RG N° 15/01430
J.L. B.
N° Minute :
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL SELARL CABINET KAIS
la SELARL TRANCHAT DOLLET LAURENT ASSOCIES
la SELARL CDMF
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 04 JUIN 2015
Appel d'une décision (N° RG 2014J605)
rendue par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE
en date du 24 mars 2015
suivant déclaration d'appel du 02 Avril 2015
APPELANT :
Monsieur [H] [P]
Né le [Date naissance 1] 1973
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté et plaidant par Me Hassan KAIS de la SELARL CABINET KAIS, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMES :
Maître [I] [S] pris es qualité de commissaire a l'exécution du plan de M. [P]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté et plaidant par Me Philippe LAURENT de la SELARL TRANCHAT DOLLET LAURENT ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE
SA CIC LYONNAISE DE BANQUE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée et plaidant par Me CALDARA substituant Me Jean-luc MEDINA de la SELARL CDMF AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Dominique ROLIN, Président de Chambre,
Monsieur Jean-Louis BERNAUD, Conseiller,
Madame Fabienne PAGES, Conseiller,
MINISTÈRE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée et représenté lors des débats par monsieur RABESANDRATANA, substitut général, qui a fait connaître son avis.
DÉBATS :
A l'audience publique du 06 Mai 2015
Madame Fabienne PAGES, Conseiller, en son rapport et Madame Dominique ROLIN, Président, assistées de Madame COSNARD, Greffier, ont entendu les avocats en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile. Il en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.
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Par jugement du 6 mars 2007 le tribunal de commerce de Grenoble a ouvert le redressement judiciaire de M. [H] [P] exerçant à titre individuel une activité de menuisier/ébéniste.
Par jugement du 1er juillet 2008 le tribunal a arrêté le plan de continuation de l'activité de Monsieur [H] [P] selon les principales modalités suivantes :
remboursement de 100 % du passif échu en 20 semestrialités égales
paiement des créances à échoir aux échéances contractuelles sauf meilleur accord favorable au débiteur.
Ce jugement a désigné Me [S] en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Prétendant être créancière de diverses sommes au titre du solde d'un contrat de prêt immobilier hypothécaire d'un montant initial de 70'000 € consenti le 13 octobre 2005 ayant fait l'objet d'une déclaration de créance à échoir pour la somme de 66'464,34 euros, la société LYONNAISE DE BANQUE, après mise en demeure infructueuse et information du commissaire à l'exécution du plan, a fait assigner, par acte d'huissier du 20 octobre 2014, M. [H] [P] et Me [S] ,ès qualités, aux fins d'entendre prononcer la résolution du plan de continuation et la liquidation judiciaire du débiteur.
Par jugement du 24 mars 2015 le tribunal de commerce de Grenoble, constatant l'inexécution du plan de continuation et l'état de cessation des paiements, a prononcé la résolution du plan de redressement, a prononcé la liquidation judiciaire de M. [H] [P] , à fixé provisoirement au 4 mars 2015 la date de cessation des paiements et a désigné Me [S] en qualité de liquidateur judiciaire.
M. [H] [P] a relevé appel de cette décision selon déclaration reçue le 2 avril 2015.
Vu les dernières conclusions signifiées et déposées le 6 mai 2015 par M. [H] [P] qui demande à la cour, par voie de réformation du jugement, de rejeter la demande de résolution du plan de redressement et de condamner la banque au paiement d'une indemnité de 6000'€ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, subsidiairement de dire n'y avoir lieu au prononcé de sa liquidation judiciaire et en tout état de cause de condamner la société LYONNAISE DE BANQUE à lui payer une indemnité de procédure de 3000 € aux motifs :
que le plan est scrupuleusement respecté s'agissant du règlement des dividendes semestriels s'appliquant aux créances échues,
qu'il n'est pas en état de cessation des paiements, puisqu'il refuse de régler les sommes dues au titre du prêt à échoir en raison de la forclusion biennale encourue sur le fondement des articles L. 137-2 et L.311-52 du code de la consommation,
que si la prescription a été suspendue par le jugement d'ouverture de la procédure collective, elle a repris son cours dès le prononcé du plan de continuation,
que la banque, qui n'a pas engagé l'action en recouvrement dans le délai de deux ans du dernier incident de paiement non régularisé en date du 26 août 2011, est forclose, alors qu'en l'absence d'admission de la créance de prêt la banque ne dispose d'aucun titre exécutoire, lequel ne peut résulter du fait que le plan a prévu le règlement des créances à échoir aux échéances contractuelles,
qu'en toute hypothèse la liquidation ne pouvait pas être prononcée en l'absence de constatation d'un nouvel état de cessation des paiements, étant observé qu'il est aujourd'hui à même de solder l'intégralité du passif échu.
