15/10/2018
ARRÊT N°273
N° RG 16/02840
CM/CD
Décision déférée du 02 Octobre 2013 - Tribunal de Grande Instance de DAX - 13/00215
SA GMF ASSURANCES
C/
David X...
CPAM DES LANDES
INFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
1ere Chambre Section 1
***
ARRÊT DU QUINZE OCTOBRE DEUX MILLE DIX HUIT
***
DEMANDERESSE SUR RENVOI APRES CASSATION
SA GMF ASSURANCES
Direction des Sinistres [...] 17
Représentée par Me Laurent C... de la SCP C... L.- FORGET J.L., avocat au barreau de TOULOUSE
DEFENDEURS SUR RENVOI APRES CASSATION
Monsieur David X...
C/O M. & Mme Y... [...]
Représenté par Me Jacques Z... de la A..., avocat au barreau de TOULOUSE
CPAM DES LANDES
[...]
sans avocat constitué
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 19 Mars 2018 en audience publique, devant la Cour composée de :
Président : C. BELIERES
Assesseurs: C. ROUGER
: C. B...
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : C. BERNAD
ARRET :
- par défaut
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par C. BELIERES, président, et par M. TANGUY, greffier de chambre.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. David X..., atteint de paraplégie à la suite d'un accident de la circulation dont il a été victime le 8 novembre 2010 à l'âge de 26 ans, a fait assigner son assureur, la SA GMF Assurances, devant le tribunal de grande instance de DAX afin d'obtenir l'indemnisation de son préjudice corporel en exécution de la garantie du conducteur prévue au contrat d'assurance et a appelé en cause la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) des Landes en qualité de tiers payeur.
Par jugement en date du 2 octobre 2013, le tribunal a fixé le préjudice subi par M. David X... du fait de l'accident au titre des dépenses de santé actuelles à 190234,94 euros dont 16434,49 euros revenant à la victime, des dépenses de santé futures à 95418,60 euros revenant à la CPAM, de la perte de gains professionnels actuels à 21600 euros dont 1730,50 euros à la victime, de la perte de gains professionnels futurs à 64489,92 euros revenant à la CPAM, des frais de logement adapté à 565451,89 euros, des frais de véhicule adapté à 7121,25 euros, des frais d'assistance par tierce personne à 855594,79 euros dont 603032,98 euros revenant à la victime et du déficit fonctionnel permanent à 300000 euros, a condamné en conséquence la SA GMF Assurances à payer à M. David X... les sommes ci-dessus, a ordonné l'exécution provisoire à hauteur de 50%, a dit que ces sommes porteront intérêts dans les conditions de l'article 1153-1 du code civil, a condamné la SA GMF Assurances à payer à M. David X... la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, et a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Le tribunal a écarté la clause plafonnant la garantie à un montant de 1000000 euros au motif qu'il n'est pas démontré qu'elle soit entrée dans le champ contractuel car l'exemplaire des conditions particulières du contrat produit par l'assureur ne comporte ni date certaine ni signature de l'assuré.
