RG N° 16/02939
MFCT
N° Minute :
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL DAUPHIN ET X...
Me Emmanuelle Y...
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 31 MAI 2018
Appel d'un jugement (N° RG 2012 2688)
rendu par le Tribunal de Commerce de GAP
en date du 14 septembre 2012
suivant déclaration d'appel du 16 juin 2016
APPELANT :
Monsieur Z... A...
né le [...] à GRENOBLE (38)
de nationalité Française
44 RENAKA
Departamento 206
LAS PALMAS [...])
Représenté par Me Dejan X... de la SELARL DAUPHIN ET X..., avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et par MeEtienne I... AVOCATS, avocat au barreau de LILLE, plaidant
INTIMES :
Maître Anne B... agissant ès-qualités de liquidateur judiciaire de la J... F...
[...]
Représentée par Me Emmanuelle Y..., avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et Me Z... C... de la SELARL BGLM, avocat au barreau des HAUTES-ALPES, plaidant
Monsieur LE PROCUREUR GENERAL
[...]
représenté par Monsieur RABESANDRATANA, substitut général, qui a fait connaître son avis par écrit et oralement
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ:
Madame Marie-Françoise K..., Président de chambre,
Madame Fabienne PAGES, Conseiller,
Madame Marie Pascale BLANCHARD, Conseiller,
Assistées lors des débats de Madame Delphine CHARROIN, Greffierplacé, et de Madame Magalie COSNARD, Greffier, lors du prononcé.
DÉBATS :
A l'audience publique du 25 avril 2018,
Madame Marie-Françoise K..., Président, a été entendue en son rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,
Le ministère public a été entendu en son avis,
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,
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FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Z... A... dirigeait diverses sociétés dont les sociétés suisses M... Q... implantée à VERNIER et L... qui ont rencontré des difficultés financières telles qu'elles ont été déclarées en faillite en avril 2009.
Le 25 janvier 2007 a été immatriculée au RCS de GAP une société M... F..., avec un siège [...], un capital de 30.000 euros, et une activité de production, traitement, commercialisation de produits industriels, particulièrement métaux et alliages métalliques, import export de ces produits, recherche développement de technologies en rapport.
Cette J... F... a acquis de la société suisse M... Q... des éléments du fonds de commerce exploité sur l'ancien site industriel PECHINEY de la ROCHE DE RAME que la holding suisse M... Q... avait acheté au prix de 300.000 euros, suivant ordonnance du juge-commissaire du Tribunal de Commerce de GAP en date du 20décembre 2006 et acte notarié reçu le 12 janvier 2007, dans le cadre de la procédure collective de la société Injection Alloys (IA) LA ROCHE DE RAME, dont le liquidateur judiciaire était Maître B....
La comptabilité des sociétés du 'groupe'M... a été confiée à François A..., père de Z... A..., expert comptable qui a dirigé le cabinet GESTION COMPTABILITÉ DE SAVOIE [...] (Haute Savoie) jusqu'au 20 mars 2009, date de son départ à la retraite.
Le 3 octobre 2008, le capital social de la J... F... a été porté à 337.000 euros par incorporation de la créance en compte courant de la holding M... Q....
Par ordonnance en date du 23 mars 2009, le Président du Tribunal de Commerce de GAP a ouvert une procédure de conciliation au profit de la M... F... et désigné Maître D... comme conciliateur pour une durée de trois mois.
Sur la déclaration de cessation des paiements en date du 24avril2009 effectuée par Z... A... comme président de la J... F... qui a mentionné que le redressement était impossible, en raison d'une 'insuffisance financière', le Tribunal de Commerce de GAP, par jugement du 24 avril 2009, a :
- ouvert la procédure de liquidation judiciaire de cette société, qui employait alors 27 salariés,
- fixé la date de cessation des paiements au 24 octobre 2008,
- désigné Maître Anne B... en qualité de liquidateur judiciaire et Z... A... ancien dirigeant avec mission de représenter la société pour l'exercice de ses droits propres.
Le fonds de la société M... F... a été racheté en novembre2009 par une société MG, qui le 25 mai 2012, a aussi été placée en liquidation judiciaire ; Maître N... a été désigné comme liquidateur judiciaire de cette société.
A compter du printemps 2009, Z... A... s'est très fréquemment rendu au Chili pour animer les sociétés M... CHILE ERCILLA et M... SAN IGNIACIO.
