ARRÊT
N°01/2021
DU 19 mai 2021
Recours préjudiciel N°RP 20 RP005 du 24
avril 2020, introduit par la Cour de Cassation du Af Ag
Parties au principal :
B Aa, YAMEOGO Jean- Ae Ai, SEBEGO Désiré, ZONGO = Nabonswindé Barthélémy et LAMIEN Ahmed Faso (Me Bénéwendé S. SANKARA, Me Prosper FARAMA, Me Seydou R. YAMBA)
Contre
Le Conseil de l’Ordre des Avocats du
Af Ag (scp A Ad)
Composition de la Cour :
M. Daniel A. TESSOUGUE, Président
M. Euloge AKPO, Juge
Mme Joséphine S. EBAH TOURE, Juge rapporteur
Mme Victoire El. ALLAGBADA, 1€ Avocat Général
Me Hamidou YAMEOGO, Greffier d’audience EXTRAIT DES MINUTES DU GREFFE
COUR DE JUSTICE DE L’UNION
ECONOMIQUE ET MONETAIRE OUEST
AFRICAINE (UEMOA)
AUDIENCE PUBLIQUE DU 19 MAI 2021
La Cour de Justice de l’'UEMOA, réunie en audience publique ordinaire, le dix-neuf (19) mai deux mille-vingt-un (2021), à laquelle siégeaient :
M. Daniel Amagoin TESSOUGUE, Président ;
M. Euloge AKPO, Juge ;
Mme Joséphine Suzanne EBAH TOURE, Juge rapporteur ;
en présence de Mme Victoire Eliane ALLAGBADA, Avocat Général ;
avec l’assistance de Me Hamidou YAMEOGO, Greffier d’audience ;
En réponse au recours préjudiciel enregistré au Greffe de la Cour de céans sous le N°RP 20 RP005 du 24 avril 2020, introduit par la Cour de Cassation du Af Ag, dans la cause opposant au principal :
B Aa, A Ah Ai, SEBEGO | Désiré, ZONGO Nabonswinde Barthélémy et LAMIEN Ahmed, Avocats stagiaires, ayant pour conseils Maître Bénéwendé Stanislas SANKARA, Maître Prosper FARAMA et Maître Seydou Roger YAMBA, Demandeurs d’une part ;
Au
Conseil de l’Ordre des Avocats du Af Ag, ayant pour conseil la Société Civile Professionnelle A Ad, Défendeur d’autre part ;
A rendu l’arrêt dont la teneur suit :
LA COUR
VU le Traité de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine en date du 10 janvier 1994, tel que modifié le 29 janvier 2003 ;
VU le Protocole Additionnel n°1 relatif aux Organes de contrôle de l’UEMOA ;
VU l’Acte additionnel n°10/96 du 10 mai 1996 portant Statuts de la Cour de Justice de l’UEMOA ;
VU le Règlement n°01/96/CM du 05 juillet 1996 portant Règlement de procédures de la Cour de Justice de l’'UEMOA ;
VU le Règlement n°01/2012/CJ du 21 décembre 2012 relatif au Règlement administratif de la Cour de Justice de l’'UEMOA ;
VU le Procès-Verbal n°02/2016/CJ du 26 mai 2016 relatif à la prestation de serment et à l’installation des membres de la Cour de Justice de l'UEMOA ;
VU le Procès-Verbal n°2019-08/A1/02 du 28 mai 2019 relatif à la désignation du Président de la Cour et à la répartition des fonctions au sein de la Cour ;
VU le Procès-Verbal n°2019-09/AP/07 du 03 juin 2019 relatif à l’installation du Président de la Cour de Justice de l’UEMOA ;
VU l’Ordonnance n°050/2020/CJ du 21 octobre 2020 portant fixation des jours des Assemblées de la Cour de Justice de l’'UEMOA ;
VU l’ordonnance n°08/2021/CJ du 17 mars 2021 portant composition de formation plénière devant siéger en audience publique ordinaire du 07 avril 2021 ;
VU l’ordonnance n°13/2021/CJ du 03 mai 2021 portant composition de formation plénière devant siéger en audience publique ordinaire du 19 mai 2021 ;
VU le renvoi préjudiciel de la Cour de Cassation du Af Ag, enregistré au Greffe de la Cour de Justice de l’UEMOA le 24 avril 2020, sous le numéro 20 RP005 ;
VU les observations écrites des parties au principal, de la Commission de l’'UEMOA, du Bénin, du Niger, du Sénégal, du Togo ;
VU les convocations adressées aux parties au principal ;
VU les autres pièces du dossier ;
OUÏ le Juge rapporteur en son rapport ;
OUÏ le conseil des requérants au principal en ses observations orales ;
CONSIDERANT que le conseil du défendeur au principal n’a pas comparu ;
