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03/08/2010 | LUXEMBOURG | N°26616C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 03 août 2010, 26616C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 26616C Inscrit le 19 février 2010

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Audience publique du 3 août 2010 Appel formé par - Monsieur SSS, Luxembourg, - Monsieur TTT, Luxembourg contre un jugement du tribunal administratif du 7 janvier 2010 (nos 23435a et 24906 du rôle) dans le cadre de recours dirigés contre des bulletins d’impôt émis par le bureau d'imposition Luxembourg 8 en matière d’impôt sur le revenu et d’impôt commercia

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GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 26616C Inscrit le 19 février 2010

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Audience publique du 3 août 2010 Appel formé par - Monsieur SSS, Luxembourg, - Monsieur TTT, Luxembourg contre un jugement du tribunal administratif du 7 janvier 2010 (nos 23435a et 24906 du rôle) dans le cadre de recours dirigés contre des bulletins d’impôt émis par le bureau d'imposition Luxembourg 8 en matière d’impôt sur le revenu et d’impôt commercial communal

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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 26616C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 19 février 2010 par Maître Brigitte POCHON, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur SSS, demeurant à L-…, et de Monsieur TTT, demeurant professionnellement à L-…, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 7 janvier 2010, par lequel ledit tribunal a statué  sur le recours introduit par Monsieur SSS, inscrit sous le numéro 23435 du rôle, tendant à l’annulation, sinon à la réformation des bulletins d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés pour les années 2002 à 2004, des bulletins de l’impôt commercial communal pour les années 2002 à 2004 et des bulletins d’établissement de la valeur unitaire au 1er janvier 2003 et au 1er janvier 2004, émis par le bureau d’imposition Luxembourg 8 à l’égard de la copropriété SSS et TTT le 4 janvier 2007 ;

 sur le recours introduit par Monsieur SSS et Monsieur TTT et inscrit sous le numéro 24906 du rôle, tendant à la réformation des mêmes bulletins ;

et a prononcé la jonction des deux recours, déclaré le recours en réformation introduit sous le numéro 23435 du rôle irrecevable dans la mesure où il est dirigé contre le bulletin de l’impôt commercial communal pour l’année 2002, rejeté ce même recours comme n’étant pas fondé pour le surplus et déclaré le recours introduit sous le numéro 24906 du rôle superfétatoire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 19 mars 2010 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 12 avril 2010 par Maître Brigitte POCHON pour compte de Monsieur SSS et de Monsieur TTT ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître KOLODZIEJ-

STEUERMANN, en remplacement de Maître Brigitte POCHON, et Monsieur le délégué du gouvernement Claude LICK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 juin 2010.

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Monsieur SSS et Monsieur TTT sont copropriétaires d’un immeuble situé à ….

En date du 4 janvier 2007, le bureau d'imposition Luxembourg 8 de la section personnes physiques du service d’imposition de l’administration des Contributions directes, désigné ci-après par « le bureau d’imposition », émit à l’égard de la copropriété SSS et TTT les bulletins d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés pour les années 2002, 2003 et 2004, les bulletins de l’impôt commercial communal pour les années 2002, 2003 et 2004, ainsi que les bulletins d’établissement de la valeur unitaire au 1er janvier 2003 et au 1er janvier 2004.

Par lettre datée du 8 janvier 2007, Monsieur SSS, en sa qualité de « mandataire officiel » de la copropriété SSS et TTT, introduisit une réclamation contre lesdits bulletins auprès du directeur de l’administration des Contributions directes.

Cette réclamation étant restée sans réponse, Monsieur SSS, en sa qualité de « mandataire officiel » de la copropriété SSS et TTT, introduisit, par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 17 septembre 2007, un recours contentieux tendant à l’annulation des bulletins d’impôt prévisés du 4 janvier 2007.