Le 19 septembre 2010, la SCI WIDYL, dont Z... A... était associé et gérant, a donné à bail pour une durée de 21 mois la villa meublée avec piscine située [...].
Suite à une enquête initiée en septembre 2011, le Procureur de la République de GAP a adressé le 25 avril 2012 :
- à Maître E..., huissier de justice à GAP, un mandement de citation à parquet concernant Z... A..., sans domicile connu, pour l'audience du 28 juin 2012 du Tribunal Correctionnel de GAP afin d'être jugé pour des faits de banqueroute commis comme président de la J... F... courant 2009, pour avoir tenu une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions légales,
- à Maître B... comme liquidateur judiciaire de la O...M...F..., un avis de suite judiciaire lui indiquant que l'affaire serait examinée à l'audience du 28 juin 2012 du Tribunal Correctionnel de GAP.
Le 28 février 2012, un mandat d'arrêt international a été émis contre Z... A... par le magistrat instructeur du Tribunal de Grande Instance de NANTERRE dans le cadre d'une information ouverte des chefs d'escroquerie et de faux et usage courant novembre 2008 à février 2009 au préjudice de la société EUROFACTOR.
Par jugement du 28 juin 2012, le Tribunal Correctionnel de GAP a fait droit à l'exception de nullité de la citation soulevée par le Procureur de la République sur le fondement de l'article 553 du Code de procédure pénale.
En raison du transfert entre mars 2007 et avril 2008 du site suisse de VERNIER de la société L... sur le site de la J... F... de LA ROCHE DE RAME de 400 tonnes d'oxyde de ferrochrome, une information pénale a finalement été ouverte le 18mars 2013 à GAP.
Z... A.... s'est présenté le 17 mars 2014 devant le juge d'instruction de GAP qui l'a mis en examen , puis renvoyé devant le Tribunal Correctionnel le 8 janvier 2016 notamment sous la prévention du délit de banqueroute commis comme Président de la J... F... du 1er janvier au 24 avril 2009, pour avoir tenu une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière en ne produisant pas la comptabilité relative aux premiers mois de l'exercice 2009.
Le 5 avril 2013, Maître B... ès qualités de liquidateur judiciaire de la J... F... s'est constituée partie civile dans ce dossier.
Les créances définitivement admises au passif de la société M... F... se sont élevées à 5.168.630,68 euros dont 2.540.453,33euros à titre privilégié et 197.662,26 euros à titre superprivilégié.
Par deux exploits en date du 10 avril 2012, Maître B..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la J... F..., a donné assignations à Z... A..., comme dirigeant de la O...M... INDUSTRIE, à comparaître à l'audience du 22 juin 2012 du Tribunal de Commerce de GAP :
- en chambre du conseil pour voir prononcer à son encontre pour une durée de dix ans la sanction de la faillite personnelle ou subsidiairement de l'interdiction de gérer,
- en audience publique pour voir prononcer à son encontre la sanction du comblement de passif pour un montant de 5.080.480,40euros.
Ces deux exploits ont été délivrés selon les modalités de l'article 659 du Code de procédure civile par la SCP BASTARD-ROSSET VALENTINIS & VALENTINIS, huissier de justice, qui s'est rendu [...] (Haute Savoie).
Autorisée par ordonnance du 18 avril 2012, Maître B... ès qualités a inscrit un nantissement judiciaire conservatoire sur les parts détenues par Z... A... dans la SCI WIDYL.
Z... A... n'a pas comparu devant le Tribunal de Commerce qui, après avoir entendu à l'audience du 22 juin 2012 le juge commissaire en son rapport oral et le Procureur de la République en ses réquisitions, a , par jugement en date du 14 septembre 2012:
- constaté les fautes de gestion commises par Z... A...,
- condamné Z... A... à supporter personnellement l'insuffisance d'actif constatée,
- ordonné la faillite personnelle de Z... A...,
- prononcé à l'encontre de France A... une interdiction de gérer pendant une durée de 10 ans,
- condamné Z... A... à supporter sur ses biens personnels la somme de 5.080.481,40 euros montant de l'insuffisance d'actif constatée,
- ordonné l'exécution de toutes les formalités prescrites par la loi en pareille matière,
- ordonné l'exécution provisoire,
- déclaré les dépens frais privilégiés de procédure collective.
