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18/12/2013 | UEMOA | N°01/2013

UEMOA | UEMOA, Cour de justice, 18 décembre 2013, 01/2013


Texte (pseudonymisé)
ARRÊT
N°01/2013
DU 18 DECEMBRE 2013
Recours en appréciation de la légalité
- Etat de Côte d’Ivoire
- M. Laurent Gbagbo
(Me Claude MENTENON
Me Mohamed Lamine FAYE)
- Le Conseil des Ministres de l'UEMOA
- La Commission de 'VEMOA
{Me Harouna SAWADOGO)
Composition de la Cour :
M. Ae Aa C, Président- rapporteur ;
M. Ousmane DIAKITE, Juge ;
Honorat ADJOVI, Juge ;
Maty ELHADJI Moussa, Juge ;
Mme Léontine M. F, ZOMBRE ZIDA, Juge ;
Mme Seynabou NDIAYE DIAKHATE, Premier Avocat Général ;
Fanvongo SORO, Greffier ;
COUR DE J

USTICE DE L'UNION
ECONOMIQUE ET MONETAIRE OUEST
AFRICAINE (UEMOA)
AUDIENCE PUBLIQUE DU DIX-HUIT (18)
DECEMBRE DE...

ARRÊT
N°01/2013
DU 18 DECEMBRE 2013
Recours en appréciation de la légalité
- Etat de Côte d’Ivoire
- M. Laurent Gbagbo
(Me Claude MENTENON
Me Mohamed Lamine FAYE)
- Le Conseil des Ministres de l'UEMOA
- La Commission de 'VEMOA
{Me Harouna SAWADOGO)
Composition de la Cour :
M. Ae Aa C, Président- rapporteur ;
M. Ousmane DIAKITE, Juge ;
Honorat ADJOVI, Juge ;
Maty ELHADJI Moussa, Juge ;
Mme Léontine M. F, ZOMBRE ZIDA, Juge ;
Mme Seynabou NDIAYE DIAKHATE, Premier Avocat Général ;
Fanvongo SORO, Greffier ;
COUR DE JUSTICE DE L'UNION
ECONOMIQUE ET MONETAIRE OUEST
AFRICAINE (UEMOA)
AUDIENCE PUBLIQUE DU DIX-HUIT (18)
DECEMBRE DEUX MIL TREIZE (2013)
La Cour de Justice de VUEMOA, réunie en audience ordinaire le dix-huit (18) décembre deux mil treize (2013), à laquelle siégeaient :
Monsieur Daniel Lopes FERREIRA, Président de la Cour, Président-rapporteur ;
Monsieur Ousmane DIAKITE, Monsieur Honorat ADJOVI, Monsieur Maty ELHADIJI Moussa et Madame Léontine Marie Florence ZOMBRE ZIDA, Juges, Membres ;
en présence de Madame Seynabou NDIAYE DIAKHATE, Premier Avocat Général ;
avec J’assistance de Maître Fanvongo SORO, Greffier ;
a rendu l’arrêt contradictoire dont la teneur suit :
ENTRE :
1. L’Etat de Côte d'Ivoire, ayant pour agent M. Ad Af Y,
2 M. Laurent GBAGBO, né le … … … à Babré (Côte d'Ivoire), de nationalité ivoirienne, agissant en son nom personnel, en
tant que Président de la République de Côte
Ayant les deux pour conseils :
- Maître Claude MENTENON, Avocat au Barreau de Côte d’Ivoire, demeurant au Plateau 25, Avenue Chardy, Immeuble Chardy (UAP) Entresol, 04 BP 382 Abidjan 04, Tél : (00225) 20 22 22 50 - Fax (00225) 20 22 22 42, en l’étude duquel les -requérants élisent
Page 1 sur 13 Maître Mohamed Lamine FAYE, Avocat au Barreau de Côte d’Ivoire y demevrant, Avenue du Général de Gaulle au Plateau, Résidence du front lagunaire, escalier À, 2°° étage, 01 BP 265 Al B,
Demandeurs, d’une part ;
ET
1. Le Conseil des Ministres de PUEMOA,
2. La Commission de PUEMOA,
Ayant pour Agent, M. Eugène KPOTA, Conseiller technique de M. le Président de la Commission, assisté de Maître Harouna SAWADOGO, Avocat au Barreau du Burkina, 01 BP 4091 Ab 01,
Défenderesses, d’autre part ; -
LA COUR
VU la requête en date du onze (11) janvier deux mil onze (2011), enregistrée au Greffe de la
Cour le même jour sous le n° 11R001, par laquelle l’Etat de Côte d’Ivoire représenté par
Monsieur Laurent GBAGBO es qualité de Président de la République et Monsieur Laurent
GBAGBO, tous deux ayant pour Conseils Maître Claude MENTENON et Maître Mohamed
Lamine FAŸE, Avocais au Barreau de Côte d’Ivoire et ayant élu domicile en l’étude de
Maître Claude MENTENON, ont saisi la Cour de Justice de l'UEMOA à l'effet de voir
