La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/03/2022 | FRANCE | N°20/042331

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 08, 03 mars 2022, 20/042331


No RG 20/04233 -
No Portalis DBVM-V-B7E-KVR5

No Minute :

Copie exécutoire
délivrée

le : 3 mars 2022

à
SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC
SELARL LEXAVOUE GRENOBLE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE DES EXPROPRIATIONS

ARRET DU JEUDI 03 MARS 2022

Appel d'une décision 20/0004 rendue par le juge de l'expropriation de [Localité 12] en date du 16 novembre 2020 suivant déclaration d'appel reçue le 11 Décembre 2020

APPELANTE :

Société PAGHIEL
société inscrite au RCS de [LocalitÃ

© 1] sous le no 537613275, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
Chez AG INVEST
[A...

No RG 20/04233 -
No Portalis DBVM-V-B7E-KVR5

No Minute :

Copie exécutoire
délivrée

le : 3 mars 2022

à
SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC
SELARL LEXAVOUE GRENOBLE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE DES EXPROPRIATIONS

ARRET DU JEUDI 03 MARS 2022

Appel d'une décision 20/0004 rendue par le juge de l'expropriation de [Localité 12] en date du 16 novembre 2020 suivant déclaration d'appel reçue le 11 Décembre 2020

APPELANTE :

Société PAGHIEL
société inscrite au RCS de [Localité 1] sous le no 537613275, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
Chez AG INVEST
[Adresse 5]
[Localité 1]

représentée par Me Josette DAUPHIN de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE postulant, et par Me Alain VIDAL-NAQUET, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

INTIMÉS :

L'ETAT REPRESENTE PAR LA SOCIETE AREA
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice,
[Adresse 2]
[Localité 9]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE postulant, et par Me Sylvain SALLES, avocat au barreau de LYON, plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBERÉ :

Mme Marie-Pierre FIGUET,Présidente,
Mme Marie-Pascale BLANCHARD,Conseillère,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,

Tous désignés conformément aux dispositions de la loi d'habilitation du 12 novembre 2013, l'ordonnance no 2014-1345 du 06 novembre 2014 et l'article R. 211-2 du code de l'expropriation et par ordonnance de Madame la première présidente du 3 janvier 2022.

Assistés lors des débats de M. Frédéric STICKER, Greffier, désigné à cette fonction conformément aux dispositions des articles R. 211-5 du code de l'expropriation.

EN PRÉSENCE LORS DES DÉBATS DE :

M. [R] [I], commissaire du Gouvernement
Direction Départementale des Finances Publiques de l'Isère
[Adresse 10]
Service France Domaine
[Localité 12]

DEBATS :

A l'audience publique du 09 Décembre 2021 à laquelle les parties et le commissaire du gouvernement ont été convoqués conformément aux dispositions de l'article R 311-27 du code de l'expropriation.

Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseillère a été entendue en son rapport.

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ont été entendues en leurs explications et le commissaire du gouvernement en ses conclusions et observations.

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 20 janvier 2022, et prorogé à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe, les parties en étant préalablement avisées.

La Cour, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

EXPOSE DU LITIGE :

Dans le cadre du projet d'élargissement et d'aménagement de l'autoroute A [Cadastre 6], l'État représenté par la société AREA a notifié à la Sas Paghiel un mémoire portant offre d'indemnité d'expropriation de deux parcelles de terrain d'une superficie totale de 405 m², détachées de parcelles cadastrées sur la commune de [Localité 12] section IM no[Cadastre 3], devenue IM no[Cadastre 7] pour une emprise de 384 m2 et section I no[Cadastre 4], devenue IM no[Cadastre 8] pour 21 m2 d'emprise.

Ces parcelles sont situées en zone UE4 du Plan Local d'Urbanisme Intercommunal du 20 décembre 2019 et sont à usage de circulation et de parking.

Sur le refus de la société Paghiel, la société AREA a saisi le juge de l'expropriation qui, par ordonnance du 23 juillet 2020, a déclaré expropriées pour cause d'utilité publique ces deux parcelles de terrain.

Par jugement du 16 novembre 2020, le juge de l'expropriation du tribunal judiciaire de Grenoble a :
- fixé l'indemnité d'expropriation due par l'Etat représenté par la société Area à la Sas Paghiel à la somme totale de 45.550 euros,
- débouté la Sas Paghiel de ses demandes complémentaires,
- dit que les travaux nécessités par les opérations d'expropriation seront à la charge de l'Etat,
- dit qu'il sera procédé au paiement de l'indemnité d'expropriation par l'Etat représenté par la société Area dans les conditions fixées par les articles R.323-1 et suivants du code de l'expropriation,
- condamné l'Etat représenté par la société Area à verser à la Sas Paghiel la somme de 2.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- laissé les dépens à la charge de l'Etat.

