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23/03/2011 | FRANCE | N°09/05271

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 2eme chambre section 1, 23 mars 2011, 09/05271


23/ 03/ 2011
ARRÊT No 77
NoRG : 09/ 05271 FC/ AT

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS *** COUR D'APPEL DE TOULOUSE 2eme Chambre Section 1
*** ARRÊT DU VINGT TROIS MARS DEUX MILLE ONZE
***

Décision déférée du 09 octobre 2009 Tribunal de Commerce d'ALBI-2008 00393

Caroline X... représentée par la SCP DESSART-SOREL-DESSART

C/

SA BRASSERIE KRONENBOURG représenté par la SCP BOYER LESCAT MERLE

APPELANTE

Madame Caroline X... ... 81000 ALBI

Représentée par la SCP DESSART-SOREL-DESSART, avoués à l

a Cour Assistée de la SCP PALAZY-BRU, PILLOST, VALAX, CULOZ, REYNAUD, avocats au barreau d'ALBI

(bénéficie d'une aide juri...

23/ 03/ 2011
ARRÊT No 77
NoRG : 09/ 05271 FC/ AT

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS *** COUR D'APPEL DE TOULOUSE 2eme Chambre Section 1
*** ARRÊT DU VINGT TROIS MARS DEUX MILLE ONZE
***

Décision déférée du 09 octobre 2009 Tribunal de Commerce d'ALBI-2008 00393

Caroline X... représentée par la SCP DESSART-SOREL-DESSART

C/

SA BRASSERIE KRONENBOURG représenté par la SCP BOYER LESCAT MERLE

APPELANTE

Madame Caroline X... ... 81000 ALBI

Représentée par la SCP DESSART-SOREL-DESSART, avoués à la Cour Assistée de la SCP PALAZY-BRU, PILLOST, VALAX, CULOZ, REYNAUD, avocats au barreau d'ALBI

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 31555/ 2010/ 002552 du 12/ 07/ 2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)
INTIMÉE
SA BRASSERIE KRONENBOURG 68 Route d'Oberhausbergen 67037 STRASBOURG CEDEX

Représentée par la SCP BOYER LESCAT MERLE, avoués à la Cour assisté de Me Sylvain BRILLAULT, avocat au barreau de LYON.

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 03 février 2011 en audience publique, devant la Cour composée de :
G. COUSTEAUX, président P. DELMOTTE, conseiller F. CROISILLE-CABROL, Vice-Présidente placée qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : A. THOMAS
ARRÊT :
- Contradictoire
-Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
-Signé par G. COUSTEAUX, président, et par A. THOMAS, greffier de chambre.
FAITS ET PROCÉDURE
Suivant acte du 1er mars 2004, le CRÉDIT INDUSTRIEL D'ALSACE ET DE LORRAINE (CIAL) a consenti à la SARL LA CANTINA DEL PATIO un prêt d'un montant en capital de 7 851 €, remboursable en 36 mensualités de 237, 77 € au taux d'intérêt de 5, 40 % l'an. Dans le cadre d'un contrat de brasserie, la SAS LES BRASSERIES KRONENBOURG s'est portée caution des engagements de la SARL LA CANTINA DEL PATIO de toute somme en capital, intérêts, frais, commissions et accessoires. Mme X..., gérante de la société LA CANTINA DEL PATIO, et M. Y..., se sont portés eux-mêmes cautions de la SAS LES BRASSERIES KRONENBOURG à hauteur de 7 851 € plus intérêts, frais et accessoires.
Les mensualités du crédit n'étant plus régulièrement payées, la déchéance du terme est intervenue au 5 mars 2005. En sa qualité de caution, la SAS LES BRASSERIES KRONENBOURG a payé au CIAL la somme de 5 873, 52 € au titre des sommes restant dues au titre du prêt, la banque la subrogeant dans ses droits selon quittance subrogative du 13 avril 2005.
La SARL LA CANTINA DEL PATIO a été placée en redressement judiciaire suivant jugement du Tribunal de Commerce d'ALBI du 22 mars 2005, suivi d'un plan de cession du 8 novembre 2005. La SAS LES BRASSERIES KRONENBOURG a déclaré sa créance entre les mains de Me B..., créance admise par ordonnance du Juge Commissaire du 7 juillet 2006. Le 21 janvier 2008, Me C..., administrateur judiciaire, a délivré à la SAS LES BRASSERIES KRONENBOURG un certificat d'irrecouvrabilité.
Par LRAR du 17 juin 2008, la SAS LES BRASSERIES KRONENBOURG a mis en demeure Mme X..., en sa qualité de caution, de régler sa dette.
Cette mise en demeure étant restée infructueuse, le 14 octobre 2008, la SAS LES BRASSERIES KRONENBOURG a déposé à l'encontre de Mme X... une requête en injonction de payer devant le Président du Tribunal de Commerce d'ALBI, lequel a rendu une ordonnance conforme le 17 octobre 2008, ordonnance signifiée le 31 octobre 2008 à Mme X..., laquelle y a formé opposition le 18 novembre 2008.
Par jugement du 9 octobre 2009, le Tribunal de Commerce d'ALBI a :- rejeté l'opposition de Mme X... à l'encontre de l'ordonnance d'injonction de payer ;

