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18/12/2002 | UEMOA | N°01/2002

UEMOA | UEMOA, Cour de justice, 18 décembre 2002, 01/2002


Texte (pseudonymisé)
Ah Ai Y
contre
Commission de l'UEMOA
« Recours en appréciation de légalité d’une décision de la Commission et en
paiement de somme d’argent à titre de réparation »
Sommaire de l’arrêt
Le recours n’est valablement formé devant la Cour que si le Comité consultatif
paritaire a été préalablement saisi d’une réclamation de l’intéressé.
L’introduction d’un recours contentieux est conditionnée par l’exercice d’une
procédure contentieuse conforme aux dispositions statutaires, cette formalité
étant subst

antielle.
Par ailleurs, il est de règle que les conclusions des recours des fonctionnaires
doivent avoir le même objet...

Ah Ai Y
contre
Commission de l'UEMOA
« Recours en appréciation de légalité d’une décision de la Commission et en
paiement de somme d’argent à titre de réparation »
Sommaire de l’arrêt
Le recours n’est valablement formé devant la Cour que si le Comité consultatif
paritaire a été préalablement saisi d’une réclamation de l’intéressé.
L’introduction d’un recours contentieux est conditionnée par l’exercice d’une
procédure contentieuse conforme aux dispositions statutaires, cette formalité
étant substantielle.
Par ailleurs, il est de règle que les conclusions des recours des fonctionnaires
doivent avoir le même objet que celles exposées dans la réclamation
administrative préalable et contenir des chefs de contestation reposant sur la
même cause que celle de la réclamation.
Cette conformité est d’ordre public.
RAPPORT DU JUGE RAPPORTEUR
Par requête en date du 7 janvier 2002, enregistrée au Greffe de la Cour de Justice de
l’UEMOA, le 9 janvier 2002 sous le n° 01/2002, Monsieur Ah Ai Y,
précédemment Directeur du Secrétariat de la Commission de l’'UEMOÀA, par l’organe de ses
conseils maîtres Af, Sorgho, Toé et Mamadou Ouattara, avocats à , la Cour de
Ouagadougou, Aj Al, a introduit un recours en appréciation de légalité de la Décision
n° 503/2001/PC-UEMOA en date du 16 juillet 2001, mettant fin à ses fonctions au sein de la
Commission et en paiement des sommes de :
- 171 424 475 F au titre du préjudice de carrière,
- 193 475 000 F au titre du préjudice moral,
soit au total la somme de 364 899 411 F.
I. EXPOSE DES FAITS
Les faits de la cause, tels qu’exposés par le requérant et non contestés par la défenderesse, se
présentent ainsi qu’il suit :
Recruté en qualité de cadre supérieur, chargé du Secrétariat de la Commission, par Décision
du 19 février 1996, Monsieur Y a été nommé par la suite Directeur du Secrétariat de la
Commission le 24 octobre 1996.
Le 16 juillet 2001, par Décision n° 503/2001/PC/UEMOA, Monsieur Y a été licencié
pour: «faute grave constituée par la communication à des tiers, sans autorisation, de
correspondance et renseignements, dont il a eu connaissance en sa qualité de fonctionnaire de
l’Union, qui n’ont pas été rendus publics ».
Le 18 juillet 2001, conformément à l’article 107 du Règlement n° 01/95/CM du 1” août 1995
portant Statut des fonctionnaires de l'UEMOA, Monsieur Y B un recours gracieux
au Président de la Commission, recours tendant à voir rapporter la décision relative à son
licenciement.
Monsieur Y, n’ayant reçu aucune réponse à son recours gracieux, décida de saisir la
Cour de céans du litige l’opposant à la Commission.
Le recours a été signifié au président de la Commission par lettre en date du 18 février 2002.
Par lettre en date du 28 février 2002, ce dernier a informé la Cour de la désignation de l’agent
de la Commission en la personne de Monsieur Eugène Kpota, Conseiller juridique de ladite
Commission.
Sur rapport du juge rapporteur, l’avocat général entendu, la Cour a décidé d’ouvrir la
procédure orale sans mesures d’instruction préalables. Elle a cependant invité la Commission
de l’'UEMOA à produire deux documents, notamment le n°406 du 19 juin 2001 du journal
l’Indépendant, et l’avis du Comité Consultatif de Discipline en date du 4 juillet 2001.
II. CONCLUSIONS DES PARTIES
Monsieur Y conclut à ce qu’il plaise à la Cour :
- dire et juger que la Décision n° 503/2001/PC/UEMOA en date du 16 juillet 2001 portant
son licenciement est illégale ;
- déclarer en tout état de cause ladite décision non fondée ;
- condamner en conséquence l’UEMOA à lui payer la somme totale de 364 899 412 francs
à titre de réparation du préjudice subi ;
- mettre les dépens à la charge de l’'UEMOA.
La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour :
en la forme :
au principal
e dire et juger que le recours de Monsieur Y n’a pas satisfait aux exigences des
articles 108 et 112 du Règlement n° 01/95/CM portant Statut des fonctionnaires de
l’Union ;
en conséquence
e déclarer ledit recours irrecevable ;
subsidiairement
e donner acte au requérant de ce qu’il sollicite de la Cour de céans de constater
l’illégalité de la décision et d’en tirer les conséquences de droit en même temps
que la condamnation de la Commission au paiement d’indemnités réparatrices de
préjudices subis ;
en conséquence
e déclarer ledit recours irrecevable pour défaut de fondement ;
au fond, subsidiairement,
© rejeter les moyens invoqués par le requérant ;
en conséquence
e le débouter de tous ses chefs de demande comme étant mal fondés ;
e le condamner aux entiers dépens.
IIL. MOYENS ET ARGUMENTS DES PARTIES
1) Sur la recevabilité du recours
A) Moyens et arguments de la Commission
Par mémoire en date du 16 avril 2002, la Commission de l’'UEMOA qui conclut à
l’irrecevabilité tant du recours contentieux que du recours en indemnisation fait valoir :
- d’une part que le requérant a opéré une mauvaise application des dispositions des articles
107 et 112 du Règlement n°01/95/CM portant Statut des fonctionnaires de l'UEMOA en
visant malencontreusement l’article 107 qui n’impose pas un recours préalable obligatoire
régi par les dispositions de l’article 108 dudit règlement ;
- d’autre part que le recours gracieux du 18 juillet 2001 de Monsieur Y tendant à voir
rapporter la décision de licenciement, devrait être adressé au Comité consultatif paritaire
d’arbitrage et non à l'autorité investie du pouvoir de nomination qui est le Président de la
Commission de l’'UEMOA.
