N° RG 18/01795
N° Portalis DBVM-V-B7C-JPYX
LB
Minute N°
Copie exécutoire
délivrée le :
la SCP DURRLEMAN-COLAS-DE RENTY
la SELARL BARD
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 12 DECEMBRE 2019
Appel d'un Jugement (N° RG 16/04127)
rendu par le Tribunal de Grande Instance de VALENCE
en date du 27 mars 2018, suivant déclaration d'appel du 18 Avril 2018
APPELANTE :
Mme [X] [E]
née le [Date naissance 1] 1944 à [Localité 1]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Béatrice COLAS de la SCP DURRLEMAN-COLAS-DE RENTY, avocat au barreau de VALENCE
INTIMÉE :
SARL LE CAFE,
RCS 523 969 772, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Vincent BARD de la SELARL BARD, avocat au barreau de VALENCE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Patricia GONZALEZ, Présidente,
Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseiller,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Assistés lors des débats de M. Fabien OEUVRAY, Greffier.
DÉBATS :
A l'audience publique du 30 Octobre 2019
M. BRUNO conseiller, a été entendue en son rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions,
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,
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Faits et procédure:
Suivant acte sous seing privé du 1er avril 1958, [Q] [E] a consenti un bail commercial portant sur un immeuble objet d'un fonds de commerce de café-restaurant sis à [Adresse 3]. Ce bail a été renouvelé au profit de divers preneurs, et [X] [E] est venue aux droits du bailleur initial le 1er janvier 2006.
Par jugement du 20 janvier 2009, le juge des loyers commerciaux a fixé le bail à la somme de 8.772 € annuels à compter du 1er janvier 2006 date du renouvellement du bail pour une nouvelle période.
Le 1er septembre 2010, [X] [E] a accepté la cession du bail commercial au profit de LA SARL LE CAFE.
Le 26 novembre 2015, LA SARL LE CAFE a cité [X] [E] devant le juge des référés au visa de l'article 145 du Code de procédure civile au motif, invoquant des locaux dans un état de délabrement avancé, les rendant impropre à toute destination notamment à celle prévue contractuellement par le bail et faisant prendre un risque pour l'ensemble de l'exploitation du bar.
Par ordonnance du 14 janvier 2016, Monsieur [R] a été désigné expert, avec pour missions de donner tous éléments d'information sur les travaux de mise aux normes et en conformité applicable, de décrire les travaux de remise en état et en chiffrer le coût, de fournir tous éléments concernant les préjudices subis. L'expert a déposé son rapport le 21 juin 2016 confirmant la nécessité de réaliser certains travaux, chiffrés à 12.238 € pour la mise en sécurité, et à 41.520 € concernant les travaux à réaliser dans un appartement.
Le 8 août 2017, LA SARL LE CAFE a assigné [X] [E] devant le tribunal de grande instance de Valence, afin de la voir condamnée à lui payer':
- 12.238 euros TTC au titre des travaux de mise en sécurité,
- 41.520 euros TTC au titre de la reprise de l'appartement,
- 10.000 euros au titre du trouble de jouissance,
- 10.000 euros au titre du trouble commercial,
- 2.169, 60 euros au titre du remboursement de la remise en état du rideau métallique ,
- 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile outre les dépens incluant les frais d'expertise.
Par jugement du 27 mars 2018, le tribunal a condamné [X] [E] à payer à LA SARL LE CAFE :
- 5.699 euros HT au titre des travaux de mise en sécurité de l'immeuble,
- 37.746 euros HT au titre des travaux de réfection de l'appartement';
- 5.000 euros en réparation de son préjudice de jouissance,
- 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il l'a également condamnée à procéder, dans le délai de 4 mois à compter de sa signification, à ces travaux, obligation étant faite à LA SARL LE CAFE, qui devra avoir été avisée au moins 15 jours avant le début des travaux, de laisser les entreprises intervenir pour leur réalisation.
Le tribunal a débouté LA SARL LE CAFE de sa demande d'indemnisation présentée au titre du préjudice commercial et de sa demande en remboursement des frais de remise en état du rideau métallique, a débouté [X] [E] de sa demande en remboursement de la taxe d'ordures ménagères et de sa demande formée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il a ordonné l'exécution provisoire en ce qui concerne les seuls travaux de mise en sécurité et dit en conséquence qu'elle sera limitée à la condamnation au paiement de la somme de 5.699 euros HT et à l'exécution des travaux de façades.