annuler la décision du Conseil des Ministres de l'UEMOA intervenue le vingt-trois (23)
décembre deux mil dix (2010) et faire, en conséquence, injonction aux instances de
l’UEMOA de respecter la liberté, l'indépendance et la souveraineté de la République de Côte
d'Ivoire et de se conformer aux principes généraux et dispositions formelles des instraments
Juridiques qui régissent l’Union :
VU la lettre du treize (13) janvier deux mil onze (2011) par laquelle le Greffier de la Cour a
demandé à Maître Claude MENTENON, Avocat des requérants, de produire à titre de
régularisation, la décision du Conseil des Ministres dont l’annulation est sollicitée, de
compléter la requête en vue de la rendre conforme aux exigences de l’article 26 alinéa 2 du
Règlement n° 01/96/CM portant Règlement de procédures de la Cour et enfin, de justifier sa
Page 2 sur 13 constitution ainsi que l’inscription régulière des avocats constitués au Barreau de Côte
VU les lettres S n° 02/2011 et S n° 03/2011 du onze (11) janvier deux mil onze (2011) par
lesquelles le Greffier de la Cour a signifié au Conseil des Ministres et à la Commission de
l’'UEMOA, la requête initiale ainsi que fe mémoire ampliatif déposé à titre de régularisation ;
VU la lettre du sept (07) mars deux mil onze (2011), enregistrée à la Cour le neuf (09) mars. deux mil onze (2011) sous le numéro 11.R001,3, du Président de la Commission de
l’UEMOA, informant la Cour de la désignation de Monsieur Am X, Directeur de
Cabinet du Président de la Commission, par intérim, comme agent de ladite Commission dans
la présente affaire ;
VU les lettres des sept (07) et dix (10) mars deux mil onze (2011), enregistrées à la Cour les
neuf (09) et dix (10) mars deux mil onze (2011) sous les numéros 11.R001.4 et 11.R001.6 du
Président de la Commission de l’UEMOA et de Maître Harouna SAWADOGO du Cabinet
Harouna SAWADOGO, portant constitution de Maître Harouna SAWADOGO, Avocat
inscrit au barreau du Burkina Faso pour assister l’agent de la Commission ;
VU l'ordonnance en date du quatorze {14) mars deux mil onze (2011) du Président de la
Cour, accordant à Maître Harouna SAWADOGO, à sa demande, un délai supplémentaire pour
la production de son mémoire en défense :
VU le mémoire en défense déposé le trente et un (31) mars deux mil onze (2011) par Maître
Harouna SAWADOGO, agissant au nom et pour le compte des défenderesses ;
VU les autres pièces produites et jointes au dossier ;
VU le Traité de 'UEMOA en son article 38 ;
VU le Protocole additionnel n°1 relatif aux organes de contrôle de l'UEMOA ;
VU l’Acte additionnel n° 10/96 du dix (10) mai mil neuf cent quatre-vingt-seize (1996) portant Statuts de la Cour de Justice de l'UEMOA ;
VU le Règlement n°01/96/CM du cinq (05) juiltet mil neuf cent quatre-vingt-seize (1996) portant Règlement de procédures de la Cour de Justice de l'UEMOA ;
VU le Règlement n°01/2012/CI du Vingt un (21) décembre deux mil douze Cor) portant Règlement administratif de la Cour de Justice de l'UEMOA :
Page 3 sur 13 VU l’ordonnance n°31/2013/CI du onze (11) novembre deux mil treize (2013) portant composition de la formation plénière devant siéger à l’audience publique ordinaire du dix-huit (18) décembre deux mil treize (2013) :
VU les convocations adressées aux parties ;
OUI Monsieur Daniel Lopes FERREÉIRA, Président-rapporteur, en son rapport ;
OUÏ Maîtres Claude MENTENON et Mohamed Lamine FAYE, avocats de l'Etat de Côte
d'Ivoire représenté par Monsieur Laurent GBAGBO es qualité de Président de la République
et de Monsieur Laurent GBAGBO, es nom, en tant que Président de la République de Côte
