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18/12/2013 | UEMOA | N°02/2013

UEMOA | UEMOA, Cour de justice, 18 décembre 2013, 02/2013


Texte (pseudonymisé)
ARRÊT
N°02/2013
DU 18 DECEMBRE 2013
Recours en indemnisation
Af Bienvenu
(Me Batibié BENAO)
Contre
La Commission de ’UVEMOA
(Me Harouna SAWADOGO)
Composition de la Cour :
- M. Daniel L. FERREIRA, Président
- M. Ousmane DIAKITE, Juge
- Mme Léontine M. F. ZOMBRE ZIDA, Juge
Mme Seynabou NDIAYE DIAKHATE, 1er Avocat Général
Fanvongo SORO, Greffier EXTRAIT DES ps MINUTES DU GREFFE
COUR DE JUSTICE
DE L’UNION ECONOMIQUE ET MONETAIRE
OUEST C XA)
AUDIENCE PUBLIQUE
DU DIX-HUIT (18) DECEMBRE DEUX MIL TREIZE (2013)>La Cour de Justice de l’UEMOA, réunie en audience ordinaire le dix-huit (18) décembre deux mil treize (2013), à laque...

ARRÊT
N°02/2013
DU 18 DECEMBRE 2013
Recours en indemnisation
Af Bienvenu
(Me Batibié BENAO)
Contre
La Commission de ’UVEMOA
(Me Harouna SAWADOGO)
Composition de la Cour :
- M. Daniel L. FERREIRA, Président
- M. Ousmane DIAKITE, Juge
- Mme Léontine M. F. ZOMBRE ZIDA, Juge
Mme Seynabou NDIAYE DIAKHATE, 1er Avocat Général
Fanvongo SORO, Greffier EXTRAIT DES ps MINUTES DU GREFFE
COUR DE JUSTICE
DE L’UNION ECONOMIQUE ET MONETAIRE
OUEST C XA)
AUDIENCE PUBLIQUE
DU DIX-HUIT (18) DECEMBRE DEUX MIL TREIZE (2013)
La Cour de Justice de l’UEMOA, réunie en audience ordinaire le dix-huit (18) décembre deux mil treize (2013), à laquelle siégeaient :
Monsieur Daniel Lopes FERREIRA, Président de la Cour, Président ;
Monsieur Ousmane DIAKITE ;
et Madame Léontine Marie Florence
ZOMBRE ZIDA, Juges, Membres ;
en présence de Madame Seynabou NDIAYE DIAKHATE, Premier Avocat Général ;
avec l’assistance de Maître Fanvongo SORO, Greffier ;
a rendu l’arrêt contradictoire dont la teneur
suit :
ENTRE :
M. Ad Af, ex Comptable à la Commission de l'UEMOA, de nationalité béninoise, domicilié en l’étude de son conseil, Maître Batibié BENAO, Avocat inscrit au Barreau du Ab Ag, 01 BP 6042 Aa, Tél. 50 31 05 64/50, Fax 50 31 05 65,
Demandeur, d’une part ;
ET La Commission de l’Union Economique et Monétaire Ouest C XA), 380 Av. du Pr Joseph KI-ZERBO 01 BP 543 Aa 01 Ab Ag, Tél. (+226) 50 31 88 73 à 76, ayant pour Agent Monsieur Ac B et pour conseil Maître Harouna SAWADOGO, Avocat inscrit au Barreau du Ab Ag, 01 BP 4091 Aa 01,
Défenderesse, d’autre part ;
Page 1 sur 13 LA COUR :
VU la requête de Monsieur Ad Af, en date du huit (08) octobre deux mil dix
VU le mémoire en défense de la Commission de l’'UEMOA en date du dix-sept (17) janvier deux mil onze (2011) ;
VU les autres pièces produites et jointes au dossier ;
VU le Traité de l'UEMOA ;
VU le Protocole additionnel n°1 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA ;
VU l’Acte additionnel n°10/96 du dix (10) mai mil neuf cent quatre-vingt-seize (1996) portant Statuts de la Cour de Justice de l’UEMOA ;
VU le Règlement n°01/95/CM du premier (1°) août mil neuf cent quatre-vingt-quinze (1995) portant Statut des Fonctionnaires de l’UEMOA ;
VU le Règlement n°01/96/CM du cinq (05) juillet mil neuf cent quatre-vingt-seize (1996) portant Règlement de procédures de la Cour de Justice de l'UEMOA;
VU le Règlement n°01/2012/CJ du vingt un (21) décembre deux mil douze (2012) portant Règlement administratif de la Cour de Justice de l’UEMOA ;