Il a enfin condamné Mme [E] aux dépens qui comprendront les frais d'expertise.
[X] [E] a frappé ce jugement d'un appel par déclaration du 18 avril 2018.
Prétentions et moyens de [X] [E]':
Selon ses dernières conclusions remises au greffe le 25 janvier 2019, elle demande à la cour, au visa des articles 1101 et suivants du Code civil dans leur numérotation applicable
antérieurement à la réforme du 16 mars 2016, des articles 1719, 1721 et 1755 du Code civil':
- dire n'y avoir lieu à application de la loi du 18 juin 2014 inapplicable à l'espèce';
- de réformer le jugement du 27 mars 2018, sauf en ce que LA SARL LE CAFE a été déboutée de sa demande au titre du préjudice commercial et de sa demande de prise en charge de la facture de remise en état du rideau métallique';
- de statuer à nouveau et de constater que les lieux loués tels que définis au bail et résultant des divers renouvellements, ont été modifiés à l'insu du propriétaire et sans son accord';
- de constater que LA SARL LE CAFE connaissait tant les conditions d'exploitation du fonds de commerce que les obligations contractuelles des parties sans avoir exprimé la moindre demande au bailleur';
- de constater que les travaux portant atteinte à la structure de l'immeuble ont été entrepris par les locataires successifs au mépris des droits du bailleur';
- de constater que la distribution des pièces a été changée en transformant pour partie des chambres en salle de réunion, billard et autres';
- de débouter le locataire de sa demande de condamnation au paiement de la somme de 41.520 € TTC correspondant aux travaux de remise en état de l'appartement';
- de débouter LA SARL LE CAFE de ses réclamations au titre des préjudices de jouissance et commerciaux, de sa demande de prise en charge du rideau métallique';
- reconventionnellement, de constater que le locataire a fait obstruction délibérée à l'intervention du bailleur pour effectuer les travaux de première nécessité relevés par l'expert [R], et de condamner en conséquence LA SARL LE CAFE au paiement d'une indemnisation d'un montant de 5.000€';
- de constater qu'il résulte des constatations de l'expert que depuis plusieurs dizaine d'années, les locaux ne sont plus entretenus en violation des obligations du preneur et de condamner en conséquence LA SARL LE CAFE au paiement de 41.520 € en réparation du préjudice subi';
- de condamner LA SARL LE CAFE au paiement de 5.000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens de première Instance et d'appel, qui seront recouvrés par la SCP DURRLEMAN COLAS.
L'appelante soutient':
- que le jugement déféré est mal fondé en ce qu'il l'a condamnée à payer 37.746 € au titre des travaux de réfection de l'appartement et à procéder aux travaux, de sorte qu'il s'agit de deux condamnations ayant le même objet, d'autant que l'expert a indiqué que ces travaux sont théoriques, cet appartement n'étant surtout pas à rénover'; qu'en outre, elle s'est trouvée entravée par le locataire, alors qu'elle veut réaliser les travaux depuis l'origine, ce qui indique que LA SARL LE CAFE ne cherche qu'à obtenir une indemnisation financière;
- que cette dernière ne l'a jamais alertée et n'a fait précéder son instance par aucune mise en demeure, alors qu'elle a essayé de faire les travaux de mise en sécurité de l'immeuble, mais que LA SARL LE CAFE qui l'en a délibérément empêchée, de sorte que la somme demandée de 5.699 euros HT au titre de ces travaux est non justifiée';
- que l'article 1719 1° du code civil, concernant la délivrance d'un logement décent, n'est pas applicable s'agissant de locaux commerciaux, alors que la somme de 37.746 euros HT au titre des travaux de réfection de l'appartement est non justifiée puisque les lieux loués ont été modifiés et transformés par les locataires successifs sans son accord, n'étant plus conformes à ceux définis au bail et au plan annexé, de sorte qu'elle n'a pas à supporter les conséquences des modifications intervenues; que la délivrance de la chose n'a jamais été contestée et qu'aucune mise en demeure n'a jamais été adressée en ce sens';