d'Ivoire en leurs observations orales ;
OUÏ Monsieur Eugène KPOTA, Agent de la Commission, en ses observations orales ;
OUÏ Maître Harouna SAWADOGO, Avocat des défendeurs, en ses observations orales ;
OUÏ Madame Seynabou NDIAYE -DIAKHATE, Premier Avocat Général, en ses
Après en avoir délibéré conformément au droit communautaire ;
I. FAITS ET PROCEDURE
Considérant que les faits de la cause tels qu’exposés par les requérants se présentent comme suit :
En vertu du décret n°2010-207 du cinq (05) août deux mit dix (2010), Je collège électoral de la République de Côte d'Ivoire a été convoqué le dimanche trente et un (31) octobre deux mil dix (2010) en vue de procéder à l'élection du Président de la République ; en vertu du décret n°2010-301 du neuf (09) novembre deux mil dix (2010), le même collège électoral a été convoqué le dimanche vingt-huit (28) novembre deux mil dix (2010) en vue du second tour de l'élection présidentielle, à l’issue du scrutin du second tour et en violation totale des dispositions légales, notamment l’article 59 nouveau de l'ordonnance n°2008-133 du quatorze (14) avrit deux mil huit (2008) portant ajustement du code électoral pour les élections de sortie de crise, le Président de la Commission Eleetorale Indépendante (CE), le deux (02) décembre 2010, hors la présence des Commissaires centrdux et des représentants des candidats et au-delà du délai imparti, a procédé tout seul, à la proclamation de résultats dits provisoires, sur les ondes étrangères de la chaine française France 24, à l’Hôtel du Golf, domicile de campagne du candidat Monsieur Ap A, donnant celui-ci vainqueur.
L’autre candidat, Monsieur An Z a saisi le Conseil Constitutionnel en annulation des résultats dans plusieurs circonscriptions. Par arrêt n° CI-2010 en date du trois
oi Page 4 sur 13 (03) décembre deux mil dix (2010), 1e Conseil Constitutionnel statuant conformément aux dispositions combinées de l’article 94 in fine de la Constitution de la République de Côte d’Ivoire et de l’article 63 de la loi n°2000-514 du 1” août 2000 portant code électoral, a proclamé le résultat définitif de ladite élection en disant élu, Monsieur Laurent Gbagbo avec 51,45% des suffrages exprimés au second tour de ce scrutin. Dans l'intervalle, le Représentant du Secrétaire Général de l'Organisation des Nations Unies (ONU) a déclaré certifier la sincérité des seuls résultats émis par le Président de la Commission Aj Ak, comme étant les résultats sortis des urnes. ‘
À la suite de ces évènements, le Conseil des Ministres de l’UEMOA s’est réuni le vingt-trois (23) décembre deux mil dix (2010), en session extraordinaire à Bissau, République de Ac Ai, pour :
# décider que les représentants régulièrement désignés par le Gouvernement légitime de Côte d’Ivoire sont les seuls habilités à prendre des mesures relatives au fonctionnement de l’Union, au nom de ce pays ;
# instruire la BCEAO de permettre aux seuls représentants régulièrement désignés par le Gouvernement légitime de Côte d'Ivoire, d’effectuer les mouvements sur les comptes ouverts en son nom :
+ donner instruction à la BCEAO el aux banques de l’Union de prendre toutes les mesures de sauvegarde pour l’application rigoureuse des mesures qui précèdent ;
® se réunir chaque fois que de besoin, sur l’évolution de la situation et de prendre des mesures idoines pour répondre à tous les défis qui se présenteront ;
« rendre compte répulièrement au Président de la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement de l’Union, des décisions adoptées, en vue de recueillir ses instructions.
