RG No 04/01789 J.L.B. No Minute : Grosse délivrée le : S.C.P. CALAS S.C.P. GRIMAUD Me RAMILLON S.C.P. POUGNAND S.E.LA.R.L. DAUPHIN et MIHAJLOVIC AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE GRENOBLE CHAMBRE COMMERCIALE ARRET DU JEUDI 27 OCTOBRE 2005 Appel d'une décision (No RG 00J00960) rendue par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE en date du 09 février 2004 suivant déclaration d'appel du 02 Avril 2004 APPELANTE : S.A. TEISSEIRE FRANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège 2 Square Roger Genin BP 287 38016 GRENOBLE CEDEX 1 représentée par la SCP JEAN CALAS, avoués à la Cour assistée de Me Rudolf DUNNER, avocat au barreau de GRENOBLE INTIMEES : S.A. VIRON prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège 17, Rue Général Rambaud 38000 GRENOBLE appelante incident suivant assignations des 1er octobre et 11 octobre 2004 représentée par la SCP GRIMAUD, avoués à la Cour assistée de Me Mylène ROBERT, avocat au barreau de GRENOBLE S.A. CIE AGF IART 87 rue de Richelieu BP 66-602 75060 PARIS CEDEX 02 appelante incident suivant assignations des 1er octobre et 11 octobre 2004 représentée par la SCP GRIMAUD, avoués à la Cour Compagnie AVIVA, anciennement dénommée ABEILLE ASSURANCES, poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège 52 Rue de la Victoire 75455 PARIS représentée par la SELARL DAUPHIN etamp; MIHAJLOVIC, avoués à la Cour assistée de Me Marie-Alice GUIDETTI, avocat au barreau de GRENOBLE S.A. RUST OLEUM FRANCE poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège 11 Rue Jules Vernes - BP 39 95231 SAINT LEU LA FORET représentée par la SELARL DAUPHIN etamp; MIHAJLOVIC, avoués à la Cour assistée de Me Marie-Alice GUIDETTI, avocat au barreau de GRENOBLE COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Allain URAN, Président de Chambre, Monsieur X...
indemnité de 3 000 ç en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile, aux motifs essentiels :
- que la société VIRON doit répondre des désordres sur le fondement de la garantie décennale instituée par les articles 1792 et suivants du Code civil, alors que n'assurant pas leur fonction fongicide les travaux de peinture n'ont pas empêché l'apparition généralisée de moisissures, ce qui rend impropre à sa destination le local de stockage de ses denrées alimentaires,
- qu'il n'est justifié d'aucune cause étrangère exonératoire dès lors d'une part qu'elle n'a aucune compétence en matière de travaux de peinture dans l'exécution desquels elle ne s'est pas immiscée, et d'autre part qu'elle n'a pas délibérément accepté les risques liés à une ventilation insuffisante des locaux, sur lesquels la société VIRON, en sa qualité de professionnelle, devait attirer son attention,
- que la société VIRON, qui devait appliquer une peinture fongicide après préparation du support, n'ignorait pas la présence d'humidité et de moisissures et a ainsi manqué à son devoir de conseil en ne préconisant pas une étude thermique préalable,
- qu'outre le coût du lavage de la peinture (2103,80 ç) elle est fondée à demander paiement d'une somme de 20 000,00 ç à titre de dommages-intérêts, à laquelle il convient d'ajouter 10 000 ç supplémentaires pour les nouvelles interventions qui pourraient s'avérer nécessaires.
Par dernières conclusions signifiées et déposées le 11 mars 2005 la S.A. VIRON et la compagnie A.G.F. IART sollicitent la confirmation du jugement
Par dernières conclusions signifiées et déposées le 11 mars 2005 la S.A. VIRON et la compagnie A.G.F. IART sollicitent la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société TEISSEIRE de
BERNAUD, Conseiller, Madame Françoise CUNY, Conseiller, Assistés lors des débats de Madame Eliane Y..., Greffier. DEBATS : A l'audience publique du 15 Septembre 2005, Les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries, Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience publique de ce jour,
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Dans le cadre des travaux de transformation de deux grandes salles de stockage appartenant à son unité de production de sirops, la société TEISSEIRE FRANCE a confié à la société VIRON la réalisation de travaux de peinture, comprenant notamment un traitement fongicide et l'application de peintures spéciales résistantes aux moisissures.
