‑et‑Labrador — Division de première instance (le juge Burrage), 2014 NLTD(G) 161, 359 Nfld. & P.E.I.R. 123
[15] Parce que le juge de première instance a rendu sa décision avant que notre Cour ne dépose ses motifs dans l’affaire Jordan, il a appliqué l’ancien cadre d’analyse énoncé dans l’arrêt Morin. Il a fait remarquer que le délai total qui s’était écoulé entre le dépôt des accusations contre M. Cody et la date fixée pour le procès de ce dernier était d’environ 60,5 mois. Il a attribué approximativement 13 mois à la renonciation de la défense à invoquer une portion du délai, ainsi que 17,5 mois aux délais inhérents au dossier et 6 mois aux actions de M. Cody. Il restait donc un délai total d’environ 19 mois imputable aux actions du ministère public et aux délais institutionnels. Ce délai était supérieur au délai de 16 à 18 mois que prévoyaient les lignes directrices de l’arrêt Morin pour un procès en cour supérieure[1].
[16] Pour ce qui est de la question du préjudice, le juge de première instance a conclu que M. Cody avait subi [traduction] « effectivement un préjudice réel et substantiel » (par. 191). Plus précisément, le juge a indiqué que M. Cody était assujetti à des conditions de mise en liberté sous caution qui restreignaient sa liberté, que celui‑ci souffrait de détresse psychologique et d’anxiété et qu’il avait perdu son emploi en raison des restrictions imposées à sa capacité de voyager. Le juge de première instance a également inféré que le passage du temps pourrait entraîner une atteinte au droit de M. Cody à un procès équitable. De plus, il a estimé que rien dans la conduite de M. Cody ne tendait à indiquer que ce dernier retardait délibérément l’instance. Soulignant l’importance d’une appréciation globale, le juge de première instance a conclu que le préjudice subi par M. Cody en raison du délai écoulé l’emportait sur l’intérêt de la société à la tenue d’un procès au fond. En conséquence, il a statué qu’il y avait eu violation du droit garanti à M. Cody par l’al. 11b) et il a ordonné l’arrêt des procédures.
B. Cour suprême de Terre‑Neuve‑et‑Labrador — Cour d’appel (les juges Welsh, White (dissident) et Hoegg), 2016 NLCA 57, 365 C.R.R. (2d) 111
[17] Pendant que la Cour d’appel délibérait sur l’appel du ministère public visant l’ordonnance d’arrêt des procédures prononcée par le juge du procès, notre Cour a rendu sa décision dans Jordan. M. Cody et le ministère public ont par la suite déposé auprès de la Cour d’appel des observations écrites sur la portée de cet arrêt.
[18] Les juges majoritaires ont accueilli l’appel. Appliquant le cadre d’analyse établi dans Jordan, ils ont relevé un certain nombre de circonstances exceptionnelles concernant principalement la communication de la preuve, la situation imprévue liée à l’arrêt McNeil et l’erreur figurant dans l’exposé conjoint des faits. Après avoir tenu compte de ces déductions, ils ont calculé que le délai net s’établissait à environ 16 mois, délai bien inférieur au plafond présumé. Ils ont en conséquence annulé l’arrêt des procédures et renvoyé l’affaire pour qu’elle soit jugée.
[19] Le juge dissident aurait pour sa part confirmé l’arrêt des procédures. Considérant l’affaire dans son ensemble, il a souligné que le délai de cinq ans qui s’est écoulé avant qu’un procès de cinq jours ne soit mis au rôle contrevenait à la promesse formulée à l’al. 11b) concernant la tenue des procès dans un délai raisonnable. Il a exprimé son désaccord avec les juges majoritaires sur l’attribution de plusieurs portions du délai à des circonstances exceptionnelles, et il a conclu que la mesure transitoire exceptionnelle n’est pas censée être appliquée pour justifier un délai qui aurait été déraisonnable suivant le cadre d’analyse énoncé dans Morin. Finalement, après avoir pris en compte les délais imputables à la défense et les circonstances exceptionnelles, il est arrivé à un délai de plus de 39 mois, délai qui dépassait considérablement le plafond présumé et commandait l’arrêt des procédures.
IV. Analyse
A. Le cadre d’analyse établi dans Jordan
[20] Le nouveau cadre d’analyse établi dans l’arrêt Jordan pour déterminer s’il y a eu atteinte au droit de l’inculpé d’être jugé dans un délai raisonnable repose sur deux plafonds présumés : 18 mois pour les affaires instruites devant une cour provinciale et 30 mois pour celles instruites devant une cour supérieure (Jordan, par. 46).
[21] La première étape de l’analyse prévue par ce cadre commence par le « calcul du délai total entre le dépôt des accusations et la conclusion réelle ou anticipée du procès » (Jordan, par. 60). En l’espèce, une dénonciation a été déposée contre M. Cody le 12 janvier 2010, et, selon les dates qui avaient été fixées pour la tenue de son procès, celui-ci devait se terminer le 30 janvier 2015. Il en découle donc un délai total d’environ 60,5 mois.
