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09/06/2021 | UEMOA | N°05/2021

UEMOA | UEMOA, Cour de justice, 09 juin 2021, 05/2021


Texte (pseudonymisé)
ARRÊT
N°05/2021
DU 09 juin 2021
RECOURS EN PAIEMENT
D’INCIDENCE FINANCIERE
Monsieur Af Ab AL
la Banque Centrale des Etats de
l’Afrique de l’Ouest (BCEAO)
Composition de la Cour :
M. Daniel Amagoin TESSOUGUE,
Président ;
M. Salifou SAMPINBOGO, Juge ;
M. Euloge AKPO, Juge Rapporteur ; Mme Victoire Eliane ALLAGBADA
JACOB, 1” Avocat Général ;
Me Boubakar TAWEYE MAIDANDA, Greffier.
COUR DE JUSTICE DE L’UNION ECONOMIQUE ET MONETAIRE OUEST AM AOA)
AUDIENCE PUBLIQUE DU 09 JUIN 2021
La Cour de Justice de l'UEMOA, réunie en audie

nce publique ordinaire, le neuf (09) juin deux mille-vingt- un (2021), à laquelle siégeaient :
M. Daniel Amagoin T...

ARRÊT
N°05/2021
DU 09 juin 2021
RECOURS EN PAIEMENT
D’INCIDENCE FINANCIERE
Monsieur Af Ab AL
la Banque Centrale des Etats de
l’Afrique de l’Ouest (BCEAO)
Composition de la Cour :
M. Daniel Amagoin TESSOUGUE,
Président ;
M. Salifou SAMPINBOGO, Juge ;
M. Euloge AKPO, Juge Rapporteur ; Mme Victoire Eliane ALLAGBADA
JACOB, 1” Avocat Général ;
Me Boubakar TAWEYE MAIDANDA, Greffier.
COUR DE JUSTICE DE L’UNION ECONOMIQUE ET MONETAIRE OUEST AM AOA)
AUDIENCE PUBLIQUE DU 09 JUIN 2021
La Cour de Justice de l'UEMOA, réunie en audience publique ordinaire, le neuf (09) juin deux mille-vingt- un (2021), à laquelle siégeaient :
M. Daniel Amagoin TESSOUGUE, Président ;
M. Salifou SAMPINBOGO, Juge ;
M. Euloge AKPO, Juge rapporteur ;
en présence de Mme Victoire Eliane ALLAGBADA, Premier Avocat Général ;
avec l’assistance de Me Boubakar TAWEYE MAIDANDA, Greffier ;
à rendu l’Arrêt contradictoire dont la teneur suit :
ENTRE :
Monsieur Af Ab AL, statisticien économiste, domicilié à Aa, 01 BP 3974 Aa 01, Tél :78005147, pour lequel domicile est élu au Cabinet de Maître Salifou DEMBELE, Avocat à la Cour, sis à Aa, secteur 43, Aj, Boulevard Ah Ai (circulaire), immeuble n°465, 06 BP 9731 Aa 06, Tél C AN, assisté de Maître Salifou DEMBELE, Avocat inscrit au Barreau du Ak AN ;
Demandeur, d’une part ; ET la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), Etablissement Public International constitué entre les Etats membres de l’UMOA, dont le siège est sis à Ag (B), Avenue Ad AH, BP 3108 Ag AOB), représentée par son Gouverneur, laquelle élit domicile en l’Etude de Maîtres Mame Ac AJ & Associés, Société Civile professionnelle, Avocats inscrits au Barreau du Sénégal, BP 11443, Tél : 00221 338492800-Fax :
et de la SCPA SAWADOGO &SAWADOGO, Me Patricia M.L. SAWADOGOI, avenue du Pdt Ae Y, 01 BP : 827 Aa AG AN
b.sawadogo(@fasonet.bf; scpsawadogo@gamil.com; Société Civile Professionnelle, Avocats inscrits au Barreau au Barreau du Ak AN;
Défenderesse, d’autre part ;
LA COUR
VU le Traité de l’Union Economique et Monétaire Ouest AM AOA) en date du 10 janvier 1994, tel que modifié le 29 janvier 2003 ;
VU le Protocole additionnel n° 1 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA ;
VU l’Acte additionnel n° 10/96 du 10 mai 1996 portant Statuts de la Cour de Justice de l’UEMOA ;