VU l’ordonnance n°29/2013/CJ du onze (11) novembre deux mil treize (2013) portant composition de la formation plénière devant siéger à l’audience publique ordinaire du dix-huit (18) décembre deux mil treize (2013) ;
VU les convocations adressées aux parties ;
ouï Madame Léontine Marie Florence ZOMBRE ZIDA, Juge rapporteur, en son rapport ;
ouï Maître Batibié BENAO en ses observations orales ;
ouï Monsieur Ac B, Agent de la Commission, en ses observations orales ;
ouï le cabinet Harouna SAWADOGO en ses observations orales ;
ouï Madame Seynabou NDIAYE DIAKHATE, Premier Avocat Général, en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément au droit communautaire ;
Page 2 sur 13 I. …— FAITS ET PROCEDURE
Considérant que par requête en date du huit (08) octobre deux mil dix (2010), enregistrée au Greffe de la Cour de Justice de l’Union Economique et Monétaire Ouest C XA) sous le numéro 007/2010 le même jour, Monsieur Ad Af, par l’entremise de son Conseil, Maître Batibié BENAO, Avocat à la Cour d’Appel de Aa a introduit un recours en indemnisation contre la décision n°0039/2010/PCOM du Président de la
Commission de l’UEMOA qui le licenciait ;
Qu’à l’appui de sa requête, il expose qu’ayant été recruté en qualité de comptable par décision n°034/99/PC/UEMOA du neuf (09) février mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf (1999) de la Commission de l’UEMOA, il a occupé successivement plusieurs fonctions :
- affecté au secrétariat permanent du Comité Interparlementaire de l’UEMOA sis à Bamako au Mali, en août deux mil six (2006) ;
- régisseur de la caisse d’avance pour le paiement des dépenses de fonctionnement,
auprès du Comité Interparlementaire de l’'UEMOA de février deux mil sept (2007) au vingt-deux (22) juin deux mil neuf (2009) ;
Considérant qu’à la suite d’un audit comptable sur la gestion des caisses dudit Comité Interparlementaire couvrant les exercices de deux mil sept (2007) à deux mil neuf (2009), en date du vingt-cinq (25) juin deux mil neuf (2009), des irrégularités ont été décelées, notamment un déficit de caisse d’un montant de un million neuf cents cinquante-neuf mille cinq cent (1 959 500) FCFA qui lui a été imputé ;
Considérant que ces faits ont conduit successivement au relèvement de Monsieur Ad Af dès le vingt-deux (22) juin deux mil neuf (2009) et à son remplacement par un régisseur intérimaire et à sa mutation à la Direction des Fonds et du Budget de la Commission par note de service n°268/2009/DSAF/DRH du dix-huit (18) août deux mil neuf (2009) ;
Qu’il fera l’objet d’une suspension provisoire assortie d’une privation totale de son traitement qui s’est étalée du quatorze (14) octobre deux mil neuf (2009) au cinq (05) mars deux mil dix (2010) ;
Qu’après son audition devant le Comité Consultatif de Discipline de l’'UEMOA en présence de Maitre Y. Georges SOME, son avocat-conseil, en sa séance des onze (11) et douze (12) janvier deux mil dix (2010), cette instance proposait le licenciement de Monsieur Ad Af à titre de sanction comme le confirme le contenu du procès-verbal dudit Comité du douze (12) janvier deux mil dix (2010) ;
Considérant que suivant décision n°0039/2010/PCOM/UEMOA du trois (03) mars deux mil dix (2010), le Président de la Commission procédait au licenciement de Monsieur Ad Af pour fautes lourdes avec prise d’effet pour compter du quatorze (14) janvier deux mil dix (2010) ;