Maître B... ès qualités a fait signifier ce jugement à Z... A... par acte du 11 octobre 2012.
Le 28 avril 2014, Z... A... a fait opposition à l'encontre du jugement rendu le 14 septembre 2012.
Par jugement du 27 mai 2016, le Tribunal de Commerce de GAP a déclaré cette opposition irrecevable. Par un précédent arrêt du 12octobre 2017, la cour a confirmé ce jugement en ce qu'il avait déclaré l'opposition irrecevable.
Par déclaration reçue au greffe le 16 juin 2016, Z... A... a interjeté appel du jugement de sanction rendu le 14septembre2012.
Par ordonnance en date du 14 septembre 2017, le conseiller de la mise en état a :
- annulé la signification du 11 octobre 2012, faute pour l'huissier instrumentaire d'avoir accompli les diligences nécessaires ;
- consécutivement déclaré recevable l'appel interjeté le 16 juin 2016 contre le jugement de sanction du 14 septembre 2012.
Par conclusions N°4 notifiées le 4 avril 2018, Z... A... demande à la cour :
IN LIMINE LITIS ET A TITRE PRINCIPAL de
- constater, dire et juger que 'l'acte introductif d'instance du 10avril 2012" est nul pour défaut de diligences de l'huissier de justice,
- en conséquence, prononcer la nullité du jugement du 14septembre2012 et constater l'extinction de l'instance.
A TITRE SUBSIDIAIRE de prononcer la nullité du jugement du 14septembre 2012 pour défaut de respect du principe du contradictoire et constater l'extinction de l'instance.
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE, SUR LE FOND de
- débouter Maître B..., ès qualités, de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- constater, dire et juger qu'il n'a commis aucune faute,
- en conséquence, réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, dire n'y avoir lieu à condamnation à son encontre ni au titre de sanctions pécuniaires, ni au titre de sanctions personnelles.
EN TOUTE HYPOTHESE de condamner Maître B..., ès qualités, au paiement d'une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et en tous les frais et dépens de l'instance, avec distraction au profit de MaîtreX....
D'abord Z... A... fait valoir qu'il a pu obtenir communication de l'assignation du 10 avril 2012 dans le cadre de la présente procédure.
Il relève que l'huissier instrumentaire qui a dressé un acte selon les dispositions de l'article 659 du Code de procédure civile, n'a tiré aucune conséquence des déclarations des locataires, les époux G..., confirmant son départ pour le Chili.
Il reproche :
- à l'huissier de n'avoir pas sollicité d'instructions auprès de MaîtreAnne B...
- au liquidateur judiciaire de n'avoir pas précisé son déménagement à l'huissier, soulignant que Maître B... avait accès au dossier pénal audiencé le 28 juin 2012 et encore qu'elle était en contact avec François A..., son père qui était l'expert comptable de la J... F....
Il considère que, tout comme l'a déjà été la signification du jugement, l'assignation et subséquemment le jugement entrepris doivent être annulés, sans possibilité pour la cour d'évoquer le dossier au fond.
Il soutient aussi que le 22 juin 2012, soit quelques jours avant l'audience pénale du 28 juin 2012, Maître B... et le MinistèrePublic en s'abstenant de mentionner son déménagement et aussi le Tribunal en décidant de retenir l'affaire, ont violé le principe du contradictoire et les droits de la défense.
Il en conclut que le jugement entrepris encourt aussi la nullité à ce titre.
Au fond, Z... A... développe qu'il ne peut faire l'objet de sanctions car selon l'appelant Maître B... s'est contentée d'une argumentation déclarative, fondée sur des pièces qu'elle a elle-même établies , et sans prendre soin de vérifier l'application ou les conditions des textes qu'elle invoque.
S'agissant des sanctions pécuniaires, il souligne que seule peut être prise en compte une faute de gestion antérieure au jugement d'ouverture.
Il considère qu'il n'est aucunement fait mention d'un lien de causalité entre les fautes et le préjudice allégués.
Il affirme avoir manifesté un comportement 'pro-actif', qu'il relate, suite à des difficultés dont il impute l'origine à un très gros impayé d'un client de la société suisse M... Q... ce qui selon l'appelant a entraîné en cascade la déconfiture M... F....
Il rappelle l'ouverture à sa requête le 23 mars 2009 d'une procédure de conciliation concernant la société M... F..., excluant selon l'appelant l'existence d'un état de cessation des paiements.