Par un jugement du 10 septembre 2008, le tribunal se déclara compétent pour connaître du recours en réformation, mais déclara ce recours irrecevable aux motifs entre autres que ce ne serait pas la copropriété SSS et TTT qui pourrait agir contre les bulletins litigieux, mais que seuls les copropriétaires pris individuellement seraient en droit d’introduire une voie de recours et que Monsieur SSS n’aurait pas qualité pour agir au nom de la copropriété. Le tribunal déclara encore irrecevable le recours subsidiaire en annulation et il se déclara incompétent pour connaître de la demande en sursis à exécution.

Par une seconde requête, déposée au greffe du tribunal administratif en date du 14 octobre 2008, inscrite sous le numéro 24906 du rôle, Monsieur SSS et Monsieur TTT, agissant tant en leur nom personnel qu’au nom de la copropriété SSS et TTT, introduisirent un recours contentieux tendant à la réformation des bulletins d’impôt prévisés du 4 janvier 2007.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 21 octobre 2008, Monsieur SSS et Monsieur TTT, agissant tant en leur nom personnel qu’en leur qualité de copropriétaires respectivement co-exploitants de la copropriété SSS et TTT, ont déclaré relever appel du jugement du 10 septembre 2008.

Par un arrêt du 24 mars 2009, la Cour administrative déclara l’appel irrecevable dans le chef de Monsieur TTT, au fond déclara l’appel fondé, réforma le jugement entrepris en retenant que le recours initial n’était pas irrecevable pour défaut de qualité de son auteur et renvoya l’affaire devant le tribunal en vue de l’examen des autres questions d’irrecevabilité et, le cas échéant, du fond du recours. Elle motiva cette réformation par la considération que Monsieur SSS avait la qualité de co-indivisaire chargé de la gestion de l’exploitation et que cette qualité lui conférait le droit exclusif pour agir tant à l’encontre des bulletins litigieux d’établissement séparé et en commun et de fixation de la valeur unitaire qu’à l’encontre des bulletins de l’impôt commercial communal.

Par jugement du 7 janvier 2010, le tribunal, suite au renvoi de l’affaire par la Cour, déclara le recours irrecevable dans la mesure où il entreprenait le bulletin de l’impôt commercial communal pour l’année 2002, étant donné que ce bulletin avait fixé une cote d’impôt zéro et que le paragraphe 232 (1) de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », ne reconnaît au contribuable un intérêt à agir que contre des bulletins d’impôt fixant une cote d’impôt positive. Pour le surplus, le tribunal déclara recevable le recours. Quant au fond, il rejeta les moyens de Monsieur SSS tirés du non-respect du § 205 (3) AO et du § 211 (2) n° 4 AO et confirma la requalification des revenus de la copropriété SSS et TTT en bénéfices commerciaux telle qu’effectuée par le bureau d'imposition. Quant au recours inscrit sous le numéro 24906, le tribunal décida de le joindre à celui inscrit sous le numéro 23435 du rôle et se référa aux déclarations du mandataire de Monsieur SSS et de Monsieur TTT suivant lesquelles ce recours aurait été introduit à titre subsidiaire au vu de la décision d’irrecevabilité du tribunal du 10 septembre 2008 pour déclarer ce recours superfétatoire, le fond des contestations y élevées contre les bulletins du 4 janvier 2007 ayant été vidé dans le cadre du recours inscrit sous le numéro 23435 du rôle.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 19 février 2010, Monsieur SSS et Monsieur TTT, agissant tant en leur nom personnel qu’en leur qualité de copropriétaires respectivement co-exploitants de la copropriété SSS et TTT, ont régulièrement relevé appel du jugement du 7 janvier 2010.

Quant à la légalité externe des bulletins Les appelants réitèrent en premier lieu leur moyen tiré de ce que le bureau d’imposition, en indiquant sur les bulletins la remarque suivant laquelle l’imposition tiendrait compte des redressements qui auraient été communiqués par lettre séparée, n’aurait pas respecté les prescriptions du § 211 (2) n° 4 AO, ce vice devant entraîner l’annulation des bulletins litigieux. Ils estiment qu’aucune disposition légale ne permettrait de remplacer l’information requise par le § 211 (2) n° 4 AO par un renvoi à une lettre séparée ne faisant pas partie du bulletin.

