RG N° 12/04306
FP
N° Minute :
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE
la SCP GALLIARD et ASSOCIÉS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 09 MARS 2017
Appel d'une décision (N° RG 10/1661)
rendue par le Tribunal de Commerce de GAP
en date du 04 mai 2012
suivant déclaration d'appel du 24 septembre 2012
APPELANTE :
SARL DART FRANCE poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et par Me Philippe LECOYER de la SELARL BGLM, avocat au barreau des HAUTES-ALPES, substitué par Me Franck MILLIAS, avocat au barreau des HAUTES-ALPES
INTIME :
Monsieur [X] [O]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Philippe GALLIARD de la SCP GALLIARD et ASSOCIÉS, avocat au barreau de GRENOBLE, et par Me Delly BONNET de la SELAS ABOCAP CONSEIL, avocat au barreau de VALENCE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Dominique ROLIN, Président de Chambre,
Madame Fabienne PAGES, Conseiller,
Mme Anne-Marie ESPARBES, Conseiller,
Assistées lors des débats de Madame Marie Emmanuelle LOCK-KOON, Greffier.
DÉBATS :
A l'audience publique du 09 Février 2017
Madame PAGES, conseiller, a été entendue en son rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions,
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour.
* * * * * *
[X] [O] se voit confier par la société DART FRANCE le mandat de commercialiser ses produits à partir de 2001 auprès de différentes enseignes : Intermarché, différentes solderies et sur la région du sud ouest.
Aucun écrit n'est formalisé entre les parties.
Le taux de commissions est de 5 % sur le chiffre d'affaires réalisé puis de 6% à partir de 2003 pour certains clients puis ramené à 5 % pour l'ensemble des clients à partir du 1er mars 2009.
[H] [V] est embauché le 2 octobre 2006 par la société DART FRANCE en qualité de commercial. Il démissionne au bout de six mois.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 4 novembre 2009, il est mis fin au mandat d'agent commercial de [X] [O] par la société DART FRANCE.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 1er mars 2010, le conseil de [X] [O] met la société DART FRANCE en demeure de payer la somme de 76 272,88 euros à titre d'indemnité compensatrice outre la somme de 3 670,59 euros à titre de commissions restées impayées.
Cette mise en demeure étant restée infructueuse, par assignation en date du 10 mai 2010, [X] [O] fait citer la société DART FRANCE devant le tribunal de commerce de Gap en paiement de rappels de commissions et de la somme de 76 272,88 euros à titre d'indemnité compensatrice de l'article L.134-12 du code de commerce.
Par jugement du tribunal de commerce de Gap en date du 4 mai 2012, il est constaté que la rupture du contrat d'agent commercial est imputable à la société DART FRANCE, la date de résiliation du 4 novembre 2009 est confirmée et par conséquent la SARL DART FRANCE est condamnée à payer en deniers et quittances à [X] [O] :
- la somme de 76 272,88 euros au titre de l'indemnité compensatrice de l'article L.134-12 du code de commerce,
- la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La SARL DART FRANCE interjette appel à l'encontre de cette décision par déclaration au greffe en date du 24 septembre 2012.
Au vu de ses dernières conclusions en date du 6 octobre 2015, la SARL DART FRANCE demande l'infirmation du jugement contesté.
Elle conclut au débouté des demandes de [X] [O].
À titre subsidiaire, elle demande de chiffrer l'indemnité de rupture à la somme de 50 848,58 euros soit 2 années de commissions et du propre aveu de la partie adverse.
Elle demande la condamnation de [X] [O] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir l'existence de fautes graves à l'encontre de [X] [O] justifiant l'absence d'indemnité de rupture à savoir :
- l'absence de prospection effective de la clientèle à partir de 2008, justifiée notamment par les doléances de ses clients,
- l'absence de véritable activité à partir de juin 2009, justifiée par une baisse du chiffre d'affaires de 40 % alors que les autres agents commerciaux connaissent à cette même période une augmentation de leur chiffre d'affaires,
- le comportement déloyal de ce dernier par la vente de produits concurrents sans en informer son mandant,
- en faisant visiter les clients de sa mandante par des personnes inconnues de cette dernière.