OUÏ l’Avocat Général en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément au droit communautaire :
I. Faits et procédure
e Faits du litige principal
Considérant qu’ayant passé avec succès, au mois d’avril 2017, l’examen du Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat (CAPA), organisé par le Barreau du Af, les demandeurs B Aa A Ah Ai, SEBEGO Désiré, ZONGO Nabonswindé Barthélémy et LAMIEN Ahmed, tous Avocats-stagiaires, ont demandé au Bâtonnier de l’Ordre des Avocats leur admission au stage du barreau ;
Que par la suite, le Conseil de l’ordre des Avocats a fait droit à leur requête par délibération, n°011/2017 du 21 juillet 2017 et a fixé la durée de leur stage à trois ans, pour compter de leur prestation de serment, en application de l’article 27 du Règlement n°05/CM/UEMOA relatif à l’harmonisation des règles régissant la profession d’avocat dans l’espace UEMOA ;
Qu’estimant qu’ils ne peuvent être soumis au régime de stage prévu par ledit Règlement, B Aa et les quatre (4) autres ont saisi la juridiction d’appel paritaire de la Cour d’appel de Ab afin d’obtenir une infirmation partielle de la délibération du Conseil de l’Ordre, notamment voir annuler l’article 4 de ladite délibération fixant la durée du stage à trois ans et l’entendre fixer cette durée à deux ans, en application de l’article 34 de la loi 016-2000 portant règlementation de la profession d’avocat au Af Ag ;
Que la juridiction paritaire ayant rejeté la demande et confirmé en toutes ses dispositions la délibération attaquée, les requérants ont introduit un pourvoi en cassation et ont sollicité qu’il soit ordonné, avant-dire droit, un renvoi préjudiciel devant la Cour de justice de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) pour une interprétation de l’article 27 du Règlement n°05 du 25 septembre 2014 relatif à l’harmonisation des règles régissant la profession d’avocat dans l’espace UEMOA ;
° Procédure préjudicielle
Considérant que la Cour de céans a été saisie par la Cour de Cassation du Af Ag d’un renvoi préjudiciel, enregistré le 24 avril 2020, sous le numéro 20 RP005, aux fins de répondre à la question de savoir si l’application de l’article 27, du Règlement n°5/CM/UEMOA, du 25 septembre 2014, relatif à l’harmonisation des règles régissant la profession d’avocat dans l’espace UEMOÀA, est subordonnée à la prise préalable du règlement d’exécution et de l’acte d’application prévus successivement aux articles 23 et 29 du même règlement ;
Considérant que les notifications ont été effectuées par le Greffe, suivant courriers du 27 avril 2020, conformément à l’article 27-1 du Règlement administratif de la Cour, aux parties en litige, au Conseil des Ministres, au Président de la Commission et aux Etats du Af Ag, du Bénin, de la Côte d’ivoire, de la Guinée-Bissau, du Mali, du Niger, du Sénégal et du Togo ;
Considérant que la Cour de Justice a respectivement reçu les observations :
- des parties au principal, les 25 et 26 juin 2020 ;
- de la Commission de l'UEMOA, le 14 mai 2020 ;
- du Togo, le 1” juin 2020 ;
- du Niger, le 30 juin 2020 ;
- du Bénin, le 02 juillet 2020 ;
- et du Sénégal, le 16 juillet 2020 ;
II. Résumé des observations
e Observations des parties au principal
Considérant que les requérants au principal soutiennent, dans leurs observations écrites développées par leurs conseils Maître Bénéwendé Stanislas SANKARA, Maître Prosper FARAMA et Ac Seydou Roger YAMBA, que de 2000 à 2013, l’accès à la profession d’Avocat était régi par la loi 016-2000 portant règlementation de la profession d’avocat au Af Ag et le décret 2006-426 du 13 septembre 2000 portant organisation de la profession d’Avocat ;
Qu’ils ajoutent que ces textes ont institué un examen du Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat (CAPA) et un stage d’avocat d’une durée de deux (2) ans ;