Aux termes du paragraphe 211 (2) n° 4 AO, les bulletins d’impôt « müssen ferner enthalten : … 4. die Punkte, in denen von der Steuererklärung abgewichen worden ist ».

Il se dégage de cette disposition que le bureau d’imposition est obligé d’indiquer dans le bulletin d’impôt les éléments sur lesquels l’imposition diffère, en défaveur du contribuable, par rapport aux déclarations déposées. Le but de cette disposition résidant dans l’information effective du contribuable sur les points quant auxquels le bureau d'imposition n’a pas suivi les déclarations de celui-ci afin de lui permettre la sauvegarde de ses intérêts, mais non pas de consacrer un formalisme comme fin en soi, il y a lieu d’admettre qu’un renvoi contenu dans le bulletin d’impôt à un courrier antérieur du bureau d'imposition à l’adresse du contribuable concerné suffit à l’exigence du § 211 (2) n° 4 AO, pour autant que ce courrier antérieur renseigne sur toutes les différences retenues par le bureau d'imposition par rapport à la déclaration du contribuable.

En l’espèce, le bureau d’imposition s’est contenté d’indiquer, sur les bulletins de l’impôt commercial communal litigieux, au titre des points sur lesquels l’imposition s’écarte des déclarations d’impôt, que l’imposition tient compte des redressements qui ont été communiqués par lettre séparée. Ce faisant, le bureau d'imposition a nécessairement renvoyé à son courrier du 8 décembre 2006 à l’adresse de la copropriété SSS et TTT qui comportait l’annonce d’une requalification des revenus de la copropriété en bénéfices d’une activité commerciale et les montants de bénéfices retenus pour les années 2002 à 2004. Par voie de conséquence, le fait que le bureau d’imposition opère ainsi un renvoi à un courrier séparé n’est pas de nature à entacher les bulletins litigieux du 4 janvier 2007 d’illégalité, dès lors que les appelants ont ainsi effectivement reçu communication des redressements, ce qui n’est pas contesté en cause.

Il s’ensuit que ce premier moyen des appelants laisse d’être fondé.

Quant à la qualification des revenus de la copropriété Les appelants considèrent que le patrimoine immobilier à prendre en considération devrait être leur patrimoine global et non pas exclusivement celui de leur copropriété et qu’à défaut d’un supplément d’informations, les constatations faites par le tribunal seraient incomplètes à cet égard. Ils font valoir que leur patrimoine immobilier locatif aurait été en très forte croissance et que le but des ventes isolées en cause aurait été de « redresser quelques erreurs d’investissement commises », nécessitant la vente des immeubles finalement inaptes de par leur situation, leur surface élevée et leur location à long terme pour en acheter d’autres, la circonstance que des plus-values ont été réalisées par ces ventes ne pouvant leur être reprochée. Ils estiment que le critère de la « Umschichtung », tel que retenu par le tribunal, ne se trouverait pas vérifié en l’espèce aux motifs que cette notion viserait le transfert définitif d’une catégorie de patrimoine vers une autre et que la prise en considération de leur patrimoine global permettrait de constater un accroissant du patrimoine immobilier suite à des réinvestissements et non pas une « Umschichtung » vers une autre catégorie de patrimoine.

