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02/07/2003 | UEMOA | N°02/2002

UEMOA | UEMOA, Cour de justice, 02 juillet 2003, 02/2002


Texte (pseudonymisé)
X Ah Ad
contre
Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM)
« Droit de la Fonction publique communautaire — Recours en indemnisation —
Compétence de la Cour de Justice de l'UEMOA — Non-conformité aux
dispositions statutaires — Irrecevabilité »
Sommaire de l’arrêt
1. Compétence de la Cour de Justice de l'UEMOA
S ‘agissant du statut du personnel de la BRVM, le juge de l’action est aussi
juge de l’exception.
Il résulte en effet des dispositions du statut de la BRVM et du Règlement
d'application dudit statut, q

ue la Cour de Justice de l'UEMOA est
compétente tant pour le Règlement de tout litige entre la BRVM et un o...

X Ah Ad
contre
Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM)
« Droit de la Fonction publique communautaire — Recours en indemnisation —
Compétence de la Cour de Justice de l'UEMOA — Non-conformité aux
dispositions statutaires — Irrecevabilité »
Sommaire de l’arrêt
1. Compétence de la Cour de Justice de l'UEMOA
S ‘agissant du statut du personnel de la BRVM, le juge de l’action est aussi
juge de l’exception.
Il résulte en effet des dispositions du statut de la BRVM et du Règlement
d'application dudit statut, que la Cour de Justice de l'UEMOA est
compétente tant pour le Règlement de tout litige entre la BRVM et un ou
plusieurs de ses agents concernant l’application du statut, que pour la
sécurité de l’emploi.
La conformité aux dispositions statutaires est d’ordre public dans la mesure
où elle se rapporte à la procédure administrative qui constitue une formalité
substantielle.
Dès lors, le recours contentieux qui ne satisfait pas aux conditions préalables
statutaires est irrecevable.
RAPPORT DU JUGE RAPPORTEUR
Par requête en date du 30 juillet 2002, enregistrée au Greffe de la Cour de Justice de
l’UEMOA le 02 août 2002 sous le numéro 02/2002, Monsieur X Ah Ad,
ingénieur informaticien, précédemment chargé des réseaux au service des Technologies de
l’Information de la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM), par l’organe de son
conseil Maître Mamadou SAVADOGO, Avocat à la Cour de Ouagadougou, Ag Ai, a
introduit un recours en indemnisation à l’effet d’obtenir la condamnation de la BRVM au
paiement de la somme de 43.550.496 FCFA à titre de droits conventionnels et de réparation
du préjudice subi. Il a en outre sollicité la délivrance par la BRVM d’un certificat de travail à
son profit.
Par mémoire en réplique en date du 9 décembre 2002, Monsieur X, modifiant
le quantum de sa demande initiale, réclame désormais la somme globale de 37.674.486
FCFA.
I. EXPOSE DES FAITS
Les faits de la cause, tels qu’exposés par le requérant et non contestés par la défenderesse se
présentent ainsi qu’il suit :
Recruté le 15 septembre 1997 à la BRVM, puis confirmé responsable du service informatique,
M. X soutient avoir exercé ses fonctions sans percevoir l’intégralité de la
rémunération convenue entre lui et son employeur. A la suite de nombreuses réclamations, il
s’était vu interdire l’accès de son bureau et des locaux de la BRVM à la date du 30 octobre
2000. Après constat de cet état de fait par voie d’huissier, il fut réintégré dans son emploi par
son employeur qui lui notifia par la suite une mise à pied de deux mois prenant effet à
compter du 3 novembre 2000. Le 7 novembre 2000 il saisit en vain son Directeur Général
d’un recours administratif.
Ce dernier, le 22 décembre 2000, lui infligeait une nouvelle sanction, blâme pour
insubordination, relativement aux mêmes faits.
M. X engagea une autre procédure de recours administratif auprès de son
supérieur hiérarchique, en vain.
A l’expiration du délai de la première sanction, il réoccupa son emploi le 2 janvier 2001
mais le badge électronique lui permettant d’accéder à la salle informatique lui fut retiré. Le 5
février 2001 une nouvelle note émanant de son chef de service lui précisait des mesures
restrictives supplémentaires prises à son encontre.
Toujours selon le requérant, il saisit à nouveau le 30 mars 2001 le Directeur Général qui, en
retour, lui adressa un courrier lui fixant une période probatoire de trois mois devant expirer le
25 avril 2001, et comportant en outre des termes « injurieux ».
A l’expiration de la période probatoire, M. X adressa une lettre à son chef de
service pour savoir la conduite à tenir. Pour toute réponse, il s’entendit dire que non
seulement les mesures restrictives étaient maintenues, mais encore une action disciplinaire
était ouverte à son encontre.
Le requérant fait remarquer que devant ce harcèlement forcené s’étant traduit par deux
sanctions disciplinaires sans conseil de discipline, et par des mesures visant à rendre
insupportable l’atmosphère de travail, un échange de plus de quinze courriers en un an, tous
orientés vers une complication de sa situation administrative, il devait finir par démissionner
de la BRVM suivant lettre en date du 23 mai 2001.
Il ajoute qu’à la lecture des faits et au regard du rapport du conseil de discipline, il apparaît
qu’un certain nombre de comportements, de mesures et d’attitudes ont eu pour effet de rendre
ses conditions de travail impossibles et l’ont ainsi amené à démissionner.
Il estime qu’il y a eu licenciement abusif déguisé. Selon une jurisprudence constante poursuit-
il, l’auteur de la rupture en pareilles circonstances est l’employeur et non le travailleur qui n’a
fait que céder à une pression, la volonté de rupture se trouvant au niveau de l’employeur et
non du travailleur.
Il précise en outre que la rupture étant intervenue sans faute justifiée de sa part, il est en droit
de réclamer non seulement la somme de 24.554.034 FCFA à titre de dommages et intérêts,
mais aussi celles de :
- 5.456.452 FCFA au titre de l’indemnité de licenciement,
- 7.200.000 FCFA au titre de l’indemnité de responsabilité,
- 6.340.000 FCFA au titre de frais de séjour supplémentaire,
soit au total la somme de 43.550.486 FCFA.
Le recours a été signifié au Directeur Général de la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières
par lettre du greffier de la Cour en date du 21 août 2002.
Par lettre en date du 30 septembre 2002, le Directeur Général de la BRVM a informé la Cour
de la désignation de son agent en la personne de Monsieur Ab Y,
Responsable de l’Antenne nationale de la BRVM pour le Ag Ai.
Par lettre en date du 4 novembre 2002, Me Harouna SAWADOGO informa la Cour de sa
constitution pour la défense des intérêts de la BRVM.
Sur rapport du juge rapporteur, l’avocat général entendu, la Cour a décidé d’ouvrir la
procédure orale sans mesures d’instruction préalables.
Elle a cependant invité le requérant à produire respectivement le statut du personnel de la
BRVM ainsi que les copies des décisions de justice citées dans sa requête en date du 30 juillet
2002.
II. CONCLUSIONS DES PARTIES
Monsieur X conclut à ce qu’il plaise à la Cour :
* en la forme
- rejeter les exceptions d’incompétence et d’irrecevabilité soulevées par la BRVM ;
- en conséquence :
1) se déclarer compétente ;
2) déclarer le requérant recevable en son action ;
* au fond
- dire que la démission du concluant a été provoquée et obtenue grâce à la contrainte, et
s’analyse en réalité en un licenciement ;
- dire que le licenciement est abusif ;
- condamner la BRVM à payer au concluant la somme totale de 37.674.486 FCFA ;
- la condamner aux dépens dont distraction au profit de Me Mamadou SAVADOGO aux
offres de droit.
La BRVM conclut à ce qu’il plaise à la Cour :
* in limine litis
au principal
se déclarer incompétente à examiner le recours introduit par M. X Ah Ad
sur le fondement des articles 27 de l’Acte additionnel n°10/96 portant Statuts de la Cour de
Justice de l'UEMOA et 15 du Règlement n°01/96/CM portant Règlement de Procédures de la
Cour de Justice de l'UEMOA ;
Subsidiairement
Dire et juger que le recours introduit le 2 août 2002 par M. X Ah Ad l’a
été en violation de l’article 2401 du statut du personnel et de l’article 6105 du règlement
d’application du statut du personnel en ce que M. X n’a pas exercé le recours à
un comité d’arbitrage prescrit avant toute saisine de la Cour ;
en conséquence
déclarer ledit recours irrecevable ;
* subsidiairement au fond
- déclarer le recours irrecevable pour défaut de base légale ;
- rejeter les moyens invoqués par le requérant ;
en conséquence :
- débouter M. X Ah Ad de toutes ses demandes mal fondées ;
- le condamner aux entiers dépens.
IIL. MOYENS ET ARGUMENTS DES PARTIES
1. Sur la compétence
A. Moyens et arguments de la BRVM
Par mémoire en date du 5 novembre 2002, la BRVM qui conclut à l’incompétence de la Cour
de céans à connaître du recours exercé par M. X Ah Ad, fait observer
qu’aucun des textes sur lesquels le requérant fonde sa requête en indemnisation, ne donne
compétence à la Cour de justice de l’'UEMOA pour le règlement des litiges suite à la rupture
du contrat ayant lié les parties. Elle soutient, à titre surabondant que le recours en réparation
de dommages, n’est ouvert que contre les organes de l’Union.
Elle estime qu’en tout état de cause, la compétence de la Cour ne saurait s’apprécier par
rapport aux textes de la BRVM mais sur le fondement du Protocole additionnel n°10/96
portant statuts de la Cour de Justice de l'UEMOA, et du Règlement n°01/96/CM portant
Règlement de Procédures de la Cour de Justice de l'UEMOA.
Elle précise en outre que la requête de M. X n’entre dans aucun des domaines
de compétence de la Cour.