- condamné Mme X... à payer à la SAS LES BRASSERIES KRONENBOURG les sommes suivantes :
* 5 873, 52 € au titre du prêt, avec intérêts au taux de 9, 40 % à compter du 17 juin 2008 et capitalisation des intérêts ;
* 802, 29 € au titre de l'indemnité de recouvrement contractuelle ;- ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

- débouté la SAS LES BRASSERIES KRONENBOURG du surplus de ses demandes (dommages-intérêts pour résistance abusive, article 700 du Code de Procédure Civile) ;
- condamné Mme X... aux dépens.
Par acte déposé le 28 octobre 2009, Mme X... a interjeté appel du jugement.
Mme X... a déposé ses dernières conclusions le 12 mai 2010.
La SAS LES BRASSERIES KRONENBOURG a déposé des conclusions le 7 avril 2010.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 janvier 2011.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Mme X... soutient que :
- son engagement de cautionnement est nul faute de mention manuscrite prévue par les articles L 341-2 et L 341-3 du Code de la Consommation pour les personnes physiques s'engageant envers un professionnel, dispositions d'ordre public ; conformément à la jurisprudence de la Cour de Cassation, Mme X... peut prétendre à cette protection due aux personnes physiques même si elle était gérante de la SARL LA CANTINA DEL PATIO, peu important qu'elle ait eu ou non un intérêt dans l'opération de crédit initiale ; la SAS LES BRASSERIES KRONENBOURG, qui est bien un créancier professionnel, ne peut utilement invoquer, pour soutenir que la « sous-caution » ne bénéficie pas de cette protection, l'article L 313-22 du Code Monétaire et Financier, qui ne concerne que les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise ;
- la SAS LES BRASSERIES KRONENBOURG ne peut opposer à Mme X... une « forclusion » de sa demande de nullité du cautionnement ; en effet, l'exception de nullité peut être opposée perpétuellement, sans être soumise au délai de prescription quinquennale de l'article 1304 du Code Civil, qui ne concerne que l'action en paiement principale ;
- la SAS LES BRASSERIES KRONENBOURG s'est délibérément affranchie des dispositions du Code de la Consommation relatives à la mention manuscrite afin d'empêcher Mme X... de prendre conscience de l'étendue de son engagement et a sciemment engagé une action judiciaire sur le fondement d'un acte qu'elle savait nul, ce qui caractérise un abus de droit.
Elle sollicite, au visa des articles L 341-2 et L 342-3 du Code de la Consommation et 1304 du Code Civil :
- l'infirmation du jugement ;
- le rejet des prétentions de la SAS LES BRASSERIES KRONENBOURG ;
- la condamnation de la SAS LES BRASSERIES KRONENBOURG à lui payer les sommes suivantes :
* 3. 000 € de dommages intérêts pour procédure abusive ; * 3. 000 € en vertu de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- la condamnation de la SAS LES BRASSERIES KRONENBOURG aux dépens, dont distraction au profit de la SCP DESSART SOREL DESSART.
La SAS LES BRASSERIES KRONENBOURG réplique que :- Mme X... ne pouvait demander la nullité de son engagement de sous caution qu'au plus tard au 1er mars 2009, soit dans les 5 ans de l'acte ; en ne le faisant que lors de l'audience devant le Tribunal de Commerce, le 11 septembre 2009, elle est donc forclose ;