[22] Une fois le délai total calculé, « il faut en soustraire le délai imputable à la défense » (Jordan, par. 60). Le résultat de ce calcul — ou délai net — doit ensuite être comparé au plafond présumé qui s’applique. La suite de l’analyse « dépend de la question de savoir si le reste du délai — c’est‑à‑dire le délai qui n’a pas été causé par la défense — se situe au‑delà de ou en deçà du plafond présumé » (Jordan, par. 67 (en italique dans l’original)).
[23] Si le délai net est inférieur au plafond,
il incombe à la défense de démontrer le caractère déraisonnable du délai. Pour ce faire, elle doit prouver (1) qu’elle a pris des mesures utiles qui font la preuve d’un effort soutenu pour accélérer l’instance, et (2) que le procès a été nettement plus long qu’il aurait dû raisonnablement l’être. [En italique dans l’original.]
(Jordan, par. 48)
[24] Si le délai net dépasse le plafond,
il est présumé déraisonnable. Pour réfuter cette présomption, le ministère public doit établir la présence de circonstances exceptionnelles. S’il ne peut le faire, le délai est déraisonnable et un arrêt des procédures doit suivre.
(Jordan, par. 47)
[25] Lorsque le dépôt des accusations est antérieur à l’arrêt Jordan, et que le délai est toujours présumé déraisonnable après que le délai imputable à la défense a été déduit et que les circonstances exceptionnelles ont été examinées et prises en compte, il demeure néanmoins possible au ministère public de démontrer que le délai peut être justifié par application de la mesure transitoire exceptionnelle (Jordan, par. 95-96).
B. Délai imputable à la défense
[26] Le délai imputable à la défense comporte deux volets : (1) « le délai que la défense renonce à invoquer » et (2) « le délai qui résulte uniquement de la conduite de cette dernière » (Jordan, par. 61 et 63).
(1) Renonciation
[27] La renonciation de la défense à invoquer une portion du délai peut être explicite ou implicite, mais elle doit être éclairée, claire et sans équivoque (Jordan, par. 61). Il n’est pas contesté en l’espèce que M. Cody a expressément renoncé à invoquer une période de 13 mois de délai. La prise en compte de cette renonciation réduit le délai net à environ 47,5 mois.
(2) Délai causé par la conduite de la défense
a) Déduction du délai
[28] En termes généraux, le deuxième volet a trait à la conduite de la défense et vise à empêcher qu’elle ne puisse tirer avantage de « sa propre action ou de sa propre inaction lorsque celle‑ci a pour effet de causer un délai » (Jordan, par. 113). Ce volet s’applique à toute situation où le délai est causé « uniquement ou directement » par la conduite de la défense (Jordan, par. 66).
[29] Cependant, ce ne sont pas tous les délais causés par la conduite de la défense qui doivent être déduits en application de ce deuxième volet. Lorsqu’elle a fixé les plafonds présumés, la Cour a reconnu que le droit de l’accusé de présenter une défense pleine et entière exige que la défense se voie allouer du temps pour préparer et présenter sa preuve. À cette fin, les plafonds présumés de 30 mois et de 18 mois tiennent « déjà [. . .] compte des exigences procédurales » liées à la préparation et à la présentation par l’accusé de sa cause (Jordan, par. 65; voir aussi les par. 53 et 83). Pour cette raison, « le temps nécessaire pour traiter les mesures prises légitimement par la défense afin de répondre aux accusations portées contre elle est exclu du délai qui lui est imputable » et ne devrait pas être déduit (Jordan, par. 65).
[30] Le seul délai imputable à la défense qui peut être déduit en vertu de ce volet est donc un délai qui : (1) est causé uniquement ou directement par l’accusé; et (2) découle d’une mesure prise illégitimement par la défense dans la mesure où elle ne vise pas à répondre aux accusations. Comme nous l’avons indiqué dans Jordan, l’exemple le plus simple d’un tel délai est le « recours délibéré de la défense à des tactiques dilatoires, notamment à des demandes frivoles » (Jordan, par. 63). De même, lorsque le tribunal et le ministère public sont prêts à procéder, mais que la défense ne l’est pas, le délai qui en résulte devrait également être déduit (Jordan, par. 64). Toutefois, ces quelques situations se voulaient uniquement des exemples — et rien d’autre. Ces exemples n’étaient pas présentés dans Jordan — et ne devraient pas non plus être considérés maintenant — comme ayant pour effet d’énoncer de façon exhaustive les délais imputables à la défense susceptibles d’être déduits. Encore une fois, comme il a été clairement indiqué dans l’arrêt Jordan, il demeure loisible au juge du procès de « conclure que d’autres mesures ou actes de la défense ont causé le délai » justifiant une déduction (par. 64).
