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25/10/2011 | FRANCE | N°09/03600

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 2eme chambre section 2, 25 octobre 2011, 09/03600


COUR D'APPEL DE TOULOUSE 2eme Chambre Section 2
ARRÊT DU VINGT CINQ OCTOBRE DEUX MILLE ONZE

ARRÊT No11/429
No RG : 09/ 03600 Décision déférée du 18 Mai 2009- Tribunal de Commerce de CASTRES-2008004285

Chantal Y... épouse Z... représentée par la SCP CHATEAU Bertrand

C/

CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE MIDI PYRENEES représentée par la SCP BOYER LESCAT MERLE

Vincent Z... représenté par la SCP CHATEAU Bertrand

APPELANTE
Madame Chantal Y... épouse Z......... 81500 LAVAUR représentée par la SCP CHATEAU Bertrand, avoués à

la Cour assistée de Me Arlette FOULON-CHATEAU, avocat au barreau de TOULOUSE (bénéficie d'une aide juridiction...

COUR D'APPEL DE TOULOUSE 2eme Chambre Section 2
ARRÊT DU VINGT CINQ OCTOBRE DEUX MILLE ONZE

ARRÊT No11/429
No RG : 09/ 03600 Décision déférée du 18 Mai 2009- Tribunal de Commerce de CASTRES-2008004285

Chantal Y... épouse Z... représentée par la SCP CHATEAU Bertrand

C/

CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE MIDI PYRENEES représentée par la SCP BOYER LESCAT MERLE

Vincent Z... représenté par la SCP CHATEAU Bertrand

APPELANTE
Madame Chantal Y... épouse Z......... 81500 LAVAUR représentée par la SCP CHATEAU Bertrand, avoués à la Cour assistée de Me Arlette FOULON-CHATEAU, avocat au barreau de TOULOUSE (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 09/ 018094 du 23/ 11/ 2009 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)

INTIMEE
CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE MIDI PYRENEES Place Elie Théophile 81300 GRAULHET représentée par la SCP BOYER LESCAT MERLE, avoués à la Cour assistée de la SCP BUGIS PÉRES BALLIN RENIER ALRAN, avocats au barreau de CASTRES

INTERVENANT FORCE :
Monsieur Vincent Z...... ... 81500 LAVAUR représenté par la SCP CHATEAU Bertrand, avoués à la Cour assisté de Me Arlette FOULON-CHATEAU, avocat au barreau de TOULOUSE (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2010/ 003375 du 06/ 07/ 2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 22 Février 2011 en audience publique, devant la Cour composée de :
V. SALMERON, faisant fonction de président A. ROGER, conseiller P. DELMOTTE, conseiller qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M. MARGUERIT
ARRET :
- contradictoire-prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties-signé par V. SALMERON, faisant fonction de président, et par M. MARGUERIT, greffier de chambre.