Selon la Commission le recours préalable de l’article 107 concerne le cas du fonctionnaire qui
n’a pas de décision et qui veut en susciter, la saisine irrégulière et inopportune du Président de
la Commission ne dispensant pas Monsieur Y du recours préalable obligatoire de
l’article 108.
La Commission de l'UEMOA qui fait encore observer que le requérant s’est placé sur le
terrain du recours en appréciation de légalité, explique par ailleurs que la conséquence tirée de
l’illégalité d’un acte étant son annulation, il est dès lors évident que la juridiction de céans est
saisie en même temps d’un recours en annulation et d’un recours en indemnisation.
Elle estime enfin que tant ses statuts que son règlement de procédure ne confèrent à la Cour le
pouvoir d’ordonner dans le même temps l’annulation d’un acte et le paiement de sommes
d’argent en réparation du préjudice subi du fait de l’intervention de l’acte incriminé.
Quid des moyens du requérant ?
B) Moyens et arguments du requérant
Le requérant conclut au rejet de l’ensemble des moyens invoqués par la Commission.
En effet, dans son mémoire en réplique en date du 14 mai 2002, il fait valoir qu’il n’est pas
exact d’affirmer, comme le fait la Commission, que le recours de l’article 107 du Règlement
n°01/95/CM ne concerne que le cas du fonctionnaire qui n’a pas de décision et qui veut en
susciter.
Il ajoute que cette interprétation n’est pas celle de la Cour de Justice de l’'UEMOA qui, dans
des affaires déjà jugées, avait déclaré recevables les requêtes des fonctionnaires concernés et
dont les recours gracieux avaient été adressés au Président de la Commission de l’UEMOA et
non au Comité consultatif d’arbitrage.
Il fait remarquer que ledit Comité n’a pas à ce jour été mis en place et que la Commission est
mal venue à lui reprocher de n’avoir pas saisi un organe inexistant par sa faute.
Il précise en outre qu’il a bien saisi la Cour d’un recours en plein contentieux dont l’objet est
de rechercher si son licenciement est abusif et dans l’affirmative, de fixer le montant de son
indemnisation.
Il estime dès lors qu’il ne peut être nié au juge de l’indemnisation de tirer conséquence de
l’imperfection de tout acte matériel ou juridique pour en apprécier les dommages qui en
résultent en vue de la réparation des préjudices qu’il a causés ; que la réparation est justifiée
toutes les fois qu’il y a un lien de causalité entre l’imperfection de l’acte incriminé et le
dommage causé.
C) Réponse de la Commission
Par mémoire en duplique en date du 8 juin 2002, la Commission de l’'UEMOA considère
qu’accepter l’application de l’article 107 du Règlement n°01/95/CM/UEMOA du 1” août 1995, en l’espèce, reviendrait à opérer un double emploi avec les dispositions tirées des
articles 108 et 112 dudit règlement.
Elle fait encore remarquer qu’en l’absence d’un recours gracieux portant sur un quelconque
paiement de somme d’argent à titre de réparation préalable, obligatoire et incontournable,
l’action en indemnisation du requérant doit encore être déclarée irrecevable.
Elle ajoute par ailleurs que le requérant n’a fait montre d’aucune diligence effectuée pour
saisir le Comité consultatif paritaire d’arbitrage alors que l’article 112 du règlement impose
comme condition de la saisine régulière de la Cour de céans l’accomplissement de ce
préalable.
Elle soutient en outre que même dans l’hypothèse où l’impossibilité de saisine du Comité
consultatif paritaire d’arbitrage dont se prévaut le demandeur serait retenue, il demeure
évident que le recours est toujours irrecevable.
La Commission déclare enfin qu’il est de jurisprudence constante qu’un recours en plein
contentieux ne peut être reçu en l’état par la Cour de céans et que l’autonomie entre le recours
en annulation et le recours en indemnisation exclut tout amalgame procédural entre ces deux
actions et entraîne l’irrecevabilité de tout recours introduit sur les deux fondements.
2) Au fond
A) Moyens du requérant
Après avoir invoqué le contenu des dispositions de l’article 72 du Règlement n°01/95/CM du
1°” août 1995 portant statut des fonctionnaires de l’'UEMOA, le requérant fait remarquer qu’au
regard desdites dispositions, son licenciement, sanction du second degré, est intervenu en
guise de sanction disciplinaire.
Il soutient qu’aux termes de l’article 86 du Règlement précité, le licenciement doit respecter
les règles prescrites par l’article 76 du statut lorsqu’il est envisagé à titre de sanction
disciplinaire.
Toujours selon le requérant, il résulte des dispositions dudit article 76 que « les sanctions du
second degré sont prononcées par l’autorité investie du pouvoir de nomination, sur
proposition de l’autorité chargée de la gestion des ressources humaines et après avis du
Comité consultatif de discipline ».
Il en déduit que la décision de licenciement prise par le Président de la Commission à son
encontre, n’a pas été précédée d’une proposition de l’autorité chargée de la gestion des
ressources humaines, en l’occurrence le Directeur des Affaires Administratives et Financières.
Il souligne que même si le Président du Comité consultatif de discipline a été saisi, il n’en
demeure pas moins que cette saisine a été faite en violation de l’article 78 du Règlement
n°01/95/CM qui dispose que le Comité visé à l’article 70 est saisi par un rapport de l’autorité
compétente indiquant les faits reprochés au fonctionnaire et la sanction envisagée à son égard.
Il précise qu’il ne ressort nulle part dans le rapport de saisine précité l’indication du
licenciement comme sanction envisagée ou envisageable à son encontre.
Il estime que la décision relative à son licenciement est entachée de vices de forme, qu’elle est
irrégulière et injustifiée.
Le requérant soutient par ailleurs que son licenciement est d’autant plus injustifié et abusif
que le Président de la Commission n’a jamais été en mesure de rapporter la preuve de sa
responsabilité dans les faits qui lui sont reprochés.
Sollicitant la condamnation de la Commission de l’UEMOA à lui payer la somme totale de
364 899 412 francs à titre de réparation des préjudices tant matériel que moral subis, le
requérant a, à cet égard déclaré que la décision prise à son encontre par le Président de la
Commission ne procède que de la seule intention de lui nuire.
Il fait observer qu’une série de faits lui ont été auparavant imputés afin de préparer son
licenciement.
C’est ainsi qu’il a d’abord été soupçonné à tort d’avoir volé du mobilier de bureau livré à la
Commission.
Ensuite dans le courant du mois d’avril 2001, il lui a été reproché d’avoir soumis
frauduleusement à la signature du Président de la Commission une demande d’exonération de
droits et taxes pour l’acquisition de 20 000 litres de carburant.
Il estime enfin que son licenciement était si attendu que le Président de la Commission n’a pas
trouvé normal de saisir régulièrement le Comité consultatif de discipline, et a retenu pour le
licenciement un motif non établi, mais aussi et surtout de nature à porter atteinte à sa
réputation.