Suivant déclaration au greffe du 11 décembre 2020, la société Paghiel a relevé appel de cette décision.

PRETENTIONS ET MOYENS DE LA SOCIETE PAGHIEL :

Au terme de ses dernières écritures déposées le 24 novembre 2021, la société Paghiel demande à la cour de :
- recevoir la société Paghiel en son appel,
- réformer la décision entreprise,
- fixer les indemnités comme suit :
·indemnité principale pour perte de 12 places de parkings engendrant une moins-value de l'immeuble D, propriété hors emprise de la societé Paghiel : 240.000 euros,
·indemnité de remploi : 48.000 euros,

·indemnité pour dépréciation du surplus visant l'immeuble D, propriété de la société Paghiel à raison du rapprochement important (passé de 18.80 m au point le plus éloigné des voies actuelles à 3.25m au plus proche de la voie nouvelle, passée de 2 voies à 4 voies) xée à 684.200 euros,
- fixer à la somme de 5.000 euros la charge pesant sur l'Etat au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance,
- fixer à la somme de 5.240 euros la charge pesant sur l'Etat en cause d‘appel au titre des frais et honoraires de M. [F] [X] pour 1.500 euros, de Mme [U] [L] pour 2.300 euros et de M. [P] pour 1.440 euros,
- condamner l'Etat à verser à la société Paghiel la somme de 5.000 euros dans le cadre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,
- en tant que de besoin,
- condamner l'Etat à verser la totalité des sommes ci-après récapitulées avec intérêts à compter des présentes écritures dès lors que l'Etat a déjà pris possession des biens expropriés avant tout paiement soit :
·indemnité principale de 240.000 euros,
·indemnité de remploi de 48.000 euros,
·indemnité de dépréciation de 684.200 euros,
·article 700 du code de procédure civile en première instance à hauteur de 5.000 euros,
·article 700 du code de procédure civile en cause d'appel à hauteur de 5.000 euros,
·remboursement des frais occasionnées par les recours aux experts [X] - [L] et [P] à hauteur de 5.240 euros.

Concernant l'indemnité principale, la société Paghiel conteste le prix proposé par l'Etat sur une base de 100 euros/m2 et discute le prix de 285,50/m² retenu par l'expert consulté aux motifs que :
- le premier correspond à la valeur d'un terrain nu et en friche,
- l'expert n'a pas pris en compte les caractéristiques propres du bien et son usage effectif, alors qu'il s'agit d'un terrain compacté et enrobé à usage de 12 places de stationnement desservant un bâtiment à usage de bureaux.

Elle soutient que ni l'expropriant, ni le commissaire du gouvernement ne communiquant des termes de comparaison pertinents en raison des caractéristiques du terrain, la méthode habituelle d'évaluation par références ne peut être retenue et qu'il faut lui substituer la méthode de la perte de rentabilité en prenant en compte la valeur locative de parkings aménagés attenant à un bâtiment à usage de bureaux.
Elle considère ainsi que la valeur de remplacement des parkings concernés doit être calculée sur les bases de douze places de parking, d'une valeur locative de 14.400 euros/an et d'un taux de rentabilité immobilière de 6%.

Elle prétend au bénéfice d'une indemnité de remploi égale à 20% de l'indemnité principale et conteste le caractère remplaçable du bien exproprié estimant que cela doit conduire à écarter l'application d'un abattement dégressif au profit d'une majoration de 20 % de l'indemnité principale.

Elle fait valoir qu'au titre des indemnités accessoires, il doit être tenu compte de la dépréciation du bien immobilier à usage de bureaux du fait de :
- la privation de 12 places de parking, correspondant à une moins-value de 20 %,
- le rapprochement de la voie autoroutière de 18 à 5 m pour les points les plus éloignés et des nuisances sonores, visuelles, olfactives, qui en résultent ainsi que la privation d'ensoleillement et la condamnation des accès au nord du bâtiment.