Page 3 sur 13 Considérant que Monsieur Ad Af soutient à l’appui de ses prétentions que cette décision de licenciement a violé les dispositions des articles 74, 76, 80 et 86 du Règlement n°01/95/CM du premier (1°) août mil neuf cent quatre-vingt-quinze (1995) portant Statut des
Fonctionnaires de l’UEMOA en ce que :
- d’une part, la Commission ne lui a pas communiqué « un dossier complet » pour lui permettre d’assurer sa défense devant le Conseil de discipline et,
- d’autre part, que la proposition de licenciement soumise par le Commissaire chargé du Département des Services Administratifs et Financiers est illégale en ce que celle-ci relève de la compétence du Directeur des Ressources Humaines ;
Qu'’enfin, il affirme que la décision attaquée procède d’une appréciation inexacte des faits et manque de motifs sérieux, les fautes qui lui sont reprochées étant de simples erreurs de passation d’écritures inhérentes à toute fonction de Comptable ;
Considérant qu’en se fondant sur les moyens précités, le requérant dans ses conclusions demande à la Cour de Justice de l’UEMOA de :
- déclarer sa requête recevable en la forme ;
- déclarer son licenciement abusif au fond et ;
- condamner la Commission à lui payer :
e deux millions huit cents soixante-quatre mille quatre cents quarante-quatre (2 864 444) F CFA au titre des traitements de la période du quatorze (14) janvier deux mil dix (2010) au cinq (05) mars deux mil dix (2010) ;
e deux millions sept cents dix-huit mille quatre cents soixante-deux (2 718 462) F CFA au titre des traitements des mois d’octobre, novembre et décembre 2009 ;
e trois millions deux cents soixante-deux mille cent cinquante-cinq (3 262 155) F CFA à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
e Cinquante un millions quatre cents vingt un mille huit cents soixante-huit
(51 421 868) F CFA à titre de dommages et intérêts ;
- mettre les entiers dépens à la charge de la Commission ;
Considérant que par l’intermédiaire de son agent, Monsieur Ac B assisté de son conseil, Maitre Harouna SAVADOGO, la Commission de l'UEMOA dans son mémoire en défense relève que le licenciement de Monsieur Ad Af est régulier tant dans sa forme qu’au fond en ce qu’il a suivi tout le processus édicté par les articles 76, 80 et 86 du Règlement n°01/95/CM du premier (1“) août mil neuf cent quatre-vingt-quinze (1995) portant
Statut des Fonctionnaires de l’UEMOA ;
Qu'elle allègue en effet que, contrairement aux argumentaires et moyens soulevés par le requérant, ses droits à la défense n’ont nullement été violés, dans la mesure où Monsieur
Ad Af a été assisté de son avocat tout au long du Conseil de discipline comme le prescrit l’article 78 in fine précité du Règlement n°01 du Statut des Fonctionnaires de l’UEMOA ;
Page 4 sur 13 Qu'en outre, contrairement aux arguments de Monsieur Ad Af, la proposition de son licenciement faite par le DSAF relève de ses attributions conformément à l’article 76 du même Statut ;
Que la Commission de l’UEMOA conclut à ce qu’il plaise à la Cour de :
- déclarer le licenciement de Monsieur Ad Af légitime ;
- rejeter tous ses moyens et prétentions ;
- le débouter de toutes ses réclamations pécuniaires ;
- et le condamner aux dépens de l’instance.