B) Moyens de la défenderesse
La Commission de l'UEMOA fait d’abord observer qu’en tout état de cause, à défaut d’une
erreur manifeste sur l’exactitude des faits, la Cour de céans ne saurait exercer un contrôle sur
l’appréciation faite par une autorité administrative d’un organe de l’Union sur l’état de service
d’un agent.
Elle ajoute que l’acte de licenciement du requérant n’étant pas annulé ou annulable sur le
fondement du recours en indemnisation, le préjudice causé à Monsieur Y ne peut être
fondé sur les chefs de demande tels que présentés par ce dernier, mais plutôt sur le préjudice
né exclusivement du dysfonctionnement administratif de la Commission.
Pour établir la faute grave du requérant et justifier le bien fondé de la décision de licenciement
attaquée, la Commission de l’'UEMOA invoque les éléments suivants :
- l’article de presse dans lequel il a été fait expressément mention des nom et ancienne
fonction de Monsieur Y ;
- la reproduction entre guillemets dans ledit article de presse, des passages de la réponse de
Monsieur Y à la demande d’explication qui lui avait été adressée à propos du vol de
meubles intervenu dans les locaux de la Commission, réponse que Monsieur Y et le
Président de la Commission de l'UEMOA étaient seuls censés détenir ;
- le caractère strictement confidentiel de l’échange desdites correspondances entre les
parties ;
- la relation dans ledit article de presse d’autres faits précis relatifs au dossier des « 20 000
litres de carburant» soumis frauduleusement à la signature du Président de la
Commission, avec des précisions sur le circuit suivi par les dossiers de la Direction du
Secrétariat du Président de la Commission et la manière détaillée dont Monsieur Y a
été relevé de ses fonctions.
Toujours selon la Commission, à la lecture dudit article de presse, son Président a envoyé une
demande d’explication à Monsieur Y qui, pour toute réponse indiqua « qu’il ne disposait
pas d’explications sur la question ».
En tout état de cause, la Commission estime que M. Y qui a réservé une réponse
lapidaire à la demande d’explication, et qui n’a pas contesté être à l’origine de la
communication des informations à l’organe de presse, a ainsi commis une violation manifeste
de l’article 8 du Règlement n°01/95/CM/UEMOA du 1” août 1995 portant statut des
fonctionnaires, relatif au droit de réserve et au secret professionnel.
Le Juge rapporteur :
Mouhamadou NGOM CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GENERAL
I LES FAITS A L’ORIGINE DU RECOURS
Par requête en date du 7 janvier 2002, enregistrée le 9 janvier 2002, Ah Ai Y
a, par l’organe de ses avocats, maîtres Bernadin DABIRE et Mamadou OUATTARA,
introduit un recours contre la décision du Président de la Commission de l’'UEMOA, qui l’a
révoqué de ses fonctions le 16 juillet 2001.
Y a été recruté le 19 février 1996 par la Commission de l’Union Economique et
Monétaire Ouest Ag ZA) en qualité de cadre supérieur chargé du secrétariat de la
Commission, puis nommé Directeur de ce secrétariat le 24 octobre 1996. Il est fonctionnaire
de l’Union et à ce titre relève du Règlement n°01/95/CM du 1°" août 1995 portant statut des
fonctionnaires de l'UEMOA.
Par lettre n°01-031/SP/PC en date du 11 avril 2001, le Président de la Commission lui
demandait de s’expliquer sur une demande d’exonération de droits et taxes et une attestation
de destination qui ont été soumis à sa signature et qui concernaient l’acquisition de vingt mille
(20.000) litres de carburant.
Par lettre du 14 avril 2001, il répondait au Président de la Commission en dégageant sa
responsabilité dans l’affaire.
Le 17 mai 2001, le Président de la Commission saisissait le Président du Comité Consultatif
de Discipline des faits « de tentative de détournement de destination de carburant hors taxe,
hors douane », contre le requérant et deux autres agents de l'UEMOA.
Par lettre n°01-038/SP/PC du 21 juin 2001, cette même autorité demandait à M. Y de
s’expliquer sur la divulgation d’activités se rattachant au fonctionnement interne de la
Commission, dans un journal de la place « l’Indépendant » dans son n°406 du 19 juin 2001
(dont copie a été donnée au requérant).
Le 25 juin 2001, le Président de la Commission saisissait à nouveau le Président du Comité
Consultatif de Discipline de faits de divulgation de correspondances et renseignements
d’ordre administratif, de violation de secret professionnel et de discrédit de l'UEMOA
commis par le requérant (article 8 du Règlement n°01/95/CM du 1°" août 1995 précité).
Le Comité Consultatif de Discipline aurait donné son avis le 4 juillet 2001 ; toutefois cet acte
n’est pas versé au dossier.
Par décision n°503/2001/PC/COM en date du 16 juillet 2001, le Président de la Commission
licenciait le requérant pour faute grave « constituée par la communication à des tiers, sans
autorisation, de correspondances et renseignements dont il a eu connaissance, en sa qualité de
fonctionnaire de l’Union, et qui n’ont pas été rendus publics ».
Le 18 juillet 2001, le requérant demandait gracieusement au Président de la Commission
(autorité investie du pouvoir de nomination) de revenir sur sa décision, mais celui-ci n’ayant
pas réagi, il a alors attaqué la décision de licenciement devant la Cour.
II. CONCLUSIONS DES PARTIES
Le requérant conclut dans sa requête à ce qu’il plaise à la Cour de :
1°) déclarer que la décision de licenciement est illégale et en tout état de cause mal
fondée ;
2°) condamner la Commission à lui payer :
pour le préjudice économique et matériel : cent soixante onze millions quatre cent vingt
quatre mille quatre cent douze (171 424 412) francs CFA se décomposant comme suit :
- 615 662 FCFA (complément du salaire de juillet, du 19 au 31 juillet 2001, soit 13
jours) :
- 7 103 750 FCFA (salaire des cinq mois restants de l’année 2001, d’août à décembre) ;
- 153 441 000 FCFA (salaire de 2002 à 2010 soit neuf (9) ans) ;
- 265 000 FCFA (cumul des avancements statutaires) ;
- 10 000 000 FCFA (indemnité de fin de carrière) ;
pour le préjudice moral : cent quatre vingt treize millions quatre cent soixante quinze
mille (193 475 000) francs CFA ;
soit au total : trois cent soixante quatre millions huit cent quatre vingt dix neuf mille
quatre cent douze (364 899 412) francs CFA ;
3°) condamner la Commission de l’'UEMOA aux dépens.