Il souligne encore le résultat bénéficiaire enregistré en 2008 par M... F... et l'absence de mise en oeuvre d'une procédure d'alerte.
Il conteste l'absence de tenue de comptabilité, se prévalant de l'annexion à la déclaration de cessation des paiements de la balance partielle des comptes au 29 février 2009, du court délai écoulé ensuite jusqu'au 24 avril 2009, du grand livre daté d'avril 2009 dont le magistrat instructeur a accusé réception le 26 septembre 2014, de l'envoi le 24 juin 2009 par François A..., son père et expert comptable, à Maître B... d'un Colissimo contenant la comptabilité et des déclarations faites par Maître B... lors de son audition par les services de police.
Il souligne que Maître B... ne justifie pas de demandes de communication restées non satisfaites, ni de relances.
Il déplore les conditions de réalisation des stocks de Calcium et de Magnésium par le liquidateur judiciaire, qui selon l'appelant les a bradés, alors que ceux-ci avaient une valeur de marché de 1.750.000euros.
Par conclusions récapitulatives N°3 notifiées le 19 avril 2018 Maître B..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la J... F..., demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et
Sur l'action aux fins de comblement de passif, vu les dispositions des articles L.651-1 et suivants du Code de commerce, de :
- constater les fautes de gestion commises par Z... A... dans l'exécution de ses fonctions,
- condamner Z... A... à supporter personnellement l'insuffisance d'actif constatée dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de la société M... F...,
- dire et juger que Z... A... devra supporter sur ses biens personnels le montant global de l'insuffisance d'actif constatée à savoir 5.080.481,49 euros.
Sur la faillite personnelle,
- vu les dispositions des articles L.653-1 et suivants du Code de commerce, ordonner la faillite personne de Z... A... et lui interdire subséquemment pendant une durée de 10 années à compter du prononcé du 'jugement à intervenir' la direction, la gestion , l'administration ou le contrôle , de manière directe ou indirecte, de toute entreprise commerciale ou artisanale, de toute exploitation agricole ou de toute entreprise ayant toute autre activité indépendante et toute personne morale,
- subsidiairement, vu les dispositions des articles L.653-8 et suivants du Code de commerce, interdire à Z... A... de diriger, gérer, administrer ou de contrôler , directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou et toute personne morale pendant une durée de 10 années.
En toutes hypothèses, de condamner Z... A... au paiement d'une indemnité de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.
D'abord, s'agissant de la validité l'exploit introductif d'instance, Maître B... développe que Z... A..., dirigeant d'une entreprise qui laissait un passif supérieur à 5 millions d'euros pour un actif disponible de l'ordre de 150.000 euros, est parti sans laisser à la disposition des organes de la procédure collective une adresse où il était susceptible d'être contacté.
Elle souligne que les actes de la procédure ont été signifiés à Z... A... à son domicile [...] qui figure dans le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire et qui est conforme à celle figurant à l'extrait K bis de l'entreprise.
Elle soutient donc que :
- l'acte introductif d'instance devant le Tribunal , qui a été délivré le 10 avril 2012 à SEVRIER, ne saurait être annulé,
- l'huissier instrumentaire a procédé à des constations circonstanciées et à des diligences qu'il a précisément relatées, l'absence de ces diligences s'agissant de l'acte de signification du jugement ayant été sanctionnée par le conseiller de la mise en état,
- il ne peut être utilement fait état d'une autre adresse révélée dans le cadre de la procédure pénale diligentée contre Z... A... alors que ce n'est qu'à l'audience correctionnelle du 28juin2012 que le Procureur de la République a indiqué qu'il avait eu connaissance d'une adresse au Chili du dirigeant, dont il n'est aucunement avéré qu'elle ait été communiquée au liquidateur judiciaire.
Elle ajoute que l'adresse chilienne de Z... A... ne sera en définitive connue que courant 2013 .
Elle fait valoir à titre subsidiaire que Z... A... ne justifie pas du grief qui lui aurait été occasionné par une éventuelle irrégularité de l'assignation.
Ensuite, au fond, Maître B..., ès qualités, articule à l'encontre de Z... A... diverses fautes de gestion de nature à justifier la mise en oeuvre de sanctions, à savoir :
- le défaut de déclaration de l'état de cessation des paiement dans le délai de 45 jours de la survenance de cet état.