VU le Règlement n° 01/96/CM du 05 juillet 1996 portant Règlement de procédures de la Cour de Justice de l’'UEMOA ;
VU le Règlement n°01/2012/CJ du 21 décembre 2012 portant Règlement administratif de la Cour de Justice de l’'UEMOA ;
VU le Procès-Verbal n°02/2016/CJ du 26 mai 2016 relatif à la prestation de serment et à l’installation des membres de la Cour de Justice de l’'UEMOA ;
VU le Procès-Verbal n°2019-08/A1/02 du 28 mai 2019 relatif à la désignation du Président de la Cour et à la répartition des fonctions au sein de la Cour ;
VU le Procès-Verbal n°2019-09/AP/07 du 03 juin 2019 relatif à l’installation du Président de la Cour de Justice de l’UEMOA ;
VU l’Ordonnance N°050/2020/CJ du 21 octobre 2020 portant fixation des jours des Assemblées de la Cour de Justice de l’'UEMOA ;
VU le Procès-Verbal de l’audience publique du 19 mai 2021 ;
VU l’ordonnance N°17/2021/CJ du 25 mai 2021 portant composition de la formation plénière devant siéger en audience publique ordinaire du 09 juin 2021 ;
VU les convocations des parties ;
VU la requête en date du 03 juillet 2019, enregistrée au greffe de la Cour de Justice de l’UEMOA, le 04 juillet 2019, sous le numéro 19 R 004, par laquelle Monsieur Af Ab AL ayant pour Conseil Maître Salifou DEMBELE, Avocat à la Cour inscrit au Barreau du Ak AN, a introduit un recours du personnel de l’Union, notamment le recours aux fins de paiement d’incidence financière liée à la fonction de Directeur de Cabinet;
OUÏ le Juge rapporteur en son rapport ;
OUÏ le Conseil de Monsieur Af Ab AL en ses observations orales;
OUÏ les Conseils de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) en leurs observations orales ;
OUÏ Madame le premier Avocat Général en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément au droit communautaire :
I- FAITS ET PROCEDURE
Considérant que Monsieur Af Ab AL, statisticien économiste, alors en service à la BCEAO, au sein du personnel d’encadrement supérieur, depuis le 15 juillet 1997, a bénéficié d’une mise en position de détachement auprès de la Commission de l’UEMOA, suivant décision n°152- 05-2007, en date du 15 mai 2007 du Gouverneur de la BCEAO ;
Qu'’il est prévu dans cette décision que :
« …] Article Premier
Monsieur AI AL, Sous-Directeur, est mis en disposition de détachement auprès de la Commission de l'UEMOA, pour une durée de cinq (05) ans, à compter du 1” juin 2007. Article 2
Pendant la durée de ce détachement, la rémunération ainsi que les avantages sociaux de Monsieur AL seront réglés par la BCEAO pour le compte de la Commission de l'UEMOA qui en défrayera la Banque Centrale sur une base annuelle.
Article 3
Monsieur AL continuera à bénéficier, pendant son détachement, des droits à l’avancement et à la promotion dans la hiérarchie du personnel d'encadrement de la BCEAO, ainsi que des droits à la retraite, étant entendu que la part employeur des cotisations y afférentes sera acquittée par la BCEAO pour le compte de la Commission de l'UEMOA et la part employé par l'intéressé sur sa rémunération.