- que LA SARL LE CAFE a manqué à son obligation d'entretien définie par l'article 1er du décret n° 87-712 du 26 août 1987, les chambres ayant été abandonnées de longue date, les planchers percés pour faire passer des évacuations d'air des cuisines, le gros 'uvre ayant été atteint dans sa structure, les sanitaires ayant été déposés';
- que les travaux sont liés à la vétusté, et que le bail prévoit que LA SARL LE CAFE devait réaliser des travaux de remise en état des lieux, ce qu'elle n'a pas fait, alors qu'il a stipulé qu'elle ne pourra exiger du propriétaire aucune réparation autres que celles qui pourraient devenir nécessaires par vétusté aux planchers et à la toiture'; que la loi du 18 juin 2014 ayant modifié les articles L 145-1 et suivants du code de commerce n'est pas applicable en l'espèce, ne concernant que les baux conclus ou renouvelés à compter du 5 novembre 2014, puisque le dernier renouvellement a été effectué le 1er janvier 2006 pour neuf ans jusqu'au 31 décembre 2014, puis a été prolongé tacitement sans terme';
- que concernant les travaux de mise en sécurité, aucune condamnation ne peut être prononcée TTC, dès lors que l'intimée récupère la TVA'; que la somme de 12.238 € TTC ne lui incombe pas en totalité notamment concernant le chauffe-eau électrique qui procède d'un agencement relevant de la responsabilité du locataire'; que lors de la connaissance du pré-rapport d'expertise, elle avait contacté une entreprise pour réaliser les travaux mais que l'intimée s'y est opposée'; que ces travaux ont finalement été achevés';
- que LA SARL LE CAFE ne peut prétendre à la réalisation de travaux dans l'appartement pour 41.520 € TTC, n'ayant pas entretenu et loué les lieux comme ses obligations contractuelles le lui imposent, l'appartement n'étant plus utilisé depuis 1977, et ayant été transformé en une succession de chambres louées à des saisonniers et en annexe de l'activité bar-restaurant avant l'acquisition du fonds; que le chiffrage des travaux ne prend pas en compte les modifications opérées par les locataires successifs dans la distribution des pièces qui doit être préalablement rétablie';
- qu'elle est ainsi bien fondée à demander le paiement de 45.295,20 € TTC au titre des dégradations, ne pouvant récupérer la TVA, puisque les cessions successives du bail commercial ont entraîné transmission des obligations en découlant au dernier locataire, de sorte que l'intimée est responsable des dégradations commises par ses prédécesseurs';
- que l'intimée ne justifie d'aucune trouble de jouissance ou d'un préjudice commercial, ayant accepté de louer le bien dans son état lors de l'achat du fonds de commerce, alors qu'elle a fait obstacle au bon déroulement du chantier de l'entreprise GONZALEZ et ne produit aucun élément d'évaluation, ayant exploité pendant cinq ans le fonds;
- que le rideau métallique est un élément d'agencement et d'équipement posé par le locataire dont le remplacement n'incombe pas au bailleur'; qu'en outre, son installation par le locataire est vraisemblablement à l'origine des infiltrations en façade dans la mesure où il obstrue le caniveau en zinc qui réalise l'étanchéité de la marquise, ce dont se plaint le locataire, et qu'il doit ainsi être déposé par lui pour permettre les travaux prévus par l'expert';
- que le jugement déféré a débouté LA SARL LE CAFE de sa demande d'indemnisation présentée au titre du préjudice commercial et de sa demande en remboursement des frais de remise en état du rideau métallique car elle n'a pas pu produire aux débats des pièces comptables de nature à démontrer l'existence d'un tel préjudice et qu'il doit être confirmé de ce chef';
- que la taxe pour enlèvement des ordures ménagères de 577 € a été réglée et qu'il n'existe plus de demande à ce titre.