Sur ce point, l'intimée renvoie à la date du 24 octobre 2008 figurant dans le jugement d'ouverture dont Z... A... n'a pas sollicité la modification.
Elle considère que les causes précises de l'état de cessation des paiement restent inconnues, les affirmations de Z... A... étant démenties par les pièces comptables et l'attestation GOULET.
- le défaut de production des éléments comptables afférents à l'exercice 2009 dont certains n'ont pu être récupérés que dans le cadre de la procédure pénale diligentée par le Procureur de la République.
Elle conteste avoir été destinataire de pièces comptables de la part du dirigeant de la société M... F..., notamment dans un Colissimo du 24 juin 2009. Elle conteste aussi l'annexion d'une balance partielle à la déclaration de cessation des paiements.
Elle indique avoir seulement reçu des éléments comptables par le père du dirigeant.
Elle souligne l'importance des conséquences des agissements de Z... A... qui ne lui ont pas permis d'identifier la consistance des actifs de la société M... F... alors qu'un passif postérieur a été généré pendant la période d'inaction du dirigeant par des mesures de sécurisation et de gardiennage du site pollué.
Elle s'interroge aussi sur l'identité du client indélicat, débiteur de 1.500.000 euros dont Z... A... fait état devant la cour et qu'elle n'a pu poursuivre en l'absence d'éléments comptables.
Elle considère qu'un suivi comptable de l'entreprise aurait permis à Z... A... d'anticiper l'effondrement du chiffre d'affaires et
de prendre des mesures correctives ; que les éléments de la procédure établissent que Z... A... n'a rien tenté et qu'il a abandonné une structure en difficulté.
Elle impute ainsi aux fautes de gestion qu'elle reproche à Z...A... l'intégralité de l'insuffisance d'actif de 5.080.481,49euros constatée soit 5.168.630,68 euros de passif définitivement admis - 88.149,19euros correspondant aux actifs réalisés.
Subsidiairement Maître B... invoque les fautes constituées par le retard dans la déclaration de cessation des paiements , l'absence de communication de la liste des créanciers et de collaboration avec les organes de la procédure .
La procédure a été communiquée au Ministère Public qui, par conclusions notifiées par voie électronique le 28 février 2018, demande à la Cour de :
- rejeter la demande de nullité de l'assignation et du jugement du 14 septembre 2012
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il ordonne la faillite personnelle de Z... A..., emportant interdiction de gérer pour une durée de 10 ans.
Monsieur le Procureur Général soutient qu'à la date de l'assignation devant le Tribunal de Commerce, Z... A... avait quitté définitivement la maison qu'il occupait à SEVRIER et qu'il avait mise en location, et qu'il était parti à l'étranger sans laisser d'adresse; que l'huissier instrumentaire qui s'est rendu à l'adresse figurant sur l'extrait K bis de la société M... F... a fait toutes diligences utiles ; que Z... A... n'a pas non plus informé le liquidateur judiciaire de sa nouvelle adresse.
Il fait valoir que sont caractérisées les omissions de :
- déclarer la cessation des paiements dans le délai de 45 jours, avec maintien d'une activité déficitaire pendant 6 mois,
- fournir au liquidateur judiciaire la liste des créanciers,
- tenir toute comptabilité entre le 1er janvier et le 24 avril 2009.
La clôture de la procédure est intervenue le 25 avril 2018.