Article 4
Le Directeur des Ressources Humaines et le Représentant Résident du Gouvernement auprès de la Commission de l'UEMOA sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'application de la présente décision qui sera publiée partout où besoin sera » ;
Qu’au niveau de l'UEMOA, Monsieur Af Ab AL a été nommé Directeur de cabinet du Commissaire chargé du développement de l’Entreprise, des Télécommunications et de l’Energie, par décision n°0306/2008 /PCOM/UEMOA du 21 octobre 2008 du Président de la Commission, avec pour effet le 1“ juin 2007 ;
Que la décision de nomination a été notifiée au Directeur des ressources humaines de la BCEAO par son homologue de l’UEMOA, par correspondance n° 202/é008/DRH du 05 novembre 2008 ;
Que durant toute la période de ce détachement qui a pris fin le 23 février 2011, Monsieur Af Ab AL n’a pas bénéficié de l’incidence financière, liée à la fonction de Directeur de cabinet et toutes ses réclamations sont restées vaines ;
Qu’il a saisi la Cour de justice de l’'UEMOA, aux fins de voir condamner la Commission de l’UEMOA à lui payer le différentiel de rémunérations, d’un montant de cent six millions sept cent quarante-sept mille huit cent soixante-quinze (106 747 875) francs CFA, outre les dommages et intérêts ;
Que ladite juridiction l’a débouté de ses demandes, par arrêt n°02/2017 en date du 28 mars 2017 ;
Que Monsieur Af Ab AL se retourne vers la BCEAO à qui il demande le paiement desdites sommes, par correspondance en date du 18 avril 2017 ;
Que par lettre confidentielle, en date du 29 juin 2017, la BCEAO s’oppose à ce paiement, prétextant de ce qu’elle a respecté ses engagements en payant à monsieur Af Ab AL, pendant son détachement, la rémunération correspondant à sa classification professionnelle à la BCEAO, conformément aux conventions passées avec la Commission de l’UEMOA ;
II- PRESENTATION DES PRETENTIONS DES PARTIES
A- DEMANDES ET ARGUMENTS DU REQUERANT
Considérant qu’au soutien de son recours, et sur la forme, monsieur Af Ab AL fait valoir qu’en vertu des dispositions de l’article 16 du Protocole additionnel n°1 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA, « La Cour de justice connaît des litiges entre l'Union et ses agents » ;
Qu’aux termes de l’article 15 paragraphe 4 du Règlement de procédures de la Cour de justice « la Cour est compétente pour connaître de tout litige entre les organes de l'Union et leurs agents dans les conditions déterminées au Statut du personnel » et que la BCEAO, étant une institution spécialisée autonome de l’Union, la Cour est compétente pour statuer sur le présent recours ;
Que cela a été confirmé dans l’avis n°01/2011 du 30 octobre 2011 par lequel la Cour, après le rappel du statut d’institution spécialisée autonome commun à la BCEAO et à la BOAD, a indiqué qu’ « elle est la seule institution juridiquement habilitée à connaître des litiges entre la BOAD et ses agents » ;
Que son recours est également recevable, au motif que :
- d’une part, le statut du personnel de la BCEAO n’a point institué un Comité Consultatif paritaire dont la saisine serait un préalable et une condition de validité du recours et qu’ainsi les formalités de procédure prévues par le Règlement n°04/2010/UEMOA portant statut du personnel de l’UEMOA n’est pas applicable en l’espèce ;
- d’autre part, dans l’arrêt n°03/2017 du 28 mars 2017, la Cour de justice de l'UEMOA a indiqué que le statut du personnel de la BCEAO n’a pas prévu de délai de saisine pour ce type d’action et que par conséquent sa requête ne peut être frappée d’un quelconque délai de prescription ;
Considérant que, sur le fond, monsieur Af Ab AL soutient que c’est suite à l’arrêt n°02/2017 du 28 mars 2017 de la Cour de justice de l'UEMOA, qu’il a, le 18 avril 2017, saisi le Gouverneur de la BCEAO, de la réclamation du paiement du différentiel de rémunérations, à laquelle celui-ci n’a pas répondu favorablement ;
Que le principe d’une incidence financière spécifique, attachée à la décision du Président de la Commission, a été confirmé par la BCEAO qui reconnaît ne lui avoir payé que la rémunération correspondant à sa classification professionnelle et non à la fonction de Directeur de cabinet ;