Qu’ils relèvent qu’en 2014 est intervenu le décret n°2014- 580/PRES/PM/MJ/MEF/MESS/MFPTSS/MJFPE portant création du centre de formation professionnelle des Avocats du Af Ag (CFPA-B), pris en application de l’article 34 de la loi portant règlementation de la profession d’Avocat au Af Ag ;
Que ce décret prévoit deux conditions pour participer à l’examen du Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat (CAPA) :
- réussir à l’examen d’entrée au CFPA-B ;
- suivre une formation théorique et pratique de 18 mois (réduit à 12 mois par le décret 2017- 0542 du 3 juillet 2017 portant modification des statuts du Centre de formation professionnelle des Avocats ;
Considérant que les requérants exposent que c’est dans ce contexte légal, auquel s’ajoute l’adoption du Règlement n°5/CM/UEMOA, du 25 septembre 2014, qu’ils ont, courant année 2015, été reçus à l’examen d’entrée au CFPA-B ;
Qu’ils ajoutent, qu’à l’issue d’une formation de 18 mois au CFPA-B, ils ont passé, avec succès, l’examen du Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat (CAPA), organisé courant avril 2017, uniquement sur la base des dispositions nationales, avant de solliciter leur inscription sur la liste de stage du Barreau du Af Ag ;
Qu’ils estiment, qu’en lieu et place de l’article 27, du Règlement n°5 de l’UEMOA qui prévoit une durée de stage de trois (3) ans, c’est la loi nationale qui prévoit une durée de stage de deux (2) ans qui leur est applicable, dans la mesure où ils ont été reçus au CAPA, organisé sous l’égide de la loi 016-2000 ;
Que par ailleurs, ils soutiennent que l’on ne peut interpréter l’article 27 du Règlement n°5 précité de façon isolée sans égard aux normes édictées par les articles 23, 24, 26 et 29 de ce Règlement n°5 ;
Considérant que le défendeur au principal, le Bâtonnier, représentant le Conseil de l’Ordre, et ayant comme conseil la Société Civile Professionnelle A Ad expose, après avoir rappelé les principes fondamentaux de droit communautaire notamment, le principe de primauté, que dans la mesure où les deux textes sont divergents sur la durée du stage, ce sont les dispositions de l’article 27 du règlement n°5 qui l’emportent sur l’article 34 de la loi burkinabè ;
Qu’il ajoute que l’inexistence d’un acte sur la formation initiale et continue des Avocats par le législateur UEMOA ne rend pas les dispositions du Règlement n°5 sur la durée et les conditions du stage incomplètes ;
Qu’il estime que les dispositions de ce règlement sont claires, précises, complètes juridiquement parfaites et inconditionnelles en ce sens qu’elles n’ont pas besoin d’une autre précision pour être applicables ;
Qu’il conclut, en conséquence, que le stage est d’une durée de trois ans à compter de l’inscription au tableau et de la prestation de serment ;
Que pour finir, il sollicite le rejet de toute prétention à voir les dispositions de la loi burkinabè sur la profession d’Avocat régir le stage des requérants, étant donné que cette loi, antérieure au règlement, lui est contraire, de par la durée de deux ans qu’elle prévoit au lieu des trois ans prévus par le Règlement ;
° Observations de la Commission de l'UEMOA
Considérant que la Commission de l’UEMOA, dans ses observations, reçues le 14 mai 2020, rappelle qu’une loi est applicable dès lors qu’elle est suffisamment précise et qu’elle n’a pas fait dépendre son application de la prise d’aucun autre texte ;
Qu'elle estime que c’est le cas de l’article 27 fixant la durée du stage d’avocat à trois ans ;
* Observations des Etats
