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19/09/2001 | FRANCE | N°2000/01054

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 19 septembre 2001, 2000/01054


DU 19.09.2001 ARRET N° Répertoire N° 2000/01054 Première Chambre Deuxième Section MT/JCB 09/12/1999 TGI TOULOUSE RG : 199801570 (1CH) (M. X...) Madame Y... Z... 100 % du 09/02/2000 S.C.P MALET C/ Monsieur A... Z... 25 % du 05/04/2000 S.C.P SOREL DESSART SOREL CONFIRMATION GROSSE DELIVREE LE Y... COUR D'APPEL DE TOULOUSE REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Arrêt de la Première Chambre, Deuxième Section Prononcé: Y... l'audience publique du DIX NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE UN, par J. BIOY, conseiller, assisté de E. RICAUT, faisant fonctions de greffier. Composition de l

a cour lors des débats Magistrat :

J. BIOY, magistrat chargé ...

DU 19.09.2001 ARRET N° Répertoire N° 2000/01054 Première Chambre Deuxième Section MT/JCB 09/12/1999 TGI TOULOUSE RG : 199801570 (1CH) (M. X...) Madame Y... Z... 100 % du 09/02/2000 S.C.P MALET C/ Monsieur A... Z... 25 % du 05/04/2000 S.C.P SOREL DESSART SOREL CONFIRMATION GROSSE DELIVREE LE Y... COUR D'APPEL DE TOULOUSE REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Arrêt de la Première Chambre, Deuxième Section Prononcé: Y... l'audience publique du DIX NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE UN, par J. BIOY, conseiller, assisté de E. RICAUT, faisant fonctions de greffier. Composition de la cour lors des débats Magistrat :

J. BIOY, magistrat chargé du rapport avec l'accord des parties (articles 786 et 910 du nouveau code de procédure civile). Greffier lors des débats: S. REINETTE Débats: Y... l'audience publique du 27 Juin 2001 . La date à laquelle l'arrêt serait rendu a été communiquée. Composition de la cour lors du délibéré : Président :

J. BIOY Conseillers :

J.C. BARDOUT

C. FOURNIEL Avant l'ouverture des débats, les parties ont été informées des noms des magistrats composant la cour. Nature de l'arrêt : CONTRADICTOIRE APPELANT (E/S) Madame Y... B... pour avoué la S.C.P MALET B... pour avocat Maître GUINET du barreau de TOULOUSE Aide Juridictionnelle 100 % du 09/02/2000 INTIME (E/S) Monsieur A... B... pour avoué la S.C.P SOREL DESSART SOREL B... pour avocat Maître SIGUIER POULHIES du barreau de TOULOUSE Aide Juridictionnelle 25 % du 05/04/2000 EXPOSÉ DU LITIGE

Par déclaration dont la régularité et la recevabilité ne sont pas discutées, remise au secrétariat greffe de la cour le 14 janvier 2000 et enrôlée le 2 mars suivant, Mme Y... est appelante à l'encontre de M.

A... d'un jugement contradictoirement rendu le 9 décembre 1999 par le tribunal de grande d'instance de Toulouse qui, statuant sur la demande présentée par M. A... aux fins de voir déterminer le régime matrimonial applicable aux époux, mariés sans contrat le 24 janvier 1954 selon le rite malékite devant le cadi de la mahakma de Blida, transcrit le lendemain en mairie de Meurad (ALGÉRIE), alors département français, divorcés par jugement définitif en date du 31 janvier 1996, et alors que le notaire chargé de procéder aux opération de liquidation a dressé un procès verbal de difficulté le 24 septembre 1997, a: - dit que le régime matrimonial applicable aux époux Mme Y... - M. A... est le régime de séparation de biens tel que le connaît la coutume musulmane et le droit algérien ; - dit que l'ensemble immobilier d'une contenance de 24 a, constitue un bien propre appartenant à M. A... ; - renvoyé les parties devant Maître VERDIER et Maître DURAND, notaire, afin que soient poursuivies les opérations de comptes, liquidation et partage des droits des époux ; - dit n'y a voir lieu à exécution provisoire et que les dépens seront passés en frais privilégiés de partage.