[31] La détermination de la légitimité de la conduite de la défense ne participe « aucunement d’une science exacte » et elle constitue une question que « les juges de première instance sont particulièrement bien placés pour juger » (Jordan, par. 65). Il s’agit d’une décision présentant un caractère discrétionnaire élevé, à l’égard de laquelle les tribunaux d’appel doivent faire montre d’un degré de déférence similairement élevé. Bien que les juges de première instance doivent se garder de remettre en question les mesures prises par la défense en vue de répondre aux accusations, ils ne doivent pas hésiter à conclure à l’illégitimité d’une mesure de la défense lorsqu’il y a lieu de le faire.
[32] La notion de conduite de la défense vise autant le fond que la procédure — la décision de prendre une mesure, ainsi que la manière dont celle‑ci est exécutée, sont toutes deux susceptibles d’examen. Pour déterminer si une action de la défense a été prise légitimement en vue de répondre aux accusations, les circonstances entourant l’action ou la conduite peuvent donc être prises en considération. Le nombre total des demandes présentées par la défense, leur solidité, leur importance, la proximité des plafonds établis dans Jordan, le respect de toutes les exigences en matière de préavis ou de dépôt et la présentation de ces demandes dans les délais impartis constituent autant de considérations pertinentes qui peuvent être prises en compte. Indépendamment de son bien‑fondé, une action de la défense peut être considérée illégitime dans le contexte d’une demande fondée sur l’al. 11b) si elle vise à retarder l’instance ou encore si elle témoigne d’une inefficacité ou indifférence marquées à l’égard des délais.
[33] L’inaction peut elle aussi constituer une conduite illégitime de la part de la défense (Jordan, par. 113 et 121). L’illégitimité peut s’étendre tant aux omissions qu’aux actions (voir, par exemple, dans un autre contexte, R. c. Dixon, [1998] 1 R.C.S. 244, par. 37). Les accusés doivent garder à l’esprit que le « droit d’être jugé dans un délai raisonnable » garanti par l’al. 11b) a pour corollaire la responsabilité d’éviter de causer un délai déraisonnable. L’avocat de la défense est donc censé « faire valoir activement les droits de son client à un procès tenu dans un délai raisonnable, collaborer avec l’avocat du ministère public lorsque cela sera indiqué et [. . .] utiliser de façon efficace le temps du tribunal » (Jordan, par. 138).
[34] Il ne faudrait pas voir dans cette interprétation de la notion de conduite illégitime de la défense un amoindrissement du droit de l’accusé à une défense pleine et entière. Les avocats de la défense peuvent encore faire valoir tous les moyens de fond et de procédure à leur disposition pour défendre leurs clients. Ce qu’ils ne sont pas autorisés à faire, c’est adopter une conduite illégitime et faire ensuite compter le délai en résultant dans le calcul visant à déterminer si le plafond fixé dans Jordan est atteint. À cet égard, bien que nous soyons conscients de la tension potentielle entre le droit à une défense pleine et entière et le droit d’être jugé dans un délai raisonnable — ainsi que de la nécessité d’établir un juste équilibre entre ces deux droits —, nous estimons qu’aucun de ces droits n’est amoindri par la déduction d’un délai causé par une conduite illégitime de la défense.
[35] Nous tenons à souligner que, dans le contexte qui nous intéresse, l’illégitimité d’une conduite n’équivaut pas nécessairement à une faute professionnelle ou éthique de la part de l’avocat de la défense. En effet, il n’est pas nécessaire que la conduite illégitime de la défense qui a été constatée constitue une faute professionnelle. La légitimité tire plutôt son sens du changement de culture exigé dans Jordan. Toutes les personnes associées au système judiciaire — y compris les avocats de la défense — doivent désormais accepter que de nombreuses pratiques qui étaient auparavant courantes ou simplement tolérées ne sont plus compatibles avec le droit garanti par l’al. 11b) de la Charte .
b) Prévenir le délai
[36] Pour opérer un véritable changement, on ne peut se limiter à une comptabilisation rétrospective du délai. Il ne suffit pas de « ramasser les pots cassés une fois que le délai s’est produit » (Jordan, par. 35). Il faut plutôt adopter une approche proactive qui permet de prévenir les délais inutiles en s’attaquant à leurs causes profondes. Il s’agit d’une responsabilité qui incombe à toutes les personnes associées au système de justice criminelle (Jordan, par. 137).
[37] Il convient de rappeler le rôle important que jouent les juges de première instance en vue de réduire les délais inutiles et de « changer la culture en salle d’audience » (Jordan, par. 114). Comme l’a fait observer notre Cour dans Jordan, pour que s’opère un véritable changement, le rôle des tribunaux consiste entre autres choses à
mettre en œuvre des procédures plus efficaces, notamment des pratiques d’établissement de calendriers pour les procès. Les tribunaux de première instance souhaiteront peut‑être revoir leurs régimes de gestion des instances pour s’assurer que ceux‑ci fournissent aux parties les outils nécessaires pour collaborer et mener les dossiers de façon efficace. Les juges devront en outre faire des efforts raisonnables pour diriger et gérer le déroulement des procès. Les tribunaux d’appel devront appuyer ces efforts en faisant preuve de déférence à l’égard des choix des cours de première instance en matière de gestion des instances. Enfin, tous les tribunaux, y compris la Cour, devront tenir compte de l’impact de leurs décisions sur le déroulement des procès. [par. 139]
Dans l’établissement de son calendrier d’audiences, par exemple, un tribunal peut refuser une demande d’ajournement pour le motif qu’il en résulterait un délai intolérablement long, et ce, même si cette période pourrait par ailleurs être déduite en tant que délai imputable à la défense.