Considérant que l’Etat du Togo soutient, dans ses observations, reçues le 19 juin 2020, que d’une part, le Conseil de l’Ordre du Barreau du Af et la Cour d’appel ont fait une bonne interprétation de l’article 27, et d’autre part, que la Cour de justice devrait délibérer dans le même sens en faisant prévaloir la primauté de la législation communautaire sur le droit national ;
Considérant que l’Etat du Niger, dans ses observations, reçues le 30 juin 2020, développe qu’on ne peut prendre en compte les dispositions internes du Af Ag dans la mesure où, d’une part, l’article 92 du Règlement n°5, sus-évoqué, énonce que « le présent Règlement abroge et remplace toutes les dispositions antérieures contraires » et que, d’autre part, l’article 6 du Traité de l’'UEMOA dispose que « les actes arrêtés par les organes de l'Union pour la réalisation des objectifs du présent Traité et conformément aux règles et procédures instituées par celui-ci, sont appliqués dans chaque Etat membre nonobstant toute législation nationale contraire, antérieure ou postérieure » ;
Considérant que l’Etat du Bénin, dans ses observations, reçues le 2 juillet 2020, relève que l’article 27 n’est en rien subordonné à la prise préalable du règlement d’exécution précisant les modalités de délivrance du CAPA ou du règlement d’application définissant les conditions et modalités de la formation initiale ;
Considérant que l’Etat du Sénégal, dans ses observations, reçues au greffe le 16 juillet 2020, expose qu’aux termes de l'article 43 alinéa 1 du Traité modifié de l’'UEMOA les règlements ont une portée générale et sont obligatoires dans tous leurs éléments et directement applicables dans les Etat membres ;
Que l’Etat du Sénégal précise que, si les articles 4, 23, 29 et 38 du Règlement n°5 susvisé prévoient, pour leur application, que des actes d’exécution soient pris, il en est autrement de l’article 27 qui ne subordonne pas son entrée en vigueur à cela ;
Qu’il conclut que la réserve tirée de l’article 24 alinéa 4 n’a aucune incidence sur la durée du stage fixée à trois ans et considère que l’application de l’article 27 n’est pas subordonnée à la prise préalable du règlement d’exécution et de l’acte d’application prévus successivement aux articles 23 et 29 du même règlement ;
° Sur la forme
Considérant qu’aux termes de l’article 27 de l’Acte Additionnel N°10/96, du 10 mai 1996 portant Statuts de la Cour de Justice de l'UEMOA, « La Cour est compétente pour connaître notamment (..) du recours à titre préjudiciel tel que prévu à l’article 12 du Protocole Additionnel n°1 » ;
Que cet article 12 du Protocole additionnel n°1 prévoit que « La Cour de Justice statue à titre préjudicionnel sur l'interprétation du Traité de l'Union, sur la légalité et l'interprétation des actes pris par les organes de l'Union, sur la légalité et l'interprétation des statuts des organismes créés par un acte du Conseil, quand une juridiction nationale ou une autorité à fonction juridictionnelle est appelée à en connaître à l'occasion d'un litige. Les juridictions nationales statuant en dernier ressort sont tenues de saisir la Cour de Justice. La saisine de la Cour de Justice par les autres juridictions nationales ou les autorités à fonction juridictionnelle est facultative » ;
Considérant que l’article 15.6 du Règlement N°01/96/CM portant Règlement de procédures de la Cour de Justice reprend l’article précité en disposant que « Lorsqu'un problème d’interprétation du Traité de l’Union, de la légalité et d’interprétation des actes pris par les organes de l’Union, de la légalité et d'interprétation des statuts des organismes créés par actes du Conseil, se pose devant une juridiction nationale dont les décisions sont susceptibles de recours, cette juridiction peut, si elle l'estime nécessaire poser des questions préjudicielles à la Cour.