IL MOTIVATION DE LA COUR
A) EN LA FORME
1) Sur la compétence de la Cour de Justice de l'UEMOA
Considérant que Monsieur Ad Af et la Commission de l’'UEMOA ne contestent pas la compétence de la Cour de Justice de l'UEMOA pour connaître du présent recours, l’objet qui lui est soumis entrant dans son champ de compétence tel que spécifié par les articles :
- 16 du Protocole additionnel n° 01 relatif aux Organes de contrôle de l’UEMOA ;
- 27 de l’Acte additionnel n°10/96 du dix (10) mai mil neuf cent quatre-vingt-seize
(1996) portant Statuts de la Cour de Justice de l’'UEMOA ;
- 15, paragraphe 4 du Règlement n° 01/96/CM du cinq (05) juillet mil neuf cent quatre-
vingt-seize (1996) portant Règlement de procédures de la Cour de Justice de
l’UEMOA ;
- 112 du Règlement n°01/95/CM du premier (1“") août mil neuf cent quatre-vingt-quinze
(1995) portant Statut des Fonctionnaires de l’UEMOA ;
Considérant que la compétence de la Cour en l’espèce est consacrée par les articles 16 du Protocole additionnel n°01 relatif aux Organes de contrôle de l’'UEMOA et 112 du Règlement n°01/95/CM du premier (1°) août mil neuf cent quatre-vingt-quinze (1995) portant Statut des fonctionnaires de l’UEMOA ;
Que sans commentaire particulier, la compétence de la Cour pour connaître du recours en indemnisation introduit pour licenciement abusif par Monsieur Ad Af contre la Commission de l’'UEMOA est établie ;
Page 5 sur 13 2) Sur la recevabilité du recours en indemnisation
Considérant qu’il est important de souligner de prime abord que les faits soumis à l’appréciation de la Cour, se sont déroulés entre deux mil neuf (2009) et le quatorze (14) janvier deux mil dix (2010) ;
Qu’à cet égard, il est primordial de préciser que c’est le Règlement n°01/95/CM portant Statut des Fonctionnaires de l’'UEMOA qui demeure d’application dans le présent recours, bien que celui-ci ait été abrogé et remplacé par le Règlement n°07/2010/CM portant Statut des fonctionnaires de l’'UEMOA en vigueur depuis le dix (10) octobre deux mil dix (2010) ;
Considérant que Monsieur Ad Af a saisi le Comité Consultatif Paritaire d’Arbitrage d’un recours administratif le six (06) avril deux mil dix (2010) à l’effet d’obtenir l’annulation de la décision de licenciement préconisée par le Comité Consultatif de Discipline ;
Que ledit Comité étant resté silencieux plus de quatre (04) mois après la saisine du requérant, ledit silence s’interprète comme un rejet implicite au sens de l’article 111 alinéa 1 du Règlement n°01/95/CM du Statut des Fonctionnaires de l’UEMOA ;
Que Monsieur Ad Af en introduisant le présent recours contentieux devant la Cour de Justice le huit (08) octobre deux mil dix (2010), date butoir des deux (02) mois imposée par l’article 112 du même Règlement N°01/95/CM précité, ce dernier demeure dans les délais francs de la procédure fondée sur le « Dies ad quem et le Dies a quo » ;
Considérant en outre, que Monsieur Ad Af s’est acquitté du versement de la caution de trente mille (30 000) F CFA, en application des articles 31 de l’Acte additionnel et 26 alinéa 6 du Règlement de procédures de la Cour de Justice de l’UEMOA ainsi que de l’Ordonnance n°14/2010 du vingt-six (26) janvier deux mil dix (2010) du Président de ladite Cour ;
Qu’il y a lieu par conséquent de déclarer le recours en indemnisation pour cause de licenciement abusif introduit par Monsieur Ad Af recevable en la forme ;
B) AU FOND
1) Sur la violation des articles 76 et 86 du Règlement n°01/95/CM du premier (1°") octobre mil neuf cent quatre-vingt-quinze (1995) portant Statut des Fonctionnaires de l'UEMOA.
Considérant que Monsieur Ad Af conteste la régularité de la proposition de son licenciement faite par le Commissaire chargé du Département des Services Administratifs et Financiers (DSAF) en ce qu’elle viole l’article 76 suscité ;
Que par contre, la Commission de l’UEMOA estime que ladite suggestion relève des attributions dudit Commissaire et non du Directeur des Ressources Humaines comme le
prétend le requérant ;
Page 6 sur 13 Considérant qu’il résulte de ladite disposition querellée que « les sanctions de second degré sont prononcées par l'autorité investie du pouvoir de nomination, sur proposition de l'autorité chargée de la gestion des ressources humaines et après avis du comité consultatif de discipline » ;