[38] En outre, les juges de première instance devraient utiliser leurs pouvoirs de gestion des instances pour réduire les délais au minimum. Par exemple, avant de permettre qu’une demande soit entendue, le juge de première instance devrait se demander si elle présente des chances raisonnables de succès. À cette fin, il peut notamment demander à l’avocat de la défense de résumer la preuve qu’il prévoit présenter lors du voir dire, puis rejeter celle‑ci sommairement si ce résumé ne révèle aucun motif qui indiquerait que la demande a des chances d’être accueillie (R. c. Kutynec (1992), 7 O.R. (3d) 277 (C.A.), p. 287‑289; R. c. Vukelich (1996), 108 C.C.C. (3d) 193 (C.A. C.-B.)). De plus, même s’il permet que la demande soit entendue, le juge de première instance continue d’exercer sa fonction de filtrage : les juges de première instance ne devraient pas hésiter à rejeter sommairement des « demandes dès qu’il apparaît évident qu’elles sont frivoles » (Jordan, par. 63). Cette fonction de filtrage s’applique également aux demandes présentées par le ministère public. En guise de pratique exemplaire, tous les avocats — autant les avocats du ministère public que les avocats de la défense — devraient, dans les cas indiqués, demander aux juges de première instance d’exercer ce pouvoir discrétionnaire.
[39] Les juges de première instance devraient eux aussi proposer activement des moyens d’instruire plus efficacement les demandes et requêtes légitimes, par exemple en procédant sur dossier seulement. Cette responsabilité incombe également aux avocats.
c) Application
[40] En l’espèce, nous sommes d’avis de déduire deux périodes au titre des délais imputables à la défense. Pour ce qui est de la première période, le fait que le délai résultant du premier changement d’avocat de M. Cody devait être soustrait comme délai imputable à la défense n’a à aucun moment été contesté au cours des procédures.
[41] Pour ce qui est de la seconde période, celle‑ci découle de la demande de récusation qu’a présentée M. Cody en invoquant une crainte raisonnable de partialité. Le juge de première instance a conclu que cette demande n’étayait d’aucune façon le droit de M. Cody à une défense pleine et entière, et il a réparti également entre le ministère public et la défense les 2,5 mois qui en ont résulté. En appel, la Cour d’appel a conclu à l’unanimité que la demande de récusation était dénuée de fondement, frivole ou illégitime.
[42] Au vu du dossier, ces qualificatifs sont justifiés et nous y souscrivons. La demande de récusation constitue un exemple évident de conduite frivole et illégitime de la part de la défense qui entraîne directement un délai. En effet, il s’agit du genre de demandes qui, désormais, devraient être rejetées sommairement.
[43] Une fois ces deux périodes déduites, le délai net s’établit à environ 44 mois. Mis à part ces deux périodes, le juge de première instance a conclu que [traduction] « rien dans la conduite de M. Cody ne tend à indiquer que ce dernier retard[ait] délibérément le déroulement des procédures afin d’éviter d’être jugé promptement » (par. 175). Cette conclusion commande la déférence et nous sommes d’avis de ne pas la modifier.
C. Circonstances exceptionnelles
[44] Comme le délai net d’environ 44 mois dépasse le plafond de 30 mois, le délai est présumé déraisonnable et il incombe au ministère public de démontrer l’existence de circonstances exceptionnelles (Jordan, par. 68).
[45] Les circonstances exceptionnelles envisagées ont été définies ainsi dans Jordan :
Des circonstances exceptionnelles sont des circonstances indépendantes de la volonté du ministère public, c’est‑à‑dire (1) qu’elles sont raisonnablement imprévues ou raisonnablement évitables, et (2) que l’avocat du ministère public ne peut raisonnablement remédier aux délais lorsqu’ils surviennent. [Italiques omis; par. 69.]
[46] Les circonstances exceptionnelles se divisent généralement en deux catégories : les événements distincts et les affaires particulièrement complexes (Jordan, par. 71). En outre, il est possible de tenir compte de considérations d’ordre transitoire comme troisième forme de circonstances exceptionnelles dans les cas où, comme celui qui nous occupe, l’instance était déjà en cours lorsque l’affaire Jordan a été tranchée (Jordan, par. 94‑98).
[47] En l’espèce, le ministère public invoque chacune des formes de circonstances exceptionnelles au soutien de sa prétention que le délai est inférieur au plafond présumé. Subsidiairement, il plaide que si le délai excède ce plafond, il est néanmoins justifié au motif qu’il est raisonnable.