Que dans l’un des motifs de l’arrêt n°02/2017 du 28 mars 2017, la Cour de justice de l'UEMOA a précisé que « la clarté des indications fournies par ces accords se passe de commentaire puisque nulle part il n'a été prévu que la Commission de l'UEMOA devait régler directement la rémunération et les avantages sociaux du réclamant » ;
Que la BCEAO ne conteste pas le montant réclamé, d’où le caractère certain de la créance et que celle-ci soit condamnée à lui payer l’incidence financière liée à la fonction de Directeur de cabinet ;
Qu'il sollicite par conséquent qu’il plaise à la Cour de céans :
En la forme :
- se déclarer compétente ;
- déclarer recevable le recours ;
Au fond :
- le dire bien fondé en ses conséquences ;
- condamner la BCEAO à lui payer les sommes de :
e cent quatre-vingt millions (180.000.000) francs CFA, à titre de rappel différentiel de rémunérations ;
e deux cent cinquante millions (250.000.000) francs CFA, à titre de dommages et intérêts pour réparation du préjudice subi, du fait d’avoir passé plus de cinq ans, sans pouvoir bénéficier de l’incidence financière ;
e Cinq millions neuf cent mille (5.900.000) francs CFA, au titre des frais exposés, non compris dans les dépens ;
B- MOYENS ET PRETENTIONS DE LA DEFENDERESSE
Considérant que, sur la forme, la BCEAO soutient que La Cour de justice de l’'UEMOA est un organe de contrôle juridictionnel de l'UEMOA, conformément aux articles 16 et 38 du Traité de l’UEMOA et que son statut, sa composition, ses compétences ainsi que ses règles de procédure et de fonctionnement sont régis par le protocole additionnel n°1, le Règlement n°01/96/CM portant règlement de procédure de la Cour ;
Qu'’au terme des actes communautaires, la Cour dispose d’une compétence générale ;
Que l’analyse du Protocole additionnel n° 01 relatif aux organes de contrôle de l’'UEMOA et des Statuts de la BCEAO conduit à écarter systématiquement la compétence de la Cour de céans pour connaître du présent litige ;
Que la Cour statue sur tout litige entre les organes de l’Union et leurs agents, dans les conditions déterminées par les statuts, conformément au Protocole Additionnel relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA, à l’Acte additionnel n°10/96 portant Statuts de la Cour et au Règlement n°01/96 portant Règlement de procédures de la Cour ;
Que la compétence de la Cour est consacrée par ces différents textes qui ont une valeur supérieure à l’avis n°01/2011 du 30 octobre 2011 et à l’arrêt n° 03 du 28 mars 2017, invoqués par le demandeur ;
Que le Traité modifié du 20 janvier 2007, en ses articles 25 et 26, désigne la BCEAO comme une institution de l’UMOA et lui confère le pouvoir exclusif d’émission monétaire de chaque Etat membre ;
Qu'elle ne saurait être assimilée à un organe de l’UEMOA, au sens de l’article 16 du Traité et des textes d’application ;
Que les organes de l'UEMOA « ont pour caractéristique essentielle de poursuivre directement la réalisation des objectifs définis par le traité de l'UEMOÀA, en son article 4 » ;
Qu'ils « se distinguent radicalement des institutions spécialisées autonomes de l’Union que sont la BCEAO et la BOAD, en vertu des dispositions de l’article 41 dudit Traité » ;
Que contrairement aux autres organes de l’'UEMOA, la BCEAO est un établissement public international constitué entre les Etats membres de l’UMOA et entièrement régie par des textes qui lui sont propres et notamment par ses Statuts, conformément à l’article 27 du Traité y afférent ;
Que « la BCEAO ne peut valablement constituer un organe interne de l’UEMOA dès lors qu’elles sont toutes les deux régies par le principe de spécialité et dotées de capacité et de pouvoir juridiques, exclusifs d’une quelconque subordination juridique de l’une envers l’autre » ;
Qu'en raison de l’autonomie des traités de l'UEMOA et de l’UMOA et de ce que la BCEAO n’est pas un organe de l’UEMOA, la compétence de la Cour de justice n’est pas justifiée et qu’elle ne saurait connaître de la demande du requérant ;