B. Moyens et arguments du requérant
Par mémoire en réplique en date du 9 décembre 2002, le requérant qui conclut par l’organe de
son conseil au rejet de l’exception d’incompétence fait remarquer que le titre 6 du règlement
du personnel dans lequel est contenu l’article 6105, s’intitule : « Sécurité de l’emploi ». Il
ajoute qu’il n’est pas nécessaire de revenir sur l’article 2401 du statut du personnel dans la
mesure où le règlement d’application n’est que la définition pratique dudit statut du personnel
qu’il « ne peut ni contredire ni modifier (en) aucune disposition ». Il soutient qu’il ressort du
chapitre 1 du titre 6 du règlement d’application du statut que la sécurité de l’emploi au sein de
la BRVM est assurée en dernier ressort par la juridiction de céans. Toujours selon le
requérant, il ne voit pas en quoi la juridiction chargée de contrôler la sécurité de son emploi
ne pourrait pas apprécier les circonstances dans lesquelles il l’a perdu.
Pour le requérant l’article 6101 du statut du personnel relatif à la sécurité de l’emploi traite
bien du licenciement.
Le requérant précise qu’aucune autre instance juridictionnelle que la Cour de céans n’a été
reconnue par la BRVM pour se prononcer sur les litiges pouvant l’opposer à ses agents.
Il fait noter qu’après avoir elle-même indiqué à ses agents de porter les litiges qu’ils
pourraient avoir contre elle devant la juridiction de céans, la BRVM soutient aujourd’hui que
la compétence de la Cour ne saurait s’apprécier par rapport aux textes de la BRVM.
Il souligne que la question soulevée est celle de savoir si la définition de la compétence de la
Cour de Justice de l’'UEMOA est limitative et exclusive de toute attribution conventionnelle
de compétence.
Il estime qu’aucune disposition des Statuts ou du Règlement de Procédures de la Cour ne
stipule l’exclusivité ni le caractère limitatif du champ de compétence de la Cour qui n’est pas
une juridiction d’exception mais bien une juridiction de droit commun à vocation
supranationale. Il précise que tant qu’une clause d’élection de juridiction lui attribuant
compétence n’est pas contraire à sa vocation supranationale ou à l’ordre public, elle ne peut
être tenue de décliner sa compétence, surtout pas à la demande de la partie qui la lui a
dévolue.
C. Réponse de la BRVM aux arguments du requérant
Par mémoire en duplique en date du 9 janvier 2003, la BRVM fait plaider que le requérant a
dénaturé en les interprétant, les dispositions des articles 2401 du statut du personnel et 6105
du règlement d’application. Elle soutient que ces dispositions régissent les relations de travail
au sein de la BRVM avec pour objectif principal d’éviter le plus possible la rupture des
relations de travail.
A cet égard, elle souligne qu’aux termes de l’article 2401 du statut du personnel, tout litige
entre elle et un de ses agents relatif à l’application du statut, est soumis à l’arbitrage d’un
comité de trois membres.
Elle précise qu’il s’agit là en réalité du recours préalable à une conciliation entre les parties.
C’est seulement en cas d’échec de cette procédure que l’une ou l’autre partie peut porter le
litige devant la Cour de Justice de l'UEMOA. Or, constate t-elle, le recours préalable au
comité d’arbitrage n’a jamais été observé avant sa démission par le requérant.
La BRVM a par ailleurs fait observer que M. X Ah Ad a démissionné et
n’est donc plus agent de la BRVM. Elle ajoute qu’aucun des textes invoqués par M.
X à l’appui de sa demande n’attribue compétence à la Cour de Justice de
l’UEMOA pour la rupture des relations de travail. Elle précise qu’elle n’a fait aucune
attribution de juridiction à la Cour de céans concernant le licenciement ou la démission.
2. Sur la recevabilité du recours de M. X Ah Ad
Dans son mémoire en défense, la BRVM rappelle qu’aux termes de l’article 2401 du statut du
personnel, « fout litige entre la BRVM et un ou plusieurs agents concernant l’application du
présent statut est soumis à l'arbitrage d’un comité de trois membres nommés l’un par le
Directeur et l’autre par le ou les agents concernés parmi les agents. Le troisième arbitre est
un juriste choisi d’un commun accord par les deux parties au sein ou en dehors de la BRVM
et qui préside les travaux du comité.
Lorsque la proposition de solution du litige émise par le comité n’est pas acceptée par l’une
des parties, celle-ci peut saisir la Cour de Justice de l'UEMOA. La décision de la Cour
s’impose aux deux parties et elle est sans appel ».
La BRVM en déduit que la présente procédure a été introduite à l’occasion d’une rupture de
contrat de travail et non de l’application des statuts. Pour la BRVM le recours manque de base
légale.
Elle souligne qu’à supposer que le présent recours concerne l’application des statuts, aussi
bien l’article 2401 du statut que l’article 6105 du règlement, prescrivent avant toute saisine de
la Cour, le recours préalable obligatoire à un comité d’arbitrage ou un recours administratif.
M. X Ah Ad n’a respecté ni l’un ni l’autre.
Dans son mémoire en réplique, le requérant qui conclut au rejet de l’exception d’irrecevabilité
soulevée par la BRVM, produit les différents recours administratifs préalables initiés par lui
ainsi que certaines réponses.
Il s’agit :
- du recours du 12 septembre 2001 adressé au chef hiérarchique suivi d’une réponse en date
du 4 octobre 2001 ;
- du recours du 17 octobre 2001 adressé au responsable du service des technologies de
l’information suivi d’une réponse en date du 31 octobre 2001 ;
- du recours du 15 novembre 2001 adressé au Directeur Général de la BRVM, resté sans
réponse.
Dans son mémoire en duplique, la BRVM qui conclut à l’irrecevabilité du recours de M.
X pour inobservation des dispositions des articles 2401 du statut du personnel
et 6105 du règlement d’application dudit statut, fait remarquer par ailleurs qu’aucun des
recours produits aux débats n’est conforme à la lettre ou à l’esprit même de l’article 6105
invoqué.
La BRVM soutient que l’objet du recours visé à cet article est le déferrement d’une décision
contestée et la dénonciation du harcèlement dont l’agent est l’objet.
Elle rappelle qu’au moment où le requérant adressait les lettres aux responsables de la
BRVM, il n’était plus agent de la BRVM, et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle la même
lettre a eu successivement trois destinataires.
3. Sur le fond
A. Moyens et arguments du requérant
Le demandeur soutient que le seul problème juridique posé par cette affaire est celui de savoir
si la démission provoquée par des mesures de harcèlement de la part de l’employeur constitue
en réalité un licenciement ou non.
Il fait remarquer que la réponse de la jurisprudence est sans appel depuis plusieurs décennies
et dans toutes les législations nationales des Etats africains et même au-delà de l’Afrique.
Il précise que de l’appréciation des faits, la Cour s’apercevra que la volonté de rupture des
relations de travail émane non de lui mais de la BRVM.
Il ajoute que la contrainte, la pression et le harcèlement ont été à l’origine de sa démission.
Tout en réclamant le paiement d’une indemnité de licenciement, d’une indemnité de
responsabilité outre une prime de fin d’année, il estime que le caractère abusif du licenciement et les différents préjudices qui en ont résulté, justifient amplement que lui soient
accordés des dommages et intérêts correspondant à un an et demi de salaires.
B. Moyens et arguments de la BRVM
La BRVM soutient dans son mémoire en défense que ni les Statuts, ni le Règlement de
Procédures de la Cour ne confèrent à cette juridiction le pouvoir de convertir une démission
en licenciement.
Elle ajoute que l’action en indemnisation a pour fondement la responsabilité du défendeur qui,
par un acte matériel ou juridique cause préjudice à autrui.
Elle rappelle que dans le cas d’espèce il s’agit d’une rupture des relations de travail dont
l’initiative émane du requérant lui-même.
La BRVM concluant au débouté du requérant fait observer que ce dernier n’a pas été en
mesure de dire le préjudice pour lequel les dommages et intérêts sont demandés. Elle estime
que la nature des réclamations est incompatible avec l’action en indemnisation. Elle précise
que les réclamations telles que formulées ne seraient que la conséquence pécuniaire de
l’annulation d’une décision de licenciement.
Selon la BRVM, en l’espèce la Cour de céans n’est saisie d’aucun recours en annulation. Il
n’y a eu aucune décision à attaquer.
Toujours selon la BRVM, le recours en indemnisation a pour fondement essentiel le
fonctionnement défectueux de l’administration, consacré par un acte illégal lequel causerait
préjudice au destinataire, et que l’agent victime de harcèlement a d’autres voies de recours
que la démission.
Elle fait par ailleurs observer que les décisions de justice versées aux débats sont isolées et ne
sauraient constituer une jurisprudence.
Elle déclare que M. X n’apporte pas la moindre preuve d’une quelconque
contrainte, et qu’à aucun moment il n’a soutenu que la lettre de démission adressée à son
employeur a été rédigée et soumise à sa signature par ce dernier.
La BRVM a enfin fait observer la non-conformité de la demande initiale formulée à travers la
requête en indemnisation et celle contenue dans le mémoire en réplique du requérant, ainsi
que l’inexistence d’une demande de prime de fin d’année dans la requête ; elle estime que la
Cour de céans n’est pas valablement saisie de ce chef de demande.
Le Juge rapporteur
Paulette BADJO EZOUEHU CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GENERAL
I. FAITS ET PROCEDURE
A) Les faits
Le 03 novembre 2000, une sanction disciplinaire de mise à pied d’une durée de deux (2) mois
avec prise d’effet immédiate et maintien de solde a été infligée à Monsieur Ad
X, ingénieur informaticien, cadre supérieur en service à Ak (Côte
d’Ivoire) au siège de la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM) de l’Union
Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA).
La décision portant cette sanction disciplinaire de mise à pied prise par le Directeur Général
de la BRVM précise en son article premier que cette sanction a été infligée à Monsieur
Ad X pour des raisons de sécurité.
Il est reproché à Monsieur Ad X, cadre supérieur au Service des
Technologies de l'Information, des actes d’indiscipline caractérisée, entre autres, un
manquement grave à l'autorité supérieure qu’est la Direction Générale par son refus de
réceptionner une note du 30 octobre 2000 du Directeur Général, qui l’invitait à accepter
l’organisation du Service des Technologies de l'Information de la BRVM.