Prétentions et moyens de LA SARL LE CAFE':
Selon conclusions remises au greffe le 12 septembre 2018, elle sollicite':
- la confirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a jugé que Madame [E] a manqué à son obligation de délivrance à son égard, condamné l'appelante à lui verser 37.746 euros hors taxe au titre des travaux de remise en étant de l'appartement, 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code civil, les entiers dépens de l'instance dont les honoraires de l'expert Monsieur [R]';
- son infirmation pour le surplus et la condamnation de Madame [E] à lui payer les sommes suivantes :
* 12.238 € TTC soit 10 199 € hors taxe au titre des travaux de mise en sécurité,
* 10.000 € au titre du trouble de jouissance,
* 10.000 € au titre du trouble commercial et du préjudice économique,
* 2.169, 60 € au titre du remboursement de la remise en état du rideau métallique,
* 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Elle soutient':
- que le bail acquis le 13 septembre 2010 concernent des locaux à usage de café et d'habitation, les locaux étant actuellement constitués au rez-de-chaussée d'une salle de café, d'une petite salle de réunion, d'une cuisine, d'un débarras et d'un WC'; au premier étage, d'une salle de réunion et de chambres'; au deuxième étage, d'un grenier et de chambres et au dessus de combles et de débarras';
- que depuis une lettre du 18 octobre 2013, l'appelante est informée de l'état délabré des lieux, alors que la mairie a constaté que des débris étaient tombés sur la voie publique en septembre 2014'; que des dégâts des eaux sont survenus suite à des intempéries'; que les deuxième et troisième étages sont dans un état d'insalubrité notoire les rendant impropres à toute destination';
- que depuis la loi n°2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises (dite loi Pinel) et plus précisément depuis son décret d'application n° 2014-1317 du 3 novembre 2014, pour les baux commerciaux conclus ou renouvelés à compter du 5 novembre 2014, les dépenses suivantes sont obligatoirement à la charge du bailleur : les dépenses relatives aux grosses réparations de l'article 606 du Code civil, celles relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l'immeuble dans lequel il se trouve, à la condition qu'elles relèvent des grosses réparations de l'article 606 du Code civil, c'est-à-dire des travaux destinés à remédier aux désordres affectant la solidité de l'immeuble ou son infrastructure et le rendant impropre à sa destination';
- que selon l'article R.145-35 du Code de commerce, ne peuvent être imputées au locataire les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l'immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu'ils relèvent des grosses réparations mentionnées à l'article 606 du Code civil';
- que le bail ayant été renouvelé tacitement le 1er janvier 2015, ce texte est applicable à la cause, alors que l'appelante a manqué à son obligation de délivrance prévue à l'article 1719 1° du Code civil et qu'elle doit faire face aux opérations qui peuvent devenir nécessaires, autres que locatives, selon l'article 1720 ;
- que les travaux relatifs à la sécurité et aux mises aux normes en conformité avec les réglementations sont à la charge du propriétaire si elles sont imposées par l'administration sauf stipulation expresses contraires, s'il s'agit de travaux se rapportant à la sécurité, alors que s'agissant des autres travaux, seule une stipulation contraire du bail peut faire échapper le propriétaire à la charge des travaux prescrits';
- qu'en l'espèce, l'expert a relevé que des morceaux d'enduit de façade sont décollés et tombent régulièrement, que les façades sont dangereuses et doivent être purgées, que l'issue de secours est totalement inutilisable, que la cuisine est jugée très dangereuse car un chauffe-eau à gaz de ville est situé dans la même pièce et juste à coté de la hotte d'extraction, que la porte coupe feu est totalement inopérante, que le caniveau déborde au premier étage par le coffre du volet roulant consécutivement à un caniveau vétuste et une évacuation d'eau verticale inaccessible, sans doute bouchée, ces constatations démontrant la vétusté des lieux et les carences du bailleur dans son obligation de délivrance aux nombres desquels figurent les obligations de faire respecter les normes d'hygiène et de sécurité';