Considérant que la proposition de licencier Monsieur Ad Af a été prise par le Commissaire chargé du Département des Services Administratifs et Financiers comme le précise la lettre n°09139/DSAF/DRH du trente (30) décembre deux mil neuf (2009) ;
Considérant que Monsieur Ad Af conteste la compétence dudit Commissaire dans ce domaine et allègue que ladite proposition aurait dû émaner du Directeur des Ressources Humaines qui demeure l’autorité investie de la gestion des ressources humaines au sein de la Commission de l’UEMOÀA, au sens de l’article 76 précité ;
Considérant cependant qu’à l’analyse de la décision n°0157/2007/PCOM/UEMOA du vingt- trois (23) février deux mil sept (2007) portant Création et Organisation des Services de la Commission de l’'UEMOA et de la décision n°0343/2008/PCOM/UEMOA du vingt-six (26) décembre deux mil huit (2008) portant Organisation du Département des Services Administratifs et Financiers, le Directeur des Ressources Humaines est placé sous l’autorité du Commissaire en charge du Département des Services Administratifs et Financiers
Considérant que le fonctionnement dudit Département (DSAF) donne à observer que le Directeur des Ressources Humaines n’est qu’un collaborateur du Commissaire qui détient la réalité du pouvoir en ce qui concerne les propositions de décisions relatives au personnel de la commission ;
Que l’article 9 de la décision n°0343 précitée indique d’ailleurs que « le Directeur des Ressources Humaines est responsable du bon fonctionnement et de l’ensemble des services de la direction. A ce titre, il :
- oriente et coordonne les activités desdits services ;
- initie les études et projets de textes communautaires relevant du domaine de compétence de la direction » ;
Que dès lors, pour une sanction disciplinaire de second degré, la proposition de licenciement à l’autorité investie du pouvoir de nomination ne peut émaner que du Commissaire assurant la suprématie hiérarchique sur le Directeur des ressources humaines ;
Que c’est donc à bon droit que le Commissaire en charge du Département des Services Administratifs et Financiers a fait la proposition de licenciement de Monsieur Af au Président de la Commission ;
Considérant d’autre part, que Monsieur Ad Af a bel et bien été entendu par le Comité Consultatif de Discipline de la Commission de l’UEMOA en présence de son avocat- défenseur, Maitre Georges Y. SOME comme l’atteste le procès-verbal dudit comité du douze (12) janvier deux mil dix (2010) ;
Page 7 sur 13 Que la Cour rejette ce moyen de violation des droits de la défense soulevé par le requérant comme inopérant ;
Considérant qu’en ce qui concerne la violation de l’article 86 du Statut des Fonctionnaires de l’UEMOA qui énonce que « le licenciement doit respecter les règles prescrites par l’article 76 précité », l’analyse du contenu de l’article 76 démontre que la Commission a obéi aux dites prescriptions que sont : l’audition du travailleur, la défense de sa cause devant le Comité Consultatif de Discipline en présence de son conseil, en l’occurrence Maitre SOME Y. Georges, le recours administratif gracieux devant le Comité Paritaire d’Arbitrage ;
Que la Cour écarte ce moyen soulevé par Monsieur Ad Af comme étant infondé et déclare que les formes prescrites en matière de licenciement ont été exécutées à bon escient par la Commission de l’'UEMOA ;
2) Sur la violation de l’article 78 in fine du Règlement n°01/95/CM du premier (1°”) août mil neuf cent quatre-vingt-quinze (1995) portant Statut des Fonctionnaires de l'UEMOA.
Considérant que les droits de la défense dans le cadre de la fonction publique communautaire de l’UEMOA sont régis par l’article 78 alinéa 3 du Règlement n°01/95 sus cité qui dispose que « le fonctionnaire a le droit à la communication de son dossier. Il peut présenter sa défense devant le comité et se faire assister le cas échéant, par un conseil » ;
Considérant que sur le moyen tiré de cette prescription, le fonctionnaire doit impérativement avoir communication de son dossier et être assisté facultativement par un conseil lors de sa comparution devant le Comité Consultatif de Discipline ;
Qu'en l’espèce, il résulte de l’analyse du procès-verbal de la réunion du Comité Consultatif de Discipline des sept (07) et onze (11) janvier deux mil dix (2010), que Monsieur Ad Af a bénéficié de l’assistance d’un conseil, en l’occurrence Maître Y. Georges SOME, Avocat à la Cour d’Appel de Aa, qui y a défendu sa cause ;