(1) Événements distincts
[48] L’analyse des circonstances exceptionnelles débute par l’examen des événements distincts. À l’instar du délai imputable à la défense, les événements distincts donnent lieu à la déduction quantitative de certaines périodes. Le délai causé par des circonstances ou événements exceptionnels distincts qui sont raisonnablement imprévisibles ou inévitables est déduit dans la mesure où il ne pouvait raisonnablement être réduit par le ministère public et le système judiciaire (Jordan, par. 73 et 75).
[49] Monsieur Cody concède que la nomination de son ancien avocat à la magistrature constitue un événement distinct inévitable et que la période de 4,5 mois qui en a résulté devrait être déduite, ce qui laisse un délai net d’environ 39,5 mois.
[50] Outre ce qui précède, il y a en l’espèce trois périodes qui, de l’avis du ministère public, relèvent de la catégorie de circonstances exceptionnelles que constituent les événements distincts.
a) Le différend concernant l’engagement (8 juillet au 18 octobre 2010)
[51] Selon le ministère public, le différend concernant le refus de l’avocat de la défense de signer un engagement relatif à la communication de la preuve constituait un événement distinct. Le ministère public affirme que le fait d’exiger des engagements en la matière est une pratique courante depuis des décennies et que le refus de l’avocat de signer un tel engagement était imprévisible.
[52] Même si cet événement avait été raisonnablement imprévisible, il incombait au ministère public d’agir sur‑le‑champ pour régler le différend concernant l’engagement. Toutefois, il aura plutôt fallu trois déplacements additionnels devant les tribunaux, le dépôt d’une série de demandes en cour supérieure et une période de 3,5 mois pour résoudre ce différend. Nous faisons nôtre la conclusion du juge de première instance selon laquelle [traduction] « c’est le refus du ministère public de communiquer la preuve qui a prolongé le délai au‑delà de ce qui pourrait autrement être considéré comme raisonnable » (par. 187). Comme le ministère public n’est pas en mesure de satisfaire au deuxième volet de la définition des circonstances exceptionnelles, cette période ne peut en conséquence être déduite.
b) Communication de la preuve suivant l’arrêt McNeil (6 mai au 8 octobre 2013)
[53] La période litigieuse suivante est le délai de cinq mois découlant de la situation liée à la communication de la preuve suivant l’arrêt McNeil qui a surgi le 3 mai 2013, la veille de la date prévue pour l’audition de la demande présentée par la défense en vertu de la Charte en vue d’obtenir l’exclusion de la preuve.
[54] Nous convenons avec le ministère public que cette soudaine obligation liée à la communication de la preuve a constitué un événement distinct et nous déduirions une partie du délai qui en a découlé. Cet événement était raisonnablement inévitable et imprévisible, et le ministère public a agi de manière responsable en communiquant promptement la preuve, en assurant le suivi alors que l’affaire suivait son cours et en demandant les prochaines dates disponibles les plus rapprochées possible. Le ministère public aurait peut‑être pu prendre des mesures additionnelles, par exemple renoncer entièrement à utiliser la preuve émanant de l’agent ou soumettre cette preuve au moyen d’un énoncé conjoint des faits. Toutefois, le critère applicable est la raisonnabilité : pour satisfaire à l’obligation de diligence raisonnable, le ministère public n’a pas à épuiser toutes les solutions imaginables en vue de remédier à l’événement en question.
[55] Cela dit, nous ne déduirions pas toute la période de cinq mois à l’égard de cet événement. Une période de deux mois, c’est-à-dire précisément le temps qu’il a fallu au ministère public et à la défense pour être prêts à procéder (vers la fin de juin 2013), devrait être déduite. Toutefois, le tribunal n’étant pas en mesure de les entendre avant septembre, un délai additionnel de deux mois a donc résulté de limites systémiques de l’appareil judiciaire, et non de l’événement distinct en question (Jordan, par. 81), et ces deux autres mois ne devraient en conséquence pas être déduits. Ensuite, étant donné que l’avocate de la défense n’était pas disponible en septembre, l’affaire a été repoussée en octobre 2013. Comme ce délai d’un mois a été causé par l’indisponibilité de l’avocate de la défense (Jordan, par. 64), et non par le temps de préparation nécessaire pour répondre aux accusations (Jordan, par. 65), il doit être déduit.
[56] Après avoir considéré chacune de ces périodes, nous sommes d’avis de déduire trois mois pour l’événement distinct lié à l’arrêt McNeil, ce qui a pour effet de réduire le délai net à environ 36,5 mois.
c) L’erreur figurant dans l’énoncé conjoint des faits (30 janvier au 10 septembre 2014)
[57] La dernière période que l’on nous demande de considérer comme un événement distinct est le délai découlant de l’erreur figurant dans l’énoncé conjoint des faits. Nous avons déjà déduit les 2,5 mois consacrés à la demande de récusation qui a découlé de cette erreur en tant que délai imputable à la défense. Le ministère public soutient que les cinq mois qui restent devraient être déduits en tant que circonstance ou événement exceptionnel distinct.