Considérant que par lettre du treize (13) janvier deux mil onze (2011), le Greffier de la Cour a demandé à Maître Claude MENTENON, Avocat des requérants, dans un délai maximum de deux (02) mois, de produire à titre de régularisation, la décision du Conseil des Ministres dont l’annulation est sollicitée, de compléter la requête en vue de la rendre conforme aux exigences de l’article 26 alinéa 2 du Règlement n° 01/96/CM portant Règlement de procédures de la Cour et enfin, de justifier sa constitution ainsi que l’inscription régulière des avocats constitués au Barreau de Côte d’Ivoire par la production des documents tenant lieu de justification ; E
Considérant que par lettre reçue au Greffe le vingt-huit (28) janvier deux mil onze (2011), Maître Claude MENTENON a produit un document intitulé « Afémoire ampliatif » auquel il a joint un document désignant le nommé Ad Y Af comme agent de l’Etat de Côte d'Ivoire auprès de la Cour de Justice de l'UEMOA, un communiqué de presse de la session extraordinaire du Conseil des Ministres de l’UEMOA du vingt-trois (23) décembre deux ntil dix (2010), les courriers de constitution et les originaux d’attestations délivrées par le Bâtonnier de Côte d’Ivoire et duquel), il résulte qu’il plaise à la Cour « leur donner acte du. présent mémoire ampliatif et des pièces complémentaires y jointes, aux bonnes fins de la requête introductive déposée le 11 janvier 2011» ;
Page 5 sur 13 Considérant que la requête ainsi que le mémoire ampliatif déposé à titre de régularisation ont été signifiés au Conseil des Ministres et à la Commission de l’UEMOA par lettres 8 n° 02/2011 et S n° 03/2011 du onze (11) janvier deux mil onze (2011) du Greffier de la Cour ; ,
Considérant que par lettre du sept (07) mars deux mil onze (2011), enregistrée à la Cour le neuf (09) mars deux mil onze (2011) sous le numéro |{.RO01.3, le Président de la Commission de 'UEMOA a informé la Cour de la nomination de Monsieur Eugène KPOTA, Directeur de Cabinet du Président de la Commission, par intérim, comme agent de ladite Commission dans la présente affaire ;
Considérant que par autre lettre, enregistrée à la Cour le neuf (09) mars deux mil onze (2011) sous le numéro 11.R001.4, le Président de la Commission de l'UEMOA a informé la Cour de
la constitution de Maître Harouna SAWADOGO, Avocat inscrit au barreau du Burkina Faso pour assister l’agent de la Commission ;
Considérant que Maître Harouna SAWADOGO a informé la Cour de sa constitution aux côtés de l'agent désigné par les défendeurs par lettre du dix (10) mars deux mil onze (2011), enregistrée le même jour sous le numéro 11.R001.6 et a, à la suite de cette constitution, déposé pour le compte des défendeurs un mémoire en défense, le trente et un (31) mars deux mil onze (201 1) ;
Considérant que le mémoire en défense a été notifié par Jettre n°07/2011 du onze (11) avril
deux mil onze (201 1) aux requérants qui n’y ont pas répliqué ;
Considérant que par ordonnance n°004/2012/CI du dix-neuf (19) avril deux mil douze
(2012), le Président de la Cour a constaté la fin de la procédure écrite ;
Considérant que par autre ordonnance n°005/2012/CI, le juge Daniel Lopes FERREIRA a été nommé Rapporteur ;
IL CONCLUSIONS DES PARTIES
Considérant que les parties requérantes concluent à ce qu’il plaise à la Cour de Justice de PUEMOA de :
# dire et juger que la décision du Conseil des Ministres de l'UEMOA intervenue le vingt-trois (23) décembre deux mil dix (2010) est illégal au regard, tant du droit positif intère, en ce qu’elle viole l’article 94 de la loi 2000-5113 du premier (1”") août deux mil (2000) portant Constitution de la République de Côte d’Ivoire, que des instruments internationaux, notamment les dispositions des articles 23, 25 alinéa 1” du Traité de l’UEMOA ; des articles 12, 15 à 22 du Traité de l'UMOA, des articles 3 et 4 G de l’Acte Constitutif de l’Ah Ag (UA) du onze (11) juillet deux mil (2000), de l’article 2 de la Charte Africaine de la Démocratie, des Elections et de la Bonne Gouvernance, du trente (30) juillet deux mil sept (2007), de l’article 1% € du Protocole
ait 7 Page 6 sur 13 A/SP1/12/01 sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance, de l’article 2 de la Charte de
l’Organisation des Nations Unies (ONU) :
# prononcer l’annulation de cette décision ;
# faire injonction aux instances de l'UEMOA de respecter la liberté, l'indépendance et la souveraineté de la République de Côte d'Ivoire et de se conformer aux principes généraux et dispositions formelles des instruments juridiques qui régissent l’Union ;
Considérant que la Commission et le Conseil des Ministres de l'UEMOA concluent à ce qu’il plaise à la Cour de :