Les travaux ont été réalisés dans le courant des mois de juillet et août 1998.
Dès le mois d'octobre 1998 des moisissures étaient constatées.
A défaut sur la prise en charge des désordres, la société TEISSEIRE a obtenu en référé le 16 février 2000 l'instauration d'une expertise technique étendue par la suite au fournisseur de la peinture, la société RUST OLEUM, et à son assureur.
Dans le même temps elle a fait assigner au fond la société VIRON et son assureur, la compagnie A.G.F, en réparation de son préjudice sur le fondement des articles 1792 et suivants du Code civil.
L'expert judiciaire, Alain GATTI, a déposé son rapport le 20 août 2002 dont il résulte notamment :
- qu'en accord avec les parties la réception tacite des travaux peut être fixée au 31 août 1998, date à laquelle les dommages n'étaient pas apparents,
toutes ses demandes.
Subsidiairement la compagnie A.G.F. oppose à l'appelante la franchise contractuelle et demande, avec son assurée, à être relevée et garantie de toutes condamnations par la société RUST OLEUM et la compagnie AVIVA.
Les intimées prétendent obtenir une indemnité de 3 000 ç pour frais irrépétibles.
Elles soutiennent en substance :
- que depuis les travaux réalisés en 1999 (étanchéité - isolation - pose d'un extracteur et lavage de peinture) il ne subsiste aucune impropriété à la destination de l'ouvrage,
- que selon l'expert l'unique cause des désordres réside dans le défaut d'isolation et de ventilation des locaux, ce qui constitue une cause étrangère exonératoire,
- que le peintre n'a commis aucune erreur de conception et n'a pas manqué à son obligation de conseil, alors que le support a été traité selon les instruction du fabricant, que les travaux de peinture ne sont pas la cause des désordres (l'expert n'a pas préconisé leur reprise) et qu'il n'appartenait qu'au maître de l'ouvrage de faire procéder à une étude thermique préalable qui ne relevait en aucune façon du lot peinture,
- que la somme forfaitaire réclamée n'est en rien justifiée, tandis que les frais de lavage, imputables au défaut d'isolation et de ventilation des locaux, incombent au maître de l'ouvrage,
- qu'en toute hypothèse le fournisseur de la peinture, qui s'est rendu sur les lieux pour choisir le produit adapté, et dont les instructions de mise en oeuvre ont été respectées doit les relever et garantir avec son assureur de toutes condamnations sur les fondements de la garantie des vices cachés et de l'obligation de conseil du
vendeur.
- que très rapidement après cette date des moisissures se sont développées et n'ont épargné aucune zone,
- que ce phénomène rendait l'ouvrage impropre à sa destination,
- que seuls les travaux d'isolation et de ventilation des locaux, réalisés en 1999, ont permis d'éviter l'apparition de nouvelles moisissures,
- que des erreurs ont été commises par le maître de l'ouvrage (absence d'étude thermique préalable), par le fabricant (défaut d'information) et par le peintre (non vérification des supports),
- qu'outre les travaux d'isolation et de ventilation le maître de l'ouvrage a supporté le coût d'un lavage complet pour un montant de 13 800 F HT,
- que les travaux de reprise de peinture sont à la charge exclusive de l'entreprise VIRON.
Par jugement du 9 février 2004 le Tribunal de Commerce de GRENOBLE, devant lequel la société VIRON et son assureur avaient appelé en cause la société RUST ALEUM et son assureur; a débouté la société
TEISSEIRE de la totalité de ses demandes et l'a condamnée au paiement d'une indemnité de procédure.
La S.A. TEISSEIRE FRANCE a relevé appel de cette décision selon déclaration reçue le 2 avril 2004.
Par acte d'huissier du 1er octobre 2004 la société VIRON et la compagnie AGF IART ont formé appel incident provoqué à l'encontre de la société RUST OLEUM FRANCE et de son assureur, la compagnie AVIVA, et les ont assignés à comparaître.
Les deux instances d'appel ont été jointes le 17 novembre 2004.
Par dernières conclusions signifiées et déposées le 26 août 2005 la SA TEISSEIRE FRANCE sollicite, par voie d'infirmation, la condamnation in solidum de la société VIRON et de son assureur à lui payer la somme de 32 103,80 ç à titre de dommages-intérêts, outre une
Par dernières conclusions signifiées et déposées le 26 juillet 2005 la SA RUST OLEUM FRANCE et son assureur, la compagnie AVIVA, sollicitent la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de l'appelante à leur payer à chacun une indemnité de procédure de 1 000 ç.