Que d’ailleurs, Monsieur Ad Af affirme lors desdites séances de discipline avoir « reçu un dossier complet » composé de toutes les pièces afin de se défendre, toute assertion qui s’avère contraire à ce moyen soulevé par le même requérant ;
Considérant que l’Audit dont il s’agit est un audit interne qui s’est opéré sur la comptabilité couvrant les exercices comptables de deux mil sept (2007) à deux mil neuf (2009) ;
Considérant que cette mission visait à vérifier la conformité de la situation de caisse du Comité Interparlementaire aux règles financières établies par la Commission de l'UEMOA dont Monsieur Ad Af en était le Régisseur ;
Que ces contrôles de vérification comptable ne nécessitaient ni la présence physique de Monsieur Ad Af encore moins son concours, l’Audit de gestion pouvant être une opération unilatérale spontanée de vérification et de contrôle de la comptabilité et de la disponibilité des comptes du requérant ;
Page 8 sur 13 Que la Cour rejette cet autre moyen de défense soulevé par Monsieur Ad Af comme étant inopérant ;
3) Sur la violation de l’article 80 du Règlement n°01/95/CM du premier (1°”) août mil neuf cent quatre-vingt-quinze (1995) portant Statut des Fonctionnaires de
Considérant que l’article 80 du Règlement ci-dessus cité dont l’application fait l’objet de controverse dispose : « dans les cas graves ou requérant une urgence particulière, l'autorité compétente peut, avant la saisine du Comité ou avant l’avis de celui-ci, prononcer la suspension provisoire du fonctionnaire, assortie éventuellement d’une privation partielle ou totale de son traitement pour une période n’excédant pas trois mois … » ;
Que cette règle doit s’analyser sous deux (02) angles : l’angle de l’opportunité de la suspension provisoire d’une part, et celui de la durée de ladite suspension d’autre part ;
Considérant qu’en ce qui concerne les circonstances de la mise en œuvre d’une suspension d’un agent, l’autorité compétente peut invoquer, soit l’urgence des mesures conservatoires à prendre, soit la gravité des faits reprochés au fonctionnaire pour prononcer sa suspension provisoire dont la durée ne peut excéder trois (03) mois ;
Qu’en ce qui concerne le premier aspect dudit article, la Commission ayant caractérisé les faits imputés à Monsieur Af de suffisamment graves, a fondé sa décision sur la gravité des faits nécessitant des mesures conservatoires à prendre pour préserver les intérêts du Comité Interparlementaire et non sur une mesure d’urgence requise ;
Considérant que l’évaluation de la gravité des manquements constatés par le Comité de Discipline à la charge de Monsieur Ad Af et le choix de la sanction relèvent du pouvoir d’appréciation discrétionnaire du Président de la Commission de l’'UEMOA, seule autorité investie du pouvoir de nomination ;
Qu’en l’espèce, Monsieur Ad Af n’a produit aucun élément de fait ou de droit susceptible d’établir que cette appréciation serait sans rapport avec les fautes qui lui sont reprochées ou que la sanction imposée serait disproportionnée auxdits manquements ;
Qu'en ce qui concerne donc ce premier aspect de l’article 80, il n’y a eu aucune irrégularité susceptible de remettre en cause la gravité de la faute professionnelle commise par le requérant ;
Considérant par contre que sur le volet de la durée de la suspension infligée à Monsieur Ad Af, celle-ci s’est étalée d’octobre deux mil neuf (2009) au cinq (05) mars deux mil dix (2010), soit une durée supérieure au délai de trois (03) mois prescrit par le même article 80 ; ladite suspension s’avère irrégulière ;
Que de surcroit, la Commission ne conteste pas le dépassement du délai légal en déclarant avoir versé au salarié son traitement pour la durée excédentaire de suspension ;
Page 9 sur 13 Que bien que la preuve dudit paiement ne transparait sur aucune des pièces fournies par la Commission, ledit paiement ne peut exonérer ni exempter la Commission de la violation opérée sur la durée légale de la suspension qu’elle-même a prescrite dans son Règlement ;
Qu'en l’espèce, la Cour déclare la durée de la suspension infligée à Monsieur Ad Af irrégulière ;
Considérant qu’à ce titre, Monsieur Ad Af réclame la réparation de ce préjudice subi du fait du dépassement de la durée légale de sa suspension par la Commission, par le paiement de son traitement salarial couvrant la période du quatorze (14) janvier deux mil dix (2010) au cinq (05) mars deux mil dix (2010) ;