La défenderesse conclut à ce qu’il plaise à la Cour :
1°) déclarer le recours irrecevable,
2°) subsidiairement, le rejeter comme mal fondé,
3°) condamner le requérant aux dépens.
IIL. MOYENS ET ARGUMENTS DES PARTIES
Le requérant fait valoir que la décision de licenciement est entachée d’irrégularités de forme
et de fond :
Irrégularités de forme tirées de la violation des dispositions des articles 76 et 78 du Règlement
n°01/95/CM du 1” août 1995, en ce que, d’une part la décision intervenue étant une sanction
disciplinaire du second degré devrait être soutenue par une proposition de sanction de
l’autorité chargée de la gestion des ressources humaines et en ce que d’autre part, le rapport
du Président de la Commission (l’autorité compétente) saisissant en la matière le Comité
Consultatif de Discipline aurait dû indiquer une sanction contre le requérant ; qu’en éludant
ces formalités, la décision manque de fondement légal.
Irrégularités de fond en ce que les motifs de son licenciement ne sont pas fondés du fait qu’il
est complètement étranger aux faits qui lui sont imputés et qui du reste n’ont pu être prouvés
par son employeur; qu’en effet son licenciement résulte d’actes prémédités de la
Commission ; qu’il lui avait été antérieurement reproché un vol de mobilier de bureau non
encore éclairci, que, nonobstant, le Président de la Commission mû par une intention
malveillante de lui nuire, lui impute encore la responsabilité de la publication (par l’entremise
du journal l’Indépendant, N°406 du 19 juin 2001), du contenu de documents administratifs
frappés du secret professionnel et qui ont trait au vol de mobilier de bureau de l’'UEMOA et à
l’affaire des vingt mille (20 000) litres de carburant hors taxes ; que ces comportements de la
Commission mettent en évidence le caractère illégal de la sanction.
Le requérant souligne enfin que l’illégalité de la décision lui a fait grief et lui a causé un
préjudice dans toute sa carrière, pour lequel il demande réparation.
Dans son mémoire en défense en date du 16 avril 2002, la défenderesse oppose au requérant
les arguments suivants :
1) Sur la recevabilité du recours
La défenderesse soulève que le recours est formellement irrecevable du fait que :
- le requérant devrait préalablement saisir le Comité Consultatif Paritaire d’Arbitrage (ci-
après désigné CCPA) de sa réclamation (au lieu de l’autorité de nomination) comme le lui
fait obligation l’article 108 du Règlement n°01/95/CM portant statut des fonctionnaires,
qui partant se trouverait ainsi violé ;
- le recours n’est pas valablement formé devant la Cour en l’absence de la saisine préalable
du CCPA par le requérant, ce qui constituerait une violation de l’article 112 du Règlement
n°01/95/CM ;
- le requérant ait demandé à la Cour de juger que la décision de licenciement est illégale et
infondée, donc d’apprécier la légalité de cette décision, et d’accorder en même temps une
indemnité pécuniaire ; que ceci reviendrait à saisir simultanément la Cour d’un recours en
annulation et d’un recours en indemnité alors que les statuts et le règlement de procédure de cette juridiction ne donnent à celle-ci aucune compétence pour se prononcer en même
temps sur la légalité d’un acte communautaire et sur une indemnisation financière ; que le
recours en indemnité ne devrait être que le pendant du recours en annulation lorsque la
Commission refuserait de tirer les conséquences éventuelles de l’annulation de sa
décision.
2) Sur le fond
La défenderesse estime que les réclamations du requérant (171 422 412 FCFA et 193 475
000 FCFA respectivement pour préjudices matériel et moral) ne seraient justifiées que si la
décision contestée avait été annulée au préalable et qu’elle (défenderesse) ait alors refusé la
réintégration du requérant. Elle soutient que sa responsabilité suppose nécessairement un
comportement fautif dans l’organisation des services, la communication de renseignements
inexacts, les fautes de gestion, l’inobservation des règles d'hygiène et de sécurité ; cette faute
suffisamment manifeste doit entraîner un préjudice direct et certain ; qu’en l’espèce les
éléments caractérisant une telle faute à son encontre ou une erreur manifeste d’appréciation
des faits, ne sont pas rapportés ; que dès lors le recours devrait être rejeté et le requérant
condamné aux dépens.
En réplique à l’argumentation ci-dessus de la Commission, le requérant fait observer d’une
part que le CCPA n’a pas été mis en place, que la défenderesse ne saurait donc lui faire grief
de n’avoir pas soumis la réclamation à un organe inexistant, et d’autre part que son recours
étant un plein contentieux, et non un recours en annulation, il ne peut être dénié au juge de
l’indemnisation de tirer conséquence de l’imperfection de tout acte matériel ou juridique pour
apprécier le dommage en résultant.
Dans sa duplique, la défenderesse réitère, sur la base des mêmes motifs de son mémoire en
défense, que le recours est irrecevable ou mal fondé ; elle précise que le recours gracieux
introduit le 18 juillet 2001 par le requérant ne concerne que le retrait de la décision de
licenciement et non le paiement d’une indemnité de réparation et qu’en l’absence d’un recours
gracieux préalable et obligatoire, l’action en indemnité doit être déclarée irrecevable ;
qu’enfin le requérant serait encore forclos, s’il devait saisir la Cour d’un recours puisque la
décision de licenciement lui ayant été notifiée le 18 juillet 2001, il avait jusqu’au 19
septembre 2001 pour saisir la Cour ; il n’a recouru que le 7 janvier 2002.
IV. DISCUSSION JURIDIQUE
A. Sur les moyens de forme
La défenderesse fait valoir que le recours n’a pas respecté les règles de procédure
précontentieuses parce qu’il n’a pas satisfait aux conditions posées par les articles 108 et 112
du Règlement n°01/95/CM portant statuts des fonctionnaires, du fait d’une part que le
requérant a omis de soumettre au préalable sa réclamation au CCPA et d’autre part que la
Cour est mal saisie, en l’absence de cette formalité.
Les dispositions combinées des deux articles établissent que dans le cadre du contentieux de
la fonction publique communautaire, tout fonctionnaire peut saisir le CCPA d’une
réclamation visant un acte de l’autorité investie du pouvoir de nomination (AIPN) lui faisant
grief, soit que l’autorité ait pris une décision soit qu’elle se soit abstenue de prendre une
mesure imposée par la réglementation communautaire.
Le litige est du ressort de la Cour, cependant celle-ci n’est compétente pour en connaître que
si le CCPA a été préalablement saisi d’une réclamation du fonctionnaire et si cette
réclamation a fait l’objet d’une décision explicite ou implicite de rejet total ou partiel de la
part de l’AIPN, à moins que le fonctionnaire n’ait introduit simultanément à son recours
principal, une requête tendant à surseoir à l’exécution de l’acte attaqué, auquel cas l’exécution
de l’acte l’attaqué se trouve suspendue (article 72 du Règlement de procédure de la Cour et
109 du Règlement n°01/95/CM).