Elle fait valoir que [X] [O] avait accepté la baisse du taux de commissions de 6% à 5% sur certains clients à partir de mars 2009 puisqu'il a lui-même établi ses factures en application de ce taux.
Elle ajoute que la facturation en application du taux de 6% représente la somme de 3 562,44 euros versée à [X] [O].
Elle conteste une quelconque concurrence déloyale reprochée à son encontre par [X] [O].
Elle explique que la partie adverse n'avait aucune exclusivité.
À titre subsidiaire, elle fait valoir que l'indemnité de rupture s'élève à deux ans de commissions soit la somme de 50 848,58 euros.
Au vu des ses dernières conclusions en date du 15 décembre 2015, [X] [O] demande la confirmation du jugement contesté en ce qu'il constate la rupture du contrat d'agent commercial imputable à la SARL DART FRANCE et la condamne à lui payer la somme de 76 272,88 euros à titre d'indemnité compensatrice.
Il demande la condamnation de la SARL DART FRANCE sous astreinte à produire des factures et documents justifiant du chiffre d'affaires réalisé sur son secteur de 2001 à 2009, dire que l'indemnité compensatrice sera assortie d'intérêts au taux légal de plein droit à compter de la mise en demeure et le paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts compte tenu du caractère vexatoire de la rupture, outre la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir que sa demande en paiement d'une indemnité de rupture est justifiée.
Il ajoute que son refus de modification unilatérale du taux de commissions par son mandant ne peut être fautif et ne peut dès lors justifier la rupture du contrat d'agent commercial.
Il précise que la non réalisation d'objectifs commerciaux comme prétendu par la partie adverse ne peut justifier une faute grave.
Il explique que les doléances de clients en cause ne lui ont jamais été répercutées avant la lettre de rupture et qu'au contraire par courriel en date du 24 novembre 2006, la SARL DART FRANCE lui faisait de nombreux compliments.
Il conteste le manque de suivi des clients reproché et la sincérité des lettres de clients produites par la partie adverse.
Concernant la baisse du chiffre d'affaires reprochée, il explique qu'une partie importante de son secteur lui a été retirée et qu'elle ne peut constituer une faute grave.
Il conteste le recours à des sous agents.
Il ajoute que n'ayant pas d'exclusivité, il ne peut lui être reproché l'exclusivité de ses prestations.
Il reproche en revanche à la partie adverse la modification unilatérale du taux de commission, soit de 6 % à 5 % à partir du 1er mars 2009. Il précise que la SARL DART FRANCE a reconnu son erreur puisque lui a versé la somme correspondant à la différence entre les commissions effectivement versées et celles dues en application de la méthode de calcul avant le 1er mars 2009.
Il ajoute que l'indemnité de rupture doit être évaluée à la somme de 76 272,88 euros, soit deux fois la moyenne annuelle des commissions qu'il aurait du percevoir sur les trois dernières années.
Motifs de l'arrêt :
Sur l'existence d'une faute grave de [X] [O] :
Il est constant que la SARL DART FRANCE conclut avec [X] [O] un contrat d'agent commercial, ce dernier devant vendre ses produits auprès de différentes enseignes.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 4 novembre 2009, la SARL DART FRANCE notifie à son agent commercial la rupture de son contrat et sans indemnité compensatrice compte tenu de la faute grave reprochée.
Aux termes des dispositions de l'article L.134-13.1 du code de commerce, l'agent ne peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice en réparation du préjudice causé par la cessation du contrat lorsqu'elle est provoquée par une faute grave de ce dernier.
La faute grave de l'agent se caractérise comme celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt et rend impossible le maintien du lien contractuel.
Cette faute grave privative du droit à l'indemnité compensatrice est différente des simples manquements de nature à justifier la rupture du contrat.
La preuve de cette faute doit être rapportée par le mandant.
En l'espèce, il est justifié par l'envoi de courriers ou couriels de clients de la SARL DART FRANCE du mécontentement de quatre clients de cette dernière soit FR Distribution en mai 2009, Jouets 2000 en juin 2009, Neto Miramas en juin 2009 et de la Foir'Fouille en juillet 2009 en particulier quant à la trop faible fréquence des passages de [X] [O] dans leur magasin respectif.
Par contre, la SARL DART FRANCE ne justifie pas avoir répercuté ces différentes doléances à son agent commercial pour prise en compte ou à titre de reproche.