Après que cette décision eut été notifiée (à la même date du 03 novembre 2000) à Monsieur
Ad X, celui-ci a, par lettre en date du 07 novembre suivant, saisi le
Directeur Général de la BRVM d’un recours administratif par lequel il lui demandait de
rapporter la décision de sanction disciplinaire de mise à pied prise à son encontre, de
l’autoriser à reprendre ses fonctions et, s’expliquant sur les faits qui lui étaient reprochés, il
déclarait :
- que, le lundi 30 octobre 2000, rentré chez lui après l’heure normale de fermeture des
bureaux à 17h30 minutes, il avait reçu un appel téléphonique un peu après 21 heures d’un
agent de la BRVM qui voulait le rencontrer et lui remettre un courrier du Directeur
Général de la BRVM ;
- qu’il avait indiqué à l’agent un lieu de rendez-vous et qu’il était allé le rencontrer à
l’endroit indiqué ;
- que dans l’impossibilité de s’assurer sur place de l’authenticité de ce courrier, il avait
souhaité en différer la réception.
Selon les termes d’un procès-verbal de constat d’huissier dressé au siège de la BRVM le
vendredi 03 novembre 2000 à la requête de M. X, celui-ci a affirmé avoir eu
deux (2) entretiens avec le Directeur Général de la BRVM les 20 et 30 octobre 2000 à la
demande de ce dernier et qu’au cours de leur entretien du 30 octobre 2000, le Directeur
Général lui avait fait savoir verbalement le désir de la BRVM de se séparer de lui.
M. X a ajouté :
- que ce même jour, le Directeur Général lui avait demandé de l’accompagner au bureau du
responsable administratif et que, lorsqu’ils étaient arrivés dans ledit bureau, le Directeur
Général avait répété à ce dernier la décision qu’il venait de prendre en son encontre, à
savoir : séparation et rupture du contrat de travail à partir de cet instant ; qu’il le dispensait
de la période de préavis ;
- qu’il ne l’autorisait plus à avoir accès au système informatique de la BRVM ni aux
locaux ;
- que suite à cela, sans lui avoir remis sa lettre de licenciement, le Directeur Général avait
demandé au responsable administratif de le raccompagner dans son bureau afin qu’il
puisse prendre ses affaires et quitter la BRVM ;
- que depuis lors, il n’avait plus accès à son bureau (fermé par le responsable administratif)
ni aux locaux de la BRVM.
Outre la sanction disciplinaire de mise à pied prise à l’encontre de M. X, le
Directeur Général de la BRVM a, par décision n°005/12/BRVM-DG-SHR en date du 22
décembre 2000, infligé à celui-ci une nouvelle sanction disciplinaire, à savoir un blâme.
L'article 2 de cette décision précise que cette sanction a été prononcée à l’encontre de M.
X pour insubordination et qu’elle l’a été après avoir pris connaissance des
conclusions du Comité de Direction.
L'article premier de la même décision indique que lesdites conclusions ont été transmises à la
Direction Générale après que le Comité de Discipline eut examiné le dossier de M.
X.
Cette décision a été notifiée à M. X le même jour et a fixé la date de reprise de
travail de celui-ci au 02 janvier 2001.
Par lettre datée du même jour (22 décembre 2000), le Directeur Général de la BRVM a
imposé une série d’injonctions à M. X. En effet, il a subordonné la reprise du
travail de celui-ci au strict respect des conditions suivantes :
- soumettre au préalable une lettre d’engagement par laquelle il doit s’engager formellement
à se conformer à l’organisation du Service des Technologies de l’Information et à
respecter l’autorité de son chef hiérarchique ;
- obligation de produire et présenter à son chef hiérarchique durant une période probatoire
de trois (3) mois un compte rendu hebdomadaire de ses activités au sein du service, avec
copie à la Direction Générale ainsi qu’au Service des Ressources Humaines ;
- le chef du Service des Technologies de l’Information proposera à la Direction Générale
des dispositions sécuritaires visant à lui restreindre l’accès aux systèmes informatiques
névralgiques de la BRVM pendant toute la période probatoire de trois (3) mois ;
- tout manquement à la discipline et au respect des instructions citées ci-dessus entraînera à
son encontre les procédures disciplinaires réglementaires les plus graves.
Par lettre datée du 21 janvier 2001, M. X a, conformément aux dispositions des
articles 6.101 à 6.105 du Règlement d’application du Statut du personnel de la BRVM, saisi
son chef hiérarchique direct afin que celui-ci intercède auprès de l’auteur de la sanction disciplinaire de blâme pour que ce dernier rapporte celle-ci. Par cette lettre, M.
X a fait observer :
- que, au regard des textes réglementaires de la BRVM, la mise à pied constitue une
sanction disciplinaire de second degré et que le blâme est une sanction disciplinaire de
premier degré ;
- qu’il comprenait difficilement que pour les mêmes faits et sans aucune demande
d’explication préalable, la Direction Générale puisse lui infliger à la fois une mise à pied
et un blâme, ce qui constitue une double sanction au regard de la loi et donc formellement
interdite.
Après l’expiration du délai de la sanction disciplinaire de mise à pied, M. X a
repris son service le 02 janvier 2001 mais s’est vu retirer le badge électronique qui lui
permettait l’accès à la salle d'informatique.
Dès sa reprise de service, M. X s’est conformé aux injonctions qui lui avaient
été adressées. En effet, il a rédigé la nouvelle lettre d’engagement (reçue au secrétariat du
Directeur Général le 25 janvier 2001) et fait tous les comptes rendus hebdomadaires sur ses
activités au sein du service (seize comptes rendus hebdomadaires d’activités allant du O1
février au 17 mai 2001).
Le recours administratif qu’il avait adressé à son chef hiérarchique direct était demeuré sans
réponse. Bien au contraire, le O5 février 2001, son chef hiérarchique direct lui avait précisé
par écrit les mesures restrictives supplémentaires prises à son encontre.
Par lettre en date du 30 mars 2001, M. X a alors saisi le Directeur Général d’un
recours administratif aux termes duquel il relevait :
- qu’il n’avait toujours pas obtenu de réponse de son chef de service pour le recours
administratif qu’il avait exercé auprès de celui-ci le 11 janvier 2001 ;
- que suite à l’expiration du délai imparti, il se permettait de le saisir des mêmes demandes
tendant à rapporter les sanctions qui lui avaient été infligées.
En réponse à cette lettre, le Directeur Général lui a adressé un courrier daté du 30 mars 2001
qui précisait à M. X une période probatoire de trois (3) mois.
Ayant constaté qu’aucune disposition n’a été prise à son égard pour sanctionner la période
probatoire de trois (3) mois à laquelle il avait été soumis dès sa reprise de service le 02 janvier
2001, M. X a alors, le 03 mai 2001, adressé une lettre à son chef de service
pour savoir la conduite à tenir. Celui-ci lui a, par lettre en date du 04 mai 2001, répondu que
les mesures restaient maintenues.
De son côté, le Directeur Général de la BRVM a, par deux (2) lettres écrites le 11 mai 2001 et
adressées à M. X, fait savoir à celui-ci :
- que pour des raisons d’efficacité et de sécurité, les mesures restrictives prises par son chef
de service étaient maintenues ;
- qu’il était au regret de l’informer que la période d’observation (période probatoire) n’était
pas concluante ;
- qu’il était reproché pendant cette période à M. X une attitude persistante et
ses actes d’insubordination caractérisée, constituant une faute disciplinaire ;
- qu’en effet, il n’avait pas cru devoir faire suite à sa lettre du 22 décembre 2000 qui le
mettait en demeure de répondre le 02 janvier 2001 au plus tard, date de sa reprise de
service suite à la mise à pied qui lui a été infligée ;
- que M. X n’avait répondu que le 25 janvier 2001, soit vingt trois (23) jours
au-delà de la date limite ;
- qu’il continuait de manquer de respect à son chef hiérarchique et d’afficher une attitude
constante de refus d’ordre de service ;
- que ces actes d’insubordination constituaient une récidive de sa part,
- que son dossier disciplinaire était transmis au Conseil de discipline pour examen.
Le 15 juin 2001, le Conseil de discipline s’est réuni pour statuer sur l’action disciplinaire
engagée par le Directeur Général de la BRVM contre M. Ad X. Dans son
rapport, le Conseil a fait savoir qu’il était reproché à M. X pendant sa période
d’observation :
- une attitude persistante de ses actes d’insubordination caractérisée, pour preuve un retard
de vingt trois (23) jours suite à un courrier du Directeur Général de la BRVM le mettant
en demeure de répondre dans un délai déterminé ;
- un manque de respect envers son chef hiérarchique et une attitude constante de refus
d’ordre de service.
Après avoir entendu, d’une part le représentant de la Direction Générale, d’autre part le mis
en cause (M. X), le Comité a, se fondant sur les différents éléments contenus
dans les diverses pièces mises à sa disposition relevé :
- qu’en ce qui concerne le retard de réponse durant les vingt trois (23) jours, l’accusé a
exercé deux (2) recours administratifs pour obtenir la révision des sanctions qui lui ont été
infligées ;
- que s’agissant du premier recours daté du 28 décembre 2000 adressé à son chef
hiérarchique, la réponse est intervenue le 09 janvier 2001 dans le délai réglementaire de
quinze (15) jours imparti :
- que pour le deuxième recours administratif adressé au responsable de service le 11 janvier
2001, à celui-ci un délai de réponse de trente (30) jours était réglementairement imparti ;
- que ce recours n’avait pas été suivi de réponse ;
- que le Comité n’avait pas pu trouver dans les différents règlements une disposition qui
définissait clairement l’attitude à adopter par un employé après avoir exercé un recours ;
- qu’en d’autres termes la question était de savoir si le recours administratif suspendait
temporairement la sanction ;
- qu’en l’absence de dispositions réglementaires sur cette question, le Comité concluait que
les différents recours pouvaient justifier le retard de vingt trois (23) jours observés par
l’accusé et que, par conséquent, cette attitude ne pouvait être perçue comme une
insubordination ou un manque de respect ;
- qu’en ce qui concerne la période d’observation, le Comité avait constaté durant cette
période de nombreux échanges de correspondances avant et au cours des travaux qui ont
été soumis à l’accusé par son chef hiérarchique ;
- que le Comité s’était demandé si ces échanges pouvaient être considérés comme une
insubordination ou au contraire des échanges de points de vue sur un sujet donné car en
fait, le travail demandé avait été fait mais il avait été mal exécuté et par conséquent, ne
correspondait pas aux attentes du responsable de service ;
- que le Comité avait jugé qu’il n’avait trouvé parmi les éléments mis à sa disposition aucun
fait qui attestait clairement durant cette période un manque de respect ou
d’insubordination.