En tout état de cause la compagnie AVIVA décline sa garantie s'agissant de désordres relevant des articles 1792 et suivants du Code civil que la police souscrite par la société RUST OLEUM ne couvre pas.
Cette dernière demande également sa mise hors de cause en l'absence de tout manquement à son devoir de conseil, et subsidiairement entend faire fixer sa part éventuelle de responsabilité à 20% de la somme euros 13 800 F HT.
Ils font notamment valoir :
- que l'action principale de la société TEISSEIRE, fondée sur les articles 1792 et suivants du Code civil, ne peut ouvrir droit à la garantie de la compagnie AVIVA qui n'assure pas les dommages entrant dans la garantie décennale,
- que le recours de la société VIRON et de la compagnie A.G.F. ne peut pas plus être accueilli sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil, puisque l'expert a exclu tout vice ou toute non conformité du produit vendu,
- que la société RUST OLEUM n'a pas davantage manqué à son devoir de
conseil alors que les désordres proviennent d'un défaut de ventilation imputable au maître de l'ouvrage et de la présence indécelable de souches microscopiques de moisissures sous la peinture précédente.
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MOTIFS DE L'ARRET
Sur la demande principale
L'expert judiciaire a notamment constaté que le local litigieux, constitué de deux salles communiquantes sans séparation, recevait pour décongélation des bidons métalliques de 200 litres initialement stockés à une température de -18o, ce qui entraînait une intense condensation favorable au développement des moisissures.
Se fondant sur les déclarations concordantes des parties et sur les photographies prises par l'expert de la compagnie ABEILLE ASSURANCES (aujourd'hui AVIVA) le 22 juillet 1999, il a estimé que dès le mois de septembre 1998 après réception tacite, des moisissures sont apparues et se sont très rapidement généralisées, aucune zone n'étant épargnée.
Il a considéré qu'à cette époque l'ouvrage destiné au stockage de denrées et de matières premières entrant dans la fabrication des sirops, était rendu impropre à sa destination.
L'expert a toutefois relevé qu'après travaux d'étanché'té, d'isolation et de ventilation au début de l'année 1999 et de lavage "efficace" en août 1999, la peinture appliquée par la société VIRON avait retrouvé son aspect d'origine et pouvait à nouveau remplir sa fonction fongicide.
Il a enfin expliqué que la présence de spores de moisissures dans la peinture d'origine, voire dans le support béton, ainsi que l'insuffisance d'isolation et de ventilation des locaux constituaient la cause technique des désordres.
L'application d'une peinture fongicide, dont le devis du 19 mai 1998 indiquait qu'elle devait être "résistante aux moisissures", et qui selon le bon d'achat du 20 juin 1998 devait présenter "le label alimentaire", avait nécessairement pour finalité de préserver la
qualité sanitaire des denrées et matières entrant dans la composition des sirops fabriqués par la société TEISSEIRE. Destinée à faire obstacle au développement de moisissures, elle constituait donc un travail de construction entrant dans le champ d'application de l'article 1792 du Code civil.
N'ayant pas une fonction purement esthétique, la prestation réalisée par la société VIRON, qui n'a pas empêché la prolifération rapide et généralisée des moisissures, a porté atteinte à la destination de l'immeuble, sur laquelle l'entreprise était instruite et avait en toute hypothèse l'obligation de se renseigner.
Le défaut d'isolation et de ventilation, relevé par l'expert, n'exclut pas enfin l'implication des travaux de peinture dans la survenance des désordres, qui sont apparus après application d'une peinture sur un support inapproprié, insuffisamment isolé et ventilé. Les dommages allégués relèvent par conséquent de la responsabilité décennale de la société VIRON, qui ne peut sérieusement prétendre en être exonérée par la cause étrangère;
Elle n'invoque, en effet, ni la force majeure, ni le fait d'un tiers, et ne prétend pas que la maître de l'ouvrage, notoirement compétent, se serait immiscé dans la conception ou l'exécution des travaux.
La Cour observe à cet effet que l'absence d'étude thermique préalable ne saurait être qualifiée d'acte positif d'immixtion.