Faits, Procédure, Moyens et prétentions des parties

Attendu que par contrat des 5 et 8 décembre 2006, la Caisse d'épargne et de prévoyance de Midi Pyrénées (la caisse) a consenti un prêt de trésorerie de 30 000 euros à la société Bissac (la société), ayant pour objet la fabrication d'articles de voyage et de maroquinerie et dont Mme Z... était la gérante ; que Mme Z... et son époux, M. Vincent Z... se sont engagés le 8 décembre 2006 en qualité de cautions solidaires à concurrence de la somme de 39 000 euros.
Attendu qu'après la mise en redressement puis liquidation judiciaires de la société par jugements des 23 novembre 2007 et 18 janvier 2008, le tribunal de commerce de Castres, par jugement du 18 mai 2009, a " relevé " M. Z... de sa caution et a condamné, sous bénéfice de l'exécution provisoire, Mme Z... à payer à la caisse la somme de 30 602, 71 euros outre celle de 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Attendu que par déclaration du 15 juillet 2009, Mme Z... a relevé appel de cette décision.
Attendu que la caisse, qui a formé un appel incident, a appelé en la cause M. Z... par actes d'huissier des 26 octobre et 9 décembre 2009.
Attendu que par conclusions du 24 mars 2010, les époux Z... demandent à la cour de les " relever " de leur engagement de caution, de rejeter les demandes de la caisse, de condamner la caisse au paiement de dommages et intérêts qui ne sauraient être inférieurs au montant restant dû au titre de la garantie, de condamner la caisse au paiement de la somme de 10000 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter de l'arrêt à intervenir outre celle de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Qu'ils invoquent la disproportion de leurs engagements de cautions au regard de leurs facultés financières, les diverses fautes commises par la caisse qui a manqué à son devoir de conseil, à tardé dans la mise en place du crédit consenti à la société, a rejeté sans raison des chèques ou n'a pas crédité des opérations de cartes bancaire laissant ainsi dépérir la situation, et a écarté toute intervention du Fonds de Garantie à l'initiative des Femmes ou la demande de garantie auprès d'OSEO présentée par Mme Z... ; que M. Z... dénie de son côté la qualité d'associé.
Attendu que par conclusions du 16 septembre 2009, la caisse sollicite la condamnation solidaire des époux Z... au paiement de la somme de 30 602, 71 euros outre celle de 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que le rejet des demandes adverses.
Qu'elle conteste le caractère disproportionné de l'engagement de caution ainsi que les fautes qui lui sont reprochées qui reposeraient, selon elle, sur de simples allégations, tandis qu'elle fait observer que même à supposer que le prêt litigieux ait bénéficié d'une garantie OSEO, ce prêt n'aurait pas relevé de la catégorie des prêts à la création d'entreprise.
Attendu que la clôture de l'instruction du dossier est intervenue le 24 janvier 2011.
Motifs :
Attendu qu'en invoquant le caractère manifestement disproportionné de leurs engagements de cautions et en demandant à être " relevés " de ces engagements, M. et Mme Z... ont nécessairement entendu se placer dans le cadre de l'article L. 341-4 du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi du 1er août 2003, applicable en la cause, en raison de la date des contrats de cautionnement.
Attendu qu'aux termes de cet article, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; que cette disposition s'applique aux personnes physiques, sans distinction, qu'elles soient commerçantes ou non, à la date de l'engagement de caution.
Attendu qu'il appartient au juge d'apprécier la disproportion au regard de la situation financière de chacune des cautions solidaires puisque chacune d'elles est tenue au tout.
Attendu que pour octroyer le prêt de trésorerie, la caisse s'est déterminée au vu des seuls avis d'imposition 2004 et 2005, faisant apparaître des revenus annuels s'élevant respectivement à 67 869 euros et 34 298 euros, et d'un relevé de compte joint pour la période du 28 août au 28 septembre 2006.
Attendu, par ailleurs, qu'il ressort de l'extrait du registre du commerce et des sociétés, que la société a débuté son exploitation le 16 janvier 2006 ; que la caisse a accordé à la société un premier prêt de 20000 euros par acte du 29 mars 2006, dont le remboursement était garanti par un nantissement sur le fonds de commerce.
Attendu que la demande pressante de Mme Z... tendant à l'octroi d'un prêt de trésorerie de 30 000 euros, formée moins d'un an après l'octroi du premier prêt, aurait dû conduire la caisse à se montrer plus vigilante, dès lors que l'objet même du prêt révélait que la société ne disposait pas de liquidités suffisantes et que la gérante ne pouvait donc disposer d'un revenu équivalent à celui qu'elle percevait les années précédentes ; qu'en raison de cette anomalie apparente, la caisse aurait dû vérifier l'exactitude des renseignements fournis par Mme Z..., ne pas se satisfaire de la transmission des avis d'imposition 2004 et 2005 et exiger la production des justificatifs des revenus de Mme Z... à la date de l'engagement de caution ; que rien n'empêchait à cet égard la caisse d'exiger la production par la gérante de la société d'un bilan comptable prévisionnel pour l'année 2006.
Qu'en effet, l'avis d'imposition 2006 fait apparaître une chute spectaculaire des revenus de Mme Z... qui ne s'élèvent plus qu'à la somme annuelle de 15 382 euros (soit 1281, 83 euros par mois) de sorte que la charge de l'emprunt, s'élevant à 576, 64 euros par mois, représente près de la moitié des ressources mensuelles de la caution alors qu'il n'est pas contesté que celle-ci n'était propriétaire d'aucun bien immobilier ;
Attendu qu'à la date de conclusion du contrat de cautionnement, l'engagement de caution de Mme Z... s'avère donc disproportionné au regard de sa situation patrimoniale.
Attendu qu'il n'est pas contesté qu'à la date où elle est appelée en sa qualité de caution, Mme Z... n'est propriétaire d'aucun bien immobilier et que ses seules ressources sont constituées, au vu de la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 23 novembre 2009, annexé au dossier de procédure, par le versement d'une somme mensuelle de 618 euros ; que, dès lors, le patrimoine de Mme Z... ne lui permet pas, à la date où la caisse lui demande le remboursement du prêt, de faire face à son obligation.