Mme Y..., par conclusions du 20 février 2001 demande de : - réformer le jugement en toutes ses dispositions, - juger que les époux étaient mariés sous le régime de la communauté légale ; - dire que la maison d'habitation est un bien commun des époux ; - renvoyer les parties devant Maître DURAND afin qu'il soit procédé aux opérations de liquidation et de partage.

Subsidiairement, et en application de l'article 1537 du code civil, elle sollicite : - la désignation d'un expert avec mission d'évaluer l'enrichissement de son époux durant le mariage et subséquemment l'appauvrissement de la concluante ;

En tout état de cause, elle requiert : - la condamnation de M. A... aux entiers dépens de premi re instance et d'appel, outre une

condamnation à une somme de 5 000 francs au titre des frais non compris dans les dépens.

Elle affirme que, quoique célébré selon le rite musulman à Blida, le mariage a été transcrit le lendemain à l'état civil français à la mairie de Meurad, seul le registre de cette commune en faisant mention.

Elle soutient que, étant tous deux de nationalité française par la naissance, et n'ayant pas signé de contrat de mariage, les époux se sont mariés sous le régime de la communauté légale français.

Elle précise qu'ayant établi leur domicile en France depuis 1962, les époux ont ainsi manifesté clairement leur volonté quant à la localisation de leurs intérêts pécuniaires en France.

Subsidiairement, elle prétend avoir travaillé sans rémunération pour l'entreprise dont son époux était gérant et contribué à l'enrichissement du couple, l'acquisition du terrain sur lequel est bâti la maison ayant été ainsi partiellement financé par elle, la maison ayant en outre bénéficié de travaux d'embellissements réalisés par elle.

M. A..., intimé, par conclusions récapitulatives visées le 23 mai 2001, sollicite la confirmation du jugement dont appel et la condamnation de l'appelante aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Il soutient que, pour les français de statut local, le droit applicable au statut personnel est le droit local tant que les intéressés n'y ont pas renoncé.

Il déclare que, les époux ayant vécu en Algérie à compter de leur mariage en 1954 jusqu'en 1962, leur premier établissement doit être considéré comme stable et consacrerait la volonté qu'ils auraient eu de se soumettre au droit local.

Il affirme que les époux n'auraient jamais manifesté l'intention de placer leurs intérêts patrimoniaux sous le régime du droit français.

Il expose que le droit local devenu le droit algérien ignorerait le concept de régime matrimonial et considérerait que le mariage n'a aucune incidence sur les relations pécuniaires entre époux ; que par conséquence le droit local applicable alors serait le régime de séparation de biens.

Il s'oppose à la demande formulée sur le fondement de l'article 1537 du code civil en faisant valoir que le jugement de divorce aujourd'hui définitif, qui l'a condamné à verser une pension alimentaire de 2 000 francs par mois, a déjà pris en compte la disparité existant entre les époux. MOTIFS DE LA DÉCISION sur la loi applicable au régime matrimonial des époux

Le premier juge a exactement dit qu'une simple transcription sur le registre de l'état civil, se référant à une célébration intervenue selon une coutume musulmane, ne traduit pas la volonté non équivoque des époux de soumettre leur régime matrimonial au droit commun français, et le premier établissement des époux en Algérie étant stable et durable, celui-ci consacre la volonté qu'ils avaient au moment du mariage de se soumettre au droit local en vigueur d'où il suit que, par adoption de motifs, la cour confirme le jugement dont appel en ce qu'il a dit que la loi applicable au régime matrimonial est celle de la coutume locale algérienne, alors droit local en vigueur en ALGÉRIE en 1954, date de leur mariage, alors que même que ce pays était département français. sur le régime matrimonial des époux

Il ressort de la correspondance du CRIDON de Bordeaux en date du 2 août 1994 que, pour les Français de statut local (les musulmans notamment), le droit applicable au statut personnel, y compris le régime matrimonial, était le droit local tant que les intéressés n'y avaient pas renoncé et que ce droit local, aujourd'hui retranscrit

dans le droit algérien de la famille, ignore le concept même de régime matrimonial et considère que le mariage n'a aucune incidence sur les relations pécuniaires entre époux, sauf aux époux de conclure des contrats entre eux.

D'autre part, le consul d'Algérie à Toulouse, par attestation en date du 28 juillet 1993 concordante sur ce point à la correspondance du CRIDON, déclare que le régime matrimonial en droit musulman est la séparation de biens.