- que l'expert a relevé que l'appartement au second étage est inutilisé depuis plusieurs dizaines d'années, qu'il est vétuste et inhabitable, et qu'il n'est pas à réhabiliter, de sorte qu'elle est en droit d'en réclamer la remise en état, le tribunal ayant justement relevé qu'il appartenait à la bailleresse de proposer aux locataires successifs une baisse de loyer si elle n'était pas en mesure d'assurer l'entretien des lieux, ne s'agissant pas d'un défaut d'entretien mais de la vétusté; que ce problème avait déjà donné lieu à une expertise en octobre 2008, alors que lors de la cession du bail, l'appelante a certifié l'absence de procédure avec l'ancien preneur';
- que lors de la cession du bail, le chauffe-eau litigieux était déjà présent et ne résulte pas de son agencement';
- alors que l'appelante connaissant l'état de vétusté de l'immeuble depuis 2008, elle n'a pas pour autant engager les moindres travaux et ne peut soutenir qu'elle a découvert la situation suite au pré rapport d'expertise du 4 avril 2016'; qu'elle a fait établir un devis le 22 avril 2016 qui n'a pas été soumis à l'expert, avant de l'informer le 13 mai 2016 qu'une entreprise allait intervenir sur l'immeuble, de sorte que ce n'est que le 17 mai qu'elle a été informée que l'entreprise interviendrait le 18 mai 2016'; que Madame [E] n'a jamais justifié de l'autorisation d'urbanisme qu'elle a dû solliciter et obtenir, ni de l'autorisation de voirie nécessairement obtenue et qu'elle a agi comme si l'immeuble était libre de toute occupation et sans activité'; que les travaux ont cependant été réalisés sauf concernant la toiture de sorte qu'il ne peut lui être reproché une opposition à leur réalisation';
- que si le tribunal a estimé son trouble de jouissance à 5.000 euros, ce trouble a prospéré pendant la procédure, justifiant la majoration de cette indemnité, justifiant son indemnisation à hauteur de 10.000 €';
- qu'il existe un préjudice économique et commercial, puisque des inondations sont fréquentes, outre des chutes de la façade sur la voie publique, mettant en danger les passants ou les clients de l'établissement et portant atteinte à l'image du commerce auprès de sa clientèle, alors que postérieurement au dépôt du rapport d'expertise, le rideau métallique s'est bloqué nécessitant l'intervention d'une entreprise'; que le tribunal a confondu préjudice économique et commercial en rejetant cette demande au motif qu'aucune pièce comptable ne démontre son existence, alors que si le chiffre d'affaires a pu être maintenu, c'est en raison d'une augmentation des heures d'ouverture';
- qu'elle a réglé les travaux de remise en état du rideau métallique pour 2.169, 60 € et est bien fondée à en demander le remboursement.
Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
La clôture de cette procédure a été prononcée par ordonnance du président de la chambre du 9 mai 2019 et cette procédure a été renvoyée pour être plaidée à l'audience tenue le 31 octobre 2019. A l'issue, le présent arrêt a été prononcé conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.
Motifs':
1) Sur la nature et l'étendue des obligations des parties, leurs conséquences concernant les travaux de mise en sécurité de l'immeuble'; les travaux de réfection et les indemnités demandées par LA SARL LE CAFE':
Il résulte du bail initial de 1958 qu'il concerne des locaux mixtes, à usage commercial et d'habitation. Le preneur s'est engagé à entretenir les lieux loués, et qu'il ne peut exiger du propriétaire aucune réparation autres que celles qui pourraient devenir nécessaires par vétusté aux planchers et à la toiture.
Le renouvellement de ce bail commercial le 6 janvier 1999 au profit de la société LA JEUNE FRANCE, aux droits de laquelle l'intimée a succédé, n'a prévu aucune stipulation modifiant la répartition des travaux d'entretien entre bailleur et locataire.
L'acte du 1er septembre 2010 par lequel le bailleur a accepté la cession du bail par la société LA JEUNE FRANCE à LA SARL LE CAFE ne prévoit pas plus de stipulation concernant la répartition de ces travaux.
L'acte de cession du bail du 13 septembre 2010 par la société LA JEUNE FRANCE à LA SARL LE CAFE prévoit que le cessionnaire a connaissance du bail, dont il a reçu une copie.
Aucune stipulation ne figure dans ces actes concernant l'état des locaux. Il n'y a aucun état des lieux d'entrée ou de sortie.
La loi n°2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises est applicable aux contrats conclus ou renouvelés à partir du 20 septembre 2014. Il résulte en effet de l'article 21 de ladite loi que ses articles 3, 9 et 11 ainsi que l'article L.145-40-2 du code de commerce modifié, sont applicables aux contrats conclus ou renouvelés à compter du premier jour du troisième mois suivant la promulgation de ladite loi.