Que la preuve dudit paiement n’a pas été rapportée par la Commission de l’'UEMOA tant dans les pièces déposées lors de la procédure écrite que lors des débats en phase orale de l’instance en date du vingt-sept (27) novembre deux mil treize (2013) ;
Qu'il sied de recevoir ce moyen soulevé par Monsieur Ad Af comme étant bien fondé et condamner la Commission de l’UEMOA à payer au requérant la somme de deux millions huit cents soixante-quatre mille quatre cents quarante-quatre (2 864 444) F CFA représentant la rémunération de la période supplémentaire de suspension et couvrant la période du quatorze (14) janvier au cinq (05) mars deux mil dix (2010) ;
4) Sur le caractère du licenciement de Monsieur Ad Af
Considérant que suivant décision n°0039/2010/PCOM/UEMOA du trois (03) mars deux mil dix (2010), le Président de la Commission de l’'UEMOA mettait fin au contrat de travail du requérant en ces termes : « Pour compter du 14 janvier 2010, Monsieur Ad Af Ae Y, comptable en service à la Direction des Fonds et du Budget de la Commission de l'UEMOA est licencié pour fautes professionnelles lourdes constituées d'actes d’indélicatesse» ;
Considérant que Monsieur Af soutient que ces causes soulevées par la Commission pour procéder à son licenciement ne sont ni réelles ni sérieuses ;
Considérant qu’il résulte de l’article 72 paragraphe b) du Règlement n°01/95/CM portant Statut des Fonctionnaires de l’'UEMOA que le licenciement du travailleur avec ou sans préavis, avec ou sans indemnité constitue une sanction de second degré, à condition de respecter les règles prescrites en la matière, notamment les articles 71,76, 85, 86 et 89 du Règlement n°01/95 précité ;
Que l'analyse desdites dispositions démontre que tout fonctionnaire ou agent de l'UEMOA peut être licencié pour cause de fautes professionnelles ;
Que dans le cas d’espèce, il est reproché à Monsieur Ad Af des fautes lourdes professionnelles caractérisées par des dépassements sur les délais de versement de reliquats des fonds des avances spéciales, des doubles emplois sur paiement, transports manuels des reliquats des frais de réunions hors sièges, paiement sans fondement de la dépense, prise en
Page 10 sur 13 charge de frais non justifiés, doubles emplois de paiement de perdiem et de frais d’hébergement, dépassement des dates de dépôt des pièces justificatives, un manquant de caisse initial de un million neuf cents cinquante-neuf mille cinq cent (1 959 500) FCFA ;
Considérant que Monsieur Ad Af a reconnu ces faits, tant dans ses observations écrites en réplique du rapport d’audit, que lors de sa comparution devant le Comité de discipline, mais estime que celles-ci sont de simples erreurs matérielles inhérentes à toute fonction de comptable ;
Considérant que la longue expérience professionnelle de Monsieur Ad Af en sa qualité de comptable ne saurait atténuer ses manquements qu’il qualifie « de simples erreurs » et l’exonérer ainsi de la rigueur exigée en sa qualité de régisseur, d’autant plus que ces erreurs se sont accumulées sur trois (03) ans, de deux mil sept (2007) à deux mil neuf (2009) ;
Que Monsieur Ad Af n’ayant pas fait preuve de la rigueur et de la vigilance exigée dans l’accomplissement de sa tâche, a violé les obligations professionnelles découlant de sa charge de comptable, en faisant subir des pertes financières à la Commission ;
Considérant que Monsieur Ad Af, en sa qualité de comptable a fait preuve d’un manque de rigueur et de légèreté blâmable constitutifs de fautes professionnelles lourdes rendant son maintien impossible au sein de la Commission ;
Considérant que les fautes reprochées à Monsieur Ad Af sont caractérisées et constitutives de fautes professionnelles lourdes ;
Que c’est à bon droit que la Commission a procédé à son licenciement, la cause invoquée étant réelle et sérieuse,et la procédure en la matière n’ayant été entachée d’aucune irrégularité ;
5) Sur les réclamations pécuniaires
a) Sur l’indemnité compensatrice de préavis et l’indemnité de licenciement
Considérant que Monsieur Ad Af sollicite la condamnation de la Commission de l’UEMOA à lui payer une indemnité compensatrice de préavis, cette dernière n’ayant pas observé les délais de préavis de licenciement requis ;