Et, les époux ne faisant état d'aucun contrat passé entre eux pour régler leurs intérêts patrimoniaux, il s'ensuit que le régime applicable d'après le droit local au bénéfice duquel les époux se sont mariés, est celui de la séparation de biens. sur la loi applicable à la dissolution du régime matrimonial

La loi applicable à la dissolution du régime matrimonial des époux est la loi qui régit le régime matrimonial.

L'option exprimée par les époux, par leur mariage selon le rite malékite, en faveur de la coutume musulmane, alors érigée en droit local dans le département français d'Algérie, n'emporte pas soumission à une loi étrangère, mais application du régime de séparation de bien, peu importe que le droit local alors en vigueur soit actuellement codifié ou non dans le code de la famille algérien. L'application du droit local n'emporte dérogation à la loi française que dans le cadre strictement limité à son objet, et ne peut faire échec, en l'absence de toute disposition expresse contraire, à l'application de la loi française qui est générale, et notamment pas aux actions dérivées des articles 1371 et 1537 du code civil français.

C'est dès lors à bon droit que Mme Y... fonde son action sur l'article 1537 du code civil français. sur la recevabilité de l'action en

indemnité pour enrichissement en cause

En droit, l'octroi d'une prestation compensatoire par le juge du divorce ne s'oppose pas à la recevabilité de l'action de in rem verso pour l'indemnisation de l'appauvrissement résultant de la participation bénévole à l'activité professionnelle de l'ex conjoint, sauf si le jugement de divorce prend en compte cet appauvrissement en vue de l'évaluation de la prestation compensatoire.

En l'espèce, le jugement définitif de divorce prononcé le 31 janvier 1996 a apprécié, pour fixer la prestation compensatoire sous forme de rente d'un montant de 2 000 francs, la disparité existant dans les revenus des époux, spécifiant notamment que Mme Y... n'a jamais exercé de profession rémunérée, qu'elle n'aura vraisemblablement plus la jouissance du domicile conjugal, et qu'elle bénéficie de 69 trimestres pour l'ouverture de ses droits à une retraite tandis que M. A... disposera de revenus moyens de 4 400 francs environ par mois outre une maison lui appartenant en propre et dont la vente lui permettrait de percevoir un capital non négligeable et d'accroître ainsi ses revenus.

Ce jugement n'a pas statué ni sur l'éventuelle participation bénévole de l'épouse à l'activité professionnelle de l'ex conjoint, ni sur les droits éventuels qu'une telle situation ouvrirait au profit de l'épouse. La prestation compensatoire, qui est destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage créé dans les conditions de vie respective, n'a pas eu pour objet, en l'espèce, de compenser l'absence de rémunération pendant le mariage, ni l'éventuelle contribution de l'épouse aux ressources ou à l'acquisition et la bonification des biens de son mari.

Il s'en suit que l'action de Mme A... en indemnisation fondée sur l'enrichissement en cause est recevable en la forme, sous réserve de son examen au fond. Sur la demande en indemnité pour enrichissement

en cause au fond

En droit, une indemnité d'enrichissement sans cause ne peut être due à l'un des époux séparé de bien en raison d'une activité ayant profité à l'autre que dans la mesure où , compte tenu de l'importance de cette activité, celle-ci est allée au delà de l'obligation de chacun des époux de contribuer aux charges du mariage.

En l'espèce, l'épouse alléguant avoir procuré à son époux un avantage sans cause juridique, la cour est tenue de rechercher si l'enrichissement invoqué s'est effectivement produit.

Pour ce qui concerne la participation supposée de l'épouse à l'exploitation agricole de 1952 1972 :

Mme Y... qui n'établit sa participation à l'exploitation agricole que par la production d'un relevé de cotisations au régime des non salariés agricoles ne prouve pas que celle-ci est allée au delà de son obligation de contribuer aux charges du mariage, étant remarqué que les fruits de l'exploitation ont permis au ménage de faire face à ses dépenses quotidiennes tout en réglant les cotisations sociales de retraite à son nom, et qu'au surplus aucun lien de corrélation entre la participation alléguée par l'épouse à l'exploitation agricole en Algérie avant 1972 et l'acquisition du bien immobilier par son mari en 1975 n'est établi.