- en application de la jurisprudence relative à l'article L 313-22 du Code Monétaire et Financier, Mme X... s'étant seulement engagée en qualité de sous caution de la SAS LES BRASSERIES KRONENBOURG, elle ne bénéficie pas de l'article L 341-2 du Code de la Consommation, qui ne concerne que les cautions qui s'engagent envers les créanciers professionnels (tels que les banques), conformément à la jurisprudence ; la professionnelle gérante qu'est Mme X..., qui avait connaissance de la portée de son engagement pour garantir un crédit octroyé à sa société, est exclue de la protection ;
- c'est à tort que le Tribunal a fait courir les intérêts contractuels seulement à compter de la mise en demeure du 17 juin 2008 ; en effet, ces intérêts courent dès la déchéance du terme du 5 mars 2005 ;
- l'indemnité de 10 % due au titre des frais engagés par la SAS LES BRASSERIES KRONENBOURG pour le recouvrement amiable de sa créance n'est pas une clause pénale susceptible d'être réduite en application de l'article 1152 du Code Civil.
Elle sollicite, au visa des articles L 341-2 et suivants du Code de la Consommation, 1134, 1147, 1304, 2288 du Code Civil, 32-1 du Code de Procédure Civile :
- la confirmation du jugement ;
- y ajoutant, la condamnation de Mme X... à lui payer les sommes suivantes :
* 5. 873, 52 € au titre du prêt, avec intérêts au taux de 9, 40 % à compter du 5 mars 2005 ;
* 500 € de dommages intérêts pour résistance abusive ; * 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, pour les frais exposés en appel ;
- la condamnation de Mme X... aux dépens dont distraction au profit de la SCP BOYER LESCAT MERLE.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le cautionnement :
Il ressort de l'article L 341-2 du Code de la Consommation, issu de la loi du 1er août 2003 et applicable aux cautionnements consentis à compter du 5 février 2004, que toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci « en me portant caution de X …, dans la limite de la somme de … couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de …, je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X … n'y satisfait pas lui-même ».
L'article L 341-3 du même code, applicable dans les mêmes conditions, ajoute que, lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante « en renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du Code Civil et en m'obligeant solidairement avec X …, je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X … ».
En l'espèce, Mme X... est bien une personne physique. Les articles précités ne prévoient aucune distinction selon la qualité de la caution (avertie ou non, gérante d'une personne morale ou non). Les arrêts de la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation des 16 mars 1993 et 18 mai 1999 invoqués par la SAS LES BRASSERIES KRONENBOURG et antérieurs aux articles du Code de la Consommation sus-visés, sont inapplicables en l'espèce.
Est un créancier professionnel celui dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n'est pas principale (cf. Cour de Cassation, 1e Chambre Civile, 9 juillet 2009). La SAS LES BRASSERIES KRONENBOURG, qui a signé un contrat de brasserie, ayant permis à la SARL LA CANTINA DEL PATIO d'obtenir le prêt auprès du CIAL, en lien direct avec son objet social, est incontestablement un créancier professionnel.
Le Code de la Consommation ne distingue pas plus entre cautionnement et « sous cautionnement » ou cautionnement d'une caution. La SAS LES BRASSERIES KRONENBOUIRG ne peut utilement invoquer la jurisprudence relative à l'article L 313-22 du Code Monétaire et Financier, concernant l'obligation d'information annuelle donnée par les établissements de crédit aux cautions, qui est sans lien avec le présent litige entre une caution et une sous caution. Les dispositions du Code de la Consommation précitées sont donc applicables à Mme X....