Ayant estimé que les agissements du Directeur Général et de son Chef de service étaient de
pure méchanceté concrétisée par deux (2) sanctions disciplinaires prises en deux (2) mois sans
Conseil de discipline et ayant considéré les mesures que ceux-ci prenaient à son encontre de
plus en plus insupportables, toutes orientées vers une complication de sa situation
administrative, M. Ad X a, par une lettre de démission en date du 23 mai
2001, rompu le contrat de travail qui le liait à la BRVM.
B) Procédure
Par requête en date du 30 juillet 2002 reçue le 1” août 2002 Maître Mamadou SAVADOGO,
Avocat au Barreau de Ouagadougou, agissant au nom et pour le compte de Monsieur Ad
X, a saisi la Cour de céans et sollicite de celle-ci la condamnation de la BRVM
à lui payer une somme totale de 43 550 486 francs CFA pour licenciement abusif.
A l’appui de sa requête Maître Mamadou SAVADOGO expose :
qu’il apparaît à la lecture des faits et au regard du rapport du Conseil de discipline, qu’un
certain nombre de comportements, de mesures et d’attitudes ont eu pour effet de rendre les
conditions de travail impossibles pour M. X pour l’emmener ainsi à
démissionner à défaut de pouvoir justifier un licenciement régulier ;
que la volonté des autorités de la BRVM de se débarrasser de lui s’est manifestée pour la
toute première fois le 30 octobre 2000 par l’empêchement de M. X
d’accéder à son poste de travail ;
que ces actes ont été les seuls éléments qui ont été à l’origine de la démission de M.
X qui a toujours souhaité continuer à travailler à la BRVM ;
qu’il y a ainsi licenciement déguisé suivant jurisprudence aussi ancienne que ferme et
constante, affirmée et appliquée dans tous les systèmes judiciaires de l’espace UEMOA, et
qu’aux termes de cette jurisprudence l’auteur de la rupture en pareilles circonstances est
l’employeur et non le travailleur qui n’a fait que céder à une pression ;
qu’il y a lieu d’analyser les motifs de cette rupture dont l’auteur véritable est l’employeur
et le motif exact est à rechercher dans la période où ont commencé à se manifester les
mesures de harcèlement (le 30 octobre 2000), date de fermeture des bureaux à M.
X ;
qu’à ce sujet, rien de sérieux ne lui avait été reproché ainsi que l’atteste le rapport du
Conseil de discipline et il y a lieu de considérer qu’il y a eu licenciement sans motif ou
sans motif sérieux et dans tous les cas, licenciement abusif ;
que le préjudice qui en est résulté est non seulement la perte de l’emploi mais aussi la
souffrance morale qu’il a endurée au sein de la BRVM depuis le 30 octobre 2000, du fait
des sanctions disciplinaires injustifiées (mise à pied excessive et partant illégale de deux
(2) mois et blâme), lesquels chefs de préjudice justifient la réclamation de la somme de 24
554 034 FCFA correspondant à dix-huit (18) mois de salaires ;
que la rupture étant intervenue sans faute de la part du requérant, celui-ci réclame le
payement de ses droits conventionnels et légaux qui sont :
1) l’indemnité de licenciement : 5 456 452 francs correspondant à quatre (4) mois de
salaires, le salaire net étant de 1 214 113 francs majoré de 150 000 francs (prime
mensuelle de responsabilité jamais payée), soit 1 364 113 francs ;
2) l’indemnité de responsabilité qu’il a toujours réclamée jusqu’à son licenciement : 150
000 francs par mois et pendant quatre (4) ans, soit 7 200 000 francs ;
3) le payement de son salaire pour la période pendant laquelle il a été contraint de rester à
Ak, faute des autorités de la BRVM de n’avoir pas assuré son déménagement à
Aa, soit de septembre 2001 à janvier 2002 : 6 340 000 francs ;
que la somme totale réclamée par M. X s’élève à :
e dommages et intérêts : 24 554 034 francs
e indemnités de licenciement : 5 456 452 francs
e indemnités de responsabilité : 7 200 000 francs
e frais de séjour supplémentaire : 6 320 000 francs
Soit un total de : 43 550 486 francs
que le requérant sollicite de la Cour de condamner la BRVM à lui payer la somme totale
de 43 550 486 francs en payement de ses droits conventionnels et en réparation du
préjudice qu’il a subi ;
qu’au surplus la BRVM se refuse jusqu’à ce jour à délivrer au requérant un certificat de
travail conforme au modèle prévu par le Statut du personnel et le Règlement d’application
dudit Statut ; et sans que ledit certificat de travail comporte, comme l’a fait la BRVM, des
périodes vides comme s’il y avait eu un temps d’inactivité durant la période d’embauche ;
que le requérant sollicite de la Cour qu’il soit ordonné la délivrance d’un certificat de
travail à son profit.
Par mémoire en défense en date du 05 novembre 2002 reçu le 06 novembre 2002, Maître
Harouna SAWADOGO, Avocat au Barreau de Ouagadougou, agissant au nom et pour le
compte de la BRVM, soulève in limine litis deux exceptions tirées de l’incompétence de la
Cour et de l’irrecevabilité du recours introduit par M. Ad X.
1) Sur l’exception d’incompétence
Après avoir relevé que le requérant a saisi la Cour de céans sur le fondement des dispositions
des articles 2.401 du Statut du personnel de la BRVM et 6.105 du Règlement d’application
dudit Statut, Maître SAWADOGO fait remarquer :
- que ces dispositions réglementent respectivement les litiges en cas d'application du Statut
du personnel et le recours administratif interne ; qu’aucune de ces dispositions ne
concerne la rupture des relations de travail ni l’indemnisation en cas de rupture desdites
relations ;
- que les articles 2.401 du Statut du personnel et 6.105 du Règlement d’application dudit
Statut posent le problème d’application et d’interprétation des Statuts de la BRVM ;
- que, par conséquent, aucun de ces textes ne donne compétence à la Cour pour le règlement
des litiges suite à la rupture du contrat de travail ;
- que le recours en réparation de dommages n’est ouvert que contre les Organes de
l’Union ;
- qu’en tout état de cause, la compétence de la Cour ne saurait s’apprécier par rapport aux
textes de la BRVM mais sur le fondement du Protocole additionnel n°10/96 du 10 mai
1996 portant Statut de la Cour de Justice et du Règlement n°01/96/CM du 05 juillet 1996
portant Règlement de procédure de la Cour de Justice de l'UEMOA ;
- que, par conséquent, il plaira à la Cour de se déclarer incompétente à connaître du litige
qui lui a été soumis.
2) Sur l’exception d’irrecevabilité
Après avoir exposé que le requérant prétend que la Cour est compétente en vertu des
dispositions du Statut du personnel (article 2.401) et du Règlement d’application dudit Statut
(article 6.105), Maître SAWADOGO soutient que lesdits articles réglementent le litige entre
la BRVM et un ou plusieurs agents dans le cadre de l’application dudit Statut.
Il relève qu’aux termes de l’article 2.401 du Statut du personnel :
- «tout litige entre la BRVM et un ou plusieurs agents concernant l’application du Statut
est soumis à l’arbitrage d’un Comité de trois (3) membres nommés l’un par le Directeur
et l’autre par le ou les agents concernés parmi les agents. Le troisième est un juriste
choisi de commun accord par les deux parties au sein ou en dehors de la BRVM et qui
préside les travaux du Comité ;
- lorsque la proposition de solution du litige émise par le Comité n’est pas acceptée par
l’une des parties, celle-ci peut saisir la Cour de Justice de l'UEMOA ;
- la décision de la Cour s’impose aux deux parties et elle est sans appel. »
Ainsi, Maître SAWADOGO soutient :
- que la présente procédure a été introduite à l’occasion d’une rupture de contrat de travail
et non de l'application du Statut ;
- que, par conséquent, le recours manque de base légale ;
- qu’il plaira à la Cour, pour ce moyen, de déclarer ledit recours irrecevable.
Faisant observer que s’il est admis que le présent recours concerne l’application des statuts à
ce niveau, l’article 2401 du Statut du personnel de la BRVM ainsi que l’article 6105 du
Règlement d’application de ce Statut prescrivent avant toute saisine de la Cour, le recours
préalable obligatoire à un Comité d’arbitrage ou un recours administratif ; Maître SAWADOGO demande à la Cour de déclarer la requête irrecevable, le requérant n’ayant ni
présenté un recours au Comité d’arbitrage ni exercé le recours administratif préalable.
Subsidiairement au fond
Maître H. SAWADOGO fait observer :
- que l’action en indemnisation a pour fondement la responsabilité du défendeur qui, par un
acte matériel ou juridique, cause préjudice à autrui ;
- que dans le cas d’espèce, la BRVM n’a posé aucun acte matériel ou juridique ;
- qu’il s’agit d’une rupture des relations de travail dont l’initiative émane de M.