Le fonctionnaire est tenu de mettre en œuvre et de respecter un agencement impératif de
formalités précontentieuses (articles 107 à 111 du Règlement n°01/95/CM) :
- le fonctionnaire doit inviter l’AIPN à prendre à son égard une décision ;
- l’AIPN dispose de quatre (4) mois pour agir ; son silence vaut décision implicite de rejet
susceptible de donner lieu à une réclamation de la part du fonctionnaire devant le CCPA ;
- celui-ci (CCPA) dispose d’un (1) mois pour donner son avis, à compter de sa saisine ;
- l’AIPN a trois (3) mois pour statuer, à compter de la date de cet avis ;
- à l’expiration du délai de quatre (4) mois suivant le dépôt de la réclamation, le défaut de
réponse à celle-ci, vaut décision implicite de rejet susceptible de donner lieu à un recours
devant la Cour.
Le requérant objecte qu’il n’a pu saisir le CCPA d’une réclamation du fait que cet organe n’a
pas été mis en place ; cette thèse ne peut être soutenue, parce que statutairement l’organe
existe et il appartient au requérant d’apporter la preuve de son ineffectivité en introduisant une
réclamation.
Il est donc constant que le requérant a omis de saisir le CCPA ; qu’il y a lieu d’opposer à son
action, les fins de non recevoir instituées par les articles 108 et 112 du Règlement
n°01/95/CM, lesquelles sont d’ordre public et lient par conséquent la Cour et les parties ; d’où
il suit que le recours doit être déclaré irrecevable dans son ensemble y compris la demande en
indemnité.
Il y a lieu de rappeler à cet égard que dans l’affaire Aa Ak contre Commission
objet de l’arrêt n°02 du 29 mai 1998, la Cour a rejeté l’exception soulevée par la Commission
qui prétendait n’avoir pu consulter le Comité Consultatif de Recrutement et d’Avancement en
raison de l’indisponibilité des membres le composant.
Suivant une jurisprudence constante du Tribunal de Première Instance des Communautés
Européennes « le recours introduit par le fonctionnaire auprès du Tribunal doit être déclaré
irrecevable si la procédure précontentieuse n’a pas suivi un cours régulier » (ordonnance du
25 mars 1998 — paragraphe 22 — recueil 1998 — Partie II, page 511, affaire Koopman contre
Commission).
La défenderesse excipe également de l’incompétence de la Cour à connaître simultanément
de la légalité d’un acte communautaire et d’un recours en indemnité.
Le recours en appréciation de la légalité (recours en annulation) prévu à l’article 27 alinéa 3
des statuts de la Cour et le recours en indemnité qui trouve son fondement juridique dans
l’article 27 alinéa 6 de ces mêmes statuts, sont autonomes, l’un par rapport à l’autre ; l’article 15, 2° et 15, 4° du Règlement de Procédure consacre encore cette autonomie ; cependant il a
été reconnu qu’un fonctionnaire peut intenter et cumuler les deux recours suivant ses intérêts
(CICE arrêt 22/10/1975 Ab X contre Commission — Recueil page 1171).
Aucune disposition de ces textes organiques n’interdit à un justiciable de saisir la Cour d’une
requête en annulation et en indemnisation, à fortiori à la Cour d’en connaître ; encore que,
faut-il le préciser, le présent recours n’est pas une annulation. Le moyen est donc inopérant.
Quant au requérant, il prétend que les dispositions des articles 76 et 78 du Règlement
n°01/95/CM du 1°" août 1995 ont été violées, respectivement, du fait que la décision querellée
ait été prise sans que l’autorité chargée de la gestion des ressources humaines n’ait proposé au
préalable, une sanction (s’agissant de sanction disciplinaire du second degré) et sans que
l’autorité de nomination n’ait indiqué une sanction dans le rapport dont elle a saisi le Comité
Consultatif de Discipline ; ces vices constitueraient l’irrégularité de forme de la décision.
Le requérant demande alors à la Cour de juger et de dire que le licenciement est irrégulier en
la forme.
Les articles 76 et 78 énoncent respectivement que les sanctions disciplinaires du second degré
dont le licenciement, sont prononcées par l’autorité investie du pouvoir de nomination sur
proposition de l’autorité chargée des ressources humaines, et après avis du Comité Consultatif
de Discipline, et que celui-ci est saisi par un rapport de l’autorité de nomination, indiquant les
fait reprochés au fonctionnaire et la sanction envisagée à son encontre.
L’autorité chargée de la gestion des ressources humaines a été ignorée dans l’ordonnancement
de la décision et elle aurait pu proposer une autre sanction si elle avait été consultée ; le
rapport en question n’a non plus proposé aucune sanction à l’égard du requérant ; celui-ci a
été privé des garanties statutaires et sécuritaires que lui donnent les articles précités.
L’omission de ces formalités constitue t-elle des irrégularités affectant la validité de la
décision de licenciement ?
La Cour, dans son arrêt n°02 du 29 mai 1998 précité a jugé que « le législateur a entendu le
placer (le Comité Consultatif de Recrutement et d’Avancement) au même rang que les autres
garanties statutaires offertes aux fonctionnaires ; qu’il suit de là que l’obligation faite à l’autorité de nomination de le consulter préalablement aux décisions ressortissant de sa
sphère d’attribution constitue une formalité substantielle dont l’omission entraîne la nullité
de l’acte ».
En tirant argument de cette jurisprudence, la Cour devrait tenir pour substantielles, les
formalités instituées par les articles 76 et 78, qui tendent à sécuriser et à sauvegarder les droits
des fonctionnaires ; la décision de licenciement qui les a méconnues est en principe entachée
de vice de forme ; la Cour devrait donc décider qu’elle est illégale, mais à cela deux obstacles
majeurs pourraient s’opposer :
1°) le présent recours n’est pas un recours en exception d’illégalité, encore moins un recours
en annulation, mais un recours en plein contentieux ;
2°) la décision de licenciement est devenue définitive (expiration des voies de recours).
Cependant le droit français de la fonction publique qui sert de référence à nos divers droits
nationaux de la fonction publique enseigne que, si l’exception tirée de l’illégalité d’un acte
administratif non réglementaire définitif est en principe irrecevable, quelle que soit la nature
du contentieux, la règle comporte tout de même des tempéraments, notamment « lorsque cette
illégalité est invoquée à l’appui d’une demande de dommages et intérêts en réparation du
préjudice causé par la décision » (cf. Droit du Contentieux Administratif de Ae C,
7° édition pages 576 à 577).