SUR CE
Attendu tout d'abord sur la nullité des exploits introductifs d'instance que selon les mentions figurant sur l'extrait Kbis de la J... F... , qui a été immatriculée le 25 janvier 2007 au RCS de GAP, son Président Z... A... demeure [...] ; que Z... A... a aussi mentionné cette adresse en page 2 de la déclaration de cessation des paiements de la J... F... qu'il a déposée le 24 avril 2009 au greffe du Tribunal de Commerce de GAP ; que Z... A... ne justifie aucunement avoir avisé Maître B..., liquidateur judiciaire de la société M... F..., ni le greffe du Tribunal de Commerce de GAP, de son déménagement et de sa nouvelle adresse ;
Que la délivrance à Maître B... comme liquidateur judiciaire de la J... F..., d'un avis de suite judiciaire le 25 avril 2012 lui indiquant que la procédure pénale en banqueroute sur citation directe mise en oeuvre à l'encontre de Z... A... serait examinée à l'audience du 28 juin 2012 du Tribunal Correctionnel de GAP, ni encore d'une copie de la procédure pénale à son conseil en vue de cette audience, ne permettent de conclure à la connaissance par Maître B... d'une nouvelle adresse du dirigeant de la J... F... ;
Que l'huissier instrumentaire, la SCP BASTARD-ROSSET VALENTINIS & VALENTINIS, requis par Maître B... afin de délivrer des assignations en sanction à Z... A..., s'est ainsi rendu [...] (Haute Savoie) ; qu'il a porté dans chacune des deux assignations qu'il a délivrées le 14 avril 2012 en vue de l'audience du Tribunal de Commerce de GAP en date du 22 juin 2012 les mentions suivantes dont il sera observé qu'elles sont très différentes de celles figurant sur l'acte de signification du jugement du 11 octobre 2012 :
'Je me suis présenté ce jour à l'adresse sus-indiquée.
J'ai constaté qu'il n'y avait aucune personne correspondant à l'identification du destinataire de l'acte alors qu'il s'agit de l'adresse mentionnée sur l'extrait k bis de la société M... F... O....
En conséquence il a été procédé aux diligences suivantes pour rechercher le destinataire de l'acte :
Aucune boîte aux lettres et porte palière ne comportent le nom A... Z....
A cette adresse demeurent les époux G... H... lesquels m'ont déclaré être locataires depuis 18 mois n'avoir pas de contact avec Monsieur A... Z... qui serait au Chili . Monsieur G... H... m'a également déclaré bénéficier de l'abonnement téléphonique ouvert au nom de A... Caroline.
Mes recherches sur les pages blanches d'internet, quant à elles, sont demeurées vaines. Enfin les services postaux m'ont invoqué le secret professionnel.
Ces diligences ainsi effectuées n'ayant pas permis de retrouver le destinataire de l'acte je soussigné constate que celui-ci n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus.
La copie du présent procès verbal contenant les mentions prescrites par l'article 659 du CPC à laquelle est jointe copie de l'acte objet de la signification a été envoyée au destinataire de l'acte, à l'adresse sus-indiquée, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et avis de cette formalité a été effectué par lettre simple au destinataire ;
Qu'il convient d'en conclure que l'huissier instrumentaire, qui n'avait pas à solliciter d'autres instructions auprès de Maître B... qui au demeurant n'était pas en mesure de communiquer une nouvelle adresse de Z... A..., a accompli des diligences suffisantes le 14 avril 2012 ;
Qu'il n'y a donc pas lieu d'annuler ces assignations en sanction qui ont régulièrement saisi le Tribunal de Commerce ;
Attendu ensuite s'agissant du respect du contradictoire à l'audience du Tribunal de Commerce de GAP du 22 juin 2012 qui a donné lieu au jugement du 14 septembre 2012 à l'issue d'un délibéré, qu'il sera relevé que les débats ont été clos 6 jours avant l'audience du Tribunal Correctionnel de GAP du 28 juin 2012 au cours de laquelle le Procureur de la République a indiqué avoir obtenu l'adresse du prévenu au Chili et obtenu sur le fondement des dispositions de l'article 553 du Code de procédure pénale la nullité de la citation délivrée sur le mandatement destiné à Maître E..., huissier de justice à GAP, concernant Z... A..., sans domicile connu ;
Que Z... A..., qui n'établit ni même ne précise la localisation de son adresse au Chili en 2012 ne saurait donc reprocher
- 'aux parties' de s'être abstenues d'informer le Tribunal de Commerce de son déménagement au Chili dont la mention figurait sur les assignations du 14 avril 2012