Vu les dernières conclusions signifiées et déposées le 6 mai 2015 par la SA LYONNAISE DE BANQUE qui demande à la cour de :
Vu l'article L626-27 du Code de commerce,
CONSTATER que Monsieur [H] [P] n'a pas respecté le plan de continuation adopté par jugement du 1er juillet 2008 tant en ce qui concerne le règlement des créances échues que des créances à échoir.
DIRE ET JUGER que la prescription applicable à la créance de la LYONNAISE DE BANQUE est la prescription de 10 ans applicable aux décisions de justice qu'est l'état des créances du Juge commissaire.
DIRE ET JUGER que le règlement de la créance de la LYONNAISE DE BANQUE était prévu par le jugement adoptant le plan de continuation qui constitue un titre exécutoire.
DIRE qu'elle faisait partie à part entière de ce plan même si les modalités de règlement prescrites par le Tribunal était les modalités du contrat.
En conséquence,
DIRE ET JUGER que Monsieur [H] [P] ne peut invoquer la prescription de la créance de la LYONNAISE DE BANQUE par application de l'article L137-2 du Code de la consommation.
DIRE ET JUGER la LYONNAISE DE BANQUE fondée à solliciter la résolution du plan de continuation en l'état du
non-respect par Monsieur [P] de ses obligations résultant du plan.
CONFIRMER le jugement du 24 mars 2015 en ce qu'il a prononcé la résolution du plan de continuation.
PRENDRE ACTE que la LYONNAISE DE BANQUE s'en remet à la sagesse de la Cour sur le prononcé de la liquidation judiciaire.
En tout état de cause,
CONDAMNER Monsieur [H] [P] au paiement à la LYONNAISE DE BANQUE d'une somme de 2500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL CDMF AVOCATS, Avocat sur son affirmation de droit.
Vu les dernières conclusions signifiées et déposées le 4 mai 2015 par Me [S], ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [P], qui demande à la cour de lui donner acte de ce qu'il s'en remet à justice concernant la recevabilité et le bien-fondé de l'appel et de condamner qui mieux le devra à lui payer une indemnité de 1500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile aux motifs :
que postérieurement au jugement le débiteur a procédé au règlement d'un acompte de 6000 €,
que le plan de continuation emporte obligation pour le débiteur de procéder au règlement du passif à échoir conformément aux dispositions convenues entre les parties,ce qui justifie la présente procédure introduite par la banque qui demeure impayée de diverses échéances du prêt,
que les modalités de remboursement des échéances à échoir du prêt font partie intégrante du plan de redressement, ce qui confère au jugement du 1er juillet 2008 le caractère d'un titre exécutoire de nature à faire échec à la prescription biennale de l'article L. 137-2 du code de la consommation,
que si M. [P] justifiait d'une trésorerie suffisante pour faire face au nouveau passif déclaré de 15'715,07 euros il serait fondé à soutenir qu'il n'est pas en état de cessation des paiements et que par voie de conséquence en application de l'article L. 626-27 du code de commerce la liquidation judiciaire ne peut être ordonnée.
Vu les conclusions déposées le 6 mai 2015 par le ministère public qui sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la liquidation judiciaire à défaut pour l'état de cessation des paiements d'être caractérisé.
Vu la note en délibéré régulièrement autorisée déposée le 22 mai 2015 pat M. M. [H] [P] et les nouvelles pièces annexées justifiant de sa situation financière actuelle.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur la demande de résolution du plan
Le jugement du 1er juillet 2008,qui a arrêté le plan de redressement par la continuation, a prévu expressément dans son dispositif que les créances à échoir à la date du redressement
judiciaire seront payées aux échéances contractuelles sous réserve d'accord particulier plus favorable à l'entreprise.
Les modalités de paiement des créances antérieures à échoir, comprenant notamment la créance en capital de 66464,34'€ déclarée par la société LYONNAISE DE BANQUE, font donc partie intégrante du plan, ce qui résulte clairement des dispositions légales régissant la phase d'élaboration et d'homologation du plan de continuation, selon lesquelles d'une part le mandataire judiciaire n'est pas tenu de consulter les créanciers pour lesquels le projet de plan ne modifie pas les modalités de paiement (article L. 626-5 du code de commerce) et d'autre part les engagements souscrits portent sur le règlement du passif soumis à déclaration ( article L. 626-10), qui comprend le passif à échoir ainsi que le prévoit expressément l'article L. 622-25.
En exécution du plan arrêté par le tribunal M. [P] devait donc reprendre le paiement des échéances de remboursement du prêt immobilier selon le tableau d'amortissement initial, et il ne peut se prévaloir de la courte prescription de l'article L.' 137-2 du code de la consommation, dont il soutient qu'elle aurait éteint l'action de la banque deux ans après le dernier incident de paiement non régularisé du 26 août 2011.