Qu'elle invoque également l’irrecevabilité du recours, tirée d’une part de l’absence de recours préalable, au niveau du comité consultatif, en raison de ce que la procédure préalable de saisine de ce comité, prévue par les articles 136 à 140 du Règlement n° 07/2010/CM/UEMOA du 1°" octobre 2010 portant Statut du Personnel de l’'UEMOA, qui s’applique à tous les organes de l’Union, n’a pas été respectée et, d’autre part, de la prescription triennale de l’action, prévue à l’article 15 5) alinéa 3 du Règlement de procédures, au motif que les faits allégués sont prescrits puisque plus de trois années se sont écoulées depuis la date de réalisation du dommage ;
Que la créance du requérant était exigible, depuis le 23 février 2011 qui correspond à la date de son licenciement ;
Que son action engagée, le 05 juillet 2019, est prescrite depuis le 23 février 2014 ;
Que dans l’ Affaire Fonds de Solidarité Africain contre X AK A, la Cour de justice de l’UEMOA a déjà rendu, le 10 avril 2019, un arrêt par lequel elle a jugé irrecevable une action en responsabilité extracontractuelle, pour avoir été introduite hors délai ;
Que le présent recours est manifestement irrecevable et que la Cour devrait la déclarer irrecevable ;
Considérant que sur le fond, la BCEAO conteste la demande de paiement d’incidence financière, introduite par monsieur Af Ab AL, au motif qu’elle ne repose sur aucune base juridique, étant mal fondée et non justifiée ;
Que la requête de monsieur Af Ab AL ne saurait prospérer, puisqu’elle a respecté ses engagements en lui payant, pendant son détachement, la rémunération correspondant à sa classification professionnelle, conformément aux conventions passées avec la Commission de l’UEMOA, selon les dispositions de l’article 2 de la décision n°152-05-2007 portant mise en détachement de l’intéressé et de l’article 2 de la décision n° 036/2008/PCOM/UEMOA du commissaire de l’'UEMOA, en date du 20 octobre 2008;
Qu'il n’est nullement indiqué, à travers les énonciations de l’arrêt n°02/2017 du 28 mars 2017 qu’il appartenait à la BCEAO de payer les sommes dues à monsieur Af Ab AL ;
Qu'’au regard des conventions signées entre la BCEAO et la Commission de l’UEMOA, elle a payé au demandeur son salaire et tous les avantages sociaux y afférents ;
Que la décision de nomination du demandeur est, s’agissant du paiement des charges et avantages par la BCEAO, cohérente avec les dispositions de la décision de mise en détachement de l’intéressé, en raison de ce qu’elle paie l’ensemble des charges salariales et avantages en nature ;
Qu’on ne saurait déduire, des énonciations de cet arrêt, une quelconque responsabilité pécuniaire de la BCEAO, puis qu’en droit une responsabilité ne se déduit pas, elle doit être fondée sur des éléments factuels et juridiques ;
Qu’au regard des éléments factuels et notamment du bulletin de paie du mois de février 2011, déposé par le demandeur, l’on se rend compte que la BCEAO s’est bien conformée aux dispositions régissant la mise en détachement de son personnel, en l’occurrence les articles 21 à 23 du Statut du Personnel de la BCEAO, l’article 5 du Règlement R 16/PE relatif au détachement et l’article 2 de la Décision n° 0306/2008/PCOM/UEMOA, en date du 20 octobre 2008, prise par le Commissaire de l’UEMOA ;
Que les conventions ayant régi la position de détachement de monsieur Af Ab AL n’ont pas prévu le paiement, par la BCEAO, d’indemnités spécifiques liées aux fonctions occupées par ce dernier ;
Que la BCEAO ne pourrait être tenue de leur paiement ;
Que la Commission de l’UEMOA qui a sollicité le détachement du demandeur, n’a jamais communiqué à la BCEAO les éléments de rémunération attachées aux fonctions de celui-ci, ni demandé d’en verser le montant, pour son compte, à l’intéressé ;
Qu'elle n’est tenue de verser, à l’agent en détachement, que la rémunération correspondant rigoureusement à sa situation administrative en son sein et se faire rembourser par la suite les sommes engagées par l’organisme extérieur ou l’Etat bénéficiaire ;
Que les éventuelles indemnités spécifiques liées aux fonctions occupées par l’intéressé ne peuvent être intégrées à la rémunération correspondant à sa classification professionnelle, conformément aux conventions passées avec la Commission de l’UEMOA ;
Qu'elle sollicite en conséquence qu’il plaise à la Cour de céans :
- àtitre principal, se déclarer incompétente ;
- à titre subsidiaire, déclarer l’action irrecevable ;
- et à titre infiniment subsidiaire :