- au Tribunal de Commerce d'avoir retenu l'affaire le 22 juin 2012, étant observé que selon les mentions de l'ordonnance de renvoi devant le Tribunal correctionnel et de non lieu partiel en date du 8 janvier 2016 ( pièce 16 de l'intimée , pages 19 et 21) l'appelant a été vainement convoqué pour l'interrogatoire de première comparution en 2013 à deux adresses chiliennes apparues au cours de l'enquête, et encore via une adresse mail découverte sur le site internet de la société M... Q... et qu'il ne s'est présenté que le 17 mars 2014 après avoir obtenu la levée du mandat d'arrêt délivré à son encontre, dans le cadre d'une autre procédure pénale, par un juge d'instruction du Tribunal de Grande Instance de NANTERRE ;
Qu'ainsi le jugement rendu le 14 septembre 2012 n'encourt pas non plus la nullité pour défaut de respect du contradictoire ;
Attendu, au fond, que selon l'article L.651-2 du Code de commerce, qui depuis le prononcé du jugement entrepris a été modifié par la loi du 9 décembre 2016 en ce que la simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société n'est plus sanctionnée, lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de celle-ci sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion ;
Que selon les dispositions des articles L.653-1 et suivants du Commerce la faillite personnelle, qui emporte interdiction de gérer, peut aussi être prononcée contre le dirigeant d'une personne morale qui s'est abstenu volontairement de coopérer avec les organes de la procédure ou a tenu une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière ;
Qu'en l'espèce, les premiers juges ont retenu à l'encontre de Z...A... les agissements suivants :
- retard dans la déclaration de cessation des paiements,
- absence de comptabilité pour les 4 premiers mois de 2009,
- absence de communication de la liste des créanciers,
- absence de collaboration avec les organes de la procédure ;
Que ces agissements permettaient donc en l'espèce la mise en oeuvre des sanctions du comblement de passif, de la faillite personnelle et d'interdiction de gérer qui ont été prononcées ;
Attendu que l'omission de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal s'apprécie au regard de la seule date de la cessation des paiements fixée dans le jugement d'ouverture ou dans un jugement de report ;
Qu'en l'espère, le jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la O... P... qui a été prononcée le 24 avril 2009 sur la déclaration déposée le même jour par Z... A..., le président de la O... a fixé la date de cessation des paiements au 24 octobre 2008 dont il sera observé que selon les pièces versées aux débats elle est contemporaine de la décision prise le 3 octobre 2008 de porter le capital social de la O...M... F... à la somme de 337.000 euros par incorporation de la créance en compte courant de la holding M... Q..., qui selon Z... A... connaissait alors pourtant des difficultés financières;
Que le jugement d'ouverture de la procédure collective n'a pas fait l'objet de recours ; qu'aucun jugement de report de la date de la cessation des paiements n'est intervenu ;
Qu'ainsi, alors que sont indifférentes les circonstances, que :
* la société P... a pu obtenir le 23 mars 2009 la désignation d'un conciliateur, la survenance de l'état de cessation des paiements étant définitivement fixée au 24 octobre 2008
* le commissaire aux comptes n'a pas jugé utile de formuler des remarques ou d'initier une procédure d'alerte ;
Qu'est donc établi le caractère tardif de la déclaration effectuée par le dirigeant le 24 avril 2009 seulement, et qui constitue une faute de gestion de Z... A... ;
Attendu, s'agissant du défaut de tenue de comptabilité pour les quatre premiers mois de l'année 2009, que contrairement à ce que soutient l'appelant et ainsi qu'il résulte notamment de l'ordonnance rendue le 8 janvier 2016 par le magistrat instructeur, Maître B... ès qualités n'a jamais reconnu lors de ses auditions dans le cadre de la procédure pénale avoir disposé de documents comptables au titre de cette période ;
Qu'il n'est pas justifié du dépôt lors de déclaration de cessation des paiements de la balance 'partielle' des comptes au 29 février 2009; qu'au demeurant un document comptable se doit d'être complet ;
Que le contenu de l'envoi Colissimo adressé le 24 juin 2009 par François A... à Maître B... n'est pas listé ni a fortiori prouvé alors qu'il ne saurait être tiré argument de l'absence de réponse ou de relance à ce titre à François A... ;
Que de même l'envoi au magistrat instructeur en septembre 2014 des grands livres 2007 à 2009 et des comptes sociaux 2007 et 2008 ne saurait rétroactivement faire disparaître le défaut de tenue de comptabilité constaté dans les mois suivants l'ouverture de la procédure collective ;
Attendu que Z... A..., qui est né le [...], ne discute pas que les créances définitivement admises au passif de la société M... F... se sont élevées à 5.168.630,68 euros dont 2.540.453,33 euros à titre privilégié et 197.662,26 euros à titre super privilégié ;