« au principal, entendre la Cour se déclarer incompétente quant à la nature et l’objet du
« Subsidiairement, s'entendre déclarer irrecevable la requête présentée par l'Etat de Côte d'Ivoire et Monsieur Laurent GBAGBO pour défaut de qualité de Monsieur Laurent GBAGBO ;
« Et très subsidiairement, s'entendre condamner les requérants aux dépens ;
II. MOYENS FT ARGUMENTS DES PARTIES
A. Sur la compétence de la Cour
1. Moyens et arguments des requérants
Considérant que les requérants allèguent que la présente saisine relève de l'application des articles 1°", 8 et 10 du Protocole Additionnel n° 1 relatif aux organes de contrôle de l'UEMOA qui donnent pleine compétence à ladite Cour en ce que :
° «la Cour de Justice veille ‘au respect du droit quant à l'interprétation et à
© « sur recours formé par un Etat, par le Conseil ou par la Commission, la Cour de Justice apprécie la légalité des règlements, directives et décisions. Le recours en appréciation de la légalité est ouvert, en outre à Ioute personne physique ou morale, contre tout acte d’un organe de l'union lui faisant grief » ;
Qu'ils indiquent qu’il n’est pas contestable que la décision du Conseil des Ministres de l’UEMOA porte grief tant à l’Etat de Côte d’Ivoire qu’à Monsieur Laurent GBAGBO lui- même, en cé qu’elle substitue un candidat à celui qui a été déclaré élu par le Conseil Constitutionnel, conformément à la Constitution ivoirienne ; et qu’en l’état, le maintien de cette décision, constituera un fâcheux précédent juridique qui aura des effets déstabilisateurs immédiats et durables, tant sur le respect des institutions légales de la Côte d’Ivoire que sur le fonctionnement dès organes de l’Union ;
Page 7 sur 13 2. Moyens et arguments des défendeurs
Considérant que les défendeurs soulèvent l’incompétence de la Cour avec deux moyens à l’appui :
Que dans un premier temps ils allèguent qu’en acceptant d'examiner la demande du téquérant, la Cour de Justice sera nécessairement amenée à statuer sur la qualité à agir de M. Laurent GBAGBO et, par conséquent, sur sa légitimité telle qu’elle découle du processus électoral en cause en Câte d’Ivoire alors que le Traité de l'UEMOA ne réconnaît à la Cour aucune compétence en la matière ;
Que dans un second temps ils énoncent que l’annulation demandée par les requérants concerne la décision prise par le Conseil des Ministres de l'UEMOA, statuant en tant qu’organe de direction de l’Union Monétaire Ouest Africaime (UMOA), lors de sa session extraordinaire tenue à Bissau le vingt-trois (23) décembre deux mil dix (2010), relative à l’implication de la situation politique prévalant en Côte d'Ivoire sur le fonctionnement de la Banque Centrale, Institut d’émission commun aux huit (08) Etats membres alors que cette décision n’est pas un acte communautaire dérivé au sens du Traité de UEMOA, à savoir un règlement, une directive ou une décision, mais relève plutôt du Traité de l'UMOA, qui régit l’Institut d’émission ;
Qu'ils précisent ainsi que l’article 62 du Traité de "VEMOA dispose que la politique monétaire de l’Union est régie par les dispositions du Traité de l'UMOA et les textes subséquents, d’une part ; et qu’en vertu des dispositions combinées des articles 21 du Traité de l'UEMOA et 6 du Traité de l'UMOA, la direction de l’Union Monétaire est assurée par le Conseil des Ministres de l'UMOA et en concluent que le règlement des litiges engendrés par des actes édictés par les organes de l'UMOA obéit à un mode non juridictionnel et une procédure spécifique et par conséquent, la décision querellée ne doit pas être déférée à la censure de la Cour ;
B. Sur la recevabilité
1. Moyens et arguments des requérants
Considérant que pour soutenir la recevabilité de leur recours, les requérants invoquent et citent les dispositions de l’article 15.2 ‘du Règlement de procédures de la Cour et estiment qu’il est constant que le Conseil des Ministres a pris une décision qui ne ressortit pas de sa compétence et qui fait grief à l’Etat de Côte d'Ivoire et à M. Laurent GBAGBO, d’une part ; et qu’en plus le présent recours est exercé dans le délai de deux (02) mois prescrit par l’article 15.2 du Règlement de procédures de la Cour, d’autre part ;
2. Moyens et arguments des défenderesses
Considérant que les défendeurs allèguent que M. Laurent GBAGBO n'ayant pas pu faire la production de documents justifiant son pouvoir de représentation de !’Etat de Côte d’Ivoire devant les instances judiciaires, il plaira à la Cour de déclarer la présente requête irrecevable