Il est également justifié d'une demande de suivi avec des modalités spécifiques de la centrale d'achat Giga Store et par courrier en date du 18 juin 2008 sans justifier en revanche des doléances de ce client.
Si ces éléments peuvent justifier de la rupture du contrat d'agent commercial à l'initiative de la société appelante, ils ne peuvent cependant constituer une faute grave au sens de l'article susvisé privative du droit à l'indemnité de rupture.
Par ailleurs, la seule baisse des résultats de l'agent commercial alléguée par la société appelante et non contestée n'est pas non plus de nature à justifier d'une faute grave de ce dernier alors qu'il est constant que la mandante a embauché un salarié pour prospecter sur le même secteur que [X] [O] et qu'elle n'a jamais émis le moindre reproche à ce sujet à son agent commercial ou mis en demeure de respecter un quelconque objectif.
[X] [O] conteste avoir eu recours à des sous agents commerciaux et la SARL DART FRANCE n'en justifie par aucun élément ; ce grief ne peut dès lors être retenu.
Il n'est pas contesté par l'agent commercial de l'achat par ce dernier de produits de la SARL DART FRANCE en vue de leur revente.
La SARL DART FRANCE ne conteste pas avoir eu connaissance de la commercialisation de ses produits par son agent commercial et y compris de produits concurrents et alors que ce dernier n'était pas tenu par une clause d'exclusivité, ces ventes ne peuvent dès lors constituer un quelconque manquement à la loyauté.
Ces simples griefs certes justifiés ne caractérisent cependant pas la faute grave reprochée à l'agent commercial dès lors que les obligations respectives des parties n'avaient pas été formalisées par écrit et qu'aucun courrier préalable ne faisait état de difficultés susceptibles de justifier de la rupture et qu'il est au contraire constant que la société appelante a modifié sans son accord préalable la rémunération de [X] [O] et à la baisse, à compter du 1er mars 2009.
Sur le montant de l'indemnité de rupture :
[X] [O] justifie de la moyenne annuelle de commissions sur les trois dernières années deux fois et à hauteur de la somme de 76 272,88 euros, correspondant dès lors à deux années et non trois ans de commissions et représentant par conséquent l'indemnité compensatrice due par la SARL DART FRANCE suite à la rupture du contrat d'agent commercial.
Sur la demande de communication de pièces sous astreinte :
[X] [O] demande la communication de l'intégralité des factures et documents justifiant du chiffre d'affaires global de la société appelante réalisé sur son secteur d'intervention de 2001 à 2009 ainsi que la liste des clients et prospects sur ce secteur et sous astreinte.
Il reconnaît par ailleurs avoir eu communication des factures de l'ensemble des commandes passées par son intermédiaire.
En l'absence de contrat écrit d'agent commercial conclu entre les parties, il n'est pas justifié par l'agent commercial de la charge d'un secteur géographique déterminé, condition de son droit à des commissions indirectes, soit afférentes aux opérations conclues avec des clients appartenant à ce secteur, même si elles l'ont été sans son intervention.
Sa demande de production de l'intégralité des factures et documents justifiant du chiffre d'affaires global n'est dès lors pas justifiée et sera rejetée.
Sur la demande en dommages et intérêts de [X] [O] :
La seul information donnée par la SARL DART FRANCE à ses clients et selon laquelle [X] [O] n'intervient plus pour son compte et alors qu'elle va rompre le contrat d'agent commercial, soit la simple information d'une nouvelle organisation de la société appelante dont la connaissance est nécessaire par ses clients ne peut être considéré par l'agent commercial concerné comme vexatoire.
La demande en dommages et intérêts de [X] [O] sur ce fondement sera rejetée.
Le jugement contesté sera confirmé en toutes ses dispositions.
Aucun considération d'équité ne commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque.
PAR CES MOTIFS,
la Cour
Statuant par décision contradictoire prononcée publiquement et par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement contesté en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
Rejette la demande de communication de pièces sous astreinte de [X] [O].
Rejette la demande en dommages et intérêts de [X] [O].
Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la SARL DART FRANCE aux entiers dépens.
SIGNE par Madame ROLIN, Président et par Madame COSNARD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GreffierLe Président