e débouter de monsieur Af Ab AL de ses demandes en paiement d’incidence financière liée à sa fonction de Directeur de Cabinet, comme mal fondées et non justifiées ;
e le condamner aux dépens ;
A- SUR LA COMPETENCE
Considérant que la BCEAO dénie la compétence de la juridiction de céans pour connaître de la présente cause, au motif qu’elle est une institution de l’UMOA et qu’elle ne saurait être assimilée à un organe de l’UEMOA, au sens de l’article 16 du Traité et des textes d’application ;
Que s’il est vrai que la BCEAO est considérée comme une institution de l’'UMOA aux termes des dispositions de l’article 25 du Traité de l’'UMOA, en date du 20 janvier 2007, il est aussi vrai que l’article 41 du Traité modifié de l'UEMOA en fait également une institution spécialisée de l’UEMOA et l’oblige à concourir à la réalisation de ses objectifs ;
Que par ailleurs l’alinéa 2 de l’article 2 du Traité de l'UMOA dispose que « Le Traité de l'Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA) est complété par le Traité de l'Union Economique et Monétaire Ouest AM AOA) » ;
Qu'il s’ensuit que les deux traités forment un même corps de règles dont la Cour doit veiller au respect quant à leur interprétation et leur application ;
Que la Cour de justice bénéficie d’une compétence d'attribution dont les domaines sont limitativement fixés par des textes communautaires, à savoir le Protocole additionnel N°I relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA, l’Acte additionnel n° 10/96 du 10 mai 1996 portant Statuts de la Cour de Justice de l’UEMOA et le Règlement n° 01/96/CM du 05 juillet 1996 portant Règlement de procédures de la Cour de Justice de l’UEMOA ;
Que les articles 16 du Protocole additionnel, 27 de l’ Acte additionnel portant Statuts et 15-4 du Règlement de Procédures indiquent que la Cour de justice de l'UEMOA connait des litiges entre l’Union et ses agents ;
Que la conduite de la fonction monétaire de la BCEAO ne saurait nullement faire obstacle à sa qualité d’organe régi par les dispositions du Protocole Additionnel n°1 relatif aux organes de contrôle de l’'UEMOA, de l’Acte Additionnel 10/96 portant Statuts de la Cour de Justice de l’UEMOA et du Règlement 01/96/CM portant Règlement de Procédures de la Cour de Justice de l’UEMOA ;
Qu’au nombre de ces dispositions, l’article 15.4 du Règlement n° 1/96/CM portant Règlement des procédures de la Cour de Justice de l’'UEMOA dispose que « La Cour statue sur tout litige entre les organes de l'Union et leurs agents dans les conditions déterminées au statut du personnel » ;
Qu'il résulte dès lors de ce qui précède que la Cour de justice de l’'UEMOA est exclusivement la juridiction ayant compétence pour connaitre de l’action de Monsieur AL contre la BCEAO ;
Qu'il convient de se déclarer compétente ;
B- SUR LA RECEVABILITE
Considérant la BCEAO soulève l’irrecevabilité du présent recours sur le fondement de deux moyens, à savoir :
- l’absence de recours préalable au niveau du comité consultatif, en ce que la procédure préalable de saisine de ce comité, prévue par les articles 136 à 140 du Règlement n° 07/2010/CM/UEMOA du 1°” octobre 2010 portant Statut du Personnel de l’'UEMOA, qui s’applique à tous les organes de l’Union, n’est pas observée ;
- la prescription de l’action ;
a)- Sur le premier moyen tiré de l’absence de recours préalable au niveau du comité consultatif
Considérant que la BCEAO soutient sa demande d’irrecevabilité en évoquant l’absence de recours préalable, au niveau du comité consultatif, alors que la procédure préalable de saisine de ce comité, prévue par les articles 136 à 140 du Règlement n° 07/2010/CM/UEMOA du 1" octobre 2010 portant Statut du Personnel de l’'UEMOA, s’applique à tous les organes de l’Union ;
Qu'il ressort des éléments du dossier que Monsieur Af Ab AL relève du statut particulier du Personnel de la BCEAO qui ne prévoit pas, dans ses règles processuelles, la saisine préalable d’un Comité Consultatif Paritaire, avant qu’un litige ne soit porté devant l’instance judicaire ;
Que de ce qui précède, il y a donc lieu de rejeter ce moyen pour défaut de pertinence ;
b)- Sur le deuxième moyen tiré de la prescription de l’action_
Considérant que la BCEAO évoque également, au soutien de sa demande d’irrecevabilité, le moyen selon lequel les faits allégués sont prescrits, puisque plus de trois années se sont écoulées, depuis la date de réalisation du dommage, en l’occurrence, depuis le 23 février 2011 correspondant à la date de son licenciement et que l’action engagée, le 05 juillet 2019, serait prescrite, depuis le 23 février 2014 ;
Que cependant, il s’agit en l’espèce d’apprécier le bien-fondé de la demande de paiement de l’incidence financière de sa nomination à la fonction de directeur de cabinet ;
Qu’ainsi, la nature de l’action de Monsieur Af Ab AL s’analyse comme étant un litige de la fonction publique communautaire, lequel n’est pas régi par les dispositions de l’article 15 5) alinéa 3 du Règlement de procédures de la Cour de justice de l’UEMOA ;
Que l’on ne saurait par conséquent opposer au demandeur, d’avoir méconnu les délais d’une action en responsabilité qui n’est pas le siège de son action en justice, puisque la recevabilité devrait plutôt s’apprécier à l’aune des dispositions ayant seule vocation à s’appliquer en l’espèce, à savoir l’article 16 du Protocole Additionnel n° 1 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA, l’article 27-5 de l’Acte Additionnel n° 10/96 portant statuts de la Cour de Justice ainsi que des dispositions du Statut particulier du Personnel de la BCEAO ;
Qu'il s’ensuit que ce deuxième moyen doit être rejeté ;
Que des considérations qui précèdent, il convient de déclarer la requête de Monsieur Af Ab AL recevable ;
C-SUR LE FOND
Considérant que Monsieur Af Ab AL réclame, en plus des dépens, les sommes de :
e cent quatre-vingt millions (180.000.000) francs CFA, à titre de rappel différentiel ;
e deux cent cinquante millions (250.000.000) francs CFA, à titre de dommages et intérêts pour réparation du préjudice subi, du fait d’avoir passé plus de cinq ans, sans pouvoir bénéficier de l’incidence financière ;
e et cinq millions neuf cent mille (5.900.000) francs CFA, au titre des frais exposés, non compris dans les dépens ;
1- SUR LE PAIEMENT DU RAPPEL DIFFERENTIEL DE REMUNERATION
Considérant que Monsieur Af Ab AL réclame le paiement d’une somme de cent quatre-vingt millions (180.000.000) francs CFA, à titre de rappel différentiel de rémunération ;
Que l’article 2 de la décision n° 152/05/2007 du Gouverneur de la BCEAO dispose : « La rémunération et les avantages sociaux de Monsieur AL seront réglés par la BCEAO pour le compte de la Commission qui en défrayera la Banque sur une base annuelle » ;
Que l’article 2 de la décision n°0306/2008/PCOM/UEMOA portant nomination de Monsieur Af Ab AL en qualité de Directeur de cabinet indique que : « La rémunération, les charges sociales et connexes ainsi que les avantages sociaux de l’intéressé sont directement payés par la BCEAO et font l’objet de remboursements par la Commission de l’'UEMOA sur présentation d’états y relatifs » ;
Que le commissaire, dont il était le Directeur de cabinet, a souligné dans une correspondance n°335/DDE adressée au Président de la Commission que la décision du 21 octobre 2008 n’a pas connu d’application effective, lequel a transmis ladite décision au directeur des ressources humaines de la BCEAO et précisé qu’il lui paraît plus indiqué qu’il revienne à cette dernière de tirer les conséquences et les effets de l’acte de nomination, à charge à la Commission de l’UEMOA, bénéficiaire des prestations de rembourser annuellement les montants payés à Monsieur Af Ab AL ;
Que par conséquent, toutes les sommes dues en vertu des fonctions exercées dans le cadre du détachement doivent être réglées par la BCEAO ;
Que la rémunération comporte le traitement catégoriel et tous autres traitements résultant des fonctions exercées, notamment celle de Directeur de cabinet ;
Que Monsieur Af Ab AL a exposé que le salaire auquel il avait droit est de quatre millions (4.000.000) francs CFA, comme il est de pratique au sein de la Commission de l’UEMOA en matière de rémunération ;
Qu'il considère ainsi, qu’ayant occupé les fonctions de Directeur de cabinet pendant 45 mois, il a droit une rémunération totale de cent quatre-vingt millions 180.000.000 francs CFA ;
Que toutefois c’est plutôt un différentiel qui est réclamé, puisque Monsieur Af Ab AL percevait un salaire d’un million six cent vingt-sept mille huit cent vingt-cinq (1627825) francs CFA, comme il l’a soutenu sans être contesté, alors que le montant net dû est de trois millions sept cent cinquante-quatre mille cinq cent cinquante-deux (3.754.552) francs CFA, si l’on se fie au bulletin de paie d’un Directeur de cabinet, à la Commission de l'UEMOA, en date du 31 mars 2011, versé au dossier ;
Qu'il est manifeste que la demande est fondée et qu’il y a lieu de condamner la BCEAO à payer le différentiel, avec le salaire effectivement perçu, qui est de deux millions cent vingt-six mille sept cent vingt-sept (2.126.727) francs CFA sur 45 mois, à savoir quatre-vingt-quinze millions sept cent deux mille sept cent quinze (95.702.715) francs CFA ;
2- SUR LE PAIEMENT DES DOMMAGES ET INTERETS
Considérant que Monsieur Af Ab AL réclame le paiement d’une somme de deux cent cinquante millions (250 000 000) francs CFA, à titre de dommages et intérêts pour réparation du préjudice subi, du fait qu’il a passé plus de cinq ans, sans pouvoir bénéficier de l’incidence financière ;
Que pour allouer des dommages et intérêts, il faut apprécier l’existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre la faute et le dommage subi ;
Que le comportement de la BCEAO, qui a violé les dispositions susvisées mettant à sa charge le règlement de la rémunération du requérant, est fautif ;
Que s’agissant du préjudice, le fait de ne pas avoir perçu à temps sa rémunération lui a nécessairement causé un préjudice, compte tenu de son caractère alimentaire ;
Que dès lors, il y’a lieu de condamner la BCEAO à payer au requérant la somme de cinquante millions (50.000.000) francs CFA, à titre de dommages et intérêts ;
3- SUR LE PAIEMENT DES FRAIS EXPOSES NON COMPRIS DANS LES DEPENS
Considérant que Monsieur Af Ab AL réclame le paiement d’une somme de cinq millions neuf cent mille (5.900.000) francs CFA, au titre des frais exposés, non compris dans les dépens ;
Qu'il justifie cette demande par le fait qu’il « a été contraint de s’attacher les services d’un conseil pour soigner ses intérêts », alors qu’il a demandé, par la suite, la condamnation de la BCEAO aux entiers dépens;
Que la rémunération d’un avocat est déjà comprise dans les dépens récupérables, conformément aux dispositions de l’article 64 du règlement de procédure qui dispose :
« Sans préjudice des dispositions de l'article précédent, sont considérés comme dépens récupérables:
a) - les sommes dues aux témoins et aux experts en vertu de l'article 53 du présent règlement ;
b) - les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d'un agent ou d'un avocat. En cas de non- paiement des dites sommes, les dépens sont taxés par le Président saisi sur requête » ;
Que cette demande fait doublon avec une partie de la demande de condamnation aux entiers dépens, formée par le demandeur ;
Qu’il y a lieu de la rejeter ;
4- SUR LES DEPENS
Considérant qu’aux termes de l’article 60 du Règlement n° 1/96/CM portant règlement de procédures de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens ;
Que la partie requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en premier et dernier ressort, en matière de droit communautaire et en recours du personnel de l’Union ;
- se déclare compétente ;
- déclare le recours de Monsieur Af Ab AL recevable ;
- le déclare fondé ;
- condamne la BCEAO à payer à Monsieur Af Ab AL :
e la somme de quatre-vingt-quinze millions sept cent deux mille sept cent quinze (95.702.715) francs CFA, à titre de rappel différentiel de rémunération ;
e la somme de cinquante millions (50.000.000) francs CFA, à titre de dommages et intérêts ;
- Rejette, pour doublon, la demande séparée de frais exposés pour la constitution d’un avocat ;
- Condamne la BCEAO aux entiers dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique à Aa les jour, mois et an que
dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier.
Suivent les signatures illisibles.
Pour expédition certifiée conforme
Aa, le 09 juin 2021
Pour le Greffier
Le Greffier-Adjoint Al Z
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Synthèse
Numéro d'arrêt : 05/2021
Date de la décision : 09/06/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;uemoa;cour.justice;arret;2021-06-09;05.2021 ?
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