Son décret d'application n° 2014-1317 du 3 novembre 2014, n'est applicable que pour les baux commerciaux conclus ou renouvelés à compter du 5 novembre 2014 concernant la rédaction de l'article R145-35 du Code de commerce, selon lequel ne peuvent être imputés au locataire les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l'article 606 du Code civil ainsi que les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l'immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu'ils relèvent des grosses réparations susmentionnées.
Ainsi, ce nouveau régime ne concerne pas la cause, puisque le dernier renouvellement du bail date du 6 janvier 1999. Faute de renouvellement, ce bail se poursuit actuellement par tacite reconduction.
Ce sont ainsi les dispositions du Code civil, dans sa version applicable lors du renouvellement du bail en 1999, qui s'appliquent concernant les obligations des parties.
Le jugement déféré a rappelé les dispositions de l'article 1719 de ce code concernant l'obligation de délivrance reposant sur le bailleur, et celle d'entretenir la chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée.
En outre, l'article 1720 précise que le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce'; qu'il doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives.
Au titre de l'article 1721, il est dû garantie au preneur pour tous les vices ou défauts de la chose louée qui en empêchent l'usage, quand même le bailleur ne les aurait pas connus lors du bail. S'il résulte de ces vices ou défauts quelque perte pour le preneur, le bailleur est tenu de l'indemniser.
Les article 1731 et 1732 disposent que s'il n'a pas été fait d'état des lieux, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives, et doit les rendre tels, sauf la preuve contraire.
L'intimée tient ses droits des locataires successifs, puisque le bail dont elle a fait l'acquisition lors de l'achat du fonds de commerce a renvoyé au bail initial de 1958, dont elle produit la copie, annexée à l'acte lui transférant ces droits.
En l'espèce, faute de la production de tout état des lieux d'entrée, il ne peut être contesté par l'intimée que lors de la délivrance initiale des locaux au premier preneur, le bailleur s'est acquitté de son obligation définie aux articles 1720 et 1721 précités. En raison de la date de renouvellement du bail, la loi du 18 juin 2014 modifiant les obligations des parties en matière de bail commercial et son décret d'application, ne sont pas applicables, renversant la présomption établie à l'article 1731 du Code civil.
Cependant, s'agissant d'un bail mixte, il ne peut être dérogé par le bailleur aux dispositions de l'article 1719, tel en l'espèce concernant la limitation des travaux d'entretien incombant au bailleur, restreints à la vétusté des planchers et de la toiture. Madame [E] doit ainsi assumer les réparations résultant de la vétusté, autres que locatives.
Si LA SARL LE CAFE fait état d'une expertise antérieure à sa reprise du bail, cet expertise réalisée en 2008 concernait en réalité la détermination du prix du loyer du bail à renouveler. Il n'existait pas d'instance en cours lorsqu'elle a repris les droits et obligations de la société LA NOUVELLE FRANCE.
Cette expertise a constaté l'état vétuste d'une partie des locaux, principalement concernant le premier étage et la toiture et a relevé tous les travaux effectués par le locataire, qui n'a cependant pas mener à terme la réfection des locaux bien que la disposition des lieux ait été modifiée pour partie. L'expert a noté que d'importants travaux sont encore à réaliser par le locataire. L'expert a ainsi proposé une valeur locative annuelle de 8.722 € tenant compte d'un abattement pour vétusté de 25'%.
Le jugement déféré a rappelé les constations de l'expert désigné en 2016.
L'intimée ne conteste pas que la partie qualifiée «'appartement'» n'est plus occupée depuis des dizaines d'années. Elle a reçu les lieux en l'état et a repris les obligations renouvelées en 1999. Il est constant que les locaux ont été modifiés par les locataires successifs.
Il en résulte que LA SARL LE CAFE ne peut exiger de l'appelante aucune somme au titre des travaux de reprise de l'appartement, du chauffe-eau, du rideau métallique, n'étant pas imputables à la vétusté du bâtiment dont doit répondre le bailleur. Le rideau métallique a en outre été posé par l'un des locataires successifs. Il en est de même concernant la porte anti-panique et le doublage coupe-feu, l'expert ne notant pas que le remplacement de cet élément et l'installation du doublage résultent de la vétusté imputable au bailleur. Il doit être retiré du rapport d'expertise la même solution concernant l'auvent.