X lui-même ;
- que l’acte attaqué par M. X émane de lui-même et non de la BRVM ;
- que s’il y a dommage, il résulte de l’acte pris par M. X (sa démission) ;
- que la rupture des relations de travail est matérialisée par une lettre de licenciement
émanant de l’employeur et non une lettre de démission comme c’est le cas ;
- que M. X a été absent de son poste pendant une dizaine de jours environ de
manière injustifiée ;
- que la BRVM avait l’occasion de le licencier ; qu’elle l’aurait fait en toute légitimité parce
qu’une absence injustifiée d’un cadre de la société constitue une faute lourde aux termes
du Statut du personnel et de son Règlement d’application, laquelle faute lourde est
susceptible de fonder un licenciement, ce que la BRVM n’a cependant pas fait ;
- que l’acte de démission a été posé par le requérant lui-même.
Sur la base de ces observations, Maître H. SAWADOGO demande à la Cour de débouter M.
X de ses prétentions tendant à convertir sa démission en licenciement.
S’agissant des réclamations en payement de la somme de 43 550 486 francs aux titres des
droits conventionnels et légaux ci-dessus exposées de M. X, Maître H.
SAWADOGO demande à la Cour de débouter celui-ci de ses prétentions comme non fondées.
Au demeurant, Maître H. SAWADOGO relève en effet :
- que les réclamations telles que formulées ne seraient que la conséquence pécuniaire de
l’annulation d’une décision de licenciement ;
- qu’en l’espèce la Cour de céans n’est saisi d’aucun recours en annulation ; que cela ne
pouvait être autrement puisqu’il n’y avait aucune décision à attaquer ;
- que le recours en indemnisation a pour fondement essentiel le fonctionnement défectueux
de l’administration consacré par un acte illégal, lequel causerait préjudice au destinataire
et que là encore il ne saurait être reproché à la BRVM d’avoir pris un acte illégal
assimilable à un fonctionnement défectueux de ses organes et ayant causé préjudice à M.
Ad X.
Par mémoire en réplique en date du 09 décembre 2002 reçu au Greffe de la Cour le 10
décembre suivant, Maître Mamadou SAVADOGO, conseil de M. Ad X a
rejeté tous les arguments de la défense. Il sollicite de la Cour de condamner celle-ci à lui
payer une somme totale de 43 550 486 francs ramenée à 37 674 486 francs dans ladite
requête.
Par mémoire en duplique en date du 09 janvier 2003, Maître Harouna SAWADOGO a de
nouveau conclu :
- àl’incompétence de la Cour de Justice de l'UEMOA pour connaître de ce litige ;
- à l’irrecevabilité du recours introduit par M. Ad X ;
- en conséquence, au déboutement de M. Ad X de son action.
1) Sur la compétence de la Cour de Justice de l'VEMOA
M. Ad X a été recruté le 15 septembre 1997 au sein du service
informatique de la BRVM comme cadre supérieur. À ce titre, au plan professionnel, il relevait
du régime instauré par le Statut du personnel de la BRVM en date du 08 juillet 1999 et de son
Règlement d’application en date du 03 janvier 2000.
L'article 2.401 du Statut du personnel de la BRVM dispose :
« Tout litige entre la BRVM et un ou plusieurs agents concernant l’application du présent
Statut est soumis à l’arbitrage d’un Comité de trois (3) membres nommés… »
« Lorsque la proposition de solution du litige émise par le Comité n’est pas acceptée par
l’une des parties, celle-ci peut saisir la Cour de Justice de l'UEMOA. La décision de la Cour
s’impose aux deux parties et elle est sans appel. »
La juridiction saisie par le requérant est la Cour de Justice de l’Union Economique et
Monétaire Ouest Africaine (UEMOA).
Le règlement n°01/96/CM/UEMOA du 05 juillet 1996 portant Règlement de Procédures de
cette Cour, traitant du recours du personnel de l’Union, dispose en son article 15(4) que la
Cour statue sur tout litige entre les organes de l’Union et leurs agents dans les conditions
déterminées au statut du personnel.
La BRVM, elle, est une société anonyme. C’est une Institution Financière Spécialisée et
bénéficiaire d’une concession de service public attribuée par les Etats signataires de l’Union
Monétaire Ouest Africaine (UMOA). Par la clause attributive de compétence contenue dans
les dispositions de l’article 2.401 de son Statut du personnel, elle est assimilée à un organe de
En vertu de ladite clause, la Cour de Justice de l'UEMOA est compétente pour connaître en
dernier ressort de tout litige qui oppose la BRVM à un ou plusieurs des ses agents.
Bien qu’il ait rompu le contrat de travail qui le liait à la BRVM, M. X est, au
regard des dispositions dudit article 2.401, un agent de la BRVM.
La Cour doit, dès lors, se déclarer compétente pour connaître du litige qui oppose la BRVM
au requérant.
Sur la forme
L'article 2.401 du Statut du personnel dont les dispositions viennent d’être exposées, exige
que tout agent qu’un litige oppose à la BRVM soumette tout d’abord ledit litige à l’arbitrage
d’un Comité de trois (3) membres. C’est lorsque la proposition de solution du litige émise par
le Comité n’est pas acceptée par l’une des parties que celle-ci peut saisir la Cour de Justice de
En l’espèce, le requérant n’a versé au dossier aucune pièce attestant qu’il s’est conformé aux
dispositions de l’article 2.401 précité qui lui demandaient de saisir préalablement le Comité.
En annexe au mémoire en réplique de Maître Mamadou SAVADOGO (conseil de M.
X), reçu au Greffe de la Cour le 09 décembre 2002, se trouvaient des copies de
trois lettres écrites à Abidjan par Maître JOURVENANCE Sery, Avocat au Barreau
d’Abidjan, précédent conseil dudit requérant.
Ces lettres datées :
- la première, du 12 septembre 2001,
- la seconde, du 17 octobre 2001,
- la troisième, du 15 novembre 2001,
étaient adressées respectivement :
- à Monsieur Ac Aj AeBA, chef hiérarchique de Monsieur Ad
X, Service des Technologies de l'Information, BRVM/D.C.BR ABIDJAN ;
- à Monsieur Ac Aj AeBA, responsable du Service des Technologies de
l’Information BRVM/D.C.BR ABIDJAN ;
- à Monsieur le Directeur Général de la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières dite
BRVM ABIDJAN.
Par chacune de ces trois lettres, Maître JOUR-VENANCE Sery, agissant au nom et pour le
compte de M. X, a introduit auprès des destinataires un recours administratif
appelé « recours administratif avant la saisine de la Cour de Justice de l'UEMOA ».
Il entendait ainsi se conformer aux dispositions de l’article 6.101 du Règlement d’application
du Statut du personnel de la BRVM qui dispose qu’en application des dispositions de l’article
6.101 du Statut, il est établi une procédure de recours administratif, applicable aux plaintes
formées par les agents, contre les évaluations des performances et les décisions
administratives ainsi que contre les harcèlements de toutes sortes.
Ces recours administratifs dont la procédure est établie en trois (3) phases par l’article 6.102
du même règlement ne sont pas le type de recours indiqué à l’article 2.401 du Statut du
personnel de la BRVM avant la saisine de la Cour de Justice de l'UEMOA en cas de litige
opposant la BRVM à l’un ou plusieurs de ses agents.
La Cour doit dès lors déclarer le recours de M. Ad X irrecevable.
Sur le fond
Dans le cas où la Cour déclarerait la requête de M. X recevable, elle devra
statuer nécessairement sur le fond. C’est pour cette éventualité que nous abordons cette partie
de l’instance.
Le requérant prétend que sa démission est un licenciement déguisé ou en d’autres termes un
licenciement abusif.
Il faudra donc répondre à la question suivante : la démission de M. X a-t-elle été
provoquée par des agissements et des comportements des autorités de la BRVM ? Il s’agit ici de dire si les sanctions et les mesures que les autorités de la BRVM ont prises à
l’encontre de M. X ont par leur caractère et leur sévérité contraint celui-ci à
rompre le contrat de travail qui le liait à la BRVM.
Le 03 novembre 2000, une sanction disciplinaire de mise à pied de deux (2) mois a été
infligée à M. X. La note de décision de cette sanction fait référence à des actes
d’indiscipline caractérisée notamment le refus de réceptionner une note du Directeur Général
de la BRVM du 30 octobre 2000.
Selon les affirmations de M. X, celui-ci était présent à son poste de travail le
lundi 30 octobre 2000 et avait passé une journée normale de travail sans qu’aucun courrier lui
ait été transmis. Il a ajouté que, rentré chez lui, il recevait, un peu après 21 heures, un appel
téléphonique d’un agent de la BRVM qui voulait lui remettre un courrier ; qu’il avait indiqué
un endroit à cet agent et qu’il était allé le rencontrer ; qu’ayant trouvé les circonstances dans
lesquelles la réception du courrier devait avoir lieu anormales, il avait préféré la différer.
Tout agent pouvait, sans la moindre hésitation, différer ou refuser la réception de la note du
Directeur Général cette nuit là.
La note de décision de sanction disciplinaire de mise à pied infligée au requérant précisait que
le courrier qui allait être réceptionné par M. X invitait celui-ci a accepter
l’organisation du service des Technologies de l'Information. Est-ce qu’il y avait urgence à
notifier un tel courrier à M. X qui devait être à son poste de travail le
lendemain dès les premières heures de la journée ? La réponse est sûrement non.
Si les autorités de la BRVM avaient jugé que M. X avait commis une faute par
son refus de réceptionner ledit courrier, la sanction qu’elles devaient infliger devait-elle être
une mise à pied d’une durée de deux (2) mois ?
La réponse à cette question est négative si on se réfère aux dispositions de l’article 72 du
Règlement n°01/95/CM du 1°" août 1995 portant Statuts des fonctionnaires de l'UEMOA qui
fixent à huit (8) jours au maximum la durée de la mise à pied. Cette durée peut servir de
référence puisque le Règlement d’application du Statut du personnel de la BRVM n’indique
pas le quantum de la sanction de la mise à pied.
L'article 9.103 du Statut du personnel de la BRVM dispose qu’un Conseil de discipline est
institué pour examiner les fautes disciplinaires et proposer les sanctions équitables. Rien
n’indique que ce Conseil de discipline a été saisi et a proposé la sanction infligée au
requérant.