Page 8 sur 13 en ce que le requérant n°a point la qualité d’agir en justice au nom et pour le compte de l’État de Côte d’Ivoire ;
Qu’ils soulèvent en outre, la violation des dispositions statutaires de la Cour de Justice de l’UEMOA notamment, celles des articles 31 de l’Acte additionnel n° 10/96 portant Statuts de la Cour de Justice et 22 du Règlement n° 01/96 portant Règlement de procédures, en ce que l’Etat de Côte d'Ivoire, en tant que partie requérante, n’a aucunement désigné un agent chargé de le représenter dans l’instance. Cette désignation en question, résultante de l’application des- articles sus visés, devant être expresse et découler de la mention de la qualité d’Agent de la personne désignée sur la requête, la présence d’un Avocat ne saurait pallier à l'exigence de cette formalité qui paraît substantielle ;
C. Au fond
1. Moyens et arguments des requérants
Considérant que les requérants invoquent l’illégalité de la décision du Conseil des Ministres de l'UEMOA du vingi-trois (23) décembre deux mil dix (2010) sous l’angle de l’irrégularité formelle et sous l’angle de l’illégalité résultant de l’incompétence du Conseil des Ministres ;
Considérant que sous l’angle de l’illégalité formelle, ils allèguent qu’aux termes de l’article 23 du Traité de l’'UEMOA tel que modifié par l’article 40-3""° du Traité de l'UMOA du vingt (20) janvier deux mil sept (2007), pour les questions politiques et de souveraineté, les Ministres des Affaires Etrangères siègefont au Conseil des Ministres de l'UEMOA alors qu’à la lecture du communiqué de presse qui est le support de diffusion de la décision soumise à censure de la Cour, il est établit que ladite décision a été exclusivement prise par les seuls Ministres de !’Economie et des Finances, en l’absence des Ministres des Affaires Etrangères, lesquels n’auraient pas été consultés et en l'absence également du Gouverneur de la BCEAO, du Président de la Commission bancaire, du Président du CREPMF et du Président de la Commission de l'UEMOA, qui sont des membres de droit du Conseil des Ministres de l’UEMOA en vertu de l’article 12 du Traité de UMOA ;
Qu'ils relèvent, en outre, le non-respect de l’article 25 alinéa 1” du Traité modifié de l'UEMOA qui dispose : « les délibérations du Conseil des Ministres sont préparées par le Comité des Experts, composés de représentants des Frais Membres. » et l'absence d’audition de l'Etat de Côte d'Ivoire ou d’un représentant de Monsieur Laurent GBAGBO comme l'exige le respect du principe élémentaire du contradictoire qui est un principe de
Considérant que sous l’angle de l’illégalité résultant de l’incompétence du Conseil des Ministres, les requérants indiquent que les dispositions attributives de compétence au Conseil des Ministres résultant des articles 1$ à 22 du Traité de 'UMOA énumèrent limitativemeht
ces attributions et ne permettent pas que le Conseil s’ingère dans les affaires intérieures des Etats membres :
Page 9 sur 13 Qu'ils estiment également que le Conseil des Ministres a rendu une décision politique au mépris de la souveraineté d’un Etat en prétendant prendre acte des décisions de l’ONU, de l’Ah Ag et de la CEDEAO, de reconnaître Monsieur Ap Ao A, comme Président légitimement élu de Côte d'ivoire ;
Qu'’ainsi le Conseil a cru devoir décider que les représentants régulièrement désignés par le Gouvernement légitime de Côte d'Ivoire sont les seuls à prendre des mesures relatives au fonctionnement de l’Union, au nom de ce pays ; induisant ainsi que le candidat déclaré vainqueur par la décision du Conseil Constitutionnel n'aurait pas qualité pour désigner les représentants de l’Etat de Côte d’Ivoire habilités à prendre des mesures relatives au fonctionnement de l’Union, ou tout le moins de maintenir ceux-ci en fonction ;
Que ce faisant, le Conseil des Ministres a, aux dires des requérants, également violé les instruments internationaux opposables aux Etats membres de l'UEMOA, les dispositions de de l’Acte Constitutif de l’Ah Ag du onze (11) juillet deux mil (2000), les dispositions de l’article 1” C du Protocole A/SP1/12/01 sur la démocratie et la bonne gouvernance, signé par tous les Etats Membres de l'UEMOA et la Charte de l’Organisation des Nations Unies ;
2. Moyens et arguments des défendeurs
Considérant que pour les défendeurs, les moyens de droit des requérants sont inopérants en ce qu’il n’y a ni violation des dispositions des Traités de l'UEMOA et de l'UMOA, ni illégalité de la décision querellée en ce qu’elle serait une décision politique et de souveraineté prise en violation des instruments internationaux et de la Constitution ivoirienne ;