Elle considère que le nombre de places de parking supprimées doit être dénombré suivant une surface moyenne de stationnement, sans tenir compte de matérialisation particulière et des dispositions du code de la route inapplicables à une propriété privée, que l'aménagement en parking constitue une plus-value par rapport à un terrain en friche, que l'impact de la suppression de ces places à la proximité immédiate du bâtiment B doit s'apprécier au regard des seules 256 places de stationnement aériennes et non des 346 qui desservent l'ensemble immobilier.

Concernant la perte de valeur de l'immeuble D, elle relève que l'expropriant n'a proposé aucune solution pour atténuer les nuisances et qu'il ne peut se prévaloir d'une décote à raison de la proximité des voies de circulation situées à 18 m et la refuser si la distance est réduite à 5,45 m pour le point le plus éloigné.
Elle estime que la preuve de l'augmentation des nuisances est établie notamment par expertise.

PRETENTIONS ET MOYENS DE L'ETAT :

Suivant ses conclusions no4 déposées au greffe le 22 octobre 2021, l'Etat entend voir :
- rejeter l'intégralité des demandes en appel formées par la Sas Paghiel ;
- confirmer le jugement du 16 novembre 2020 du tribunal judiciaire de Grenoble ;
- condamner la Sas Paghiel à lui verser la somme de 5000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la Sas Paghiel aux entiers dépens de l'instance.

L'Etat soutient que les conclusions du rapport d'expertise ne peuvent être retenues, les éléments de référence correspondant à du bâti alors que le bien exproprié est un bien à usage de circulation et de parking, alors que les termes de comparaison produits par le Commissaire du Gouvernement demeurent pertinents, même s'ils concernent des biens différents et que le propre expert de l'exproprié en a également fourni pour des biens similaires.
Il rappelle que la charge de produire des termes de comparaison incombe au seul commissaire du gouvernement et qu'il ne peut lui être fait grief en sa qualité d'expropriant de n'en avoir pas proposé.

Il maintient que son offre de 100 euros/m² correspond au prix du marché et fait valoir que la méthode par comparaison est la plus privilégiée, quand la méthode par capitalisation prônée par l'exproprié doit en principe être écartée.

Il considère que :
- la méthode par perte de rentabilité est inapplicable aux motifs qu'il n'est pas justifié du nombre et de la surface des bureaux du bâtiment D dont la valeur locative serait affectée alors qu'il est peu vraisemblable que tous le soient,
- la dégressivité du taux de calcul de l'indemnité de remploi est usuelle et n'a aucun lien avec la disponibilité de biens similaires, mais avec le caractère dégressif des frais ainsi couverts,
- la suppression d'une dizaine de places de parking sur les 346 places offertes par le site n'est pas de nature à déprécier la valeur du surplus, alors de surcroît que l'expropriation ne porte que sur un faible pourcentage de la superficie totale du tènement immobilier
- il n'est pas démontré que ces places étaient affectées en priorité au bâtiment D, ni la réalité d'un préjudice direct et certain,
- le tènement était déjà situé à proximité des voies de circulation et en subissait déjà les nuisances, situation que l'expropriation ne modifiera pas,
- les conséquences de la construction et de l'utilisation du nouvel ouvrage sur la commercialisation du bien ne peuvent être connues avec certitude et le dommage invoqué n'est pas actuel à défaut d'être né au moment du transfert de propriété.

CONCLUSIONS DU COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT :

Par conclusions écrites déposées au greffe le 11 juin 2021, le Commissaire du Gouvernement considère qu'en l'absence de préjudice, les demandes de la société Paghiel doivent être rejetées et le jugement de première instance confirmé dans toutes ses dispositions, aux motifs que :
- les terrains ne conférant pas de droit à construire supplémentaire, le bien ne peut être qualifié de terrain à bâtir,
- la méthode d'évaluation par la valeur locative ne trouve pas à s'appliquer,
- l'indemnité de remploi est généralement fixée par application d'un taux dégressif et non uniforme,
- les emplacements de stationnement ne sont pas spécifiquement affectés au bâtiment D, mais participent d'un ensemble beaucoup plus vaste offert à tous les occupants de l'ensemble immobilier et le bâtiment D ne subit aucune dépréciation particulière résultant de la perte de ces places de stationnement,
- l'immeuble implanté dans un milieu très urbain, souffre déjà de sa grande proximité avec la voirie autoroutière et son rapprochement n'ajoutera pas de nuisances supplémentaires significatives,
- en l'absence de références de vente de places de parking en plein air, l'indemnisation sur la base de 100 euros/m² est justifiée.