Pour ce qui concerne la participation supposée de l'épouse à la société C, au début des années 1980 :

S'il ressort des pièces du dossier, et notamment des attestations de Mme C..., de Mme D..., de Mme veuve E..., de Mme F..., que l'épouse a effectué un travail consistant à nettoyer des tapis au profit de la société C, il convient de remarquer d'abord que la dite société est un tiers à l'égard des époux, et qu'aucun document n'établit la nature des relations entre cette société et les époux, hormis le lien salarial entre la société et M.B ; qu'il n'est nullement établi que l'éventuel

enrichissement de la société par le travail non rémunéré de l'épouse ait profité en tout ou partie au mari.

Au surplus, si les attestations produites établissent que l'épouse a nettoyé des tapis, il n'est pas soutenu qu'elle en ait fait une activité principale au point que celle-ci soit de nature à outrepasser son obligation de contribuer aux charges du mariage, étant remarqué que le fait que M. A... ait perçu de la dite société C un salaire ne suffit pas à établir l'appauvrissement et l'enrichissement allégués, ce salaire modeste constituant la seule ressource du ménage et ayant nécessairement profité aux deux époux.

Par ailleurs le fait que Mme Y... n'a pas cotisé à des caisses de retraite durant cette période a été pris en compte par le juge du divorce dans son appréciation de la disparité existant actuellement et dans un avenir prévisible entre les deux ex-époux, appréciation qui l'a conduit à condamner M. A... à payer une prestation compensatoire sous forme de rente à Mme Y...

Il n'est pas prouvé non plus que le nettoyage non rémunéré de tapis au profit de la société C ait contribué au financement de travaux d'embellissement ou autre du bien immobilier propriété du mari.

Pour ce qui concerne l'acquisition et l'embellissement du bien immobilier auquel Mme Y... soutient avoir participé :

Mme Y... ne démontre pas avoir apporté une partie du financement lors de l'acquisition par M. A... du bien immobilier le 8 avril 1975.

Elle ne prouve pas non plus ni la réalité des travaux d'embellissement dont elle prétend être l'auteur, ni en quoi ces dits travaux auraient excédé son obligation de contribuer aux charges du mariage, étant remarqué en outre qu'elle a partagé la jouissance des lieux pendant vingt ans.

Le travail non rémunéré de l'épouse n'est pas allé au-delà de son devoir d'assistance et de participation aux charges du mariage. Elle

sera donc déboutée en sa demande d'indemnité. sur la demande d'expertise

Au terme de l'article 146 du nouveau code de procédure civile, une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.

En l'espèce, l'appelante ne justifiant pas avoir apporté une contribution excédant sa contribution normale aux charges du mariage et ne disposant pas d'élément suffisant pour prouver l'enrichissement sans cause allégué, elle sera débouté en sa demande d'expertise. sur les frais de justice

Succombant en son appel, elle en supportera les dépens.

Il n'y a pas lieu, compte tenu de la nature familiale du conflit et des ressources respectives des parties, de faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Statuant publiquement, après débats hors la présence du public, contradictoirement et en dernier ressort,

En la forme, reçoit l'appel jugé régulier,

Au fond, confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions; D... ajoutant :

Dit recevable en droit, mais non fondée au fond l'action de l'épouse en indemnité sur le fondement de l'enrichissement sans cause ;

L'en déboute ;

La déboute aussi de sa demande d'expertise ;

Condamne Mme Y... aux dépens d'appel, étant précisé qu'elle bénéficie de l'aide juridictionnelle, ceux de première instance restant fixés comme l'a dit le premier juge ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Le Président et le Greffier ont signé la minute. LE GREFFIER

LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Numéro d'arrêt : 2000/01054
Date de la décision : 19/09/2001

Analyses

REGIMES MATRIMONIAUX - Décision déclarative de séparation des biens

Par leur mariage célébré selon le rite malekite dans le département français d'Algérie en 1954 , les époux ont exprimé leur option en faveur de la coutume musulmane, alors érigée en droit local dans ce département. Cette option n'emporte pas soumission à une loi étrangère , mais application du régime de séparation de biens en vigueur selon ce droit , sans faire obstacle à l'application des articles 1371 et 1537 du Code civil français et notamment aux règles relatives à l'enrichissement sans cause et à la contribution aux charges du mariage


Références :

Articles 1371 et 1537 du Code civil

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2001-09-19;2000.01054 ?
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