[58] En principe, un oubli involontaire peut fort bien constituer un événement distinct. Le premier volet de la définition des circonstances exceptionnelles requiert uniquement que l’événement en cause ait été raisonnablement imprévisible ou raisonnablement inévitable. Il n’impose pas au ministère public le respect d’une norme de perfection. Comme l’a fait remarquer notre Cour dans Jordan, « [l]es procès ne constituent pas des machines bien huilées » (par. 73). Des erreurs surviennent. D’ailleurs, les erreurs sont une réalité inévitable dans un système de justice criminelle dirigé par des êtres humains, et ces erreurs peuvent entraîner des délais exceptionnels et raisonnablement inévitables qui devraient être déduits dans l’analyse requise pour l’application de l’al. 11b) .
[59] La question à laquelle il faut répondre dans le cadre du deuxième volet de la définition des circonstances exceptionnelles consiste à se demander si le ministère public a pris des mesures raisonnables pour remédier à l’erreur et réduire les délais au minimum. Le ministère public « n’est pas tenu de démontrer que les mesures qu’il a prises ont été couronnées de succès — il doit plutôt uniquement établir qu’il a pris des mesures raisonnables pour éviter le délai » (Jordan, par. 70). En l’espèce, après avoir découvert l’erreur, le ministère public en a avisé promptement l’avocate de la défense ainsi que le tribunal, et il a soutenu que l’erreur était sans importance. Le tout a néanmoins entraîné un délai de 7,5 mois.
[60] Les événements susmentionnés illustrent les failles de la culture dans laquelle évoluaient les parties avant l’arrêt Jordan. Nous croyons qu’une question de cette nature peut, et doit, être résolue dans les meilleurs délais, peut‑être même en une seule journée. Par exemple, la source de l’erreur pourrait être déterminée et examinée afin de confirmer qu’il s’agit d’une erreur anodine, commise par inadvertance. La procédure de rejet sommaire pourrait ensuite être appliquée pour écarter toute demande ultérieure dénuée de fondement. Pour que les choses s’améliorent, les parties et les tribunaux doivent faire montre de vigilance afin d’éviter que le procès ne déraille en raison de distractions distinctes et relativement mineures de cette nature, distractions qui continueront inévitablement de se produire.
[61] À la lumière du dossier qui nous a été soumis, il nous est impossible de conclure que les critères définissant les circonstances exceptionnelles sont réunis en l’espèce. Comme le juge de première instance ne s’est pas penché sur la question de savoir si l’erreur était raisonnablement inévitable, ses conclusions ne sont pas utiles relativement à cette question. De toute façon, le fait de déduire l’ensemble de cette période ne réduirait pas le délai sous le plafond applicable.
d) Conclusion
[62] En résumé, une fois qu’il a été tenu compte des événements distincts, le délai net d’environ 36,5 mois constaté en l’espèce demeure supérieur au plafond et il est toujours présumé déraisonnable. En conséquence, nous allons maintenant nous demander si la durée de l’affaire était justifiée eu égard à sa complexité ou à des considérations d’ordre transitoire.
(2) Affaires particulièrement complexes
[63] La seconde catégorie de circonstances exceptionnelles concerne les affaires particulièrement complexes. Les plafonds présumés qui ont été fixés dans Jordan tiennent déjà compte de la « complexité accrue des affaires criminelles depuis Morin », notamment l’émergence de « nouvelles infractions, procédures, obligations imposées au ministère public et à la police ainsi que de nouveaux tests juridiques » (Jordan, par. 42 et 53). Cela dit, il peut arriver que, dans des affaires particulièrement complexes, les délais excèdent les plafonds présumés mais soient néanmoins justifiés.
[64] Contrairement aux délais imputables à la défense et aux événements distincts, la question de la complexité d’une affaire requiert une appréciation qualitative plutôt que quantitative. La complexité ne constitue une circonstance exceptionnelle que dans les cas où l’affaire dans son ensemble est particulièrement complexe. Elle ne peut être utilisée pour déduire des portions précises du délai. Au contraire, une fois effectuées toutes les déductions d’ordre quantitatif applicables, si le délai net continue d’excéder le plafond présumé, il est alors possible d’invoquer la complexité de l’affaire dans son ensemble pour justifier sa durée et réfuter la présomption que le délai était déraisonnable (Jordan, par. 80)[2]. Constitue une affaire particulièrement complexe une affaire qui, « eu égard à la nature de la preuve ou des questions soulevées, exig[e] un procès ou une période de préparation d’une durée exceptionnelle » (Jordan, par. 77 (italiques omis)). Le juge de première instance qui est appelé à décider si la complexité d’une affaire suffit pour justifier sa durée doit se demander si le délai net est raisonnable compte tenu de la complexité globale de cette affaire. Une telle décision relève entièrement de l’expertise des juges de première instance (Jordan, par. 79).