Considérant que sur le premier point, ils allèguent que la décision du Conseil des Ministres de l'UEMOA porte principalement sur la politique économique et financière de l’Union car, sur la question relative à la reconnaissance de Monsieur Ap Ao A comme Président légitimement élu de id Côte d'Ivoire, le Conseil n’a fait que prendre acte des décisions de l'ONU, de l’Ah Ag et de la CEDEAO de reconnaitre Monsieur Ap Ao A comme Président légitimement élu de la Côte d'Ivoire ;
Qu'en conséquence, la non-participation des Ministres des Affaires Etrangères à cette session ne saurait constituer une cause d'annulation de la décision du vingt-trois (23) décembre deux mil dix (2010), pas plus que l’absence de mention relative à la préparation des délibérations du Conseil par le Comité des experts ;
Considérant qu’en ce qui concerne le second point, les défendeurs estiment que c’est à tort que les requérants prétendent que la décision querellée est manifestement illégal en ce qu’elle a été prise en dehors des attributions du Conseil des Ministres et en violation des règles fondamentales relatives à la souveraineté des Etats telles que prescrites par les instruments internationaux et la Constitution ivoirienne, insinuant ainsi que la décision attaquée vise à un changement anticonstitutionnel du pouvoir en Côte d'Ivoire alors même que l’allégation selon laquelle le Conseil des Ministres n’a aucun pouvoir décisionnel sur des questions politiques et de souveraineté est totalement inexacte au regard du dernier alinéa de l’article 23 du Traité de DUEMOA, tel que modifié par l’article 40-3°"® du Traité de l'UMOA qui dispose : « pour les
questions de politique et de souveraineté, les Ministres des Affaires Etrangères siègent au Conseil des Ministres de l'UEMOA » ;
Qu'ils précisent cependant qu’en ce qui concerne la question politique et de souveraineté, certainement liée à la reconnaissance de Monsieur Ap Ao A comme Président légitimement élu, la décision attaquée énonce : « le Conseil des Ministres a pris acte des décisions de l'ONU de l'Union Africaine et de la CEDEAO de reconnaitre Monsieur Ap Ao A comme Président légitimement élu de la Côte d'Ivoire » ;
Qu'’ainsi, pour les défendeurs, les requérants se trompent de contradicteurs relativement aux décisions qui ont apprécié et tranché la question politique et de souveraineté liée aux élections présidentielles tenues en Côte d'Ivoire et que tant que ces décisions produiront leurs pleins effets, il sera vain pour eux de vouloir remettre en cause la décision du Conseil des Ministres de l'UEMOA du vingt-trois (23) décembre deux mil dix (2010) qui a principalement délibéré sur les questions liées à la situation économique et monétaire de l'Union ;
IV. MOTIFS DE L’ARRET
A. Sur la compétence de la Cour
Considérant que l’article 8 du Protocole Additionnel n°1 relatif aux Organes de contrôle de l'UEMOA ouvre le recours en annulation à tout Etat membre, au Conseil des Ministres et à la Commission de l’UEMOA contre les règlements, directives et décisions des organes. de l’Union et à toute personne physique ou morale, contre tout acte d’un organe de l’Union-lui faisant grief ;
Considérant que le présent recours en annulation de la décision du Conseil des Ministres de l’UEMOA prise le vingt-trois (23) décembre deux mil dix (2010) est introduit par l’Etat de Côte d’Ivoire et par Monsieur Laurent GBAGBO en qualité de Président de la République de Côte d'Ivoire :
Considérant que conformément au£ dispositions de l’article 8 susvisé du Protocole Additionnel n°1 relatif aux Organes dé contrôle de l'UEMOA, la présence d’un Etat membre,
l’Etat de Côte d’Ivoire en l’espèce, induit la compétence de la Cour de Justice de l'UEMOA sans même la justification d’un quelconque grief ;
Qu'il y'a donc lieu de dire que le présent recours entre bien dans la compétence de la Cour de Justice de l'UEMOA ;
Page 11 sur 13 B. Sur la recevabilité du recours
1. Sur l’absence de désignation d’un agent par l'Etat de Côte d’Ivoire
Considérant qu’à la suite de la lettre Ç foar laquelle le Greffier de Ja Cour a demandé, le treize
(13) janvier deux mil onze (2011), à Maître Claude MENTENON, Avocat des requérants, dans un délai maximum de deux mois, de compléter la requête en vue de la rendre conforme aux exigences de l’article 26 alinéa 2 du Règlement n° 01/96/CM portant Réglement de procédures de la Cour, Maître Claude MENTENON a produit, par lettre du vingt-cinq (25) Janvier deux mil onze (2011), reçue au Greffe le vingt-huit (28) janvier deux mil onze (2011), un document intitulé « Mémoire ampliatif » auquel il à joint un document désignant le nommé Ad Af Y comme agent de l’Etat de Côte d'Ivoire auprès de la Cour de Justice de