MOTIFS DE LA DECISION :

Il résulte de la déclaration d'appel et des conclusions déposées par chacune des parties, qu'aucune d'elles ne critique la date de référence retenue par le jugement au 20 décembre 2019, correspondant à la date d'opposabilité aux tiers du PLUI de la métropole grenobloise.
Conformément aux dispositions de l'article L.321-1 du code de l'expropriation, les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité des préjudices directs, matériels et certains causés par l'expropriation.

Concernant la nature des biens expropriés, les parcelles cadastrées IM [Cadastre 7] et IM [Cadastre 8] sont classées, depuis l'approbation du Plan Local d'Urbanisme Intercommunal, en zone UE-4w correspondant à un secteur réservé aux activités tertiaires et technologiques avec implantation libre par rapport à l'alignement.
Elles sont mitoyennes et situées au nord d'un tènement clos, immédiatement contigu à l'autoroute A [Cadastre 6] et à une voie d'accès ([Adresse 14]), comprises entre ces voies et un bâtiment à usage de bureau (D).
Elles ne confèrent aucun droit à construire.

La parcelle IM [Cadastre 7] de 384 m² est en nature pour partie de talus végétalisé, en contrebas de la rue Diderot, et de sol plat bitumé.
La parcelle IM [Cadastre 8] est en nature de terrain bitumé le long d'un mur la séparant de l'autoroute.
Sur les deux parcelles sont matérialisés des emplacements de stationnement au nombre de 10 suivant les mentions du procès verbal de visite du 1er octobre 2020.
L'indemnisation devant tenir compte de l'état actuel du bien exproprié, la société Paghiel ne peut se prévaloir d'une potentialité de stationnement supérieure à celle qu'elle a effectivement utilisée et c'est donc à bon escient que le premier juge a estimé devoir retenir une dizaine de places de stationnement effectives, tel qu'il l'a lui-même constaté sur les lieux.

Les biens objets de l'expropriation sont à usage de voirie de desserte et de stationnement au sein d'un ensemble immobilier à usage de bureaux précédemment occupé jusqu'en 2019 mais inexploité depuis, et les deux parcelles concernées sont libres de toute occupation.

1o) sur l'indemnité principale de dépossession :

Aucune méthode d'évaluation n'étant imposée par les dispositions du code de l'expropriation, elle est librement définie par le juge sous réserve du respect des accords amiables qui ont pu être conclus entre l'expropriant et d'autres propriétaires dans le périmètre de l'opération et dans les conditions de majorité prévues par l'article L. 322-8 du code de l'expropriation.

Au cas particulier, il n'est pas allégué de l'existence de tels accords.

L'appelante critique le premier juge d'avoir appliqué la méthode d'évaluation par comparaison sur la base de références inadaptées et revendique l'application de la méthode dite par capitalisation.

La méthode d'estimation par comparaison consiste à évaluer le bien en le comparant avec les termes de référence constitués par des mutations de biens de même nature.
Cette méthode est habituellement utilisée comme la plus pertinente dès lors qu'elle permet sur la base des prix réellement pratiqués sur la même zone géographique de déterminer la valeur du marché.

La méthode dite par capitalisation du revenu revient à déterminer la valeur vénale d'un bien immobilier en appliquant à son revenu annuel brut un taux de rendement qui représente la moyenne généralement observée dans un secteur comparable du rapport: prix de vente/valeur locative des immeubles.
Si cette méthode peut se justifier pour des biens à usage de rapport, tel n'est pas le cas des parcelles en litige dont il n'est pas démontré qu'elles sont ou étaient louées distinctement des bâtiments à usage de bureaux dont elles ne constituent qu'un accessoire et dont elles sont détachées.

C'est avec raison que le premier juge a considéré que la prétention de la société Paghiel à une perte de valeur locative de 120 euros par mois n'était pas justifiée.

Il résulte en outre tant des conclusions du commissaire du gouvernement que du rapport de l'expert [X], consulté par la société Paghiel, que des références de comparaison peuvent être retenues au titre de cessions de biens sinon identiques à usage de parking, du moins similaires ou assimilables.