S'il est de principe que l'action du prêteur professionnel en matière de crédit immobilier est soumise à la prescription de 2 ans de l'article L. 137-2 du code de la consommation, cette courte prescription ne peut en effet être invoquée en l'espèce après adoption du plan de redressement, alors qu'au sens des articles L. 624-2 et R. 624-3 du code de commerce la décision d'admission sans contestation de la créance déclarée le 26 mars 2007 au titre du solde du prêt immobilier constitue une décision de justice revêtue de l'autorité de la chose jugée, dont l'exécution peut être poursuivie pendant 10 ans depuis l'entrée en vigueur de la loi 2008-561 du 17 juin 2008 (article 3-1 de la loi du 9 juillet 1991 modifiée devenu l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution), étant précisé qu'antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi susvisée du 17 juin 2008 le bénéficiaire d'un jugement pouvait en poursuivre l'exécution pendant 30 ans.
Ainsi, à compter de l'admission sans contestation de la créance de prêt à une date non précisée, mais qui est nécessairement postérieure à la déclaration, la prescription de 30 ans, puis de 10 ans, s'est substituée à la courte prescription de l'article L. 137-2 du code de la consommation.
M. [P] ne peut donc prétendre que l'inaction de la banque dans le délai de 2 ans du premier incident de paiement non régularisé était de nature à le décharger de toute obligation.
L'inexécution du plan est par conséquent caractérisée, puisque le débiteur reconnaît avoir cessé tout versement à compter de l'année 2011, d'où une dette accumulée de 18'139,60 euros au 28 février 2014.
Prétendant à tort être déchargé de toute obligation à l'égard du prêteur au titre du passif à échoir, M. [P], qui ne fait pas état de difficultés financières pour justifier le non-respect de l'échéancier de remboursement, s'est délibérément soustrait à l'exécution du jugement ayant arrêté le plan de redressement.
Eu égard à l'importance des sommes restant dues à la société LYONNAISE DE BANQUE,il y a lieu par conséquent de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résolution du plan en application de l'article L. 626-27 du code de commerce.
Sur la demande d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire
L'article L 631-19 du code de commerce rend applicables aux plans de redressement les dispositions du chapitre VI du titre II du livre sixième de ce code.
Aux termes des articles L 626-27 et L 631-20-1 du code de commerce, dans leur rédaction de l'ordonnance du 18 décembre 2008 rendue applicable aux plans en cours d'exécution au 15 février 2009, le tribunal peut décider la résolution du plan de redressement si le débiteur n'exécute pas ses engagements dans les délais fixés et peut ouvrir une procédure de liquidation judiciaire lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée au cours de l'exécution du plan.
C'est à tort que les premiers juges ont prononcé la liquidation judiciaire de Monsieur [L] [G] sans caractériser un état de cessation des paiements, qui ne peut résulter de la seule inexécution du plan.
Les articles L 626-27 et L 631 -20-1 susvisés exigent, en effet, que soit constaté un état de cessation des paiements au cours de l'exécution du plan, ce qui implique nécessairement que la preuve soit rapportée de l'impossibilité pour le débiteur de faire face, avec son actif disponible, à un passif nouveau devenu exigible postérieurement à l'adoption du plan de redressement.
Il résulte de la liste des créances déclarées postérieurement au jugement déféré que deux créanciers seulement ont déclaré au passif de la liquidation judiciaire des sommes devenues exigibles après l'adoption du plan pour un montant global de 15'715,07 euros.
Or, M. [P] produit aux débats des relevés de compte et des justificatifs de virements dont il résulte que ses avoirs financiers s'élèvent à ce jour à la somme globale de 31379,61'€ .
Cette épargne disponible est de nature à répondre du nouveau passif de 15'715,07 euros constitué depuis le 1er juillet 2008, en sorte que la preuve n'est pas rapportée d'un état de cessation des paiements actuel.
Il n'y a pas Lieu par conséquent de prononcer la liquidation judiciaire de M. [P], ce qui conduit à l'infirmation du jugement sur ce point.
L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société LYONNAISE DE BANQUE.
.../...
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la résolution du plan de redressement arrêté le 1er juillet 2008 au profit de Monsieur [H] [P],
Rappelle qu'en application de l'article L 626-27 du code de commerce la résolution du plan met fin aux opérations et à la procédure et emporte déchéance de tout délai de paiement accordé,
Infirme le jugement déféré pour le surplus et statuant à nouveau:
Dit n'y avoir lieu à liquidation judiciaire de Monsieur [H] [P],
Condamne Monsieur [H] [P] à payer à la SA LYONNAISE DE BANQUE une indemnité de 1000'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Me [S] ,ès qualités,
Dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts pour procédure abusive,
Condamne Monsieur [H] [P] aux entiers dépens, dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SELARL d'avocats CDMF.
SIGNE par Madame ROLIN, Président et par Madame DESLANDE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GreffierLe Président