Lorsqu'une question de même nature est soulevée devant une juridiction nationale statuant en dernier ressort, celle-ci est obligée de saisir la Cour » ;
Considérant qu’aux termes de l’article 28 du Règlement administratif de la Cour de justice de l’UEMOA, « la Cour, délibérant sur le renvoi préjudiciel, vérifie sa propre compétence. » ; Qu’en l’espèce, la question porte sur des dispositions de la règlementation de la profession d’avocat dans l’espace UEMOA, notamment celles de l’article 27 du Règlement n°05 du 25 septembre 2014 relatif à l’harmonisation des règles régissant la profession d’avocat dans l’espace UEMOA ;
Qu’il s’agit donc d’un recours en interprétation d’une norme communautaire, introduit par une juridiction nationale statuant en dernier ressort, en l’occurrence la Cour de cassation du Af Ag ;
Que par conséquent, il ne se pose pas de problème particulier, ni de compétence, ni de recevabilité formelle ;
- Cadre juridique de la question préjudicielle
Considérant que la première initiative d’encadrement communautaire de la profession d’avocat a abouti à l’adoption du Règlement n°10/06/CM/UEMOA du 25 juillet 2006 relatif à la libre circulation et à l’établissement des avocats ressortissants de l’Union au sein de l’espace UEMOA ;
Considérant dès lors que les barrières de nationalité ont été dépassées, avec la possibilité pour chaque avocat de l’'UEMOA de s’installer dans n’importe quel Etat de l’Union, il n’était ni possible de maintenir le caractère national des règles qui régissent l’entrée, l’exercice et la sortie de la profession d’avocat, ni judicieux de faire régir le statut des avocats de l'UEMOA par des normes différentes ;
Que c’est ainsi que le Règlement N°05/CM/UEMOA du 25 septembre 2014, relatif à l’harmonisation des règles régissant la profession d’avocat dans l’espace UEMOA, a été adopté ;
Considérant qu’aux termes de l’article 91 dudit texte, « demeurent applicables les dispositions des législations et règlementations nationales des Etats membres qui ne sont pas contraires au présent Règlement » ;
Que ceci implique par conséquent que les normes régissant les barreaux au plan national demeurent applicables tant qu’elles ne sont pas contraires audit règlement ;
Considérant que selon l’article 27 du Règlement relatif à l’harmonisation des règles régissant la profession d’avocat dans l’espace UEMOA : « Sous réserve des dispositions de l’article 24 alinéa 4 du présent Règlement, la durée du stage est de trois (3) ans effectifs. Elle peut, exceptionnellement, être prorogée deux (2) fois d’une année sur la demande du stagiaire ou si le Conseil de l'Ordre estime que le stagiaire n’a pas satisfait aux obligations résultant des prescriptions de l’article 26 du présent Règlement. Le stagiaire doit être entendu par le Conseil de l'Ordre avant la prorogation de son stage » ;
Que les dispositions de l’article 23 de ce Règlement indiquent qu’« Il est institué un examen pour l'obtention du Certificat d'Aptitude à la Profession d’Avocat (C.A.P.A.).
Un Règlement d'exécution précisera les modalités de délivrance du Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat (C.A.P.A.) » ;
Considérant enfin que les dispositions de l’article 29 précisent que : « La formation professionnelle initiale et continue est obligatoire pour tout Avocat inscrit dans un des Barreaux de l’espace UEMOA, suivant les conditions et modalités définies dans un acte pris en application du présent Règlement et les règlements intérieurs des différents Barreaux » ;
Considérant que dans cette affaire, la question préjudicielle est ainsi libellée : l’application de l’article 27 du Règlement n°5/CM/UEMOA du 25 septembre 2014 relatif à l’harmonisation des règles régissant la profession d’Avocat dans l’espace UEMOA est-elle subordonnée à la prise préalable du règlement d’exécution et de l’acte d’application prévus successivement aux articles 23 et 29 du même règlement ?