La demande du requérant étant similaire à ce cas précis de dérogation devrait alors être
recevable ; il y a lieu néanmoins de préciser que l’illégalité d’un acte administratif
communautaire même annulé, n’engage pas nécessairement la responsabilité de la
Communauté. La jurisprudence exige en la matière une faute.
Si la Cour juge que les objections soulevées par la Commission quant à la recevabilité du
recours, ne sont pas fondées, elle devra statuer sur le fond.
B. Sur les moyens de fond
La Commission reproche au requérant d’avoir divulgué dans le Journal l’Indépendant, sans
autorisation, des documents et renseignements dont le requérant aurait eu connaissance en
qualité de fonctionnaire de l'UEMOA, et qui n’ont pas été rendu publics et d’avoir discrédité
l’UEMOA, en violation des dispositions statutaires régissant les fonctionnaires de cette
organisation.
Elle précise dans sa lettre adressée au Président du Comité Consultatif de Discipline que des
éléments de la réponse du requérant à sa demande d’explications avaient été reproduits dans
le journal en question, alors qu’il était avec le requérant, les seuls censés les détenir, et que le
même journal a incriminé l’UEMOA de harcèlement du requérant et a relaté avec une telle
exactitude le dossier des vingt mille (20 000) litres de carburant — soumis frauduleusement à
sa signature — et le circuit administratif des dossiers que la responsabilité du requérant devrait
être recherchée.
Sur les faits qui ont motivé la sanction disciplinaire et qui ont fait l’objet de la demande
d’explications du 21 juin 2001 du Président de la Commission, le requérant a simplement
répondu le 22 juin 2001 « qu’il ne disposait pas d’explications sur la question ».
En dépit de ses contestations, le requérant ne rapporte aucun élément matériel caractérisant la
faute de la Commission, par rapport aux faits qui lui sont reprochés.
Il prétend avoir subi un préjudice résultant d’un comportement illégal de la Commission ; il
n’a pas établi non plus le lien de causalité entre ce préjudice et cette illégalité. Enfin, les
irrégularités de forme constatées dans l’élaboration de la décision ne peuvent engager la
responsabilité de la Commission, tant qu’il n’est pas rapporté contre la Commission, une faute
ayant généré le préjudice prétendument causé.
Le requérant n’a pas établi, à suffisance de droit, « l’impertinence des motifs » de la décision
contestée ; les faits qui ont justifié son licenciement restent donc probants et légitimes.
Il a été jugé «que le simple fait pour un fonctionnaire de publier sans avoir demandé
l’autorisation préalable de l’autorité investie du pouvoir de nomination, un ouvrage dont
l’objet se rattache à l’activité des communautés, constitue une violation de l’article 17 du
statut laquelle peut faire l’objet d’une simple constatation matérielle » (CJCE arrêt du
6/3/2001 — Affaire C273/99P Ac Ad contre Commission).
Il résulte de ce qui précède que les moyens de fond invoqués par le requérant ne peuvent
prospérer et que partant, le recours doit être rejeté comme mal fondé.
Nous concluons que le recours doit être déclaré irrecevable, mais que si la Cour en décidait
autrement, elle devrait le rejeter.
Les frais avancés par la Commission restent à la charge de celle-ci, par application de l’article
61 alinéa 1 du Règlement de Procédure de la Cour.
Le Premier Avocat Général :
Malet DIAKITE ARRET DE LA COUR
18 décembre 2002
Entre
Monsieur Ah Ai Y
Et
La Commission de 'UEMOA
La Cour composée de M. Yves D. YEHOUESSI, Président ; M. Mouhamadou NGOM, Juge
rapporteur ; Mme Paulette Badjo EZOUEHU, Juge ; M. Malet DIAKITE, Premier Avocat
Général ; M. Raphaël P. OUATTARA, Greffier ;
rend le présent arrêt :
Considérant que par requête en date du 07 janvier 2002, enregistrée au Greffe de la Cour de
Justice de l'UEMOA le 9 janvier 2002 sous le n° 01/2002, Monsieur Ah Ai Y,
précédemment Directeur du Secrétariat de la Commission de l’'UEMOÀA, par l’organe de ses
conseils Mes Af, Sorgho et Toé et Me Mamadou Ouattara, Avocats à la Cour de
Ouagadougou, Aj Al, a introduit un recours en appréciation de la légalité de la Décision
n° 503/2001/PC/UEMOA en date du 16 juillet 2001, mettant fin à ses fonctions au sein de la
Commission et en paiement des sommes de :
- 171 424 475 francs au titre du préjudice de carrière,
- 193 475 000 francs au titre du préjudice moral,
soit au total la somme de 364 899 411 francs ;
En fait I. FAITS ET PROCEDURE
Considérant que les faits et les arguments des parties développés au cours de la procédure
écrite peuvent être résumés comme suit :
Recruté en qualité de cadre supérieur chargé du Secrétariat de la Commission, par Décision n°
16/96/PCOM du 19 février 1996, M. Ah Ai Y a été nommé par la suite Directeur
du Secrétariat de la Commission par Décision n° 106/96/PCOM du 24 octobre 1996.
Le 16 juillet 2001, par Décision n° 503/2001/PC/UEMOA , M. Ah Ai Y a été
licencié pour faute grave constituée par la communication à des tiers, sans autorisation, de
correspondances et renseignements dont il a eu connaissance en sa qualité de fonctionnaire de
l’Union et qui n’ont pas été rendus publics.
Le 18 juillet 2001, conformément à l’article 107 du Règlement n° 01/95/CM du 1” août 1995
portant statut des fonctionnaires de l'UEMOA, M. Y a adressé un recours gracieux au
Président de la Commission, recours tendant à voir rapporter la décision relative à son
licenciement. N’ayant reçu aucune réponse à son recours gracieux, il décida de saisir la Cour de
céans du litige l’opposant à la Commission. Le recours a été signifié au Président de la
Commission par lettre en date du 18 février 2002.
Par lettres en date du 28 février 2002, ce dernier informa la Cour de la désignation de son agent
en la personne de M. Eugène Kpota, Conseiller Juridique de la Commission et de la constitution
de Me Harouna Sawadogo, Avocat, pour le représenter.
IL. CONCLUSIONS DES PARTIES
M. Y conclut à ce qu’il plaise à la Cour :
- dire et juger que la Décision N° 503/2001/PC/UEMOA en date du 16 juillet 2001 portant
son licenciement est illégale ;
- déclarer en tout état de cause ladite décision non fondée ;
- condamner en conséquence l’UEMOA à lui payer la somme totale de 364.899.412 francs à
titre de réparation du préjudice subi ;
- mettre les dépens à la charge de l’'UEMOA.