Il importe de relever que la prise d’effet immédiate d’une sanction de mise à pied d’une durée
de deux (2) mois et la fermeture du bureau de M. X sans que celui-ci puisse y
avoir accès à compter de la date de signature de la décision de sanction disciplinaire sont des
circonstances qui rendaient la sanction très sévère pour le requérant.
Il a été ensuite infligé au requérant un blâme pour insubordination. La décision portant
sanction disciplinaire de blâme en date du 22 décembre 2000 n’a pas été motivée. Il est
difficile de connaître ce qui a été reproché à M. X. Le motif pour lequel le
requérant a été encore sanctionné en deux (2) mois aurait dû être précisé. À notre sens, le mot
insubordination paraît vague.
A cette même date du 22 décembre 2000 à laquelle la décision de sanction disciplinaire de
blâme a été infligée à M. X, le Directeur Général de la BRVM a pris à
l’encontre de celui-ci une série de mesures précisées plus haut qu’il faut rappeler ici :
- écrire une nouvelle lettre d’engagement ;
- obligation de produire et présenter à son chef hiérarchique durant une période probatoire
de trois (3) mois un compte rendu hebdomadaire de ses activités au sein du service, avec
copie à la Direction Générale ainsi qu’au service des ressources humaines ;
- le chef du service des Technologies de l’Information proposera à la Direction Générale
des dispositions sécuritaires visant à lui restreindre l’accès aux systèmes informatiques
névralgiques de la BRVM pendant toute la période probatoire de trois (3) mois ;
- tout manquement à la discipline et au respect des instructions citées ci-dessus entraînera à
son encontre les procédures disciplinaires réglementaires les plus graves.
Ces mesures paraissent manifestement exagérées et très sévères par leur nature et leur cumul.
Les faits reprochés à M. X ne méritent pas cette série de mesures.
Pour s’en convaincre, il suffirait de se rappeler à titre d’exemple le contenu du rapport dressé
le 30 juillet 2001 par le Conseil de discipline suite à l’action disciplinaire engagée contre M.
X par le Directeur Général de la BRVM qui avait reproché à celui-ci pendant
sa période d’observation une attitude persistante et ses actes d’insubordination caractérisée.
Après avoir tenu plusieurs sessions, le Conseil de discipline a jugé que les faits reprochés à
M. X n’étaient pas fondés.
Enfin, M. X apprendra par les termes d’une lettre en date du 11 mai 2001 du
Directeur Général de la BRVM que les mesures restrictives prises par son chef de service
étaient maintenues et que la période d’observation n’était pas concluante.
Continuer à subir les mêmes restrictions et refaire une nouvelle période d’observation ne
pouvaient qu’être très éprouvants pour M. X, cadre supérieur qui avait déjà
plus de trois (3) ans d’ancienneté sans avoir encouru auparavant la moindre sanction.
Ces difficultés étaient de nature à nuire à la volonté et à la détermination de M.
X de continuer à mettre son expertise au service de la BRVM.
Sur la base de l’analyse que nous avons faite des sanctions infligées à M. X et
des mesures et restrictions auxquelles celui-ci avait été soumis par les autorités de la BRVM,
nous estimons que ces sanctions, ces mesures et ces restrictions ont contraint M.
X à rompre, malgré lui, le contrat de travail qui le liait à ll BRVM.
La démission de M. X doit s’analyser comme un licenciement déguisé, donc
comme un licenciement abusif.
S’agissant du chef de demande de M. X tendant à obtenir un certificat de
travail conforme aux prescriptions réglementaires de la BRVM, cette réclamation paraît bien
fondée.
Eu égard aux considérations qui précèdent, nous estimons :
- que la Cour doit se déclarer compétente à connaître du recours introduit devant elle par M.
Ad X ;
- qu’elle doit déclarer ce recours irrecevable ;
- que si elle déclare ledit recours recevable, elle doit dire et juger que la démission de M.
Ad X est un licenciement abusif déguisé décidé par les autorités de la
BRVM ;
- qu’en conséquence, elle doit faire droit aux réclamations de M. Ad X ;
- que la Cour doit ordonner que les autorités de la BRVM délivrent au requérant un
certificat de travail conforme au modèle prévu mis en annexe au texte du Règlement
d’application du Statut du personnel de la BRVM.
Enfin, nous estimons que la Cour doit mettre les dépens à la charge de la BRVM.
L’Avocat Général :
Af C ARRET DE LA COUR
02 juillet 2003
Entre
Monsieur X Ah Ad
Et
La Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM)
La Cour composée de M. Yves D. YEHOUESSI, Président; Mme Paulette Badjo
EZOUEHU, Juge rapporteur; M. Youssouf Any MAHAMAN, Juge; M. Kalédji
AFANGBEDII, Avocat Général ; M. Raphaël P. OUATTARA, Greffier ;
rend le présent arrêt :
Par requête en date du 30 juillet 2002, enregistrée au Greffe de la Cour de Justice de
l’UEMOA le 02 août 2002 sous le numéro 02/2002, M. X Ah Ad,
ingénieur informaticien, précédemment chargé des réseaux au service des Technologies de la
Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM), par l’organe de son conseil, Maître
Mamadou SAVADOGO, Avocat à la Cour de Ouagadougou, Ag Ai, a introduit un
recours en indemnisation à l’effet d’obtenir la condamnation de la BRVM au paiement de la
somme de 43.550.496 FCFA à titre de droits conventionnels et de réparation du préjudice
subi ;
Il a en outre sollicité la délivrance par la BRVM d’un certificat de travail à son profit ;
Par mémoire en réplique en date du 9 décembre 2002, le requérant modifiant le quantum de sa
demande ne réclame plus que la somme de 37.674.486 FCFA :
Les faits de la cause, le déroulement de la procédure, les moyens et arguments des parties
développés au cours de la procédure écrite peuvent être résumés comme suit :
I. FAITS ET PROCEDURE
Recruté le 15 septembre 1997 à la BRVM en qualité d’ingénieur informaticien, puis confirmé
responsable du service informatique, M. X soutient avoir exercé ses fonctions
sans percevoir l’intégralité de la rémunération convenue entre lui et son employeur. A la suite
de nombreuses réclamations, il s’était vu interdire l’accès de son bureau et des locaux de la
BRVM à la date du 30 octobre 2000. Après constat de cet état de fait par voie d’huissier, il fut
réintégré dans son emploi par son employeur qui lui notifia par la suite une mise à pied de
deux mois prenant effet à compter du 3 novembre 2000. Le 7 novembre 2000 il saisit en vain
son Directeur Général d’un recours administratif.
Ce dernier, le 22 décembre 2000, lui infligeait une nouvelle sanction, blâme pour
insubordination, relativement aux mêmes faits.
M. X engagea une autre procédure de recours administratif auprès de son
supérieur hiérarchique, en vain.
A l’expiration du délai de la première sanction, il réoccupa son emploi le 2 janvier 2001, mais
le badge électronique lui permettant d’accéder à la salle informatique lui fut retiré. Le 5
février 2001 une nouvelle note émanant de son chef de service lui précisait des mesures
restrictives supplémentaires prises à son encontre.
Il saisit à nouveau le 30 mars 2001 le Directeur Général qui, en retour, lui adressa un courrier
lui fixant une période probatoire de trois mois devant expirer le 25 avril 2001, et comportant
en outre des termes « injurieux ».
A l’expiration de la période probatoire, M. X adressa une lettre à son chef de
service pour savoir la conduite à tenir. Pour toute réponse, il s’entendit dire que non
seulement les mesures restrictives étaient maintenues, mais encore une action disciplinaire
était ouverte à son encontre.
Le requérant fait remarquer que devant ce harcèlement forcené qui s’est traduit par deux
sanctions disciplinaires sans conseil de discipline, et par des mesures visant à rendre
insupportable l’atmosphère de travail, outre un échange de plus de quinze courriers en un an,
tous orientés vers une complication de sa situation administrative, il devait finir par
démissionner de la BRVM suivant lettre en date du 23 mai 2001.
Il ajoute qu’à la lecture des faits et au regard du rapport du conseil de discipline, il apparaît
qu’un certain nombre de comportements, de mesures et d’attitudes ont eu pour effet de rendre
ses conditions de travail impossibles et l’ont ainsi amené à démissionner.
Il estime qu’il y a eu licenciement abusif déguisé et selon une jurisprudence constante,
l’auteur de la rupture en pareilles circonstances est l’employeur et non le travailleur qui n’a
fait que céder à une pression, la volonté de rupture se trouvant au niveau de l’employeur et
non du travailleur.
Il précise en outre que la rupture étant intervenue sans faute justifiée de sa part, il est en droit
de réclamer non seulement la somme de 24.554.034 FCFA à titre de dommages et intérêts,
mais aussi celles de :
- 5.456.452 FCFA au titre de l’indemnité de licenciement,
- 7.200.000 FCFA au titre de l’indemnité de responsabilité,
- 6.340.000 FCFA au titre des frais de séjour supplémentaire,
soit au total la somme de 43.550.486 FCFA.
Le recours a été signifié au Directeur Général de la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières
par lettre du greffier de la Cour en date du 21 août 2002.
Par lettre en date du 30 septembre 2002, le Directeur Général de la BRVM a informé la Cour
de la désignation de son agent en la personne de Monsieur Ab Y,
responsable de l’Antenne nationale de la BRVM pour le Ag Ai.
Par lettre en date du 4 novembre 2002, Me Harouna SAWADOGO a informé la Cour de sa
constitution pour la défense des intérêts de la BRVM.
II. CONCLUSIONS DES PARTIES
Monsieur X conclut à ce qu’il plaise à la Cour :
- rejeter les exceptions d’incompétence et d’irrecevabilité soulevées par la BRVM :
- en conséquence :
3) se déclarer compétente ;
4) déclarer le requérant recevable en son action ;
e aufond
- dire que la démission du concluant a été provoquée et obtenue grâce à la contrainte, et
s’analyse en réalité en un licenciement ;
- dire que le licenciement est abusif ;
- condamner la BRVM à payer au concluant la somme totale de 37.674.486 FCFA ;
- la condamner aux dépens dont distraction au profit de Me Mamadou SAVADOGO aux
offres de droit.