Sur appel principal de l'assureur et appel incident de l'assuré, la cour d'appel de PAU a, par arrêt en date du 9 mars 2015, confirmé le jugement déféré sur l'évaluation des dépenses de santé actuelles et futures, de la perte de gains professionnels actuels, des frais de véhicule adapté et du déficit fonctionnel permanent, ainsi que sur les intérêts, frais et dépens, et, le réformant pour le surplus, a mis hors de cause la CPAM des Landes et déclaré la décision opposable à la CPAM du Lot, a rejeté la demande de M. David X... au titre des frais divers, a fixé le préjudice subi au titre des frais de logement adapté à 443641,44 euros, des frais d'assistance par tierce personne à 981650,88 euros dont 729089,07 euros revenant à la victime, de la perte de gains professionnels futurs à 358851,16 euros dont 294361,24 euros revenant à la victime et de l'incidence professionnelle à 50000 euros, a dit n'y avoir lieu à application d'une limitation du montant de la garantie souscrite, a condamné en conséquence la SA GMF Assurances à payer à M. David X... la somme de 1333591,70 euros après déduction des provisions versées et imputation de la créance de la CPAM, a dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2012, a constaté que la créance de la CPAM du Lot s'élève à la somme de 606110,28 euros et a condamné la SA GMF Assurances à payer à M. David X... la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
Sur pourvoi de l'assureur, la 2ème chambre civile de la cour de cassation a, par arrêt en date du 14 avril 2016, cassé et annulé l'arrêt entrepris, mais seulement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application d'une limitation du montant de la garantie souscrite et condamné la SA GMF Assurances à payer à M. David X... la somme de 1333591,70 euros après déduction des provisions déjà versées et imputation de la créance de la sécurité sociale, et a renvoyé les parties devant la cour d'appel de TOULOUSE.
La cassation a été prononcée pour violation de l'article 455 du code de procédure civile consistant à énoncer qu'il n'y a pas lieu d'appliquer la clause de limitation de la garantie à 1000000 euros dont l'assureur se prévaut, faute pour lui de démontrer par les documents versés aux débats et notamment les exemplaires des conditions particulières du contrat qui n'ont pas date certaine et ne portent pas la signature de l'assuré, que cette limitation est entrée dans le champ contractuel, sans répondre au moyen de l'assureur qui faisait valoir que les conditions générales du contrat, dont l'assuré se prévalait, prévoyaient que la garantie conducteur était plafonnée à un montant indiqué dans les conditions particulières, ce dont il déduisait que l'assuré avait connaissance de l'existence d'un plafond.
Suivant déclaration en date du 26 mai 2016, la SA GMF Assurances a saisi la cour d'appel de renvoi.
Dans ses dernières conclusions (n°3 responsives et récapitulatives) notifiées par voie électronique le 22 février 2018, elle demande à la cour de réformer le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté l'application du plafond de limitation de la garantie à 1000000 euros et, statuant de nouveau, de constater la validité de la clause stipulant un plafond de garantie, de faire application du plafond de limitation de garantie à 1000000 euros et de statuer ce que de droit quant aux dépens.
Elle fait valoir que le fait que le contrat d'assurance est un contrat consensuel, parfait dès la rencontre de volonté des parties, n'implique pas une garantie sans limite ni restriction, la preuve de l'existence de clauses limitatives pouvant être rapportée par écrit conformément à l'article L112-3 alinéa 1er du code des assurances, que les conditions générales du contrat, qui stipulent que la garantie conducteur est plafonnée à un montant indiqué dans les conditions particulières et que l'indemnisation tous postes de préjudice confondus intervient dans la limite de ce montant, sont opposables à M. David X... dès lors qu'elles ont été portées à sa connaissance et acceptées par lui et que celui-ci ne saurait réduire cette mention à une simple 'possibilité de plafonnement' susceptible d'être écartée par les conditions particulières ni l'analyser en une nouvelle condition ou modification restrictive de garantie nécessitant son consentement exprès.
Elle considère que la clause de renvoi figurant dans les conditions générales est valable dans la mesure où l'article R132-1 du code de la consommation n'exige pas que les conditions générales précisent que l'assuré a pris ou eu connaissance des conditions particulières et où ces dernières, reprenant toutes les indications relatives à l'assuré et à son véhicule et mentionnant seules le montant de la prime d'assurance, ont été réellement accessibles pour celui-ci avant la conclusion du contrat et en déduit que les conditions particulières faisant référence au plafond de garantie contractuel sont opposables à l'assuré, quand bien même il n'a signé ni celles du 21 septembre 2007, ni celles du 21 septembre 2010 applicables au jour de l'accident et ayant porté le plafond de garantie de 457348 à 1000000 euros, d'autant qu'il ne produit pas d'autres conditions particulières fixant un plafond de garantie différent.