Relativement au critère de la participation à la vie économique, les appelants reprochent au tribunal d’avoir basé sa décision « sur des présomptions spéculatives », en l’absence de définition légale de la notion de participation à la vie économique. Ils estiment que le caractère professionnel des activités du contribuable devrait être reconnaissable par des tiers et relèvent que la copropriété ne serait en aucune manière apparente par rapport aux tiers, notamment à travers une mention dans l’annuaire, l’existence de bureaux, de panneaux ou de publicités, que le public intéressé saurait que les activités de la copropriété se limiteraient à la location et à la mise en valeur d’immeubles et qu’il n’y aurait jamais eu de contact direct entre le public intéressé et la copropriété, les contacts ayant eu lieu exclusivement par le biais des deux copropriétaires ayant des activités professionnelles différentes. Ainsi, le critère de la participation à la vie économique ne se trouverait pas vérifié dans le chef de la copropriété, tout comme celui de la permanence de l’activité au vu du caractère isolé des quelques opérations réalisées. Ils se prévalent dans ce cadre d’un arrêt de la Cour administrative du 25 mars 1999 qui aurait dénié le caractère commercial à des opérations immobilières d’une envergure supérieure à celles de la copropriété SSS et TTT et ayant notamment comporté des opérations de ventes d’appartements en état futur d’achèvement exécutées par un particulier exerçant une profession en relation avec l’immobilier. Ils critiquent l’argumentation étatique tendant à déduire l’activité commerciale notamment des sociétés civiles immobilières et copropriétés dont ils font partie et de l’étendue de leur patrimoine immobilier locatif et ils précisent que l’accroissement du patrimoine immobilier aurait été financé, entre autres, par les produits des ventes des appartements après remboursement des emprunts bancaires y relatifs. Finalement, ils contestent la référence, par le tribunal, à un arrêt de la Cour administrative du 10 avril 2008 pris à l’égard de Monsieur SSS en matière de discipline dans la fonction publique en arguant que le caractère commercial des opérations immobilières dans lesquelles il aurait été impliqué notamment à travers la société civile immobilière visée dans cette décision serait contredit par les éléments du dossier fiscal de cette société qui ferait ressortir le but de la simple libération de fonds pour augmenter et diversifier le patrimoine immobilier.

Quant au critère de l’indépendance, les appelants épinglent le fait que le tribunal a retenu que les deux copropriétaires n’auraient pas été dans les liens d’une occupation salariée en relevant que Monsieur SSS n’aurait perdu son emploi d’inspecteur des Contributions qu’en 2008.

Le délégué du gouvernement rétorque que le caractère spéculatif des opérations litigieuses se dégagerait déjà du fait que les appelants se seraient basés sur la loi du 30 juillet 2002 déterminant différentes mesures fiscales destinées à encourager la mise sur le marché et l’acquisition de terrains à bâtir et d’immeubles d’habitation pour justifier les trois ventes de parties de l’immeuble en cause. Le représentant étatique considère encore que le critère de la permanence se trouverait vérifié en l’espèce par le nombre d’objets vendus, leur courte période de détention et l’intention de répéter l’activité si l’occasion se présentait au vu du fait que les appelants ont liquidé, dans un délai de seulement treize mois, trois quarts du patrimoine immobilier de la copropriété. Pareillement, les appelants devraient être considérés comme ayant participé à la vie économique générale en ayant procédé eux-

mêmes à la location, à la mise en vente, notamment par des offres perceptibles au public, et à la vente des parties de l’immeuble en cause. Il estime que les critères de l’indépendance -

seule la qualité des appelants dans le cadre de leur activité immobilière devant être prise en compte et non pas leur activité principale - et du but de lucre se trouveraient également vérifiés, de manière qu’il faudrait admettre l’existence d’une entreprise commerciale tendant à l’exploitation de la substance du patrimoine par le transfert d’éléments substantiels de la fortune et qui dépasserait la gestion d’un patrimoine privé qui se limiterait essentiellement à dégager des revenus de location à long terme. Finalement, le délégué du gouvernement fait valoir que, dans la mesure où tant Monsieur SSS que Monsieur TTT se seraient adonnés, pendant les années litigieuses, à de nombreuses opérations immobilières à caractère commercial, le premier à travers deux autres copropriétés et cinq sociétés civiles et l’autre par le biais de trois autres copropriétés et sept sociétés civiles, les reventes litigieuses seraient à qualifier de commerciales déjà de ce seul chef et il se réfère à des décisions judiciaires de la Cour administrative et du tribunal administratif ayant statué à l’égard de Monsieur SSS dans le cadre d’une affaire disciplinaire et à l’égard de Monsieur TTT dans le cadre d’un recours contre son imposition personnelle pour l’année 2002.