La BRVM conclut à ce qu’il plaise à la Cour :
au principal
se déclarer incompétente à examiner le recours introduit par M. X Ah Ad
sur le fondement des articles 27 de l’Acte additionnel n°10/96 portant Statuts de la Cour de Justice de l'UEMOA et 15 du Règlement n°01/96/CM portant Règlement de Procédures de la
Cour de Justice de l'UEMOA ;
subsidiairement
dire et juger que le recours introduit le 2 août 2002 par M. X Ah Ad l’a
été en violation de l’article 2401 du statut du personnel et de l’article 6105 du règlement
d’application du statut du personnel en ce que M. X n’a pas exercé le recours à
un comité d’arbitrage prescrit avant toute saisine de la Cour ;
en conséquence
déclarer ledit recours irrecevable ;
- déclarer le recours irrecevable pour défaut de base légale ;
- rejeter les moyens invoqués par le requérant ;
en conséquence :
- débouter M. X Ah Ad de toutes ses demandes mal fondées ;
- le condamner aux entiers dépens.
IIL. MOYENS ET ARGUMENTS DES PARTIES
1. Sur la compétence
A. Moyens et arguments de la BRVM
Par mémoire en date du 5 novembre 2002, la BRVM qui conclut à l’incompétence de la Cour
de céans à connaître du recours exercé par M. X Ah Ad, fait observer
qu’aucun des textes sur lesquels le requérant fonde sa requête en indemnisation, ne donne
compétence à la Cour de justice de l'UEMOA pour le règlement des litiges suite à la rupture du contrat ayant lié les parties. Elle soutient, à titre surabondant que le recours en réparation
de dommages, n’est ouvert que contre les organes de l’Union.
Elle estime qu’en tout état de cause, la compétence de la Cour ne saurait s’apprécier par
rapport aux textes de la BRVM mais sur le fondement du Protocole additionnel n°10/96
portant statuts de la Cour de Justice de l'UEMOA, et du Règlement n°01/96/CM portant
Règlement de Procédures de la Cour de Justice de l'UEMOA.
Elle précise en outre que la requête de M. X n’entre dans aucun des domaines
de compétence de la Cour.
B. Moyens et arguments du requérant
Par mémoire en réplique en date du 9 décembre 2002, le requérant qui conclut par l’organe de
son conseil au rejet de l’exception d’incompétence fait remarquer que le titre 6 du règlement
du personnel dans lequel est contenu l’article 6105, s’intitule : « Sécurité de l’emploi ». Il
ajoute qu’il n’est pas nécessaire de revenir sur l’article 2401 du statut du personnel dans la
mesure où le règlement d’application n’est que la définition pratique dudit statut du
personnel qu’il « ne peut ni contredire ni modifier (en) aucune disposition ». Il soutient qu’il
ressort du chapitre 1 du titre 6 du règlement d’application du statut que la sécurité de l’emploi
au sein de la BRVM est assurée en dernier ressort par la juridiction de céans. Toujours selon
le requérant, il ne voit pas en quoi la juridiction chargée de contrôler la sécurité de son emploi
ne pourrait pas apprécier les circonstances dans lesquelles il l’a perdu.
Pour le requérant, l’article 6101 du statut du personnel relatif à la sécurité de l’emploi traite
bien du licenciement.
Le requérant précise qu’aucune instance juridictionnelle autre que la Cour de céans n’a été
reconnue par la BRVM pour se prononcer sur les litiges pouvant l’opposer à ses agents.
Il fait noter qu’après avoir elle-même indiqué à ses agents de porter les litiges qu’ils
pourraient avoir contre elle devant la juridiction de céans, la BRVM soutient aujourd’hui que
la compétence de la Cour ne saurait s’apprécier par rapport aux textes de la BRVM.
Il souligne que la question soulevée est celle de savoir si la définition de la compétence de la
Cour de Justice de l’'UEMOA est limitative et exclusive de toute attribution conventionnelle
de compétence.
Il estime qu’aucune disposition des Statuts ou du Règlement de Procédure de la Cour
n’institue l’exclusivité ni le caractère limitatif du champ de compétence de la Cour qui n’est
pas une juridiction d’exception mais bien une juridiction de droit commun à vocation
supranationale. Il précise que tant qu’une clause d’élection de juridiction lui attribuant
compétence n’est pas contraire à sa vocation supranationale ou à l’ordre public, elle ne peut
être tenue de décliner sa compétence, surtout pas à la demande de la partie qui la lui a
dévolue.
C. Réponse de la BRVM aux arguments du requérant
Par mémoire en duplique en date du 9 janvier 2003, la BRVM fait plaider que le requérant a
dénaturé en les interprétant, les dispositions des articles 2401 du statut du personnel et 6105
du règlement d’application. Elle soutient que ces dispositions régissent les relations de travail
au sein de la BRVM avec pour objectif principal d’éviter le plus possible la rupture des
relations de travail.
A cet égard, elle souligne qu’aux termes de l’article 2401 du statut du personnel, tout litige
entre elle et un de ses agents relatif à l’application du statut, est soumis à l’arbitrage d’un
comité de trois membres.
Elle précise qu’il s’agit là en réalité du recours préalable à une conciliation entre les parties.
C’est seulement en cas d’échec de cette procédure que l’une ou l’autre partie peut porter le
litige devant la Cour de Justice de l'UEMOA. Or, constate t-elle, le recours préalable au
comité d’arbitrage n’a jamais été observé avant sa démission par le requérant.
La BRVM a par ailleurs fait observer que M. X Ah Ad a démissionné et
n’est donc plus agent de la BRVM. Elle ajoute qu’aucun des textes invoqués par M.
X à l’appui de sa demande n’attribue compétence à la Cour de Justice de
l’'UEMOA pour la rupture des relations de travail. Elle précise qu’elle n’a fait aucune
attribution de juridiction à la Cour de céans concernant le licenciement ou la démission.
2. Sur la recevabilité du recours de M. X Ah Ad
Dans son mémoire en défense, la BRVM rappelle qu’aux termes de l’article 2401 du statut du
personnel, « fout litige entre la BRVM et un ou plusieurs agents concernant l’application du
présent statut est soumis à l’arbitrage d’un comité de trois membres nommés l’un par le
Directeur et l’autre par le ou les agents concernés parmi les agents. Le troisième arbitre est
un juriste choisi d’un commun accord par les deux parties au sein ou en dehors de la BRVM
et qui préside les travaux du comité.
Lorsque la proposition de solution du litige émise par le comité n’est pas acceptée par l’une
des parties, celle-ci peut saisir la Cour de Justice de l'UEMOA. La décision de la Cour
s’impose aux deux parties et elle est sans appel ».
La BRVM en déduit que la présente procédure a été introduite à l’occasion d’une rupture du
contrat de travail et non de l’application des statuts. Pour la BRVM le recours manque de base
légale.
Elle souligne qu’à supposer que le présent recours concerne l’application des statuts, aussi
bien l’article 2.401 du statut que l’article 6.105 du règlement, prescrivent avant toute saisine
de la Cour, le recours préalable obligatoire à un comité d’arbitrage ou un recours
administratif. M. X Ah Ad n’a respecté ni l’un ni l’autre.
Dans son mémoire en réplique, le requérant qui conclut au rejet de l’exception d’irrecevabilité
soulevée par la BRVM, produit les différents recours administratifs préalables initiés par lui
ainsi que certaines réponses.
Il s’agit :
- du recours du 12 septembre 2001 adressé au chef hiérarchique suivi d’une réponse en date
du 4 octobre 2001 ;
- du recours du 17 octobre 2001 adressé au responsable du service des technologies de
l’information suivi d’une réponse en date du 31 octobre 2001 ;
- du recours du 15 novembre 2001 adressé au Directeur Général de la BRVM, resté sans
réponse.
Dans son mémoire en duplique, la BRVM qui conclut à l’irrecevabilité du recours de M.
X pour inobservation des dispositions des articles 2.401 du statut du personnel
et 6.105 du règlement d’application dudit statut, fait remarquer par ailleurs qu’aucun des
recours produits aux débats n’est conforme à la lettre ou à l’esprit même de l’article 6.105
invoqué.
La BRVM soutient que l’objet du recours visé à cet article est le déferrement d’une décision
contestée et la dénonciation du harcèlement dont l’agent est l’objet.
Elle rappelle qu’au moment où le requérant adressait les lettres aux responsables de la
BRVM, il n’était plus agent de la BRVM, et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle la même
lettre a eu successivement trois destinataires.
3. Sur le fond
A. Moyens et arguments du requérant
Le demandeur soutient que le seul problème juridique posé par cette affaire est celui de savoir
si la démission provoquée par des mesures de harcèlement de la part de l’employeur constitue
en réalité un licenciement ou non.
Il fait remarquer que la réponse de la jurisprudence est sans appel depuis plusieurs décennies
et dans toutes les législations nationales des Etats africains et même au-delà de l’Afrique.
Il précise que de l’appréciation des faits, la Cour s’apercevra que la volonté de rupture des
relations de travail émane non de lui mais de la BRVM.
Il ajoute que la contrainte, la pression et le harcèlement ont été à l’origine de sa démission.
Tout en réclamant le paiement d’une indemnité de licenciement, d’une indemnité de
responsabilité outre une prime de fin d’année, il estime que le caractère abusif du licenciement et les différents préjudices qui en ont résulté, justifient amplement que lui soient
accordés des dommages et intérêts correspondant à un an et demi de salaires.
B. Moyens et arguments de la BRVM
La BRVM soutient dans son mémoire en défense que ni les Statuts, ni le Règlement de
Procédures de la Cour ne confèrent à cette juridiction le pouvoir de convertir une démission
en licenciement.
Elle ajoute que l’action en indemnisation a pour fondement la responsabilité du défendeur qui,
par un acte matériel ou juridique cause préjudice à autrui.