Concernant le caniveau, l'expert [R] a noté sa vétusté et sa détérioration. Ce fait est imputable au bailleur. Il a été cependant remédié à ce désordre en cours de procédure. Il en est de même concernant la reprise de la façade dont une partie du parement s'écroulait sur la voie publique, le bailleur ayant été mis en demeure par la commune de procéder à la sécurisation des lieux, selon la facture GONZALEZ du 22 juin 2018, d'un montant de 22.920 €.
Le jugement déféré sera ainsi infirmé en ce qu'il a condamné Madame [E] à payer à l'intimé les frais afférents aux travaux de mise en sécurité de l'immeuble et de réfection de la partie «'appartement'» et en ce qu'il a condamné l'appelante à régler une indemnité au titre d'un préjudice de jouissance. L'intimée sera déboutée des demandes formées de ces chefs, ainsi que de sa demande concernant un trouble commercial et un préjudice économique.
2) Concernant les demandes reconventionnelles de Madame [E]':
Au titre de la réfection de la partie «'appartement'», il est constant que les locataires successifs, et notamment la société LA JEUNE FRANCE, ont modifié la dispositions des lieux, manqué à leur obligation d'entretien et d'occupation paisible, l'expert [R] notant que l'ensemble est inutilisé depuis plusieurs dizaines d'années, que l'ensemble est vétuste et inhabitable, que des travaux ont été entrepris puis abandonnés, que son mauvais état est parfaitement visible depuis longtemps.
Il est acquis que «'l'appartement'» a été transformé en une succession de chambres et qu'il a perdu sa fonction première.
L'intimée ne conteste pas avoir connu l'état de ce local lors de son entrée dans les lieux, alors qu'elle a repris les droits et obligations des anciens locataires suite à une succession ininterrompue de baux commerciaux cédés en même temps que le fonds de commerce.
En conséquence, pèse sur elle l'obligation d'entretenir et d'user paisiblement des locaux, de sorte que la demande de paiement de 45.295,20 € TTC au titre du coût des travaux est bien fondée, puisqu'il n'est pas établi que Madame [E] puisse récupérer la TVA au taux de 20'%.
Concernant la demande de dommages et intérêts en raison de l'obstruction du locataire pour l'exécution de travaux de sécurité, il convient de relever que ces travaux ont été réalisés en cours de procédure, et qu'il n'est pas justifié d'aucun préjudice. Cette demande sera rejetée.
En raison de la nature du présent litige, il est équitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais non compris dans les dépens qu'elle a engagés tant en première instance qu'en cause d'appel.
LA SARL LE CAFE sera condamnée aux dépens, par application de l'article 696 du Code de procédure civile, comprenant le coût de l'expertise [R].
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu les articles 1719 et suivants du Code civil, la loi du 18 juin 2014 et les articles L145-1 et suivants du Code de commerce dans leur rédaction antérieure, le décret du 3 novembre 2014';
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté LA SARL LE CAFE de sa demande d'indemnisation de son préjudice commercial et de sa demande de prise en charge de la facture de remise en état du rideau métallique';
Infirme ce jugement pour le surplus, et statuant à nouveau':
Déboute LA SARL LE CAFE de l'intégralité de ses demandes';
Déboute Madame [E] de sa demande de paiement d'une indemnité fondée sur l'obstruction du preneur concernant la réalisation de travaux urgents';
Condamne LA SARL LE CAFE à payer à Madame [E] le somme de 45.295,20 € TTC au titre du coût des travaux de remise en état de la partie «'appartement'»';
Laisse à la charge de chacune des parties les frais qu'elle a engagés par application de l'article 700 du Code de procédure civile en première instance et en cause d'appel';
Condamne LA SARL LE CAFE aux dépens de première instance et d'appel, incluant les frais d'expertise [R], avec distraction au profit de la SCP DURRELMAN COLAS, avocats';
SIGNE par Mme GONZALEZ, Président et par M. STICKER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GreffierLe Président