Qu'ainsi il y'a lieu de rejeter l’argument des défendeurs tiré de la violation des dispositions statutaires de la Cour de Justice de l'UEMOA notamment, celles des articles 31 de l’Acte additionnel n° 10/96 portant Statuts de la Cour de Justice et 22 du Règlement n° 01/96 portant Réglement de procédures de la Cour ;
2. Sur la non production de l’acte objet du recours en annulation
Considérant que par application des articles 31 et 32 de l’Acte additionnel n° 10/96 portant Statuts de la Cour de Justice de l'UEMOA, invitation a été faite aux requérants de régulariser leur requête dans un délai de deux (02);mois, notamment par la production de l’acte objet du recours en annulation ;
Considérant que dans le mémoire déposé à la suite de cette invitation ou « mémoire ampliatif », les requérants disent produire en tant que de besoin, copie de la décision incriminée sous la forme d’un communiqué de presse telle qu’ils en ont eu connaissance et qu’ils avaient déjà annexé à la requête en annulation déposée le onze (11) janvier deux mil onze (2011) sous la côte n°7 ;
Considérant que ledit communiqué de presse ne saurait constituer formellement un acte du Conseil des Ministres de l’UEMOA dans la mesure où la copie versée au dossier ne comporte aucune certification officielle ; que dans son contenu supposé le document critiqué, en prenant acte des décisions prises par l'ONU, l’Ah Ag et la CEDEAO, ne fait là qu’un constat loin d’être préjudiciable à Monsieur Laurent GBAGBO ;
Considérant que s’il a été admis dans le cadre de la jurisprudence développée dans le cadre de recours en annulation introduit par des Etats membres ou des Institutions (CICE : Parlement/Conseil, C — 316/91, Rec. I-625, point 8} que toutes dispositions adoptées par les Institutions qu’elle qu’en soit la formé, | sont considérées comme des actes atlaquables, c’est à la condition que lesdits actes existent, sont produits et surtout, comme P exige la jurisprudence précitée, qu’ils visent à produire des effets de droit obligatoires ;
Page 12 sur 13 Qu’il y a lieu de faire droit à l’argument que les défendeurs ont tiré de la non production de l’acte objet du recours en annulation :
3. Sur la qualité à agir de Monsieur Laurent GBAGBO es-nom et es- qualité de représentant de l’Etat de Côte d’Ivoire
Considérant que les requérants se sont contentés de produire une copie non officielle de la décision du Conseil Constitutionnelle n° CI-2010-EP-34/03-12/CC/SG du mardi vingt-huit (28) novembre deux mil dix (2010) portant proclamation des résultats définitifs de l'élection présidentielle parce qu’üimprimée à partir d’un site web et ne comportant aucune signature ;
Considérant que la qualité à agir de Monsieur Laurent GBAGBO es-nom et es-qualité de représentant de l'Etat de Côte d'Ivoire est fondée sur sa qualité de Président de la République qui, elle-même, découle, selon les requérants, de la décision précitée ;
Considérant que ce document dépourvu de valeur probante n’est pas de nature à pouvoir corroborer les prétentions de Monsieur Laurent GBAGBO quant à sa qualité à agir, qu’il y à lieu d’en tirer toutes les conséquences ;
Considérant enfin que l’analyse des autres moyens soulevés par les requérants devient dès lors superfétatoire ;
V. DEPENS
Considérant qu’il ressort des dispositions de l’article 60 du Règlement de procédures de la Cour, que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens ;
Que les requérants ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu, en application des dispositions ci-dessus, de les condamner aux entiers dépens.
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière de droit communautaire :
« se déclare compétente ; ;
e déclare irrecevable en l’état le recours introduit par l’Etat de Côte d’Ivoire et Monsieur Laurent GBAGBO ;
e condamne les requérants aux entiers dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique à Ab les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé, le Président et le Greffier.
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Synthèse
Numéro d'arrêt : 01/2013
Date de la décision : 18/12/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;uemoa;cour.justice;arret;2013-12-18;01.2013 ?
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