La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour :
En la forme
Au principal
- dire et juger que le recours de M. Y n’a pas satisfait aux exigences des articles 108 et
112 du Règlement n° 01/95/CM portant statuts des fonctionnaires de l’UEMOA ;
en conséquence
- déclarer ledit recours irrecevable ;
Subsidiairement
- donner acte au requérant de ce qu’il sollicite de la Cour de céans de constater l’illégalité de
la décision et d’en tirer les conséquences de droit en même temps que la condamnation de la
Commission au paiement d’indemnités réparatrices de préjudices subis ;
en conséquence
- déclarer ledit recours irrecevable pour défaut de fondement ;
Au fond, subsidiairement
- rejeter les moyens invoqués par le requérant ;
en conséquence
- le débouter de tous ses chefs de demande comme étant mal fondés ;
- le condamner aux entiers dépens.
IIL. MOYENS ET ARGUMENTS DES PARTIES
- Sur la recevabilité
a) Moyens et arguments de la Commission de l'UEMOA
Dans son mémoire en date du 16 avril 2002, la Commission de l’'UEMOA qui conclut à
l’irrecevabilité tant du recours en plein contentieux que du recours en indemnisation fait valoir :
- d’une part que le requérant a opéré une mauvaise application des dispositions des articles
107 et 112 du Règlement n° 01/95/CM portant statut des fonctionnaires de l'UEMOA en
visant malencontreusement l’article 107 qui n’impose pas un recours préalable obligatoire
régi par les dispositions de l’article 108 dudit règlement ;
- d’autre part que le recours gracieux du 18 juillet 2001 de M. Y tendant à voir rapporter
la décision de licenciement, devrait être adressé au Comité consultatif paritaire d’arbitrage
et non à l’autorité investie du pouvoir de nomination qui est le Président de la Commission
La Commission ajoute que le recours préalable de l’article 107 concerne le cas du fonctionnaire
qui n’a pas de décision et qui veut en susciter, la saisine irrégulière et inopportune du Président
de la Commission ne dispensant pas M. Y du recours préalable de l’article 108.
Elle fait encore observer que le requérant s’est placé sur le terrain du recours en appréciation de
légalité, tout en expliquant par ailleurs que la conséquence tirée de l’illégalité d’un acte étant
son annulation, il demeure évident que la juridiction de céans est saisie en même temps d’un
recours en annulation et d’un recours en indemnisation.
Elle estime enfin que tant ses statuts que son règlement de procédure ne confèrent à la Cour le
pouvoir d’ordonner dans le même temps en cas d’annulation d’un acte le paiement de somme
d’argent en réparation du préjudice subi du fait de l’intervention de l’acte incriminé.
b) Moyens et arguments du requérant
Le requérant qui conclut au rejet de tous les moyens de la Commission, fait d’abord remarquer
dans son mémoire en réplique en date du 14 mai 2002, qu’il n’est pas exact d’affirmer, comme
le fait la Commission, que le recours de l’article 107 du Règlement n° 01/95/CM ne concerne
que le cas du fonctionnaire qui n’a pas de décision et qui veut en susciter. Pareille interprétation
n’est pas celle de la Cour de céans qui, dans des affaires déjà jugées, avait déclaré recevable les
requêtes des fonctionnaires concernés et dont les recours gracieux avaient été adressés au
Président de la Commission de l'UEMOA et non au Comité consultatif paritaire d’arbitrage.
Il ajoute que ledit Comité n’a pas à ce jour été mis en place et que la Commission est mal venue
à lui reprocher de n’avoir pas saisi un organe inexistant par sa faute.
Le requérant précise qu’il a bien saisi la Cour d’un recours en plein contentieux dont l’objet est
de rechercher si son licenciement est abusif et, dans l’affirmative, de fixer le montant de son
indemnisation.
Il estime à cet égard qu’il ne peut être nié au juge de l’indemnisation de tirer conséquence de
l’imperfection de tout acte matériel ou juridique pour en apprécier les dommages qui en
résultent en vue de la réparation des préjudices causés. La réparation est justifiée toutes les fois
qu’il y a un lien de causalité entre l’imperfection de l’acte en cause et le dommage causé.
c) Réponse de la Commission
Dans son mémoire en duplique en date du 8 juin 2002, la Commission considère qu’accepter
l’application de l’article 107 du Règlement n° 01/95/CM/UEMOA du 1” août 1995, en
l’espèce, reviendrait à opérer un double emploi avec les dispositions des articles 108 et 112 du
même règlement.
Elle précise qu’en l’absence d’un recours gracieux portant sur un quelconque paiement de
somme d’argent à titre de réparation, préalable obligatoire et incontournable, l’action en
indemnisation du requérant doit encore être déclarée irrecevable.
Elle constate par ailleurs que le requérant n’a fait montre d’aucune diligence effectuée pour
saisir le Comité consultatif paritaire d’arbitrage alors que l’article 112 du Règlement précité
impose comme condition de la saisine régulière de la Cour de céans l’accomplissement de ce
préalable.
Elle estime qu’il est de jurisprudence constante qu’un recours en plein contentieux ne peut être
reçu en l’état par la Cour de céans et que l’autonomie entre le recours en annulation et le
recours en indemnisation exclut tout amalgame procédural entre ces deux actions et entraîne
l’irrecevabilité de tout recours introduit sur les deux fondements.
Au fond
Le requérant soutient que la décision de licenciement intervenue à titre de sanction disciplinaire
n’a pas été précédée d’une proposition de l’autorité chargée de la gestion des ressources
humaines, en l’occurrence le Directeur des Affaires Administratives et Financières.
Il souligne que même si le Président du Comité consultatif de discipline a été saisi, il n’en
demeure pas moins que cette saisine a été faite en violation de l’article 78 du Règlement n°
01/95/CM qui dispose que le Comité visé à l’article 70 est saisi par un rapport de l’autorité
compétente indiquant les faits reprochés au fonctionnaire et la sanction envisagée à son égard.
Le requérant précise que son licenciement est d’autant plus irrégulier, injustifié et abusif que le
Président de la Commission n’a jamais été en mesure de rapporter la preuve de sa responsabilité
dans les faits qui lui sont reprochés.
Passant à l’examen du fond, la Commission répond d’abord que la Cour ne saurait exercer un
contrôle sur l’appréciation faite par une autorité administrative d’un organe de l’Union sur l’état
de service d’un agent.