Or, dans son engagement de caution, Mme X... a écrit de sa main, avant de signer, « lu et approuvé pour acceptation de caution solidaire à hauteur de 7. 851 € (sept mille huit cent cinquante et un euros) plus intérêts, frais et accessoires ». Cette mention manuscrite n'est pas conforme aux textes précités du Code de la Consommation et l'acte de cautionnement encourt la nullité.
Il importe peu que Mme X... n'ait soulevé l'exception de nullité de son cautionnement que par conclusions déposées à l'audience du Tribunal de Commerce du 11 septembre 2009, soit passé le délai de 5 ans prévu à l'article 1304 du Code Civil après l'acte du 1er mars 2004 ; en effet, l'exception de nullité d'un acte est perpétuelle (cf. Cour de Cassation, 1e Chambre Civile, 19 décembre 1995). L'appelante n'est pas prescrite en son moyen.
C'est donc à tort que le Tribunal de Commerce a rejeté l'exception de nullité du cautionnement de Mme X... en se référant à la notion de « consommateur non averti », alors que les articles L 341-2 et suivants emploient le terme général de « personne physique ».
Il convient dès lors de prononcer la nullité du cautionnement de Mme X... et de débouter la SAS LES BRASSERIES KRONENBOURG de ses prétentions de ce chef et par suite de ses prétentions accessoires.
Sur les dommages intérêts pour procédure abusive :
Sauf circonstances particulières, une action en justice ne peut constituer un abus de droit lorsque sa légitimité a été reconnue par la juridiction du premier degré, malgré l'infirmation dont sa décision a été l'objet. En l'espèce, le simple fait que la SAS LES BRASSERIES KRONENBOURG ait engagé une action en justice contre Mme X... sur le fondement d'un acte de cautionnement qui par la suite s'est avéré nul ne suffit pas à caractériser ces circonstances particulières. Mme X... sera donc déboutée de sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive.

Sur l'article 700 du Code de Procédure Civile et les dépens :

La SAS LES BRASSERIES KRONENBOURG, qui succombe en ses moyens et prétentions, devra assumer les dépens. L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 au bénéfice de Mme X....

PAR CES MOTIFS

Infirme en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de Commerce d'ALBI du 9 octobre 2009 ;
Statuant à nouveau :
Prononce la nullité de l'acte de cautionnement contracté par Mme X... au profit de la SAS LES BRASSERIES KRONENBOURG le 1er mars 2004 ;
En conséquence, déclare bien fondée l'opposition à l'ordonnance d'injonction de payer rendue par le Président du Tribunal de Commerce d'ALBI le 17 octobre 2008 ;
Déboute la SAS LES BRASSERIES KRONENBOURG de l'intégralité de ses demandes ;
Déboute Mme X... du surplus de ses demandes ;
Condamne la SAS LES BRASSERIES KRONENBOURG aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
Autorise les avoués de la cause à recouvrer directement les dépens d'appel dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu de provision conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 2eme chambre section 1
Numéro d'arrêt : 09/05271
Date de la décision : 23/03/2011
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Analyses

L'exception de nullité d'un acte de sous-cautionnement peut être soulevée pour non-respect des dispositions des articles L 341-2 et L 341-3 du code de la consommation, qui ne distinguent pas entre cautionnement et sous-cautionnement; ainsi, la personne physique qui se porte sous-caution solidaire d¿une caution professionnelle doit, dans son engagement, faire précéder sa signature des exactes mentions manuscrites prévues par ces textes.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2011-03-23;09.05271 ?
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