L’article 14, alinéa 1er de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, en abrégé « LIR », dispose qu’est à considérer comme bénéfice commercial, le revenu net provenant d’une entreprise commerciale, industrielle, minière ou artisanale, l’entreprise commerciale étant définie comme « toute activité indépendante à but de lucre exercée de manière permanente et constituant une participation à la vie économique générale… ».

Une activité consistant en des transactions immobilières ne peut partant être qualifiée d’entreprise commerciale dépassant le cadre de la simple gestion de la fortune privée que si les quatre critères énoncés par le texte précité se trouvent simultanément réunis.

Le tribunal a correctement considéré que parmi les critères de la loi, il convient d’examiner en premier lieu celui de la permanence de l’activité litigieuse, la délimitation entre l’activité commerciale et la simple gestion du patrimoine privé impliquant une appréciation de l’activité développée par le contribuable à la lumière de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce. Le tribunal s’est encore valablement référé aux travaux préparatoires concernant l’article 14 LIR d’après lesquels « le caractère de permanence n’implique pas nécessairement que l’activité se répète. Pour qu’il y ait permanence, il suffit que l’activité ait lieu avec l’intention de la répéter si l’occasion s’en présente et de constituer de la sorte une source de revenu sur la base d’opérations répétées », le même commentaire de l’article 14 précisant que « le caractère de permanence sépare l’activité commerciale … d’actes similaires isolés qui ont lieu dans le cadre de l’administration du patrimoine privé du contribuable » (Projet de loi concernant l’impôt sur le revenu, doc. parl.

n° 5714, commentaire des articles, p. 18).

En l’espèce, il ressort des éléments et pièces du dossier fiscal que Messieurs SSS et TTT, chacun pour la moitié, ont acquis le 27 novembre 2002 une maison de rapport de quatre étages située à …, au prix de 639.570 €. L’année suivante, en date du 12 décembre 2003, la copropriété a vendu deux appartements dans ledit immeuble, à savoir l’appartement du 1er étage et celui du 3e étage, au prix total de 402.000 €, réalisant ainsi une plus-value de 109.300 €. Le 29 janvier 2004, la copropriété a encore cédé au prix de 215.000 € l’appartement du 2e étage dans le même immeuble, réalisant une plus-value de 52.808 €. Elle n’a de la sorte gardé que le local commercial situé au rez-de-chaussée.

Le tribunal a considéré que ces opérations de la copropriété SSS et TTT seraient, à elles seules, et sans prendre en compte les autres éventuelles opérations immobilières des copropriétaires, suffisantes pour que le critère de la permanence se trouverait vérifié en l’espèce. Pour motiver son appréciation, le tribunal s’est fondé en substance sur deux considérations, à savoir, premièrement, que la courte durée de détention des trois appartements et la fréquence des ventes, en l’occurrence trois ventes en moins de deux ans, dépasserait les limites de la gestion d'un patrimoine privé et, deuxièmement, que Monsieur SSS avait indiqué comme motivation à la base des différentes ventes opérées en 2003 et 2004, avoir voulu profiter des mesures fiscalement plus avantageuses offertes par la loi prévisée du 30 juillet 2002 et qu’il a lui-même qualifié les plus-values de bénéfices de spéculation dans les déclarations d’impôt.

La Cour ne partage cependant pas cette appréciation du tribunal, étant donné tout d’abord que les opérations immobilières de la copropriété SSS et TTT comportent certes la cession de trois quarts de son patrimoine immobilier, mais que le rez-de-chaussée de l’immeuble en question avec le local commercial a été conservé et donné en location, de manière que les cessions n’ont pas entraîné la fin de l’activité de location c’est-à-dire orientée vers une jouissance des fruits. En outre, l’acquisition d’un immeuble divisible en plusieurs unités et la cession de plusieurs unités pour en conserver une à des fins de location peut s’expliquer par d’autres motifs que la volonté d’entamer un négoce déguisé d’immeubles et a en outre permis en l’espèce aux copropriétaires de réduire substantiellement la dette ayant servi au financement intégral de l’acquisition et la charge d’intérêts débiteurs afférente grevant les recettes de location. Finalement, les ventes successives de trois unités d’un immeuble ne peuvent pas être considérées, de par leur nombre, comme indice suffisant d’une permanence d’une activité commerciale.