[65] Dans la présente affaire, le ministère public fait valoir qu’une période de quatre mois devrait être déduite en tant que circonstance exceptionnelle vu la complexité de l’affaire, complexité que démontre la preuve volumineuse qui a été communiquée. En Cour d’appel, les juges de la majorité ont retenu cet argument. Cependant, cette conclusion est incompatible avec une appréciation qualitative de la complexité de l’affaire. Le délai qui a été causé par une seule étape isolée présentant des aspects complexes n’aurait pas dû être déduit. Bien qu’une preuve volumineuse à communiquer constitue un aspect caractéristique des affaires particulièrement complexes, la présence d’une telle preuve ne démontre pas automatiquement qu’une affaire est complexe[3]. La question consiste plutôt à déterminer si l’affaire est suffisamment complexe, « si bien que le délai est justifié » (Jordan, par. 77). En l’espèce, une preuve considérable a effectivement été communiquée, mais le reste de l’instance semble avoir été relativement simple. À notre avis, même en tenant compte de la preuve volumineuse qui a été communiquée, la présente affaire ne saurait être qualifiée de particulièrement complexe.
[66] Néanmoins, comme les accusations qui ont été portées en l’espèce l’ont été avant la décision de notre Cour dans l’affaire Jordan, il reste à se demander si le délai peut être justifié par l’application de la mesure transitoire exceptionnelle.
D. La mesure transitoire exceptionnelle
[67] Le nouveau cadre d’analyse établi dans Jordan s’applique aux affaires déjà en cours (Jordan, par. 95). Cependant, un délai présumé déraisonnable peut dans certains cas être justifié en invoquant la mesure transitoire exceptionnelle, lorsque les accusations ont été déposées avant le prononcé de l’arrêt Jordan (Jordan, par. 96). Il devrait s’agir de la dernière étape de l’analyse et on ne devrait y recourir que dans les cas où, comme en l’espèce, la déduction de périodes liées à des événements distincts ne réduit pas le délai sous le plafond présumé, et où un délai supérieur au plafond ne peut être justifié sur la base de la complexité de l’affaire.
[68] Tout comme le critère de la complexité de l’affaire, l’application de la mesure transitoire exceptionnelle implique une appréciation qualitative, qui tient compte du « fait que la conduite des parties ne peut être jugée rigoureusement en fonction d’une norme dont elles n’avaient pas connaissance » et qu’il « faut du temps pour implanter des changements » (Jordan, par. 96-97). Le ministère public ne peut invoquer la mesure transitoire exceptionnelle que s’il est capable d’établir que « le temps qui s’est écoulé est justifié du fait que les parties se sont raisonnablement conformées au droit tel qu’il existait au préalable » (Jordan, par. 96). Autrement dit, il est permis au ministère public de démontrer qu’on ne peut lui reprocher de ne pas avoir pris de mesures additionnelles, étant donné que le délai lui apparaissait raisonnable eu égard à sa compréhension du droit avant Jordan et à la manière dont ce délai et d’autres facteurs tels la gravité de l’infraction et le préjudice étaient évalués suivant l’arrêt Morin.
[69] Il importe de préciser que le ministère public et la défense sont présumés s’être fiés sur le droit antérieur à l’arrêt Jordan. À cet égard, la nature exceptionnelle de la « mesure transitoire exceptionnelle » ne repose pas sur le fait qu’elle s’applique rarement, mais plutôt sur le fait qu’elle s’applique temporairement pour justifier des délais qui excèdent le plafond parce que les parties se sont raisonnablement conformées au droit tel qu’il existait auparavant (Jordan, par. 96). En effet, la mesure transitoire exceptionnelle doit être considérée dans les affaires qui étaient en cours avant Jordan. L’examen de la question de savoir si un délai excédant le plafond présumé est justifié pour cette raison doit être réalisé contextuellement et en tenant compte comme il se doit de « la manière dont l’ancien cadre a été appliqué » (Jordan, par. 96 et 98). Suivant le cadre qui avait été établi dans l’arrêt Morin, le préjudice subi et la gravité de l’infraction « ont souvent joué un rôle décisif dans la décision quant au caractère raisonnable du délai » (Jordan, par. 96). En outre, certaines juridictions sont aux prises avec des délais institutionnels considérables et connus, facteur qui était également considéré dans le cadre prévu par l’arrêt Morin (Jordan, par. 97; Morin, p. 799-800). Pour les causes en cours d’instance, ces considérations peuvent aider à déterminer si, dans un cas donné, un délai supérieur au plafond peut être justifié et qualifié de raisonnable (Jordan, par. 96).