Attendu qu'il y a lieu en conséquence de déchoir la caisse du droit de se prévaloir de l'engagement de caution souscrit par Mme Z..., compte tenu du caractère manifestement disproportionné de cet engagement.
Attendu qu'en ce qui concerne M. Vincent Z..., celui-ci, qui est marié avec son épouse sous le régime de la séparation de biens, n'était pas associé dans la société contrairement à ce qu'a relevé le tribunal ; qu'il ressort en effet des statuts de la société que celle-ci avait été constituée par Mme Y... épouse Z... et par M. Arnaud Z... ; qu'il n'est pas contesté que, lors de son engagement de caution, M. Vincent Z... n'était propriétaire d'aucun immeuble.
Attendu que les avis d'imposition 2004 et 2005 révèlent que seule Mme Z... percevait une rémunération tandis que le relevé de compte, annexé à la demande de prêt, fait apparaître le versement, à la date du 19 septembre 2006, d'allocations ASSEDIC d'un montant de 655, 60 euros, ce qui corrobore l'affirmation de M. Z... indiquant qu'à la date de l'engagement de caution, il ne percevait plus que des allocations journalières de fin de droits.
Attendu, dès lors, que ces éléments, qui mettaient en évidence la précarité de la situation financière de M. Z..., auraient dû alerter la caisse sur l'impossibilité de M. Z... de supporter le remboursement du prêt ; que la disproportion de l'engagement de caution est d'autant plus manifeste que l'échéance mensuelle de remboursement du crédit, soit 576, 64 euros absorbe en quasi totalité le montant de l'allocation ASSEDIC versée au cours du troisième trimestre 2006.
Attendu que la situation de M. Z... n'a cessé de se dégrader puisque au 3 mars 2008, il ne percevait plus qu'une allocation mensuelle Assedic de 427, 46 euros tandis que le dossier de procédure révèle que dans le cadre de la présente instance, il bénéficie de l'aide juridictionnelle totale, le Bureau d'Aide juridictionnelle ayant constaté, dans sa décision du 6 juillet 2010, que l'intéressé avait pour seule source de revenu le RSA. ; que le patrimoine de M. Z... ne lui permet donc pas, à la date où la caisse lui demande le remboursement du prêt, de faire face à son obligation.
Attendu qu'il y a lieu en conséquence de déchoir la caisse du droit de se prévaloir de l'engagement de caution souscrit par M. Z..., compte tenu du caractère manifestement disproportionné de cet engagement et de rejeter l'appel incident formé contre celui-ci.
Attendu que la sanction prévue par l'article L. 341-4 du code de la consommation tient à l'interdiction faite au créancier de se prévaloir des engagements de caution, sans que les époux Z... puissent, de ce chef, solliciter réparation d'un autre préjudice et le paiement de dommages et intérêts ; que la demande qu'ils forment à ce titre sera rejetée.
Attendu pour le surplus, que les époux Z... ne justifient pas du préjudice commercial causé par le retard prétendument pris par la banque pour octroyer le prêt litigieux ; qu'il appartenait à Mme Z..., désireuse de financer la fabrication d'articles en vue des fêtes de fin d'année, de prévoir le temps nécessaire pour l'élaboration d'un dossier de prêt et l'obtention des fonds avant de lancer une campagne de fabrication et d'adapter l'approvisionnement de ses stocks en fonction des saisons.
Attendu que la discussion relative à l'absence de contre garanties prises par la caisse auprès d'OSEO ou du Fonds de Garantie à l'Initiative des Femmes est rendue inopérante puisque la caisse est déchue du droit de se prévaloir des engagements de cautions.
Attendu, enfin, que les seuls extraits de comptes et correspondances produits aux débats révèlent les difficultés financières subies par la société au cours de l'année 2007, lesquelles ont conduit à la cessation des paiements et à l'ouverture du redressement puis de la liquidation judiciaire, sans que les époux Z... établissent que les fautes prétendument commises par leur principal partenaire financier auraient directement provoqué l'ouverture de la procédure collective.
Qu'il y a lieu en conséquence de rejeter la demande des époux Z... en paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts
PAR CES MOTIFS :
Infirme le jugement, sauf en ce qu'il a " relevé " M. Vincent Z... de sa caution et a débouté les époux Z... de leurs demandes en paiement de dommages et intérêts ;
Dit que la Caisse d'Epargne et de prévoyance Midi Pyrénées est déchue du droit de se prévaloir de l'engagement de caution souscrit le 8 décembre 2006 par Mme Z... ;
Dit que la Caisse d'Epargne est déchue du droit de se prévaloir de l'engagement de caution souscrit le 8 décembre 2006 par M. M. Z... ;
Déboute en conséquence la Caisse d'épargne et de prévoyance Midi Pyrénées de ses demandes ;
Condamne la Caisse d'épargne et de prévoyance Midi Pyrénées aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP Chateau, avoué à la cour ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de M. et Mme Z... et de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Midi Pyrénées.

Le Greffier, Le Président,

Martine MARGUERIT Valérie SALMERON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 2eme chambre section 2
Numéro d'arrêt : 09/03600
Date de la décision : 25/10/2011
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Analyses

Les dispositions de l'article L.341-4 du code de la consommation s'appliquent aux personnes physiques, sans distinction, qu'elles soient commerçantes ou non, à la date de l'engagement de caution. En présence d'un cautionnement solidaire, il appartient au juge d'apprécier la disproportion au regard de la situation financière de chacune des cautions solidaires puisque chacune d'elles est tenue au tout. La sanction prévue par l'article L.341-4 du code de la consommation tient à l'interdiction faite au créancier de se prévaloir des engagements de caution, sans que les cautions puissent, de ce chef, solliciter réparation d'un autre préjudice et le paiement de dommages et intérêts. En l'espèce, le créancier est déchu du droit de se prévaloir de l'engagement souscrit par chacune des cautions solidaires.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2011-10-25;09.03600 ?
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