Il s’y ajoute que la qualification par les copropriétaires, dans leurs déclarations fiscales, des plus-values de cession en tant que bénéfices de spéculation ne saurait porter à conséquence, étant donné que cette qualification découle de l’article 99bis LIR qui considère automatiquement comme opérations spéculatives les cessions immobilières moins de deux ans après l’acquisition. De même, le fait de vouloir bénéficier des dispositions favorables instaurées par la loi prévisée du 30 juillet 2002 ne constitue pas un indice suffisant pour conclure que les cessions immobilières litigieuses seraient constitutives d’une entreprise de négoce d’immeubles.

Par voie de conséquence, les opérations immobilières de la copropriété SSS et TTT durant les années d’imposition en cause ne peuvent pas être considérées à elles seules, comme étant imprimées de la permanence requise pour être constitutives d’une activité commerciale.

Il se dégage cependant de l’arrêt de la Cour administrative du 10 avril 2008 (n° 23722C du rôle), auquel le délégué du gouvernement a expressément renvoyé quant aux faits à la base de cette décision judiciaire, que Monsieur SSS a exercé des activités immobilières à travers plusieurs sociétés civiles immobilières, à savoir les sociétés … , que notamment la société CCC SCI, dont Monsieur SSS était le gérant, a procédé à un certain nombre d’opérations immobilières et a assuré la gérance de la société commerciale AAA s.à r.l.

active dans le négoce d’immeubles et que les activités immobilières de Monsieur SSS ont été qualifiées dans leur globalité comme activité commerciale pour une période recouvrant les années d’imposition en cause. En outre, d’après un jugement non appelé du 26 novembre 2009 (n° 24617 du rôle), le tribunal administratif a confirmé que les activités immobilières personnelles de Monsieur TTT et de son épouse, depuis l’année 2002, dépassent les confins de la gestion du patrimoine privé et doivent être qualifiées d’entreprise commerciale.

Etant donné que les opérations immobilières de la copropriété SSS et TTT s’insèrent pour les parts indivises respectives dans le patrimoine immobilier des deux copropriétaires et dans le contexte de la globalité de leurs opérations immobilières, elles doivent être considérées, même sans présenter en elles-mêmes le caractère de permanence, comme revêtant cette qualité du fait de leur insertion dans le cadre général des opérations immobilières à caractère commercial des deux copropriétaires.

De même, eu égard à cette insertion des opérations de la copropriété SSS et TTT dans le cadre général des opérations immobilières commercial de ses copropriétaires, le critère de la participation à la vie économique générale se trouve vérifié du moins de ce fait, abstraction même faite de la question de savoir si les opérations de la copropriété revêtent à elles seules cette qualité.

Le critère de l’indépendance se trouve pareillement vérifié en l’espèce dans la mesure où les deux copropriétaires ont exercé leurs activités immobilières de manière indépendante et, dans le chef de Monsieur SSS, en dehors du cadre de la fonction publique par lui revêtue à l’époque.

Dans la mesure où le critère du but de lucre n’a pas été contesté en cause, il y a lieu de conclure que toutes les conditions pour qualifier les opérations de la copropriété SSS et TTT durant les années 2002 à 2004, d’entreprise commerciale, se trouvent réunies et que le volet afférent de l’appel laisse d’être justifié, de manière que le jugement entrepris est à confirmer dans cette mesure, quoique pour des motifs différents.