Pour établir la faute grave du requérant et justifier le bien fondé de sa décision de
licenciement, la Commission de l’UEMOA invoque les éléments suivants :
- l’article de presse dans lequel il a été fait expressément mention des nom et ancienne
fonction de M. Y ;
- la reproduction entre guillemets dans ledit article de presse, des passages de la réponse de
M. Y à la demande d’explication qui lui avait été adressée à propos du vol de meubles
intervenu dans les locaux de la Commission, réponse que ce dernier et le Président de la
Commission de l’UEMOA étaient seuls censés détenir ;
- le caractère strictement confidentiel de l’échange desdites correspondances entre les
parties ;
- la relation dans ledit article de presse d’autres faits précis relatifs au dossier des « 20 000
litres de carburant » soumis frauduleusement à la signature du Président de la Commission,
avec des précisions sur le circuit suivi par les dossiers de la Direction du Secrétariat de la
Commission et la manière détaillée dont M. Y a été relevé de ses fonctions.
La Commission estime qu’en tout état de cause, M. Y qui a réservé une réponse lapidaire
à la demande d’explication et qui n’a pas contesté être à l’origine de la communication des
informations à l’organe de presse, a ainsi commis une violation manifeste de l’article 8 du
Règlement n° 01/95/CM/UEMOA du ''" août 1995 portant statut des fonctionnaires et relatif à
l'obligation de réserve et au secret professionnel.
Considérant qu’à l’audience du 30 octobre 2002 les parties ont développé les arguments
exposés au cours de la procédure écrite ;
Considérant que Monsieur le Premier Avocat Général a présenté ses conclusions au cours de
la même audience ;
En droit
Considérant que la Cour doit d’abord statuer sur sa compétence à connaître de cette affaire,
sur la recevabilité du recours ensuite, avant d’examiner s’il y a lieu les moyens des parties
quant au fond ;
Considérant que la compétence de la Cour en l’espèce est consacrée par les articles 15 alinéa 5
du Règlement n° 01/96/CM portant Règlement de procédure de la Cour de Justice et 112 du Règlement n° 01/95/CM portant statut des fonctionnaires de l’'UEMOA et n’appelle en
conséquence aucun commentaire particulier ;
Sur la recevabilité
Considérant qu’il importe d’emblée, de préciser qu’il ressort de la requête que le requérant
fonde son droit à réparation sur la prétendue illégalité de la décision de licenciement et
reconnaît ainsi que la constatation de cette illégalité et sa demande en indemnisation forment
ensemble l’objet du litige ;
Considérant qu’il est de règle que le recours en indemnisation constitue une voie de droit
autonome par rapport au recours en annulation ;
Que dès lors il était loisible au requérant, en raison de l’autonomie des différentes voies de
droit, de choisir soit l’une, soit l’autre, soit les deux conjointement ;
Qu'en tout cas tant l’examen de la requête que les débats permettent d’affirmer que M. Y
n’entend maintenant se placer que sur le seul plan du recours en indemnisation ;
Considérant qu’il importe ensuite de déterminer, en vue de juger de sa recevabilité sur quelles
dispositions le recours de Monsieur Y doit être fondé ;
Considérant qu’il est constant que M. Y qui a reçu une décision de licenciement a
entendu néanmoins ne devoir fonder son recours que sur les seules dispositions de l’article 107
du Règlement n° 01/95/CM, dispositions qui ne sont applicables, que dans le cas du
fonctionnaire qui souhaite que l’autorité investie du pouvoir de nomination prenne une décision
à son égard ;
Qu’eu égard à ces observations, le recours ne pouvait être introduit que sur le fondement de
l’article 108 ;
Considérant par ailleurs qu’il résulte des dispositions de l’article 112 du Règlement n°
01/95/CM « que la Cour de Justice de l'UEMOA est compétente pour connaître de tout litige
opposant l’Union à l’un de ses fonctionnaires ; que toutefois, le recours n’est valablement formé devant la Cour que : …si le Comité consultatif paritaire a été préalablement saisi d’une
réclamation de l’intéressé… » ;
Qu’au regard de ces dispositions, il y a lieu de dire que le recours contentieux de M. Y
n’est pas régulièrement formé ; qu’il doit dès lors être rejeté comme irrecevable, l’introduction
d’un recours contentieux étant conditionnée par l’exercice d’une procédure précontentieuse
conforme aux dispositions statutaires, cette formalité étant substantielle ;
Considérant qu’au surplus et à titre surabondant, il importe de faire remarquer que même si le
Comité consultatif paritaire d’arbitrage n’est pas encore matériellement mis en place par la
Commission de l’UEMOA, il n’en demeure pas moins qu’il a déjà été institué par l’article 106
du Règlement n° 01/95/CM ;
Que dans ces conditions, M. Y, qui n’ignorait pas l’existence de cette instance et sa non
mise en place, aurait dû cependant la saisir par l’organe du Président de la Commission de
l’UEMOA comme l’avaient fait les fonctionnaires dont il cite les affaires à titre de
jurisprudence, puis attendre l’expiration du délai de quatre (4) mois avant de saisir la Cour de
céans ;
Considérant qu’il y a lieu de préciser en outre que dans lesdites affaires citées à titre de
jurisprudence constante par le requérant et précédemment jugées par la Cour de céans, il
n’avait jamais été question de recevabilité des recours formés par les fonctionnaires mais de
non respect d’une formalité substantielle par le Président de la Commission ;
Considérant enfin qu’il importe de rappeler qu’il est de règle que les conclusions des recours
des fonctionnaires doivent avoir le même objet que celles exposées dans la réclamation
administrative préalable et contenir des chefs de contestation reposant sur la même cause que
celle de la réclamation ;
Que cette conformité est d’ordre public dans la mesure où elle se rapporte à la régularité de la
procédure administrative qui constitue une formalité substantielle, l’examen d’office de cette
question se justifiant en particulier au regard de la finalité même de la procédure administrative
qui consiste à permettre un règlement amiable des différends surgis entre le fonctionnaire ou
agent et l’administration ;
Qu’eu égard à ces observations, même si M. Y avait préalablement saisi le Comité
consultatif paritaire d’arbitrage, son recours contentieux serait encore déclaré irrecevable pour
défaut de concordance entre ledit recours et la réclamation administrative ;
Considérant donc que le recours en indemnisation du requérant ne satisfait pas aux conditions
préalables ci-dessus indiquées, il doit être rejeté dans son intégralité ;
Sur les dépens
Considérant que le requérant a succombé en ses moyens ;
Qu’aux termes de l’article 60 du Règlement de procédure, toute partie qui succombe est
condamnée aux dépens ;
Que, toutefois, s’agissant d’un litige entre la Commission et son agent, il y a lieu conformément
aux dispositions de l’article 61 du même règlement, de mettre les dépens à la charge de
l’UEMOA ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière de fonction publique
communautaire :
- Déclare le recours de M. Ah Ai Y irrecevable ;
- Met les dépens à la charge de l'UEMOA.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 01/2002
Date de la décision : 18/12/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;uemoa;cour.justice;arret;2002-12-18;01.2002 ?
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