Si le commissaire du gouvernement indique qu'il n'existe pas de référence de vente de terrains à usage de circulation dépendant de locaux d'entreprises à [Localité 12], il fournit cependant comme éléments de comparaison :
- la cession en septembre 2017 de terrains nus non constructibles sur la commune de [Localité 11], commune limitrophe située dans une zone géographique proche de celle des biens en litige, au prix unitaire de 110 euros le m² et en décembre 2018 au prix de 50 euros le m², dont les plans d'urbanisme permettent de constater qu'il s'agit de terrains non bâtis détachés de parcelles bâties,
- un accord sur la base de 100 euros/m² intervenu dans une procédure d'expropriation de deux terrains nus non constructibles en nature de talus sur la commune de [Localité 12] le long de la même autoroute A [Cadastre 6] et dans le cadre de la même opération d'aménagement de cet axe.

L'expert [X] a relevé différentes mutations intervenues entre 2014 et 2018 sur des parcelles situées dans la même zone, mais dont la nature n'est pas précisée.
Celles dont la nature non bâtie ne fait l'objet d'aucune contestation ont donné lieu à un prix de cession de 121 euros pour 5233m², 94 euros le m² pour 133m², 80 euros le m² pour 6314 m² et 144 euros le m² pour 4376 m².
La valeur moyenne de ces cessions s'établit donc à près de 110 euros le m².

Le dernier terme de comparaison fourni par l'État est quant à lui inopérant, s'agissant d'une mutation de places de parking sur la commune de [Localité 13].

En conséquence, au regard des éléments de comparaison recueillis de part et d'autre, la cour confirmera le jugement qui a retenu un prix de 100 euros le m² et fixé l'indemnité principale de dépossession à 40.500 euros.

2o) sur l'indemnité de remploi :

Conformément aux dispositions de l'article R.322-5 du code de l'expropriation, l'indemnité de remploi correspond aux frais de toute nature qui seraient exposés pour l'acquisition de biens de même nature moyennant un prix égal au montant de l'indemnité principale.

Si la société Paghiel conteste l'application d'abattements dégressifs, ces derniers correspondent à la dégressivité d'un certain nombre de ces frais, notamment les frais de notaire et les droits de mutation.

La cour confirmera donc le jugement qui, appliquant la dégressivité habituelle, a retenu une indemnité de remploi de 5050 euros.

3o) sur l'indemnité de dépréciation du surplus :

Ainsi qu'il a été précédemment relevé, l'expropriation porte sur deux parcelles à usage de desserte et de stationnement détachées d'un ensemble immobilier constitué de bâtiments à usage de bureaux.

Il n'est pas établi que les dix places de stationnement supprimées sont spécifiquement attribuées aux usagers du bâtiment D qu'elles jouxtent, ni qu'il n'auraient pas accès au reste du vaste parc de stationnement mutualisé entre les différents bâtiments constituant l'ensemble immobilier, tel qu'il ressort des vues aériennes du site.
Compte tenu de la configuration des lieux, leur emplacement au nord du tènement, à proximité immédiate de l'arrière du bâtiment D qui dispose de trois accès sur ce côté, les destinent manifestement à desservir en priorité ce bâtiment.
Néanmoins, si l'expropriation contraint quelques uns des occupants de ce bâtiment à rechercher un stationnement plus éloigné, donc moins commode, elle ne supprime pas toute possibilité de stationnement alors que toute la zone sud du tènement est aménagée en un vaste parking et n'entraine pas de dépréciation notable de la valeur du bien immobilier subsistant, pouvant justifier une indemnité accessoire.

Par ailleurs, avant même l'expropriation, le bâtiment D se trouvait ceinturé d'infrastructures de circulation dont la grande proximité (18 m) généraient déjà des nuisances sonores, visuelles et olfactives.
Si la réduction de l'espace entre sa façade nord et l'ouvrage dont la construction est à l'origine de l'expropriation, passant de plus de 18 m à 5, 45 m, pourra majorer ces nuisances, ce préjudice ne constitue pas une conséquence directe et actuelle de l'expropriation, mais un dommage futur résultant de l'édification ultérieure de l'ouvrage de travaux publics dont la réparation ne relève pas d'une indemnité accessoire d'expropriation.

Les prétentions de la société Paghiel sont donc mal fondées et la cour confirmera le jugement entrepris en ce qu'il l'en a déboutée.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Grenoble en date du 16 novembre 2020, en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

CONDAMNE la Sas Paghiel à verser à l'État représenté par la société AREA la somme de 2000 euros en cause d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la Sas Paghiel aux dépens de l'instance d'appel.

Signé par Mme Marie-Pierre FIGUET présidente, et par M. Frédéric STICKER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffierLa présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : 08
Numéro d'arrêt : 20/042331
Date de la décision : 03/03/2022
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.grenoble;arret;2022-03-03;20.042331 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award