Quant à la compétence du bureau d'imposition Luxembourg 8 Les appelants reprochent au tribunal d’avoir « pris un raccourci inexact » au motif que la copropriété SSS et TTT, même si elle était qualifiée d’entreprise commerciale, ne pourrait pas être qualifiée d’entreprise de construction ou d’entreprise de promotion immobilière au sens de l’article 8 du règlement ministériel modifié du 9 août 1993 fixant la compétence des bureaux d’imposition et de recette de l’administration des Contributions directes. Ils renvoient à la définition du promoteur immobilier, contenue dans l’article 1601-

4 du Code civil qui ne viserait que l’activité de vente en état futur d’achèvement, pour soutenir que le bureau d'imposition Luxembourg 8 n’aurait pas été compétent pour l’imposition de la copropriété et que la compétence afférente serait revenue au bureau d'imposition Luxembourg 7, de manière que les bulletins litigieux devraient encourir de ce chef l’annulation.

C’est cependant à juste titre que le tribunal a considéré que la compétence des bureaux d'imposition de la section des personnes physiques établis à Luxembourg-Ville est régie, hormis leurs compétences territoriales, en spécialité par le règlement ministériel prévisé du 9 août 1993. Ainsi, en disposant dans son point 8 que le bureau d'imposition Luxembourg 8 a en son attribution la compétence spéciale pour les contribuables exploitant une entreprise de construction et de promotion immobilière située dans les secteurs de compétence territoriale des bureaux d'imposition 1 à 9, ledit règlement doit être interprété en ce sens qu’il tend à regrouper auprès du bureau d'imposition Luxembourg 8 toutes les entreprises actives dans la construction et le négoce de biens immobiliers et ce indépendamment de la définition du promoteur immobilier contenue dans l’article 1601-4 du Code civil. Il s’ensuit que c’est à bon droit que le tribunal a rejeté ce moyen des appelants.

Quant à la qualification des intérêts créditeurs Les appelants critiquent l’intégration, dans le bénéficie commercial de la copropriété, des intérêts créditeurs sur des comptes de la copropriété à hauteur de 1.881,11 € déclarés pour l’année 2004 comme revenus de capitaux mobiliers au sens de l’article 97 LIR.

Cette critique laisse cependant d’être justifiée, étant donné que l’existence constatée d’une entreprise commerciale dans le chef de la copropriété entraîne que tous les biens affectés à cette entreprise, dont des avoirs financiers sur des comptes bancaires servant au financement des opérations font nécessairement partie, et les produits afférents rentrent dans la détermination du bénéfice de l’entreprise.

Quant à la déduction de cotisations sociales Les appelants réitèrent la critique soulevée en première instance tirée de ce que le bureau d’imposition n’a pas procédé à la déduction des cotisations sociales légalement obligatoires, telle que prévue par le § 11, alinéa 2 de la loi modifiée du 1er décembre 1936 concernant l’impôt commercial communal, communément appelée « Gewerbesteuergesetz », en abrégé « GewStG », dont les montants pourraient facilement être retrouvés dans les dossiers personnels des deux copropriétaires auprès de leurs bureaux d’imposition respectifs.

En instance d’appel cependant, les appelants n’ont soumis aucun élément supplémentaire à cet égard par rapport à la première instance, de manière que la Cour est amenée à se rallier à la conclusion du tribunal que ces reproches à l’adresse du bureau d’imposition sont énoncés sans apporter de quelconques précisions quant aux montants ainsi mis en cause en fonction des trois années d’imposition dont s’agit et sans verser une quelconque pièce afférente ou précision de ses moyens, qu’il n’appartient pas au juge de suppléer à la carence de la partie demanderesse et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base des commentaires du demandeur. Par voie de conséquence, ce moyen est également à rejeter.

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que l’appel n’est justifié en aucun de ses moyens et est à rejeter.

PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel du 19 février 2010 en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, partant, confirme le jugement entrepris du 7 janvier 2010, condamne les appelants aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par:

Georges RAVARANI, président, Henri CAMPILL, premier conseiller, Serge SCHROEDER, conseiller, et lu à l’audience publique du 3 août 2010 au local ordinaire des audiences de la Cour par le président, en présence du greffier du tribunal administratif Luc RASSEL, greffier assumé.

RASSEL RAVARANI 9


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26616C
Date de la décision : 03/08/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2010-08-03;26616c ?

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