Que l'appelant, qui selon ses explications s'est consacré depuis 2009 à la gestion au Chili des élément d'actifs de la faillite de la société suisse M... Q..., ne peut sérieusement reprocher au liquidateur judiciaire de la J... F... d'avoir cédé les actifs de cette entreprise aux enchères publiques et à un montant dérisoire (40.721,56 euros) et en tout cas selon l'appelant très inférieur à leur valorisation ;
Que la facturation de certains élément d'actifs par la société mère M... Q... en difficulté à sa filiale M... F... pour un montant de 581.000 euros ne présente pas une fiabilité suffisante, qu'il en est de même des valeurs déclarées à la compagnie d'assurance, au demeurant non justifiées ;
Que l'appelant ne s'explique pas sur l'existence de gages avec dépossession au bénéfice d'un pool bancaire ; qu'il ne justifie pas de stocks de Calcium et de Magnésium 'évalués par AUXIGA à plus de 1.500.000 euros' ;
Que ne peut être retenue non plus la valorisation des stocks à hauteur de 2.270.000 euros selon le bilan au 31 décembre 2008 ou même de 1.750.000 euros (valeur marché selon l'appelant) s'agissant de produits dont certains ont pu être qualifiés de déchets toxiques et qui ont entraîné l'intervention de la DREAL ;
Que surtout il n'est pas contesté que les réalisations d'actifs pour un montant de 88.149,19 euros ont fait l'objet de décisions du juge-commissaire qui n'ont pas donné lieu à recours ; qu'en l'absence de remise de documents comptables le liquidateur judiciaire ne peut pas recouvrer les factures susceptibles de rester dues à l'entreprise;
Que l'insuffisance d'actifs de la J... F... qui a été active entre le 5 janvier 2007 et le 24 avril 2009 soit pendant une période d'exploitation de moins de 28 mois a donc à juste titre été fixée par le Tribunal à un montant de 5.080.481,49 euros ;
Attendu que force est de constater que selon documents produits la J... F..., a réalisé :
- au 31 décembre 2007, un chiffre d'affaires de 2.837.623 euros et un bénéfice de 31.909 euros, avec un montant de dettes de 2.783.602euros pour un montant de créances de 914.000 euros,
- au 31 décembre 2008, un chiffre d'affaires de 3.439.436 euros et un bénéfice de 190.171 euros ; les disponibilités de l'exercice comptable 2008 étant de 638.813 euros pour un montant de dettes de 2.783.602euros ;
Que Z... A... qui invoque des causes conjoncturelles à la déconfiture de la J... F... dont il n'explique aucunement la nécessité de la constituer ni la stratégie , s'abstient de produire le dossier qu'il a élaboré lorsqu'il a sollicité en mars 2009 seulement une procédure de conciliation; qu'il ne discute pas ne pas avoir établi la liste des créanciers de la société M... F... ;
Qu'au moment de l'ouverture de la procédure, la société M... F... qui employait 27 personnes connaissait des impayés de salaires à hauteur de 65.656 euros, que des indemnités de rupture pour 189.792,37 et 79.077,88 euros ont été supportées par la procédure collective qui a aussi du faire face à divers recours ;
Qu'ainsi c'est à bon droit que le Tribunal, au regard de la gravité des deux fautes de gestion commises par le dirigeant de la société M... F... et qui sont à l'origine de l'insuffisance d'actifs constatée, a condamné Z... A... à supporter l'intégralité de l'insuffisance d'actifs de cette personne morale ;
Qu'à juste titre, les premiers juges ont aussi prononcé à l'encontre de Z... A..., qui a aussi volontairement manqué à ses obligations de collaborer avec les organes de la procédure collective d'établir la liste de ses créanciers, une mesure de faillite personnelle pendant une durée de 10 ans, emportant interdiction de gérer ;
Attendu que Z... A... sera donc débouté de toutes ses prétentions et le jugement entrepris confirmé en toutes ses dispositions ;
Que les dépens seront mis à la charge de Z... A... ;
Qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Maître B... ès qualités la totalité des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ; qu'il y a donc lieu de condamner Z... A... à payer à MaîtreB..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la J... F... la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Dit n'y avoir lieu d'annuler les citations en date du 14 avril 2012 ni le jugement rendu le 14 septembre 2012 ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
Y ajoutant,
Condamne Z... A... à payer à Maître B..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la J... F... la somme de 2.000euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne Z... A... aux dépens.
SIGNE par Madame K..., Président et par MadameCOSNARD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GreffierLe Président