En réponse à l'argumentation nouvelle de l'intimé sur la nullité de la clause litigieuse, elle souligne que le principe de la réparation intégrale ne saurait s'appliquer à un contrat d'assurance et que la loi 2006-1640 du 21 décembre 2006 qui a modifié les modalités du recours subrogatoire des caisses de sécurité sociale contre les tiers n'impose nullement l'obligation de préciser le plafond de garantie poste par poste.
Dans ses dernières conclusions (n°2) notifiées par voie électronique le 17 novembre 2017, M. David X... demande à la cour de débouter la SA GMF Assurances de toutes ses demandes, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de limitation de garantie à 1000000 euros et de la condamner au paiement d'une indemnité de 6000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Rappelant que la cassation est intervenue pour défaut de réponse à conclusions, de sorte que la cour d'appel de renvoi conserve son pouvoir souverain d'appréciation, il soutient que si, au regard du principe du consensualisme, il y a eu rencontre des volontés pour la souscription d'un contrat d'assurance, il n'y a jamais eu accord pour en limiter les garanties car l'assureur, auquel il revient d'établir que la clause de restriction de garantie dont il se prévaut a été portée à la connaissance de l'assuré et expressément acceptée, ne rapporte pas cette preuve en l'état des conditions générales qui mentionnent une possibilité de plafonnement et renvoient à des conditions particulières constituant le seul document contractuel pouvant valider le principe et le montant du plafond, voire l'exclure, entraînant comme telles une modification restrictive de garantie mais ne comportant pas sa signature, que ce soit celles du 9 novembre 2010 ou celles du 13 août 2013, l'une et l'autre établies pour les besoins de la cause après l'accident, et lui étant donc inopposables.
Il ajoute que la clause des conditions générales qui renvoie, sans constater que l'assuré en a pris connaissance, à des conditions particulières non transmises ni signées constitue une clause irréfragablement abusive selon l'article R132-1 1° du code de la consommation et ne peut produire effet.
À titre subsidiaire, il invoque la nullité de la clause litigieuse qui est contraire, d'une part, au principe fondamental de la réparation intégrale du préjudice corporel, d'autre part, à la nomenclature des dommages corporels issue de la loi 2006-1640 du 21 décembre 2006 imposant une indemnisation poste par poste en ce qu'elle ne précise pas à quel(s) poste(s) s'applique le plafond de garantie, enfin, à l'article L133-2 du code de la consommation exigeant que les clauses des contrat proposés par les professionnels aux consommateurs soient rédigées de façon claire et compréhensible et qu'elles s'interprètent, en cas de doute, dans le sens le plus favorable à ces derniers en ce que la lecture du contrat fait ressortir la seule mention 'illimitée' dans la rubrique 'dommages corporels'.
La CPAM du Lot-et-Garonne agissant pour le compte de la CPAM des Landes n'a pas constitué avocat et a demandé, par courrier en date du 20 juin 2016, sa mise hors de cause car la victime était affiliée à la CPAM du Lot lors des faits, mais ni l'une ni l'autre de ces caisses n'a été assignée; il sera donc statué par défaut.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En matière d'assurance facultative, dont relève la garantie du conducteur en litige, les parties peuvent librement fixer des valeurs garanties, sans que le principe fondamental de la réparation intégrale du préjudice corporel, inapplicable en dehors du domaine de la responsabilité, puisse y faire obstacle.
L'insertion dans le contrat d'assurance d'une clause de plafonnement de garantie participe de la mise en oeuvre de cette liberté contractuelle et a pour seul effet de limiter le montant de la garantie, sans se confondre avec une exclusion de garantie.
Il appartient, toutefois, à l'assureur qui invoque une telle clause de démontrer que l'assuré en a eu connaissance avant la survenance du sinistre.