Il ne pourrait davantage être soutenu que la société TEISSEIRE a délibérément accepté les risques d'une réfection des peintures dans un local insuffisamment isolé et ventilé, alors que la société VIRON n'apporte aucune preuve de ses conseils ou de ses réserves.
Responsable de plein droit des désordres apparus après réception (la date du 31 août 1998 retenue par l'expert comme marquant la réception tacite des travaux est admise par tous), la société VIRON doit par conséquent réparer l'entier préjudice subi par le maître de l'ouvrage.
Les travaux d'isolation et de ventilation, non prévus à l'origine, mais qui, selon l'expert, étaient indispensables pour rendre l'ouvrage conforme à sa destination, entrent dans le préjudice indemnisable, même s'il incombait initialement au maître de l'ouvrage de les financer s'ils avaient été prévus.
En l'absence de tout chiffrage effectué par l'expert, il ne saurait toutefois être fait droit à ce chef de demande à hauteur de la somme
forfaitaire réclamée (20 000 ç), alors que seul le coût des travaux de pose d'un extracteur est justifié par une facture "techni refrigération", annexée au rapport d'expertise, d'un montant de 3 367,14 ç HT (22 087,00 F).
La société VIRON et son assureur décennal seront par conséquent condamnés in solidum au paiement de cette somme à laquelle il convient d'ajouter le prix des travaux de lavage, ayant permis d'éliminer les taches de moisissures, facturés le 31 août 1999 par la société C.M.S. à la somme de 2103,80 ç HT (13 800 F).
Aucune indemnisation complémentaire ne saurait enfin être réclamée au titre d'un risque de renouvellement des désordres que l'expert n'a pas caractérisé, puisqu'il a estimé qu'après travaux et lavage la fonction fongicide de la peinture était assurée ; étant observé que trois années après le dépôt du rapport d'expertise lea société TEISSEIRE ne justifie pas d'une réapparition des désordres.
Sur le recours en garantie
Les opérations d'expertise ont démontré que la qualité de la peinture fournie par la société RUST OLEUM n'était pas en cause. L'expert a,
en effet, constaté que le produit résistait aux moisissures, ce que le lavage d'août 1999 avait, selon lui, établi.
La peinture, qui dans des conditions d'isolation et de ventilation adaptées, assure pleinement sa fonction fongicide, n'est donc pas affectée d'un vice caché au sens de l'article 1641 du Code civil, ce qui exclut la garantie du vendeur et de son assureur sur ce fondement.
La cour estime, en outre, qu'il n'appartenait qu'à l'entreprise de peinture, tenue selon les règles de l'art de s'assurer de la parfaite qualité des supports, de tirer toutes les conséquences des conditions particulières d'utilisation de l'immeuble et de ses caractéristiques techniques.
Aucun défaut de conseil ne peut donc être retenu à la charge de la société RUST OLEUM, dont l'expert indique qu'elle a fourni une peinture présentant des performances fongicides maximales (réponse au dire TEISSEIRE du 26 février 2001).
La société VIRON et son assureur seront par conséquent déboutés de leur recours en garantie.
------ 0 ------ PAR CES MOTIFS LA COUR Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire, Après en avoir délibéré conformément à la loi, INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :
- condamne in solidum la S.A. VIRON et son assureur, la compagnie A.G.F. IART, à payer à la SA TEISSEIRE FRANCE la somme de 5 470, 94 ç (3 367,14 + 2103,80) à titre de dommages-intérêts en réparation des désordres affectant son local de stockage,
- déboute la SA TEISSEIRE du surplus de sa demande,
Y AJOUTANT :
- déboute la S.A. VIRON Et son assureur de leur recours en garantie dirigé contre la S.A. RUST OLEUM FRANCE et son assureur, la compagnie AVIVA.
- vu l'article 700 du Nouveau code de procédure civile, condamne in solidum la S.A. VIRON et son assureur à payer à la S.A. TEISSEIRE une indemnité de 2 000 ç,
- dit n'y avoir lieu à indemnité de procédure au profit de la société RUST ALEUM et de son assureur,
Condamne in solidum la S.A. VIRON et la compagnie A.G.F. IART aux entiers dépens, y compris les frais d'expertise, dont distraction pour ceux d'appel au profit des avoués de la cause qui en ont fait la demande.
PRONONCE en audience publique par Monsieur URAN, Président qui a signé avec Madame Y..., Greffier.