Elle rappelle que dans le cas d’espèce il s’agit d’une rupture des relations de travail dont
l’initiative émane du requérant lui-même.
La BRVM concluant au débouté du requérant fait observer que ce dernier n’a pas été en
mesure de dire le préjudice pour lequel les dommages et intérêts sont demandés. Elle estime
que la nature des réclamations est incompatible avec l’action en indemnisation. Elle précise
que les réclamations telles que formulées ne seraient que la conséquence pécuniaire de
l’annulation d’une décision de licenciement.
Selon la BRVM, en l’espèce la Cour de céans n’est saisie d’aucun recours en annulation ; il
n’y a eu aucune décision à attaquer.
Toujours selon la BRVM, le recours en indemnisation a pour fondement essentiel le
fonctionnement défectueux de l’administration, consacré par un acte illégal lequel causerait
préjudice au destinataire, et que l’agent victime de harcèlement a d’autres voies de recours
que la démission.
Elle fait par ailleurs observer que les décisions de justice versées aux débats sont isolées et ne
sauraient constituer une jurisprudence.
Elle déclare que M. X n’apporte pas la moindre preuve d’une quelconque
contrainte, et qu’à aucun moment il n’a soutenu que la lettre de démission adressée à son
employeur a été rédigée et soumise à sa signature par ce dernier.
La BRVM a enfin fait remarquer la non-conformité de la demande initiale formulée à travers
la requête en indemnisation et celle contenue dans le mémoire en réplique du requérant, ainsi
que l’inexistence d’une demande de prime de fin d’année dans la requête ; elle estime par voie
de conséquence que la Cour de céans n’est pas valablement saisie de ce chef de demande.
A l’audience du 30 avril 2003, les parties ont développé les arguments exposés au cours de la
procédure écrite ;
Cependant le requérant a déclaré renoncer aux modifications de sa demande telles que
résultant de ses conclusions en réplique et s’en tenir aux montants réclamés dans sa requête
introductive ; qu’il convient de lui en donner acte ;
Monsieur l’Avocat Général a présenté ses conclusions au cours de la même audience ;
EN DROIT
La Cour devra d’abord statuer sur sa compétence à connaître de cette affaire, sur la
recevabilité du recours ensuite, avant d’examiner s’il y a lieu les moyens des parties quant au
fond.
* Sur l’exception d’incompétence
La BRVM fait valoir qu’aucun des textes sur lesquels le requérant fonde son action, ne donne
compétence à la Cour de céans pour le règlement des litiges suite à la rupture du contrat ayant
lié les parties.
Selon la BRVM, le recours en réparation de dommage n’est ouvert que contre les organes de
l’Union. Elle estime que la compétence de la Cour ne saurait s’apprécier par rapport aux
textes de la BRVM, mais sur le fondement du Protocole additionnel n°10/96 portant Statuts
de la Cour de Justice de l'UEMOA et du Règlement de Procédures.
Elle précise qu’elle n’a fait aucune attribution de juridiction à la Cour de céans s’agissant du
licenciement ou de la démission.
Monsieur X qui conclut au rejet de l’exception soutient qu’il résulte du
chapitre 1 du titre 6 du règlement d’application du statut du personnel, que la sécurité de
l’emploi au sein de la BRVM est assurée en dernier ressort par la juridiction de céans. Il
ajoute qu’il ne voit pas en quoi la juridiction chargée de contrôler la sécurité de son emploi ne
pourrait pas apprécier les circonstances dans lesquelles il l’a perdu.
Toujours selon le requérant, le texte de la BRVM sur lequel il fonde son action, traite bien du
licenciement et aucune instance juridictionnelle autre que la Cour de céans n’a été reconnue
par la BRVM pour se prononcer sur les litiges pouvant opposer cette dernière à ses agents.
IL convient d’abord de faire remarquer qu’il résulte des dispositions de l’article 3 des statuts
de la BRVM « qu’à compter de son agrément par le Conseil Régional de l’Epargne
Publique et des Marchés financiers, la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières est dotée
du statut d’Institution Financière Spécialisée et bénéficiaire d’une concession de service
public attribuée par les Etats signataires du Traité de l'UMOA. »
Au regard de ces dispositions, on peut affirmer que la BRVM peut être assimilée à un organe
de l’Union.
Par ailleurs, aux termes des dispositions de l’alinéa 2 de l’article 2401 du statut du personnel
de la BRVM, «lorsque la proposition de solution du litige émise par le comité n’est pas
acceptée par l’une des parties, celle-ci peut saisir la Cour de Justice de l'UEMOÀA. La décision
de la Cour s’impose aux deux parties et elle est sans appel».
Il résulte aussi des dispositions de l’alinéa 3 de l’article 6105 du règlement d’application du
statut du personnel de la BRVM, que «la réponse du Directeur Général est sans appel au sein
de la BRVM. Toutefois, l’agent qui n’est pas satisfait de cette réponse, peut porter plainte
contre la BRVM devant la Cour de Justice de l'UEMOA».
L’on constate que, tant pour le règlement de tout litige entre la BRVM et un ou plusieurs
agents concernant l’application du statut, que pour la sécurité de l’emploi, compétence est
toujours donnée à la Cour de céans qui statue en dernier ressort.
En outre il convient de faire observer qu’il est de règle que le juge de l’action est aussi le juge
de l’exception, et que la compétence de la Cour de céans, dans ces conditions, se justifie par
des raisons pratiques, de logique judiciaire et de simple bon sens.
En application de cette règle, si en l’espèce le litige devait être scindé ou démembré en
plusieurs instances devant deux juridictions différentes — la Cour de céans, compétente pour
connaître de l’action du requérant d’une part, une autre juridiction non encore désignée par la
BRVM pour connaître du moyen de défense soulevé par cette dernière d’autre part — cela
pourrait entraîner non seulement des divergences d’appréciation, mais aussi un risque de
contrariétés de décision.
Eu égard à ce qui précède, la compétence de la Cour de céans pour le tout s’impose de façon
naturelle. Il y a lieu en conséquence de rejeter l’exception soulevée par la BRVM et de
déclarer la Cour de céans compétente pour statuer sur le différend qui oppose les parties.
* Sur l’exception d’irrecevabilité
La BRVM fait observer que M. X n’a respecté avant la saisine de la Cour de
céans, ni le recours préalable obligatoire à un Comité d’arbitrage, ni le recours administratif.
Elle souligne qu’au moment où le requérant adressait les lettres aux responsables de la
BRVM, il n’était plus agent de la BRVM et c’est la raison pour laquelle la même lettre a eu
successivement trois destinataires.
Le requérant qui conclut au rejet de l’exception et à la recevabilité de son recours soutient
avoir produit aux débats les différents recours administratifs préalables initiés par lui ainsi que
les réponses à ces recours.
Il convient de rappeler qu’aux termes des dispositions de l’article 2401 du statut du
personnel, tout litige entre la BRVM et un ou plusieurs agents concernant l’application du
présent statut est soumis à l’arbitrage d’un comité de trois membres nommés l’un par le Directeur Général et l’autre choisi par le ou les agents concernés parmi les agents. Le
troisième arbitre est un juriste choisi d’un commun accord par les deux parties au sein ou en
dehors de la BRVM et qui préside les travaux du comité.
Les articles 6101 et suivants du règlement d’application disposent «qu’il est établi une
procédure de recours administratif applicable aux plaintes formées par les agents contre les
évaluations des performances et les décisions administratives ainsi que contre les
harcèlements de toutes sortes. La procédure de recours administratif se déroule en 3 phases :
- la première phase se situe au niveau du chef hiérarchique direct ou de l’auteur de la
décision contestée ;
- la deuxième phase se situe au niveau du responsable de service ;
- la troisième phase se situe au niveau du Directeur Général.
La réponse du Directeur Général est sans appel au sein de la BRVM. Toutefois, l’agent qui
n’est pas satisfait de cette réponse peut porter plainte contre la BRVM devant la Cour de
Justice de l'UEMOA».
Il convient de faire remarquer que c’est en vain que le requérant tente de faire admettre qu’il
s’est conformé à ces dispositions.
En effet, Monsieur X Ad a, par le canal de son conseil, Maître Jour-
Venance SERY, adressé trois lettres respectivement à Monsieur Ac Aj AeBA, en
sa qualité de chef hiérarchique et de responsable du service des Technologies de
l’Information, puis à Monsieur le Directeur Général de la BRVM.
Or ces lettres dont l’objet était « recours administratif avant saisine de la Cour de Justice de
l’UEMOA » auraient dû précéder la démission de Monsieur X et se situer dans
le cadre de la procédure de recours administratif défini par l’article 6101 du règlement du
personnel de la BRVM.
Il s’y ajoute que le Comité d’arbitrage institué par l’article 2401 du statut du personnel n’a
jamais été saisi avant l’introduction de la requête devant la Cour de céans.
Or il est de règle que la conformité aux dispositions statutaires est d’ordre public dans la
mesure où elle se rapporte à la régularité de la procédure administrative qui constitue une
formalité substantielle.
En cet état, il sied de constater que le recours contentieux initié par Monsieur
X ne satisfait pas aux conditions préalables ci-dessus.
Il y a lieu en conséquence de le déclarer irrecevable.
SUR LES DEPENS
Le requérant a succombé en son moyen.
Aux termes de l’article 60 du Règlement de Procédures, toute partie qui succombe est
condamnée aux dépens.
Toutefois, s’agissant d’un litige entre une institution de l’Union et son agent, il y a lieu
conformément aux dispositions de l’article 61 du même Règlement, de mettre les dépens à la
charge de la BRVM.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière de Fonction Publique
Communautaire :
décide :
1) L’exception d’incompétence soulevée par la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières
(BRVM) est rejetée.
2) La Cour de Justice de l'UEMOA est compétente pour statuer sur le litige entre la BRVM
et Monsieur X Ah Ad ;
3) Le recours de M. X est irrecevable en la forme ;
4) La BRVM est condamnée aux dépens.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 02/2002
Date de la décision : 02/07/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;uemoa;cour.justice;arret;2003-07-02;02.2002 ?
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