En l'espèce, le contrat d'assurance automobile dont M. David X... se prévaut à l'appui de sa demande d'indemnisation relative aux seuls éléments de préjudice couverts par la garantie du conducteur, à savoir les pertes de revenus, les frais médicaux et assimilés, l'incapacité permanente, les frais d'assistance par tierce personne et les frais de logement et/ou de véhicule adapté a été, à ses dires, souscrit en 2007 et modifié par un avenant du 9 octobre 2009 qui constituait sa pièce n°142 devant le tribunal de grande instance de DAX et la cour d'appel de PAU, mais n'a pas été communiqué devant la cour de renvoi malgré l'invitation de celle-ci sur l'audience de plaidoirie à y procéder en cours de délibéré.
Les conditions générales de ce contrat, version juin 2006, versées aux débats de part et d'autre prévoient, à l'article 2.4.3 relatif au montant de l'indemnité au titre de la garantie du conducteur, en caractères gras, que 'l'indemnisation, tous postes de préjudices confondus et après déduction de la créance des tiers payeurs ou des personnes tenues à indemnisation, intervient dans la limite du montant indiqué sur vos Conditions Particulières qui ne constitue pas un capital forfaitaire' et rappellent, dans le tableau des garanties figurant à l'article 1.4, l'existence pour cette garantie d'un plafond de garantie correspondant au 'montant indiqué sur vos Conditions Particulières'.
Ces clauses, indemnes de toute ambiguïté et ne portant pas atteinte à la règle du recours subrogatoire des tiers payeurs poste par poste issue de la loi 2006-1640 du 21 décembre 2006, instituent valablement un plafonnement de la garantie du conducteur et renvoient aux conditions particulières pour la fixation de son montant.
En outre, elles ne constatent pas l'adhésion de l'assuré à des clauses reprises dans un autre document auquel il n'a pas été fait expressément référence lors de la conclusion du contrat d'assurance et dont celui-ci n'a pas eu connaissance avant cette conclusion, de sorte qu'elles ne peuvent être qualifiées de clauses abusives au sens de l'alinéa 1er de l'article L132-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable en la cause ou de les présumer telles de manière irréfragable en application de l'article R132-1 1° du même code, au demeurant issu du décret 2009-302 du 18 mars 2009 postérieur à la conclusion du contrat.
En effet, M. David X... a nécessairement reçu un exemplaire des conditions particulières qui font partie du contrat d'assurance et ont pour objet d'adapter les garanties d'assurance définies dans les conditions générales à sa situation spécifique et à celle du risque assuré.
Or il ne produit ni cet exemplaire ni aucun autre document contractuel signé par lui et déterminant le risque assuré, telle la proposition d'assurance sur la base de laquelle le contrat a été conclu, qui viendraient contredire les conditions particulières à effet du 21 septembre 2010 produites par l'assureur, fixant le plafond de la garantie du conducteur à 1000000 euros, sans confusion possible avec la garantie responsabilité civile qui est illimitée pour les dommages corporels.
Dès lors, quand bien même ces conditions particulières, qui n'ont pas été établies pour les besoins de la cause, mais simplement éditées le lendemain de l'accident afin de vérifier l'étendue des garanties en vigueur à la date de l'accident, ne sont pas revêtues de la signature de M. David X..., elles lui sont opposables.
En conséquence, il y a lieu de faire application du plafonnement de garantie contractuel à un montant de 1000000 euros, le jugement dont appel étant réformé sur ce point.
Partie perdante, M. David X... supportera les entiers dépens exposés devant la cour d'appel de renvoi, sans pouvoir bénéficier de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Infirmant le jugement entrepris,
DIT qu'il y a lieu de faire application de la clause plafonnant la garantie du conducteur à un montant de 1000000 euros (un million d'euros).
En conséquence, CONDAMNE la SA GMF Assurances à payer cette somme à M. David X....
Y ajoutant,
CONDAMNE M. David X... aux dépens exposés devant la cour d'appel de renvoi et REJETTE sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffierLe président