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19/05/2021 | UEMOA | N°02/2021

UEMOA | UEMOA, Cour de justice, 19 mai 2021, 02/2021


Texte (pseudonymisé)
ARRÊT
N°02/2021
DU 19 mai 2021
Recours en annulation de décision de plein contentieux de la concurrence
La Société Nationale Burkinabé d’Hydrocarbures (SONABHY)
Contre
La Commission de l’Union Economique et Monétaire Ouest Y ARA)
La Société de Distribution de AL AO AG Z (SODIGAZ-
APC)
Le Groupement Professionnel des
Pétroliers (GPP)
L’Etat du Ae AQ
Composition de la Cour :
M. Daniel A. TESSOUGUE, Président
M. Euloge AKPO, Juge rapporteur
Mme Joséphine S. EBAH TOURE, Juge
Mme Victoire El. ALLAGBADA, 1ë Avoca

t Général
Me Hamidou YAMEOGO, Greffier d’audience EXTRAIT DES MINUTES DU GREFFE
COUR DE JUSTICE DE L’UNION
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ARRÊT
N°02/2021
DU 19 mai 2021
Recours en annulation de décision de plein contentieux de la concurrence
La Société Nationale Burkinabé d’Hydrocarbures (SONABHY)
Contre
La Commission de l’Union Economique et Monétaire Ouest Y ARA)
La Société de Distribution de AL AO AG Z (SODIGAZ-
APC)
Le Groupement Professionnel des
Pétroliers (GPP)
L’Etat du Ae AQ
Composition de la Cour :
M. Daniel A. TESSOUGUE, Président
M. Euloge AKPO, Juge rapporteur
Mme Joséphine S. EBAH TOURE, Juge
Mme Victoire El. ALLAGBADA, 1ë Avocat Général
Me Hamidou YAMEOGO, Greffier d’audience EXTRAIT DES MINUTES DU GREFFE
COUR DE JUSTICE DE L’UNION
ECONOMIQUE ET MONETAIRE OUEST
Y ARA)
AUDIENCE PUBLIQUE DU 19 MAI 2021
La Cour de Justice de l'UEMOA, réunie en audience publique ordinaire, le dix-neuf (19) mai deux mille- vingt-un (2021), à laquelle siégeaient :
M. Daniel Amagoin TESSOUGUE, Président ;
M. Euloge AKPO, Juge rapporteur ;
Mme Joséphine Suzanne EBAH TOURE, Juge ;
en présence de Mme Victoire Eliane ALLAGBADA, Avocat Général ;
avec l’assistance de Me Hamidou YAMEOGO, Greffier d’audience ;
A rendu l’arrêt dont la teneur suit :
ENTRE
La Société Nationale Burkinabé d’Hydrocarbures, en abrégé « SONABHY », Société Anonyme avec Conseil d’Administration au capital de trois milliards (3.000.000.000) de francs CFA, immatriculée au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier du Greffe du Tribunal de Commerce de B, sous le numéro OUA 11.298/B, ayant son siège social à B, au quartier Pissy, Route de Bobo- Am, 01 BP 4934 B 01-Burkina Faso- Tél : (00226)25 43 00 01/25430034 Fax : (00226) 25 43 01 74, agissant aux poursuites et diligences de son Directeur Général en exercice, assistée de Maître Ali NEYA, Avocat à la Cour, inscrit au Barreau du Ae AQ, secteur numéro 14- Ancien de la ville de B, Quartier des 1200 logements, Rue AJ AI, Porte numéro 346, 06 BP 10228 B 06-BURKINA FASO-, Tél (00226) 25 36 36 71/Fax (00226) 25 36 25 81, E-mail : abaline@fasonet.bf, a.neya67@gmail.com, site Web : www ;cabinetneya.com ;
Demanderesse,
d’une part ;
ET
La Commission de l’Union Economique et Monétaire Ouest Y ARA), sise 380, Avenue du Professeur Ab AS, 01 BP. 543 B X Ae AQ, Tél : (00226) 25 31 88 73 à 76, Fax (00226)25 31 88 72, E-mail
ommission@uemoa.int, sites internet :
www.uemoa.int et www.izf.net, représentée par son agent Monsieur Oumarou YAYE, conseiller technique du Président de la Commission Chargé des Questions Juridiques et assistée de Maître Harouna SAWADOGO, Avocat à la Cour, inscrit au Barreau du Ae AQ, immeuble Ai Ac, Avenue du Président Aboubacar Sangoulé LAMIZANA, 01 BP 4091 B 01, Tél (00226) 25306946- Fax (00226) 25 310852 E- mail : cab.hsawadogo@live.fr ;
La Société de Distribution de AL AO AG Z, en abrégé (SODIGAZ-APC), Société Anonyme avec Conseil d’Administration au capital d’un milliard (1.000.000.000) ) de francs CFA, immatriculée au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier du Greffe du Tribunal de Commerce de B, sous le numéro BF OUA 2012 M 5694, ayant son siège social à B au quartier Pissy, Parcelle Nord-Est, Lot 241, 01 BP 1936 B, -BURKINA FASO, Tél (00226) /25436828/25435546 Fax : (00226)25 43 68 29, agissant aux poursuites et diligences de sa Directrice Générale, ayant pour conseil la Société Civile Professionnelle d’Avocats LOGOS (SCPA LOGOS), Cabinet sis à B, quartier 1200 logements, 11 BP 1631 OUAGA CMS 11, téléphone : (00226) 25 36 26 01/60 42 19 47, E-mail : avocatlogos@gmail. Com ;
Le Groupement Professionnel des Pétroliers, en abrégé (GPP), domicilié a 1080 Avenue Af AkCAH, 01 BP 21 B 01, Tél : (00226) 25 32 50 00- Fax : (00226) 25 32 50 01, Ae AQ, représenté par son Président, assisté de Maître Bouba YAGUIBOU (de la SCPA le SAPHIR), Avocat à la Cour, inscrit au Barreau du Ae AQ ;
L’Etat du Ae AQ, représenté par le Ministre de l’Economie, des Finances et du Développement ayant élu domicile à l’Agence Judiciaire de l’Etat, S/C de la Direction Générale du Trésor et de la Comptabilité Publique, sis Secteur numéro 52 de la Ville de B, Avenue Aj AN, … … … B 01, Tél : (00226) 25 66 20 17, fax : (00226) 25 30 57 61 ;
Défenderesses,
d’autre part ;
LA COUR
VU le Traité de l’Union Economique et Monétaire Ouest Y ARA) en date du 10 janvier 1994, tel que modifié le 29 janvier 2003 ;
VU le Protocole additionnel n° 1 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA ;
VU l’Acte additionnel n° 10/96 du 10 mai 1996 portant Statuts de la Cour de Justice de l’UEMOA ;
VU le Règlement n° 01/96/CM du 05 juillet 1996 portant Règlement de procédures de la Cour de Justice de l’'UEMOA ;
VU le Règlement n°01/2012/CJ du 21 décembre 2012 portant Règlement administratif de la Cour de Justice de l’'UEMOA ;
VU le Procès-Verbal n°2019-08/A1/02 du 28 mai 2019 relatif à la désignation du Président de la Cour et à la répartition des fonctions au sein de la Cour ;
VU le Procès-Verbal n°2019-09/AP/07 du 03 juin 2019 relatif à l’installation du Président de la Cour de Justice de l’'UEMOA ;
VU le Procès-Verbal n°02/2016/CJ du 26 mai 2016 relatif à la prestation de serment et à l’installation des membres de la Cour de Justice de l’UEMOA ;
VU l’ordonnance N°08/2021/CJ du 17 mars 2021 portant composition de la formation plénière devant siéger en audience publique ordinaire du 07 avril 2021 ;
VU l’ordonnance n°13/2021/CJ du 03 mai 2021 portant composition de formation plénière devant siéger en audience publique ordinaire du 19 mai 2021 ;
VU les convocations des parties ;
VU la requête en date du 12 février 2020, enregistrée au greffe de la Cour de Justice de l’UEMOA, le 12 février 2020, sous le numéro 20 R 004, par laquelle la Société Nationale Burkinabè d’Hydrocarbure (SONABHY), Société Anonyme d’Etat, agissant aux poursuites et diligences de son Directeur Général et ayant pour Conseil Maître Ali NEY A, Avocat à la Cour inscrit au Barreau du Ae AQ, a introduit un recours aux fins d’annulation ou de modification de décision de sanction en matière de plein contentieux de la concurrence, en l’occurrence la Décision numéro 08/2019/COM/UEMOA du 05 novembre 2019 relative à des pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre dans le secteur du gaz pétrole liquéfié au Ae AQ ;
OUÏ le Juge rapporteur en son rapport ;
OUÏ le Conseil de la SONABHY en ses observations orales ;
OUÏ le Conseil de SODIGAZ APC en ses observations orales ;
OUÏ le Conseil de la Commission de l'UEMOA en ses observations orales ;
OUÏ le Conseil du Groupement Professionnel des Pétroliers en abrégé (GPP), constitué à l’audience, en ses observations orales ;
OUÏ Madame le Premier Avocat Général en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément au droit communautaire :
r- FAITS ET PROCEDURE
Considérant que courant 2001, en remplacement d’un système de subventions croisées entre les produits pétroliers, c’est-à-dire un système selon lequel les produits qui avaient une marge bénéficiaire finançaient les produits subventionnés, le Gouvernement du Ae AQ institue le remboursement par le Trésor Public des subventions accordées sur le prix de certains produits pétroliers, soit par règlement par virements bancaires, soit par règlement par chèques verts, exclusivement utilisables pour les payements auprès des services de recette de l’Etat et donc monnayables auprès des banques commerciales ;
Que dans le cadre de la mise en œuvre de sa politique de lutte contre la désertification, le Gouvernement burkinabè décide d’étendre lesdites subventions aux achats du produit « gaz de pétrole liquéfié » (GPL) ou gaz butane ;
Que le bénéfice du règlement par virement bancaire est assorti de deux conditions cumulatives, à savoir d’une part que cela n’est possible que pour la subvention du gaz et d’autre part que le bénéficiaire doit être dans l’impossibilité d’utiliser des chèques verts ;
Que la Société Nationale Burkinabè d’Hydrocarbures (SONABHY), une Société anonyme d’Etat bénéficiant d’un monopole légal sur l’importation, le stockage et le conditionnement des hydrocarbures liquides et gazeux, est en relation d’affaires avec la Société STD-SODIGAZ (actuelle SODIGAZ-APC), une société anonyme privée, qui bénéficie du règlement par virements bancaires ;
Que le règlement par chèques verts ne lui est pas approprié, en raison de ce qu’elle est le plus grand marqueteur et le montant de la subvention remboursable sur ses ventes de gaz dépassait largement le montant de ses charges fiscales ;
Que le délai de remboursement est en principe de soixante-douze (72) heures pour toutes subventions ;
Considérant qu’en raison du dépassement de ce délai par le Trésor public, SODIGAZ- APC commence à éprouver des tensions de trésorerie ;
Que pour venir en aide à cette société, le Ministre du Commerce de l’Etat du Ae AQ instruit alors la SONABHY d’appliquer à la SODIGAZ-APC un régime particulier, à travers la conclusion, le 13 mars 2001, d’un contrat de préfinancement de la subvention ;
Qu’en conséquence, les achats de gaz effectués par SODIGAZ-APC se feront à un tarif préalablement diminué du montant de la subvention ;
Que la part correspondant aux montants de la subvention est … supportée par la SONABHY, à charge pour la SODIGAZ-APC de lui reverser les montants correspondants, lorsqu’elle sera effectivement remboursée par le Trésor public ;
Que dans la pratique, les tensions de trésorerie de la SODIGAZ-APC, bénéficiaire du régime particulier d’achat de gaz, sont de facto transférées à l]a SONABHY qui accumulait à son tour des arriérés de payement non remboursés à temps ;
Qu’afin de remédier à cette situation, par courrier en date du 17 juin 2011, la SONABHY sollicite du Ministre de l’Economie et des Finances du Ae AQ, la possibilité de procéder au règlement de la subvention du gaz butane de la SODIGAZ-APC, par chèques verts ; ce qui permettrait à la SONABHY de suivre elle-même le remboursement des frais supportés au titre de la subvention de la SODIGAZ-APC,
à l’instar de ce qui se fait relativement aux subventions accordées sur les produits consommés par la société productrice de l’électricité, dénommée SONABEL ;
Qu'en réponse, le 19 juillet 2011, le Ministre de l’Economie et des Finances du Ae AQ a autorisé la révision de la procédure de remboursement de la subvention du gaz de la SODIGAZ-APC, à travers l’extension des chèques verts à celle-ci, à compter du 1“ janvier 2012 ;
Que le 16 septembre 2011, la SONABHY informa la SODIGAZ-APC du chargement du mode de traitement de cette subvention portant sur le gaz ; cela crée une mésintelligence que tente de régler l’administration ;
Qu’informé de ces tractations et après s’être plaint auprès du Ministre de l’Industrie du Commerce et de l’Artisanat (MICA) du fait que le remboursement de la subvention de la SODIGAZ se fait par virement bancaire, tandis que les autres marqueteurs, membres du groupement, se font rembourser par des chèques verts, le Groupement Professionnel des Pétroliers (GPP), par lettre en date du 16 mai 2014, saisit la commission Nationale de la Concurrence et de la Consommation (CNCC) du Ae AQ d’une plainte pour pratiques anticoncurrentielles et discriminatoires dans le processus de remboursement de la subvention du gaz butane, commises par la SONABHY qui favoriserait la SODIGAZ-APC au détriment des autres marqueteurs du groupement ;
Que le 18 mai 2015, par décision n°2015-001, la CNCC porte l’affaire devant la Commission de l’UEMOA en ordonnant à la SONABHY de mettre fin au processus de remboursement de la subvention du gaz institué tel qu’il est, par le Ministère de l’Economie et des Finances, ministère de tutelle technique et de gestion de la SONABHY ;
Que le 05 novembre 2019, après examen préliminaire, enquête et mise en état de l’affaire, la Commission de l’UEMOA a rendu, à l’encontre de la SONABHY, la décision n°08/2019/COM/UEMOA dont voici un extrait :
« DECIDE
Article premier : Il est établi que la Société SONABHY a enfreint les dispositions de l’article 88 (b) du Traité de l'UEMOA et ses textes d'application.
Article 2 : Il est infligé à la Société SONABHY une sanction pécuniaire d’un montant de cinquante millions (50 000 000) francs CFA.
Article 3 : Il est fait obligation à la SONABHY de mettre fin à la pratique discriminatoire instituée dans le cadre du remboursement de la subvention du gaz, notamment en traitant les différents marqueteurs exerçant dans le secteur de la distribution du gaz au Ae AQ avec équité.
Article 4 : La Société SONABHY, la Société SODIGAZ-APC, le Groupement Professionnel de Pétroliers (GPP) et les autorités compétentes du Ae AQ sont destinataires de la présente décision.
Article 5 : Le résumé de la présente décision fera l’objet de publication aux frais de la Commission dans une édition d’un journal de chaque Etat membre. Cette publication interviendra dans un encadré en caractères noirs sur fond blanc de hauteur au moins égale à trois millimètres sous le titre suivant, en caractère gras de même taille : [communication de la Commission de l'UEMOA sur une décision relative à des pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre dans le secteur du gaz pétrole liquéfié au Ae AQ].
Article 6 : La présente Décision qui entre en vigueur à compter de sa date de signature, sera publiée au Bulletin Officiel de l’Union » ;
Que par requête, en date du 12 février 2020, enregistrée au Greffe de la Cour, le 12 février 2020, sous le numéro 20 R 004, la SONABHY a introduit un recours, contre la Commission de l’'UEMOA, la SODIGAZ-APC, le GPP et l’Etat du Ae AQ, aux fins d’annulation ou de modification de la Décision numéro 08/2019/COM/UEMOA du 05
novembre 2019 relative à des pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre dans le secteur du gaz pétrole liquéfié au Ae AQ ;
Qu’un cautionnement de 100.000 francs, fixé par la Cour, par ordonnance numéro 016/2020/CJ du 06 février 2020, est entièrement libéré par la requérante, suivant récépissé en date du 11 mars 2020, versé au dossier ;
Qu’un recours aux fins de sursis à exécution de la décision attaquée a été exercé par la SONABHY, par requête enregistrée au Greffe de la Cour, le 11 mars 2020, sous le numéro 20 R 0015 ; ledit recours a été rejeté par ordonnance numéro 028/2020CJ du 19 mai 2020.
Que par lettre en date du 28 février 2020, reçue à la cour le O3 mars 2020, la Commission de l’UEMOA a désigné Monsieur Oumarou YAYE, Conseiller Technique du Président de la Commission Chargé des Questions Juridiques, comme Agent chargé de la représenter ;
Considérant qu’au soutien de leurs prétentions :
- la SONABHY, en sus de sa requête en date du 05 novembre 2019, a produit un mémoire en réponse en date du 18 mars 2020 et un mémoire en duplique en date du 29 juin 2020, ensemble avec des pièces ;
- la Commission de l’'UEMOA a produit des mémoires en réponse du 07 avril 2020 et en duplique en date du 10 juin 2020, ensemble avec des pièces ;
- la Société de Distribution De Gaz Y AO AG ARAM APC) a produit des mémoires en réponse et en duplique respectivement en dates des 18 mars et 29 juin 2020 ;
Que par contre, les autres parties défenderesses, en l’occurrence le Groupement Professionnel des Pétroliers (GPP) et l’Etat du Ae AQ, à qui la requête et les différents mémoires sont notifiés, n’ont produit aucun mémoire ;
Que la procédure écrite est clôturée par ordonnance numéro 041/2020/CJ rendue par Monsieur le Président de la Cour, le 1” juillet 2020 ;
Qu’enfin, Monsieur le Juge Euloge AKPO est désigné Juge rapporteur dans la présente cause, par ordonnance présidentielle numéro 042/2020/CJ du 1°" juillet 2020 ;
II. PRESENTATION DES PRETENTIONS DES PARTIES
A- DEMANDES ET ARGUMENTS DE LA REQUERANTE
Considérant que sur la forme et en réplique aux observations de la Commission, la SONABHY, dans son mémoire en date du 08 mai 2020, affirme que la Commission de l’UEMOA n’a pris aucune position claire ou n’a tiré aucune conséquence claire, dans le sens de la recevabilité ou de l’irrecevabilité de la Cour ;
Que son recours est pleinement recevable, parce que fait dans le délai ;
Considérant que sur le fond et dans sa requête, en date du 05 novembre 2019, son mémoire en réponse, en date du 18 mars 2020 puis son mémoire en duplique, en date du 29 juin 2020, la SONABHY évoque d’abord l’erreur dans la qualification juridique des faits ;
Que selon elle, la Commission, faisant une application erronée de l’article 88-b, lui a imputé l’infraction d’abus de position dominante dans le secteur du GPL, par la mise en œuvre de la pratique abusive tendant à l’application à l’égard des autres distributeurs de conditions inégales à des prestations équivalentes, par le préfinancement exclusif de la subvention liée aux achats de SODIGAZ-APC, infligeant ainsi à ceux-ci un désavantage dans la concurrence ;
Que la qualification des faits ainsi retenue est erronée, en raison de ce que l’article 88- b ne fait nullement cas de l’intervention d’une personne de droit public et ne saurait donc être la meilleure illustration du reproche fait à la SONABHY ;
Qu’ayant déclaré dans sa décision de condamnation : « considérant toutefois la forte implication des autorités burkinabè dans la réalisation des pratiques incriminées », la Commission devrait appliquer les dispositions de l’article 88-c du traité de l'UEMOA afférentes aux aides publiques, susceptibles de fausser la concurrence, en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ;
Que cela justifie à suffisance l’annulation de la décision, en raison du fait que le mécanisme prohibé par la loi a, en réalité, été pensé et mis en place par l’Etat de Ae AQ, la SONABHY n’ayant été qu’un exécutant agissant sur instructions et ordre dudit Etat, par les soins du Ministre du Commerce, Ministre de tutelle technique et de gestion de la SONABHY ;
Que le préfinancement de la subvention des achats de gaz de la SODIGAZ-APC relève plus des aides publiques susceptibles de fausser la concurrence, que des pratiques d’une ou de plusieurs entreprises, assimilables à un abus de position dominante sur le marché commun ;
Considérant que la SONABHY soutient en outre que la prétendue inapplicabilité du point c de l’article 88 du Traité, soulevée par la Commission ainsi que son idée selon laquelle la pratique serait assimilable aux aides à caractère social, octroyées aux consommateurs individuels, à condition qu’elles soient accordées sans discrimination liée à l’origine des produits, manqueraient de pertinence ;
Que non seulement l’aide est octroyée aux entreprises et non aux consommateurs individuels, mais qu’elle est aussi susceptible de conférer un avantage à une entreprise qu’est la SODIGAZ et que la mise en œuvre de la subvention du gaz butane, à l’initiative de l’Etat burkinabè, fausserait la concurrence et entraînerait inéluctablement un coût direct et effectif pour un démembrement de l’Etat qu’est la SONABHY, une société d’Etat qui doit supporter le coût de la subvention et se faire payer très tard ; ce qui occasionne ainsi une réelle souffrance à sa trésorerie ;
Que le seul fautif dans cette affaire est l’Etat burkinabè et qu’il y a violation du principe de la responsabilité personnelle et de la personnalité des peines qui exclut toute responsabilité du fait d’autrui en matière répressive ;
Que le préfinancement est équivalent à un prêt sans intérêt consenti par l’Etat burkinabè ;
Que la Commission a commis une erreur dans la qualification juridique des faits et a fait une mauvaise application de la loi ;
Qu’il s’agit d’« une violation du principe constitutionnel de la légalité de délits » ;
Que la décision de la Commission ne devrait donc pas résister à l’annulation pour violation des dispositions du règlement n°03/ 2002/UEMOA du 23 mai 2002, relatif aux procédures applicables aux ententes et abus de position dominante à l’intérieur de l’'UEMOA ;
Que l’acte de la SONABHY peut être qualifié de sui generis, nécessitant l’édiction de textes spécifiques, une exigence du principe de la légalité des délits et des peines qui est violé par la commission de l’UEMOA qui a sanctionné, sans texte, ce fait nouveau ou inédit ;
Considérant que la SONABHY prétend également qu’il y a contrariété de motifs, tirée de la disparition de l’objet de la saisine de la Commission ;
Qu’en effet, la Commission de l’UEMOA l’a condamnée pour des pratiques qu’elle l’invite à cesser, alors que lesdites pratiques ont cessé, les membres du GPP ayant décidé d’autorité et unilatéralement de payer leurs factures de gaz, amputées au préalable de ce qui correspond au montant de la subvention, depuis juin 2016 ;
Qu’un commencement de preuve par écrit peut être administré avec la production des factures délivrées aux marqueteurs qui bénéficient d’une protection contractuelle, ensemble avec les bons de commande équivalents et réceptionnés par AP ;
Qu'’il ne peut être mis fin à une discrimination qui a disparu ;
Que la détermination du montant de cinquante millions d’amende est justifiée par la gravité de l’infraction au regard de la durée et du dommage causé à l’économie, en application des dispositions de l’article 22.2 du règlement n°3 -2002-CM-UEMOA, alors que l’article 22.1 ne semble pas limiter, à ces facteurs, la détermination dudit montant ;
Que l’exigence de proportionnalité s’impose également à celui qui inflige une sanction pour réprimer un manquement particulier ;
Que la prise en compte d’autres facteurs non contestés peut permettre de réduire ledit montant en le ramenant à la somme du minimum légal de cinq cent mille (500.000) francs CFA, à savoir que :
- la SONABHY n’est pas à l’initiative du mécanisme et n’en est pas responsable ;
- aucun avantage de la pratique incriminée n’est tiré par la SONABHY ; la pratique incriminée a cessé depuis 2016 ;
- la forte implication des autorités burkinabé est relevée par la Commission ;
Considérant que la SONABHY soutient enfin que, relativement à la mise hors de cause sollicitée par la SODIGAZ-APC, en raison de l’infraction prévue par le point a de l’article 88 du traité de l’UEMOA qui interdit de plein droit les accords, associations et pratiques concertées entre entreprises ayant pour objet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, à l’intérieur de l’union, la SODIGAZ ne saurait être mise hors de cause ;
Que cette infraction ne pourrait être retenue ni contre la SONABHY, ni contre la SODIGAZ-APC, parce que l’accord exigé pour l’application dudit article n’a jamais existé et qu’il s’agit d’une aide d’Etat faussant la concurrence en favorisant la seconde, telle qu’elle est prévue par le point c de l’article 88 ;
Que la SONABHY sollicite par conséquent qu’il plaise à la Cour de céans :
En la forme :
- Déclarer recevable la requête de la SONABHY comme ayant respecté les prescriptions légales en la matière ;
Au fond :
- Annuler la décision n°08/2019/COM/UEMOA du 05 novembre 2019 relative à des
pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre dans le secteur du gaz pétrole liquéfié du Ae AQ, pour :
e erreur dans la qualification juridique des faits ;
e mauvaise application des dispositions de l’article 88 (a et b) du Traité de l’UEMOA ainsi que de l’article 22.2 du règlement n°3-2002-CM-UEMOA relatif aux procédures applicables, aux ententes et abus de position dominante, à l’intérieur de l’UEMOA ;
e violation des dispositions de l’article 88 (a et b) du traité de l'UEMOA ainsi que l’article 22.2 du règlement n°3-2002-CM-UEMOA relatif aux procédures applicables, aux ententes et abus de position dominantes à l’intérieur de l’UEMOA ;
e contrariété de motifs ;
e disparition de l’objet de la saisine de la Commission ;
- Statuant à nouveau, considérer que :
e la SONABHY n’est pas l’initiatrice du mécanisme incriminé ;
e la Commission n’a pas manqué de relever la forte implication des Autorités Ae dans la réalisation des pratiques incriminées ;
e la SONABHY a précisé dans ses observations que le gouvernement du Ae AQ est en train de mettre en place un mécanisme qui garantira un traitement équitable des acteurs ;
e la SONABHY n’a tiré aucun avantage de la pratique incriminée, au contraire il en est résulté pour elle un impact très négatif, se retrouvant contre sa volonté à subir et à supporter les longues attentes du remboursement des subventions de la SODIGAZ-APC et de tous les membres du GPP ;
e la pratique incriminée a cessé et les membres du GPP, depuis juin 2016, payent leurs factures de gaz amputées au préalable de ce qui correspond au montant de la subvention ;
- En conséquence, réduire l’amende au minimum légal de cinq cent mille (500 000) F CFA ;
B. DEMANDES ET ARGUMENTS DES DEFENDERESSES
1- DEMANDES ET ARGUMENTS DE LA COMMISSION DE L’UEMOA
Considérant que la Commission de l’'UEMOA, dans ses mémoires en réponse du 07 avril 2020 et en duplique en date du 10 juin 2020, conclut au rejet pur et simple des prétentions de la SONABHY, au motif que ses moyens ne sauraient fonder ni l’annulation, ni la réformation de la décision de condamnation ;
Qu’elle soutient que depuis plus d’une dizaine d’années, les membres du GPP sont victimes d’un traitement discriminatoire dans le remboursement de la subvention du gaz butane, du fait que la subvention de la SODIGAZ —APC est directement supportée par la SONABHY, contrairement aux autres distributeurs qui doivent supporter le coût de la subvention et attendre ensuite de longs mois, voire des années avant d’être payés ;
Que les renseignements collectés, ont fait ressortir des indices concordants d’un dysfonctionnement de la concurrence sur le marché du GPL ;
Qu’une enquête diligentée auprès des acteurs du secteur et des consommateurs, par la Commission de l’UEMOA, appuyée par des enquêteurs nationaux, du 18 au 29 avril, à B, à Ad Am et à Ah (des villes du Ae AQ), a permis d’enclencher une procédure contradictoire, une notification de griefs et la réception des observations écrites ;
Que le principe de la subvention sur le gaz butane constitue une aide publique régie par l’article 88-c du Traité et le Règlement n°04/2002/CM/UEMOA dont l’article 3 admet la compatibilité avec le marché commun des « aides à caractère social octroyées aux consommateurs individuels » ;
Que tous les consommateurs du Ae AQ bénéficient directement de la subvention sur le gaz quelle que soit l’entreprise distributrice, à l’instar de la subvention sur l’eau ou l’électricité ;
Que le contentieux à l’origine de l’affaire ne porte ni sur la subvention, ni sur sa légalité, mais plutôt sur le mécanisme de son remboursement et sa mise en œuvre par une entreprise à monopôle, donc en position dominante ;
Que l’intervention de l’Etat dans le jeu de la concurrence ne paraît pas seulement à l’article 88-c du Traité relatif aux aides publiques ;
Que l’article 76-c du Traité relatif aux objectifs du marché commun fait référence à « l’institution de règles communes de concurrence applicables aux entreprises publiques et privées ainsi qu’aux aides publiques » ;
Que l’article 6 du Règlement n°02/2002/CM/UEMOA, qui a trait aux pratiques anticoncurrentielles imputables aux Etats membres, fait, entre autres, interdiction auxdits Etats d’édicter ou de maintenir en ce qui concerne les entreprises publiques des mesures contraires aux règles et principes prévus par l’article 88-a et b du Traité, et que les entreprises présentant des caractères d’un monopôle fiscal sont soumises aux règles du Traité relatives à la concurrence ;
Qu’il découle de ces dispositions qu’une intervention publique peut être adossée à une infraction d’entente anticoncurrentielle (88-a) ou d’abus de position dominante (88-b) ;
Que dans cette hypothèse, les entreprises sont poursuivies pour infractions liées à l’article 88 (a) ou (b) du Traité ;
Que l’infraction relative à une aide publique implique une obligation de quantifier l’aide reçue et de pouvoir demander son reversement dans les caisses de l’Etat, lorsque celle-ci est manifestement illégale ;
Que les marqueteurs, c’est-à-dire les entreprises distributrices du gaz de la SONABHY, ne sont pas bénéficiaires de la subvention pour leur propre profit, mais juste des intermédiaires à l’octroi de l’aide au consommateur individuel ;
Qu’il n’y a pas erreur dans la qualification des faits, les bénéficiaires de la subvention étant les consommateurs ;
Qu’Il n’y a pas non plus d’aides publiques octroyées à une ou plusieurs entreprises, en raison du fait, qu’en l’espèce, la pratique en cause, « le préfinancement de la subvention », n’entraine pas une baisse des recettes publiques ; les marqueteurs préfinançant la dépense publique et se faisant rembourser par la suite par l’Etat ;
Que le mécanisme de subvention créant un avantage à certaines entreprises, comme la SODIGAZ-APC, est constitutif de pratiques contraires aux règles et principes prévus à l’article 88 (a) et (b) du Traité et l’intervention publique enregistrée ne pourrait pas s’analyser sous l’angle des aides publiques, mais plutôt sous l’angle de pratiques anticoncurrentielles imputables aux Etats ;
Que c’est à bon droit que la SONABHY, qui a participé à la mise en œuvre de cette mesure discriminatoire, est poursuivie et sanctionnée sous l’angle des abus de position dominante ;
Que l’article 76-c du Traité fait référence à l’institution de règles communes de concurrence applicables aux entreprises publiques et privées, alors que la SONHABHY est une entreprise publique qui s’est adonnée à des pratiques abusives sur le fonctionnement du gaz de butane ;
Que l’infraction est constituée au regard de l’objet et de l’effet anticoncurrentiel de la convention en date du 13 mars 2001, par laquelle la SONABHY s’est engagée à supporter le coût de la subvention sur les commandes de SODIGAZ-APC, à charge pour cette dernière de reverser ladite subvention, une fois remboursée par le Trésor public burkinabè, dans ses comptes ;
Qu’entre ces deux parties, il y a accord de volontés ou l’existence d’une entente qui limite les capacités de conquête du marché des autres acteurs, eu égard aux frais financiers supportés par ceux-ci et à la tension de trésorerie qu’engendrent les retards dans le remboursement de la subvention ;
Que la situation a favorisé la SODIGAZ-APC en lui permettant de disposer d’importantes ressources lui permettant de mettre en œuvre son plan de développement et de maintenir sa position dominante sur le marché du GPL, toutes possibilités que n’ont pas les autres distributeurs ;
Que la SONABHY, unique acteur, au Ae AQ, chargé d’importer et de stocker les hydrocarbures du fait de son monopole, par cette mise en œuvre de la politique de subvention, applique un traitement différencié à ses partenaires commerciaux ;
Que la SONABHY applique à SODIGAZ-APC des prix amputés du montant de la subvention et ne se fait rembourser qu’en cas du versement dans les caisses de cette dernière, par le Trésor public, alors que les autres distributeurs supportent la subvention et se font rembourser plusieurs mois ou années plus tard ;
Que la SONABHY n’a versé aucune pièce attestant de la cessation formelle de la pratique discriminatoire, se contentant de produire trois correspondances relatives aux modalités de mise en œuvre de la discrimination au profit de SODIGAZ-APC ;
Que la SONABHY a admis la cessation de la pratique depuis 2016, du fait d’une décision unilatérale des membres du GPP de payer leurs factures de gaz, amputées au préalable du montant de la subvention ;
Que le silence gardé par la SONABHY, face à cette attitude, ne peut s’analyser en une acception formelle et définitive, les membres du GPP n’étant pas juridiquement à l’abri d’un revirement éventuel de la SONABHY ;
Que la cessation supposée de ladite infraction est juste une circonstance atténuante dans la détermination de la sanction ;
Que l’obligation faite à la SONABHY de mettre fin formellement à la pratique incriminée est faite à bon droit et pour assurer la protection juridique de toutes les parties ;
Que la forte implication des autorités gouvernementales ne peut exonérer une entreprise en monopôle de sa responsabilité de veiller au bon fonctionnement du marché en cause ;
Que l’intervention publique constitue néanmoins une situation atténuante qui a été déjà prise en compte dans la fixation de l’amende et c’est pourquoi le montant de l’amende n’a pas été fixé en fonction du chiffre d’affaires de la SONABHY, mais en retenant plutôt le montant de cinquante millions (50 000 000) F CFA qui paraît symbolique au regard de l’infraction d’abus de position dominante ;
Qu'’il n’appartient pas aux parties incriminées de déterminer le montant de l’amende ;
Que la somme fixée est raisonnable et doit être maintenue.
Qu'elle sollicite qu’il plaise à la Cour :
En la forme :
- s’entendre dire et juger ce que de droit quant à la recevabilité du recours ;
Au fond :
- s’entendre rejeter le recours comme étant mal fondé ;
- s’entendre condamner la SONABHY aux entiers dépens ;
2°- DEMANDES ET ARGUMENTS DE LA SOCIETE DE DISTRIBUTION DE GAZ Y AO AG ARAM APC) SA
Considérant que la Société de Distribution De Gaz Y AO AG ARAM APC), dans ses mémoires en réponse et en duplique, respectivement en dates des 18 mars et 29 juin 2020, sollicite sa mise hors de cause en relevant d’une part qu’en se fondant sur les dispositions de l’article 14.3 du Règlement n°1/96/CM portant règlement de procédures,
la juridiction de céans ne peut qu’apprécier le bien-fondé de la décision rendue par la Commission de l’UEMOA contre la SONABHY et le montant de l’amende infligée et d’autre part que la Commission de l’'UEMOA n’a pas prononcé de sanction à l’encontre de SODIGAZ- APC SA ;
Qu'elle sollicite également l’irrecevabilité des moyens et le rejet de la demande de la SONABHY tendant à s’opposer à sa mise hors de cause ;
Qu’il n’appartient pas à la SONABHY de demander sa condamnation, alors que l’autorité de poursuite l’a mise hors de cause ;
Qu'elle soutient que la présente procédure vise uniquement l’appréciation du recours de la SONABHY ;
Qu’elle demande à la juridiction de céans de s’inspirer de la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne, en l’occurrence l’Arrêt Al Aa contre la Commission des Communautés Européennes du 08 février 2007, confirmé par l’Arrêt An Energia Espana AK contre la Commission Européenne du 21 janvier 2016, jugeant que la pleine juridiction du juge communautaire concerne la seule appréciation de l’amende infligée et dont le montant peut être réduit ou augmenté ;
Que la période au cours de laquelle la SONABHY a appliqué un traitement différencié à la SODIGAZ-APC et autres marqueteurs va de mars 2001 à juin 2016, alors que la Commission de l’UEMOA a retenu la période de 2001 à 2018, en estimant que la pratique incriminée est toujours en cours ;
Que la SODIGAZ ne saurait être tenue responsable d’une entente, dans la mesure où il n’est démontré l’existence d’aucun accord entre la SONABHY et la SODIGAZ, les parties n’ayant fait que respecter les instructions gouvernementales, entre 2001 et 2011 et la SONABHY s’est expressément opposée au traitement dérogatoire accordé à la SODIGAZ, entre 2011 et 2016 ;
Que c’est pour éviter une désorganisation grave du marché, pour cause de disparition de l’acteur principal, la SODIGAZ, que l’Etat a enjoint à |] SONABHY, une société d’Etat, de signer la convention incriminée selon laquelle la SODIGAZ reçoit la subvention par virements bancaires et non par chèques verts et à ne rembourser la SONABHY qu’une fois cette subvention versée par l’Etat ;
Que la SODIGAZ n’a jamais sollicité, ni exigé un traitement discriminatoire de la part de la SONABHY à qui incombe la formule de la convention incriminée ;
Que l’accord reflète la mise en œuvre d’un accord politique et non commercial entre ses signataires ;
Qu’une entente ne peut être incriminée que si elle a un objet ou un effet anticoncurrentiel ;
Qu’il n’en est pas le cas en l’espèce, car l’objectif n’était pas d’évincer les concurrents, ni de les nuire, mais de respecter une instruction gouvernementale visant à assurer la disponibilité du gaz sur le marché ;
Que l’entente n’a pas non plus pour objet d’assurer à la SODIGAZ une situation avantageuse, mais plutôt de permettre à celle-ci de ne pas avancer la subvention pour le compte de l’Etat, en raison de ce qu’elle ne pouvait matériellement appliquer le système de subvention de chèques verts, eu égard au volume commercialisé ;
Que la concurrence se joue en effet au niveau de l’achat de la bouteille de gaz par le consommateur, car le consommateur qui a consigné une bouteille de gaz auprès d’un marqueteur est obligé de charger sa bouteille auprès de celui-ci ;
Que, dans ses conditions, aucune sanction n’est appliquée aux entreprises parties à de tels accords ;
Que l’équilibre économique de la SODIGAZ dépendait entièrement du remboursement rapide de la subvention accordée par l’Etat aux consommateurs ;
Qu'en raison des volumes commercialisés et de la non-interchangeabilité des bouteilles, une incapacité de la SODIGAZ à approvisionner ses clients pouvait occasionner une pénurie sur le marché ;
Que la subvention sur le gaz, telle qu’envisagée par l’Etat burkinabè qui n’avait pas les moyens financiers suffisants pour soutenir sa politique, avait donc pour conséquence la fermeture certaine de la SODIGAZ-APC et une désorganisation grave du marché du butane ;
Que la pratique reprochée à la SODIGAZ et à la SONABHY est entièrement imputable à l’Etat burkinabè qui a imposé un traitement différencié favorable à la SODIGAZ, plutôt qu’un alignement de tous les marqueteurs sur le même régime de remboursement différé de la subvention ;
Qu’il ne s’agit pas d’une entente au sens de l’article 3 du Règlement UEMOA n°02/2002/CM/UEMOA, mais d’une simple application d’instructions gouvernementales ;
Qu'elle ne saurait être sanctionnée pour avoir appliqué un accord requis par l’Etat puis maintenu avec son approbation ;
Qu’au regard des mémoires et pièces produits, il est évident que la SONABHY serait condamnée et par conséquent condamnée aux dépens ;
Qu'elle sollicite par conséquent qu’il plaise à la Cour :
- la mettre hors de cause ;
- constater l’absence de pratiques anticoncurrentielles ;
- l’exonérer de sanctions du fait de l’intervention de l’Etat Burkinabè ;
- statuer ce que de droit sur le recours de la SONABHY ;
- statuer uniquement sur le recours de la SONABHY tendant à mettre hors de cause ou à diminuer le montant de la sanction qui lui a été infligé ;
- condamner la SONABHY aux dépens.
A- SUR LA COMPETENCE
Considérant qu’il ne ressort du dossier aucune préoccupation particulière au sujet de la compétence de la juridiction de céans, qui est un organe de contrôle juridictionnel de l’UEMOA ;
Qu’il importe néanmoins de constater :
- Quel’article 15.3 du Règlement numéro 01/96/CM portant règlement de procédures de la Cour relatif au plein contentieux de la concurrence dispose :
« …] La Cour peut être amenée à se prononcer sur les décisions et sanctions que la Commission a pu prendre contre les entreprises qui n'ont pas respecté le principe de la libre concurrence ou qui ont abusé de leur position dominante sur le marché de l'Union. Elle peut modifier ou annuler de telles décisions, réduire ou augmenter le montant des amendes et des astreintes, opérer des constatations, imposer aux entreprises des obligations » ;
- Que l’article 31 du Règlement n°3/2002/CM/UEMOA relatif aux procédures applicables aux ententes et abus de position dominante à l'intérieur de l'UEMOA, relatif aux recours juridictionnels, dispose également que :
«…] La Cour de Justice de l'UEMOA apprécie la légalité des décisions prises par la Commission en vertu du présent règlement dans les conditions prévues au Protocole Additionnel N°1 relatif aux Organes de contrôle de l'Union.
En vertu de l'article 8 du Protocole précité, le recours en appréciation de la légalité est ouvert aux Etats membres et au Conseil. Ce recours est également ouvert à toute personne physique ou morale contre tout acte lui faisant grief.
Conformément aux dispositions de l'article 15 alinéa 3 du Règlement N° 1/96/CM/UEMOA du 05 juillet 1996, la Cour de Justice statue, avec compétence de pleine juridiction, sur les recours intentés contre les décisions par lesquelles la Commission fixe une amende ou une astreinte. Elle peut modifier ou annuler les décisions prises, réduire ou augmenter le montant des amendes et des astreintes ou imposer des obligations particulières » ;
Qu’il ressort de ces dispositions que compétence est parfaitement attribuée à la juridiction de céans, en la présente cause introduite par une requête tendant à l’annulation d’une décision rendue par la Commission de l’UEMOA en matière de concurrence ;
Qu’il y a lieu de se déclarer compétente ;
B- SUR LA RECEVABILITE
Considérant que la Commission de l’'UEMOA a posé la question de la recevabilité du recours, par rapport à la date d’introduction de la requête ;
Qu’il convient de constater que l’article 31 du Règlement n°3/2002/CM/UEMOA du 22 mai 2002, relatif aux procédures applicables aux ententes et abus de position dominante à l’intérieur de l'UEMOA dispose que :
«…] La Cour de Justice de l'UEMOA apprécie la légalité des décisions prises par la Commission en vertu du présent règlement dans les conditions prévues au Protocole Additionnel N°1 relatif aux Organes de contrôle de l'Union.
Qu'en vertu de l'article 8 du Protocole précité, le recours en appréciation de la légalité est ouvert aux Etats membres et au Conseil. Ce recours est également ouvert à toute personne physique ou morale contre tout acte lui faisant grief...] ;
Que selon l’article 8 du Protocole Additionnel N°1 relatif aux Organes de contrôle de l'Union ainsi visé : « …] Le recours en appréciation de la légalité est ouvert, en outre, à toute personne physique ou morale, contre tout acte d'un organe de l'Union lui faisant grief. Les recours prévus au présent article doivent être formés dans un délai de deux (2) mois à compter de la publication de l'acte, de sa notification au requérant, ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance » ;
Qu'il ressort de la lecture combinée des dispositions qui précèdent qu’un délai de deux (02) mois est fixé, pour l’exercice d’un recours en annulation d’une décision de sanction rendue par la Commission, en matière de plein contentieux de la concurrence ;
Considérant que la requête de la SONABHY est parvenue au Greffe de la Cour de Justice de l’'UEMOA, le 12 février 2020, et enregistrée le même jour, alors que la décision querellée lui a été notifiée, le 12 décembre 2019 ;
Que la computation des délais en droit de la concurrence UEMOA est régie par l’article 69 du Règlement n°1/96/CM portant règlement de procédures de la Cour de Justice de l’UEMOA qui dispose, entre autres, que «/…] si un délai exprimé en jour, en semaines, en mois ou en années est à compter à partir du moment où survient un événement ou s'effectue un acte, le jour au cours duquel survient cet événement où se situe cet acte n’est pas compté dans le délai.[…] lorsqu’un délai est exprimé en mois et en jours, il est d’abord tenu compte des mois entiers, puis des jours ; [.… » ;
Qu'en l’espèce, le délai est exprimé en mois ;
Que le jour de notification de la décision querellée étant le jeudi 12 décembre 2019, le premier jour du délai est alors le lendemain, vendredi 13 décembre 2019, tandis que le dernier jour est le jeudi 13 février 2020 ;
Qu’il ressort du dossier que la requête de la SONABHY est déposée et enregistrée au Greffe de la Cour, le 12 février 2020 ;
Qu’Il y a donc lieu de déclarer ladite requête recevable ;
C- SUR LE FOND
Considérant que la SONABHY sollicite :
- l’annulation de la Décision de la Commission n°08/2019/COM/UEMOA en date du 05 novembre 2019 ;
A défaut :
- la mise en cause de la SODIGAZ-APC, en raison de l’infraction prévue par le point a de l’article 88 du Traité de l’'UEMOA qui interdit de plein droit les accords, associations et pratiques concertées entre entreprises ayant pour objet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur de l’union ;
- la réduction de l’amende au minimum légal de cinq cent mille (500 000) F CFA ;
1- SUR L’ANNULATION DE LA DECISION ATTAQUEE
Considérant que la SONABHY évoque, au soutien de la demande d’annulation, cinq moyens, en l’occurrence :
- l’erreur dans la qualification juridique des faits ;
- la mauvaise application des dispositions de l’article 88 (a et b) du Traité de l’UEMOA ainsi que de l’article 22.2 du Règlement n°3-2002-CM-UEMOA relatif aux procédures applicables, aux ententes et abus de position dominante, à l’intérieur de l’UEMOA ;
- la violation des dispositions de l’article 88 (a et b) du Traité de l’'UEMOA ainsi que l’article 22.2 du Règlement n°3-2002-CM-UEMOA relatif aux procédures applicables, aux ententes et abus de position dominantes à l’intérieur de l’'UEMOA ;
- la contrariété de motifs ;
- la disparition de l’objet de la saisine de la Commission ;
a)- Sur le premier _moyen tiré de l’erreur dans la qualification juridique des faits
Considérant qu’à ce sujet, la SONABHY évoque trois griefs :
e Sur le premier grief ayant trait à 1’ ‘’application erronée de l’article 88-b””
Considérant que la requérante prétend que l’abus de position dominante dans le secteur du GPL lui a été imputé à tort, en raison de ce que l’article 88-b ne fait nullement cas de l’intervention d’une personne de droit public ;
Considérant que l’article 88-b, évoqué, interdit « toutes pratiques d'une ou de plusieurs entreprises, assimilables à un abus de position dominante sur le marché commun ou dans une partie significative de celui-ci » ;
Que la Note 1 de l’Annexe n° 1 au Règlement n° 03/2002/cm/UEMOA relatif aux procédures applicables aux ententes et abus de position dominante à l'intérieur de l'UEMOA dispose, entre autres, que :
« Dans l'application de la législation communautaire de la concurrence, la notion d'entreprise se définit comme une organisation unitaire d'éléments personnels, matériels, et immatériels, exerçant une activité économiqu , à titre onéreux, de manière durable, indépendamment de son statut juridique, public ou privé, et de son mode de financement, et jouissant d’une autonomie de décision…] » ;
Qu’il s’ensuit que le statut d’entreprise publique de la SONABHY ne l’exonère pas de la poursuite sur le fondement de l’article 88-b du Traité modifié de l'UEMOA qui interdit aux entreprises toutes pratiques assimilables à un abus de position dominante, sur le marché commun ou dans une partie significative de celui-ci ;
Qu’à la lumière de ce qui précède, il y a donc lieu de rejeter ce grief de la requérante ;
e Sur le deuxième grief ayant trait à la non-application de l’article 88-C du Traité par la Commission
Considérant que la requérante prétend que les dispositions de l’article 88-c du Traité de l’UEMOA sont afférentes aux aides publiques susceptibles de fausser la concurrence, pour avoir retenu dans sa décision de condamnation « … / la forte implication des autorités burkinabé dans la réalisation des pratiques incriminées » ;
Que le préfinancement de la subvention des achats de gaz de la SODIGAZ-APC relève plus des aides publiques susceptibles de fausser la concurrence, que des pratiques d’une ou de plusieurs entreprises, assimilables à un abus de position dominante sur le marché commun ;
Considérant que l’article 88-c du Traité modifié de l'UEMOA dispose que sont interdites de plein droit : « les aides publiques susceptibles de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions » ;
Que si dans la présente affaire, il est indéniable que l’Etat du Ae AQ, dans la mise en œuvre de sa politique de lutte contre la désertification, accorde des subventions de prix aux achats du produit « gaz de pétrole liquéfié » (GPL) ou gaz butane, il est établi que les véritables bénéficiaires desdites subventions sont en réalité les consommateurs dudit produit et non les marqueteurs ou entreprises distributrices du gaz de la SONABHY qui ne sont juste que des intermédiaires à l’octroi de l’aide au consommateur final ;
Qu’il apparaît que lesdites subventions de prix ne sauraient être prises comme des « aides publiques susceptibles de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions » au point de nécessiter l’application des dispositions de l’article 88-c du traité modifié ;
Qu'il ressort d’ailleurs du dossier que ce n’est ni la subvention du prix de gaz par l’Etat du Ae AQ, ni sa légalité qui sont en cause, mais plutôt le mécanisme de remboursement de la subvention et sa mise en œuvre par la SONABHY ;
Que la SONABHY étant une entreprise en situation de monopole, donc en position dominante, est auteur de pratiques anticoncurrentielles, toutes choses nécessitant l’application de l’article 88-b ;
Que c’est donc à bon droit que la Commission a fait recours à l’article 88-b et non à l’article 88-c du Traité modifié ;
Qu’il s’ensuit que ce deuxième grief manque de pertinence et mérite d’être rejeté ;
e Sur le troisième grief ayant trait à l’imputation à l’Etat burkinabè de la pensée et de la mise en place du mécanisme prohibé
Considérant que la requérante prétend que la SONABHY n’a été qu’un exécutant ayant agi sur instructions et ordre de l’Etat du Ae AQ, par les soins du Ministre du Commerce, son Ministre de tutelle technique et de gestion ;
Considérant que le fait pour une entreprise de poser des actes sur instructions d’une tierce personne, fut-ce son autorité de tutelle, ne peut constituer une immunité pour des actes de violation de ses obligations en matière de concurrence ;
Qu’il appartient à l’entreprise en cause d’apprécier, au préalable, par rapport à ses obligations, si lesdits actes tombaient ou non sous le coup de la loi, avant de les poser ;
Que l’entreprise devrait assumer ses actes s’il s’avère que ceux-ci tombaient sous le coup de la loi ;
Qu’en d’autres termes, un commandement d’une autorité, fut-elle de tutelle, ne peut exonérer du respect des obligations communautaires, notamment celles afférentes à l’interdiction de pratiques anticoncurrentielles ;
Qu’il convient par conséquent de rejeter ce troisième grief.
Qu'’au total, il ressort de tout ce qui précède, que la décision attaquée n’est entachée d’erreur dans la qualification juridique des faits ; que ce premier moyen doit être sans conteste rejeté ;
du règlement n°3-2002-CM-UEMOA
Considérant que la requérante prétend que le seul fautif dans cette affaire est en réalité l’Etat burkinabè et qu’il y a violation du principe de la responsabilité personnelle et de la personnalité des peines qui exclut toute responsabilité du fait d’autrui en matière répressive ;
Que le préfinancement est équivalent à un prêt sans intérêt consenti par l’Etat burkinabè, à l’intérieur de l’UEMOA ; ce qui inspire « une violation du principe constitutionnel de la légalité de délits » ;
Considérant qu’au soutien de ces deux moyens, la SONABHY évoque trois griefs à savoir que :
- l’aide est octroyée aux entreprises et non aux consommateurs individuels, mais aussi qu’elle est susceptible de conférer un avantage à une entreprise qu’est la SODIGAZ et que la mise en œuvre de la subvention du gaz butane, à l’initiative de l’Etat burkinabè, fausserait la concurrence ;
- le seul fautif dans cette affaire est l’Etat burkinabè et qu’il y a violation du principe de la responsabilité personnelle et de la personnalité des peines qui exclut toute responsabilité du fait d’autrui en matière répressive ; le préfinancement étant équivalent à un prêt sans intérêt consenti par l’Etat burkinabè ;
- l’exigence du principe de la légalité des délits et des peines, violée par la commission de l’UEMOA qui a sanctionné, sans texte, un fait nouveau ou inédit, l’acte de la SONABHY pouvant être qualifié de sui generis et nécessitant l’édiction de textes spécifiques ;
Considérant qu’il a été déjà conclu que la subvention du prix du gaz butane constitue une aide qui profite en réalité aux consommateurs de gaz du Ae AQ et non aux entreprises de distribution dudit produit qui ne sont que des intermédiaires à l’octroi de l’aide ;
Que du fait que lesdits distributeurs n’en tirent manifestement aucun avantage, il s’ensuit que la subvention du prix de gaz, par l’Etat du Ae AQ, n’est pas en cause et n’affecte, ni ne fausse la concurrence ;
Que par conséquent, affirmer qu’il y a violation du principe de la responsabilité personnelle, de la personnalité des peines, ou de la légalité des délits, par rapport aux poursuites enclenchées contre la SONHABHY, manque de pertinence ;
Qu’il convient alors de rejeter l’ensemble des trois griefs ;
Qu’il s’ensuit que ces deuxième et troisième moyens ne peuvent qu’être rejetés ;
c)- Sur les quatrième et cinquième moyens tirés respectivement de la Contrariété de motifs et de la disparition de l’objet de la saisine de la Commission
Considérant que la requérante évoque, au soutien de ces moyens, le grief commun selon lequel la Commission de l’UEMOA a été saisie et l’a condamnée pour des pratiques qu’elle l’invite à cesser, alors que lesdites pratiques ont déjà cessé, les membres du GPP ayant décidé d’autorité et unilatéralement de payer leurs factures de gaz, amputées au préalable de ce qui correspond au montant de subvention, depuis juin 2016 ;
Qu'’il ne peut être mis fin à une discrimination qui a disparu ;
Considérant qu’à supposer que des comportements qualifiés de pratiques concurrentielles aient disparu dans le temps, l’auteur des faits ne peut exciper de la disparition des comportements en cause, pour revendiquer le bénéficie de l’impunité ;
Que des faits de pratiques anticoncurrentielles qui ont cessé n’échappent point à la poursuite, dès lors que ces faits sont constitutifs d’infractions et qu’ils ne sont pas frappés de prescription ;
Qu’il y a lieu de rejeter ces quatrième et cinquième moyens ;
Considérant, qu’au total, relativement à l’examen de la demande d’annulation de la décision attaquée, il ressort du dossier que la SONABHY est une Société anonyme d’Etat qui bénéficie d’un monopole légal sur l’importation, le stockage et le conditionnement des hydrocarbures liquides et gazeux ;
Que dans ces conditions, elle est dans une position dominante en matière de fourniture des hydrocarbures liquides et gazeux au Ae AQ ;
Qu'il ressort également du dossier que, dans le cadre de ses relations commerciales avec ses clients, la SONABHY s’est engagée à appliquer à la SODIGAZ-APC des prix amputés du montant de la subvention de prix, accordée par l’Etat burkinabè aux consommateurs, et ne se fait rembourser qu’en cas du versement du montant dans les caisses de la SODIGAZ- APC par le Trésor public ;
Que les autres distributeurs supportent cependant la subvention et se font rembourser plusieurs mois ou années plus tard ;
Qu'’il apparaît que, par ce comportement, la SONABHY a favorisé la SODIGAZ-APC en lui permettant de disposer d’importantes ressources sur le marché du GPL, toutes possibilités que n’ont pas les autres distributeurs, tous concurrents de la SODIGAZ-APC ;
Que dans ces conditions, ces derniers sont soit contraints de supporter des frais financiers plus ou moins élevés, soit privés de ressources correspondant au montant des subventions dont le remboursement est retardé, par rapport à eux seuls ;
Qu’il s’agit d’une application de traitement différencié à des partenaires commerciaux ;
Que ce traitement différencié est de nature à fausser le jeu de la concurrence sur le marché du GPL, à l’intérieur de l’Union ;
Qu’il constitue, pour une entreprise jouissant du monopole, en matière de fourniture des hydrocarbures liquides et gazeux, au Ae AQ, une pratique anticoncurrentielle, en l’occurrence l’infraction d’abus de position dominante, interdite par l’article 88-b du Traité modifié de l’UEMOA ;
Que c’est à bon droit que la Commission de l’UEMOA a constaté et retenu cette infraction à la charge de la requérante ;
Qu’à la lumière des considérations qui précèdent, il convient = de rejeter la demande d’annulation de la décision attaquée ;
2- SUR LA MISE EN CAUSE DE SODIGAZ-APC
Considérant que la SONABHY a formé à ce sujet une demande ambigüe en affirmant d’une part, qu’en raison de l’infraction prévue par le point a de l’article 88 du Traité de l’UEMOA qui interdit de plein droit les accords, associations et pratiques concertées entre entreprises ayant pour objet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur de l’union, « la SODIGAZ ne saurait être mise hors de cause » ;
Que d’autre part, elle soutient par la suite que « cette infraction ne pourrait cependant être retenue ni contre la SONABHY, ni contre la SODIGAZ-APC », parce que l’accord, exigé pour l’application dudit article, n’a jamais existé et qu’il s’agit d’une aide d’Etat faussant la concurrence en favorisant la seconde, telle que prévue par le point c de l’article 88 ;
Que malgré l’ambiguïté de la demande, la SODIGAZ-APC a répliqué en demandant qu’il plaise à la juridiction de céans la mettre hors de cause et l’exonérer de sanctions du fait de l’intervention de l’Etat burkinabé ;
Considérant qu’il convient de constater qu’en l’espèce, la poursuite et la condamnation de la SONABHY, dans la décision attaquée, sont fondées uniquement sur les dispositions afférentes à l’abus de position dominante, en l’occurrence l’article 88 (b) du Traité de l'UEMOA et ses textes d'application ;
Que par la demande de mise en cause de la SODIGAZ APC SA, la requérante demande en réalité à la Cour d’engager, en lieu et place de la Commission, une nouvelle poursuite contre cette société sur le fondement de l’article 88-a ;
Que conformément à l’article 15.3 du Règlement numéro 01/96/CM portant règlement de procédures de la Cour, relatif au plein contentieux de la concurrence, la mission de la juridiction de céans n’est pas d’engager une poursuite en lieu et place de la Commission, mais plutôt de « …] se prononcer sur les décisions et sanctions que la Commission a pu prendre contre les entreprises qui n'ont pas respecté le principe de la libre concurrence ou qui ont abusé de leur position dominante sur le marché de l'Union » ;
Que par conséquent, il y a lieu, en cette affaire, de rejeter la demande de mise en cause de la SODIGAZ APC SA ;
3- SUR LA REDUCTION DU MONTANT DE L’AMENDE
Considérant que la SONABHY demande, à défaut de l’annulation de la décision attaquée, la réduction du montant de l’amende au minimum légal de cinq cent mille (500 000) F CFA ;
Qu’au soutien de cette demande, la requérante évoque quatre griefs à savoir que :
- la SONABHY n’est pas à l’initiative du mécanisme et n’en est pas responsable ;
- aucun avantage de la pratique incriminée n’est tiré par la SONABHY ;
- la pratique incriminée a cessé depuis 2016 ;
- la forte implication des autorités burkinabè est relevée par la Commission ;
e SUR LE GRIEF TENANT AU FAIT QUE LA SONABHY N’EST PAS A L’INITIATIVE DU MECANISME ET N’EN EST PAS RESPONSABLE
Considérant que la requérante demande la réduction du montant de l’amende par le fait qu’elle n’est pas à l’initiative du mécanisme et n’en serait pas responsable ;
Considérant que s’il est vrai qu’il ressort du dossier que c’est le Ministère du Commerce de l’Etat du Ae AQ qui a instruit la SONABHY à appliquer à la SODIGAZ-APC un régime particulier, à travers la conclusion, le 13 mars 2001, d’un contrat de préfinancement de la subvention ;
Qu’il est aussi vrai que la SONABHY n’est censée ignorer la loi ou la norme communautaire UEMOA, notamment ses dispositions interdisant les pratiques anticoncurrentielles ;
Qu’avant d’exécuter une instruction de l’autorité de tutelle, la SONABHY devrait s’assurer au préalable que ladite instruction ne viole pas la norme communautaire de l’'UEMOA, en l’occurrence les règles afférentes à la libre concurrence ;
Que pour ne l’avoir pas fait, et pour avoir volontairement mis en œuvre le mécanisme de la subvention ainsi décidé par son autorité de tutelle, la SONABHY ne peut exciper de sa propre turpitude, pour ne pas assumer les conséquences de son comportement qui fausse le jeu de la concurrence, à l'intérieur de l'Union ;
Qu'’ainsi, ce premier grief manque de pertinence et il convient de le rejeter ;
e SUR LE GRIEF TENANT A L’INEXISTENCE D’AVANTAGE TIRE DE LA PRATIQUE INCRIMINEE
Considérant que la SONABHY demande la réduction du montant de l’amende, en prétendant qu’elle n’a tiré aucun avantage de la pratique incriminée ;
Considérant qu’en l’espèce, l’amende est la sanction de l’infraction d’abus de position dominante mise à la charge de la SONABHY ;
Que pour la constitution de cette infraction, il faut la réunion de deux conditions : d’une part la position dominante résultant du monopole dont jouit la SONABHY et d’autre part l’abus, en l’espèce le traitement différencié de partenaires commerciaux, faussant le jeu de la concurrence sur le marché du GPL à l’intérieur de l’Union ;
Que l’abus est apprécié de manière objective et concrète et se suffit à lui-même, dès lors qu’il porte atteinte aux règles de la libre concurrence ;
Qu’il est de ce fait détaché de toute autre considération ;
Qu’il y a donc lieu de rejeter ce deuxième grief ;
e SUR LE TROISIEME GRIEF TENANT A LA CESSATION DE LA PRATIQUE INCRIMINEE
Considérant que la SONABHY demande la réduction du montant de l’amende qui lui est infligée, au motif que la pratique qui lui est reprochée aurait cessé, depuis 2016 ;
Considérant que même si la Commission, dans ses écritures, s’est opposée à Cette réduction, en affirmant que « contrairement à ses allégations, la SONABHY n’a versé au dossier de la Cour, aucune pièce attestant de la cessation formelle de la pratique discriminatoire…] » ;
Que néanmoins la décision attaquée dispose, en son point 136 : « Considérant que la période de 2001 à juin 2016 a été retenue comme période de référence au cours de laquelle les pratiques incriminées ont été mises en œuvre » ;
Qu’il est donc manifeste qu’il y a en réalité une concordance entre l’année de la cessation évoquée par la requérante et la borne supérieure du champ temporel de l’infraction constatée dans la décision attaquée ;
Qu’il s’ensuit que ce troisième grief manque de pertinence et mérite d’être rejeté ;
e SUR LE QUATRIEME GRIEF TENANT A LA FORTE IMPLICATION DES AUTORITES BURKINABE
Considérant que la SONABHY demande la réduction du montant de l’amende qui lui est infligée, en raison de la forte implication des autorités burkinabè, relevée par la Commission ;
Considérant que s’il est vrai que la requérante a agi sur instructions de son autorité de tutelle et que cela ne l’exonère pas de la responsabilité de l’infraction d’abus de position dominante mise à sa charge ;
Qu’il est aussi vrai que la SONHABY est une société d’Etat qui ne se serait pas rendue coupable de cette infraction, en l’absence des instructions de son autorité de tutelle ;
Que dans la décision attaquée, la Commission de l’UEMOA a relevé au point 137 « …] la forte implication des autorités burkinabè dans la réalisation des pratiques incriminées » et qu’elle en a tenu compte, selon ses écritures, pour fixer le montant de l’amende à cinquante millions (50.000.000) francs ;
Que selon l’article 22.2 du Règlement n°3/2002/CM/UEMOA relatif aux procédures applicables aux ententes et abus de position dominante, à l'intérieur de l'UEMOA, il peut être infligé, à une entreprise coupable d’abus de position dominante, une amende d’un montant de 500.000 F CFA à 100.000.000 F CFA et que ce montant peut être porté à dix pour cent du chiffre d'affaires réalisé, au cours de l'exercice social précédent de ladite entreprise ou dix pour cent de ses actifs, lorsque l’infraction est commise de propos délibéré ou par négligence ;
Que pour déterminer le montant de l'amende, il faut prendre en considération, outre la gravité de l'infraction, la durée de celle-ci ;
Que selon les dispositions de l’article 15.3 du Règlement n° 1/96/CM portant Règlement de procédures de la Cour de Justice de l'UEMOA, la Cour de justice peut « se prononcer sur les décisions et sanctions que la Commission a pu prendre contre les entreprises qui n'ont pas respecté le principe de la libre concurrence ou qui ont abusé de leur position dominante sur le marché de l'Union. Elle peut modifier ou annuler de telles décisions …] réduire ou augmenter le montant des amendes […] » infligées à l’entreprise coupable d’abus de position dominante ;
Que tenant compte des éléments du dossier, notamment de ce que la réalisation des pratiques incriminées a été facilitée par un facteur étranger, en l’occurrence les instructions de l’autorité de tutelle de la requérante, la juridiction de céans trouve raisonnable le montant de l’amende fixé à la somme de cinquante millions (50.000.000) de francs CFA, par la Commission ;
Qu’il convient de rejeter la demande de réduction de l’amende ;
4- SUR LA NATURE DE LA DECISSION
Considérant que conformément à l’article 80 du Règlement n° 1/96/CM portant règlement de procédures de la Cour, lorsqu’un « défendeur, régulièrement mis en cause, ne répond pas à la requête dans les formes et délais prescrits », la Cour rendra un arrêt de défaut contre lui ;
Qu’en l’espèce, deux parties défenderesses, en l’occurrence le Groupement Professionnel des Pétroliers (GPP) et l’Etat du Ae AQ, à qui la requête et les différentes écritures des autres parties ont été régulièrement notifiées, n’ont produit aucun mémoire ;
Qu’il y a lieu de statuer par défaut à leur égard ;
5- SUR LES DEPENS
Considérant qu’aux termes de l’article 60 du Règlement n° 1/96/CM portant règlement de procédures de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens ;
Que la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de la Société Nationale Burkinabé d’Hydrocarbures (SONABHY), de la Commission de l’Union Economique et Monétaire Ouest Y ARA) et de la Société de Distribution de AL AO AG Z (SODIGAZ APC), puis par défaut à l’égard du Groupement Professionnel des Pétroliers ( GPP) et de l’Etat du Ae AQ, en matière de droit communautaire et en recours en annulation de décision de plein contentieux de la concurrence ;
EN LA FORME :
- se déclare compétente ;
- déclare la requête de la Société Nationale Burkinabè d’Hydrocarbures (SONABHY) recevable ;
AU FOND :
- déboute la Société Nationale Burkinabè d’Hydrocarbures (SONABHY) de toutes ses demandes ;
- condamne la Société Nationale Burkinabé d’Ag ARAP) aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique à B les jour mois et an que de dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier.
Suivent les signatures illisibles.
Pour expédition certifiée conforme
B, le 21 mai 2021
Pour le Greffier
Le Greffier-Adjoint
Hamidou YAMEOGO
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Synthèse
Numéro d'arrêt : 02/2021
Date de la décision : 19/05/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;uemoa;cour.justice;arret;2021-05-19;02.2021 ?
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