Considérant cependant que l’article 72 in fine offre la latitude à l’employeur de se séparer de son agent avec ou sans préavis, avec ou sans indemnité selon les règlements portant modalités d’application du Statut des Fonctionnaires de l’UEMOA ;
Considérant que l’article 85 in fine abonde dans le même sens que l’article 72 in fine du Règlement n°01/95/CM portant Statut des Fonctionnaires de l’UEMOA en précisant que « le licenciement en cas de faute lourde peut intervenir sans préavis » ;
Page 11 sur 13 Que s’agissant de l’indemnité de licenciement, l’article 90 in fine du même Règlement n°01/95 indique que celle-ci n’est pas due si le licenciement est motivé par une faute lourde de l’agent ;
Que les faits reprochés à Monsieur Ad Af ayant été qualifiés de fautes professionnelles lourdes par la Commission de l’UEMOA, celui-ci ne saurait prétendre ni à l’indemnité compensatrice de préavis ni à l’indemnité de licenciement au regard des conditions d’octroi requises en la matière ;
Qu’en effet, selon le Règlement n°01/95/CM portant Statut des Fonctionnaires de l’UEMOA en son article 85 alinéa 3, « en cas de faute lourde, le licenciement peut intervenir sans préavis » et l’article 90 in fine, «l'indemnité de licenciement n’est pas due lorsque celui- ci est motivé par une faute lourde de l'agent » ;
Que dès lors, il convient de débouter Monsieur Ad Af tant de sa demande en paiement d’indemnité compensatrice de préavis que de l’indemnité de licenciement, celui-ci ne remplissant pas les conditions d’octroi requises par les textes sus cités ;
b) Sur les dommages et intérêts
Considérant que Monsieur Ad Af réclame de la Commission de l’UEMOA, le paiement de la somme de cinquante un millions quatre cents vingt un mille huit cents soixante-huit (51 421 868) F CFA en réparation du préjudice moral et financier qu’il aurait subi du fait de son licenciement qu’il juge abusif ;
Que la Commission de l’UEMOA rejette par contre une telle prétention, le licenciement du requérant étant légitime, sérieux et ayant respecté les formes prescrites ;
Considérant que le licenciement de Monsieur Ad Af n’ayant été entaché d’aucun abus, celui-ci ne saurait prétendre à un quelconque dédommagement ;
Qu'il sied de débouter par conséquent Monsieur Ad Af de sa demande en paiement de dommages et intérêts comme étant sans fondement ;
c) Sur les dépens
Considérant que chacune des deux (02) parties à la présente procédure sollicite que la Cour de Justice condamne la partie adverse aux entiers dépens de l’instance ;
Considérant que dans le cas d’espèce, il s’agit d’un litige entre la Commission de l'UEMOA et son agent Monsieur Ad Af dont les dépens sont régis par l’article 61 du Règlement n°1/96/CM portant Règlement de procédures de la Cour de Justice de l’UEMOA ;
Qu'il échet de faire application de cet article 61 du Règlement de procédures de la Cour de Justice qui fait obligation à l’Organe de supporter les charges exposées dans ce cas de figure, en condamnant la Commission de l’UEMOA aux entiers dépens de la présente instance ;
Page 12 sur 13 PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière de droit communautaire, dans le différend de travail qui oppose Monsieur Ad Af à la Commission de l’UEMOA :
- ENLA FORME:
e se déclare compétente ;
e déclare le recours en indemnisation pour cause de licenciement de Monsieur Ad Af recevable ;
e déclare le licenciement de Monsieur Ad Af légitime ;
e condamne la Commission de l'UEMOA à payer à Monsieur Ad Af, la somme de deux millions huit cents soixante-quatre mille quatre cents quarante- quatre (2 864 444) F CFA, correspondant à la rémunération liée à la période supplémentaire de suspension si ladite somme n’a pas été déjà payée par la Commission de l'UEMOA ;
e déboute Monsieur Ad Af de sa demande en paiement d’indemnité compensatrice de préavis, d’indemnité de licenciement et de dommages intérêts comme étant infondée ;
e condamne la Commission de l’'UEMOA aux entiers dépens de l’instance.
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique à Aa les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé, le Président et le Greffier.
Suivent les signatures illisibles,
Pour expédition certifiée conforme,
Aa, le 17 décembre 2014
Le Greffier
Fanvongo SORO
Page 13 sur 13


Synthèse
Numéro d'arrêt : 02/2013
Date de la décision : 18/12/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;uemoa;cour.justice;arret;2013-12-18;02.2013 ?
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