[70] Il est important de clarifier un aspect de ces considérations. La décision de notre Cour dans R. c. Williamson, 2016 CSC 28, [2016] 1 R.C.S. 741, ne doit pas être considérée comme ayant pour effet d’écarter le rôle important que jouent la gravité de l’infraction et le préjudice subi dans l’application de la mesure transitoire exceptionnelle. Les faits en cause dans Williamson étaient inusités, en ce qu’il s’agissait d’une affaire simple, où les efforts répétés de l’accusé pour accélérer l’instance contrastaient avec l’indifférence manifestée par le ministère public (par. 26‑29). En conséquence, malgré la gravité de l’infraction et l’absence de préjudice, le délai supérieur au plafond ne pouvait être justifié en appliquant la mesure transitoire exceptionnelle. Cette situation illustre bien le fait que le degré général de diligence dont ont fait preuve les parties peut aussi s’avérer une considération d’ordre transitoire importante. Mais, en définitive, cela signifie que tous ces facteurs doivent être pris en considération selon ce qui convient dans les circonstances.
[71] Lorsqu’ils se penchent sur l’application de la mesure transitoire exceptionnelle, les juges de première instance doivent garder à l’esprit les portions de l’instance qui se sont déroulées, selon le cas, avant ou après l’arrêt Jordan. Pour ce qui est des aspects de l’affaire survenus avant Jordan, il importe de s’attacher aux facteurs qui étaient pertinents pour l’application du cadre établi dans Morin, y compris la gravité de l’infraction et le préjudice subi. Pour la partie du délai qui s’écoule après le prononcé de Jordan, il faut plutôt s’attacher à la question de savoir si les parties et les tribunaux ont disposé de suffisamment de temps pour s’adapter (Jordan, para. 96).
[72] En l’espèce, l’ensemble des procédures préalables au procès sont antérieures à l’arrêt Jordan. Le ministère public doit donc établir que le délai net de 36,5 mois était justifié, étant donné qu’il s’est conformé à l’état du droit antérieur, c’est‑à‑dire le droit applicable suivant l’arrêt Morin.
[73] Les accusations en cause dans la présente affaire étaient graves. Toutefois, nous sommes d’avis que ce facteur ne saurait être retenu compte tenu de la conclusion du juge du procès selon laquelle il y a eu [traduction] « effectivement un préjudice réel et substantiel » (par. 191). Le juge a en outre expressément conclu que la conduite de M. Cody n’était pas « incompatible avec le désir que le procès se tienne dans les meilleurs délais » (par. 175).
[74] Vu ces conclusions, le ministère public n’est pas en mesure de démontrer que le délai net de 36,5 mois constaté en l’espèce était justifié parce qu’il serait conforme à l’état antérieur du droit. Au contraire, les conclusions tirées par le juge de première instance en vertu des anciennes règles militent plutôt en faveur de l’arrêt des procédures. Dans les cas où la mise en balance des facteurs requis par l’analyse établie dans Morin, par exemple la gravité de l’infraction et le préjudice subi, favorise le prononcé d’un arrêt des procédures, nous estimons que le ministère public ne réussira que rarement, voire jamais, à justifier le délai en invoquant la mesure transitoire exceptionnelle prévue par le cadre énoncé dans Jordan. En conséquence, nous concluons que le délai était déraisonnable en l’espèce.
V. Conclusion
[75] Nous sommes d’avis d’accueillir le pourvoi et de rétablir l’ordonnance d’arrêt des procédures rendue par le juge de première instance.
Pourvoi accueilli.
Procureurs de l’appelant : Spiteri & Ursulak, Ottawa; Addario Law Group, Toronto.
Procureur de l’intimée : Service des poursuites pénales du Canada, Toronto.
Procureur de l’intervenant le procureur général de l’Ontario : Procureur général de l’Ontario, Toronto.
Procureur de l’intervenante la procureure générale du Québec : Procureure générale du Québec, Québec.
Procureur de l’intervenant le procureur général du Manitoba : Procureur général du Manitoba, Winnipeg.
Procureur de l’intervenant le procureur général de la Colombie‑Britannique : Procureur général de la Colombie‑Britannique, Vancouver.
Procureur de l’intervenant le procureur général de l’Alberta : Procureur général de l’Alberta, Calgary.
Procureur de l’intervenant le directeur des poursuites criminelles et pénales : Directeur des poursuites criminelles et pénales, Québec.
Procureurs de l’intervenante Criminal Lawyers’ Association of Ontario : Addario Law Group, Toronto.
[1] Bien que le rôle qu’a joué la conclusion suivante dans son analyse ne soit pas clair, le juge de première instance a considéré séparément, sous la rubrique [traduction] « autre » délai, un délai d’environ 4,5 mois résultant de la nomination de l’ancien avocat de M. Cody comme juge.
[2] Il convient toutefois de préciser qu’une période qui a déjà été déduite en tant que délai imputable à la défense ou événement distinct ne doit pas être prise en considération dans l’appréciation de la complexité de l’affaire et ainsi être comptée deux fois.
[3] Cela n’écarte pas la possibilité que des circonstances ou événements exceptionnels distincts liés à la communication de la preuve puissent constituer un « événement distinct » suivant le cadre établi dans Jordan.