Qu’il s’agit de savoir si l’application des dispositions de l’article 27 du Règlement n°05 est assujettie à l’adoption d’autres textes ? Qu’autrement dit, il s’agit de savoir si l’article 27 est d’application immédiate et sans conditions ? ;
- Réponse de la Cour à la question préjudicielle
Considérant que les requérants, Avocats-stagiaires, réclament le bénéfice des dispositions de l’article 34 de la loi portant règlementation de la profession d’Avocat au Af Ag, lesquelles prévoient un stage d’une durée de deux (2) ans, alors que le Règlement n°5/CM/UEMOA 25 septembre 2014 relatif à l’harmonisation des règles régissant la profession d’Avocat dans l’espace UEMOA, en son article 27, prévoit une durée de trois (3) ans ;
Que si l’obtention du CAPA et les modalités de formation initiale et continue des Avocats sont assujetties à la prise de règlements d’exécution (lesquels textes ont finalement été adoptés en 2019 suivant Règlement d’exécution N°001/2019/COM/UEMOA relatif au Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat dans l’espace UEMOA et Règlement d’exécution N°002/2019/COM/UEMOA relatif à la formation initiale et continue des avocats inscrits dans un des barreaux de l’espace UEMOA), la durée du stage, par contre, a été réglementée par le législateur communautaire UEMOA de manière précise, notamment à trois (3) ans effectifs ;
Que la Cour de céans a eu l’occasion de rappeler, dans son arrêt N°005/2020 du 08 juillet 2020, que le Traité de l'UEMOA a institué un ordre juridique propre, intégré au système juridique des Etats membres lors de son entrée en vigueur et qui s'impose à leurs juridictions ;
Que cette particularité pour le droit de l'UEMOA est décrite dans l'article 6 du Traité de l’UEMOA en ces termes : « Les actes arrêtés par les organes de l'Union pour la réalisation des objectifs du présent Traité et conformément aux règles et procédures instituées par celui- ci, sont appliqués dans chaque Etat membre nonobstant toute législation nationale contraire, antérieure ou postérieure » ;
Qu’aussi, les Etats ont le devoir de veiller à ce qu'une norme de droit national incompatible avec une norme de droit communautaire qui répond aux engagements qu'ils ont pris, ne puisse pas être valablement opposée à celle-ci ;
Qu'’ainsi, le juge national, en présence d'une contrariété entre le droit communautaire et une règle de droit interne, devra faire prévaloir le premier sur la seconde en appliquant l'un et en écartant l’autre ;
Qu’en outre, au sens de l'article 43 alinéa 1 du Traité de l'UEMOA, « les règlements ont une portée générale. Ils sont obligatoires dans tous leurs éléments et sont directement applicables dans tout Etat membre » ;
Qu’en tout état de cause, le Règlement n°05/CM/UEMOA du 25 septembre 2014, entré en vigueur le 1° janvier 2015, compte tenu de ses caractéristiques intrinsèques, se suffit à lui- même et n'exige aucune autre conditionnalité pour être appliqué de façon préférentielle à toute norme interne ;
Que par ailleurs, l'article 92 dudit règlement « abroge et remplace toutes dispositions antérieures contraires » ;
Que cette mention expresse rappelle, à juste titre, le caractère non invocable des dispositions du droit interne antérieur régissant le même domaine, contrairement à l'analyse faite par les demandeurs, avocats-stagiaires ;
Que ce faisant, la règle nationale incompatible reste inapplicable et le juge national ainsi que les autorités nationales ont l'obligation de l'écarter ;
Qu’en conséquence, l’application de l’article 27 sus-évoqué n’est subordonnée à aucune condition ;
e Sur les dépens
Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 86 in fine du Règlement de procédure de la Cour, « Il appartient à la juridiction nationale de statuer sur les dépens de la procédure préjudicielle » ;
Que par conséquent, la compétence pour statuer sur les dépens est du ressort de la juridiction de renvoi, en l’occurrence la Cour de Cassation du Af Ag ;
PAR CES MOTIFS :
Statuant sur la question préjudicielle soumise par la Cour de Cassation du Af Ag, suivant renvoi enregistré le 24 avril 2020 ;
EN LA FORME :
- se déclare compétente ;
- déclare recevable le présent recours préjudiciel ;
AU FOND :
- dit que les dispositions de l’article 27 du Règlement n° 05/CM/UEMOA du 25 septembre 2014, relatif à l’harmonisation des règles régissant la profession d’Avocat dans l’espace UEMOA, sont applicables directement et sans conditions, nonobstant le défaut d’adoption du règlement d’exécution et de l’acte d’application prévus successivement aux articles 23 et 29 dudit Règlement ;
- renvoie à la Cour de Cassation du Af Ag pour statuer sur les dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique à Ab les jour mois et an que de dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier.
Suivent les signatures illisibles.
Pour expédition certifiée conforme
Ab, le 21 mai 2021
Pour le Greffier
Le Greffier-Adjoint
Hamidou YAMEOGO