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20/06/2001 | UEMOA | N°01/2001

UEMOA | UEMOA, Cour de justice, 20 juin 2001, 01/2001


Texte (pseudonymisé)
Affaire n° 01/2001
Société des Ciments du Af, SA
contre
Commission de l'UEMOA
« Recours en annulation d’une décision de la Commission — Respect des règles
de concurrence et de commerce régissant l’Union — Violation des règles
d’introduction du recours en annulation — Délai de recours — Caractères »
Sommaire de l’arrêt
Les délais de recours sont d’ordre public et ne constituent pas un moyen à la
discrétion des parties ou du juge.
RAPPORT DU JUGE RAPPORTEUR
I. LES FAITS
Par requête en

date du 6 septembre 2000, enregistrée au Greffe de la Cour de Justice de
l’UEMOA le 19 septembre 2000 sous le n°01/20...

Affaire n° 01/2001
Société des Ciments du Af, SA
contre
Commission de l'UEMOA
« Recours en annulation d’une décision de la Commission — Respect des règles
de concurrence et de commerce régissant l’Union — Violation des règles
d’introduction du recours en annulation — Délai de recours — Caractères »
Sommaire de l’arrêt
Les délais de recours sont d’ordre public et ne constituent pas un moyen à la
discrétion des parties ou du juge.
RAPPORT DU JUGE RAPPORTEUR
I. LES FAITS
Par requête en date du 6 septembre 2000, enregistrée au Greffe de la Cour de Justice de
l’UEMOA le 19 septembre 2000 sous le n°01/2000, Maître Georges Komlanvi AMEGADIE,
Avocat à la Cour d’Appel de Lomé ayant élu domicile au Cabinet de Maître Benoît Y.
SAWADOGO, Avocat à la Cour de Ouagadougou (Al AmB, agissant au nom et pour le
compte de la société des ciments du Af SARL ayant son siège social à Lomé, route
d’Aneho, a introduit un recours en annulation de la Décision N°1467/DPCD/DC/547 en date
du 7 juillet 2000, de la Commission de l’UEMOA qui s’est déclarée incompétente pour
enjoindre aux Etats membres de prendre les mesures nécessaires pour le respect des règles de
concurrence régissant l’Union.
Elle expose dans sa requête introductive d’instance, qu’en décembre 1998, une société
dénommée WACEM (West Ac Ai) a été agréée par la République togolaise
comme entreprise de zone franche. Selon la loi togolaise relative à la zone franche, une
entreprise agréée à la zone franche et qui y effectue ses activités, est une entreprise en réalité
étrangère à l’économie et au territoire géographique du Af et par conséquent de l'UEMOA.
Aux termes de l’article 27 de ladite loi togolaise, les ventes réalisées par les entreprises
installées sur le territoire togolais à destination des entreprises de la zone franche, sont des
exportations. Elle ajoute que l’article 26 de la même loi dispose que les produits d’une
entreprise de la zone franche, mis à la consommation sur le territoire douanier des pays de
l’UEMOA, sont des exportations, lesquelles ne peuvent être effectuées que par une tierce
société importatrice régulièrement installée sur le territoire douanier du Af.
La requérante précise toujours, que se prévalant de l’agrément que lui aurait donné le
Secrétariat Exécutif de la CEDEAO, la société WACEM exporte sa production de ciment sur
les territoires des Etats membres de l’'UEMOA.
Elle prétend que ces agissements de la société WACEM constituent des violations graves des
dispositions des articles 76 et suivants du Traité de l’'UEMOA instituant un marché commun
des Etats membres et établissant le principe d’un Tarif Extérieur Commun au bénéfice des
seules entreprises ressortissantes des territoires douaniers de chacun des Etats membres.
Elle estime dès lors que c’est en violation des dispositions du Traité de l'UEMOA que la
Commission s’est refusée à enjoindre à la République togolaise de prendre les mesures
adéquates pour faire cesser les agissements de WACEM, gravement préjudiciables aux
intérêts des opérateurs économiques régulièrement installés sur les territoires douaniers.
Elle sollicite en conséquence l’annulation de la décision de la Commission comme entachée
d’illégalité.
Elle demande enfin que la Cour dise et juge :
- qu’un agrément accordé par la CEDEAO à une entreprise de l’un des Etats membres de
cette organisation ne saurait emporter le bénéficie des tarifs douaniers préférentiels en
vigueur dans le marché commun de l’UEMOA ;
- que seuls les produits des entreprises régulièrement installées sur les territoires douaniers
de chacun des Etats membres de l’'UEMOA seront considérés comme des produits
d’origine de cet Etat et seront les seuls bénéficiaires des Tarifs Extérieurs Communs, à
l’exclusion de tout produit qui serait qualifié produit de provenance.
La Commission quant à elle, conclut dans son mémoire en défense au principal :
- à l’irrecevabilité de la requête de la société des Ciments du Af pour vice de forme ;
- ou à l’irrecevabilité du recours en annulation motif pris de la nature de l’acte attaqué ;
- subsidiairement au fond, au débouté de la Société des Ciments du Af de son action
comme étant mal fondée ;
- à la condamnation de la requérante aux dépens.
II. Déroulement de la procédure suivie
Par décision n°1467/DPCD/DC/547 en date du 7 juillet 2000, la Commission refuse de
prendre des dispositions pour mettre un terme aux agissements de la société WACEM.
Elle estime que l’'UEMOA n’a aucune compétence dans la mise en œuvre, par ses Etats
membres, des engagements pris dans le cadre du Traité de la CEDEAO.
Par requête télécopiée en date du 5 septembre 2000, la société des ciments du Af, par
l’organe de son conseil, Maître AMEGADIJE, avocat à la Cour d’Appel de Lomé, saisit la
Cour de Justice de l’UEMOA d’un recours en annulation de la décision
n°1467/DPCD/DC/547 de la Commission.
Dans sa requête, la société des ciments du Af sollicite en outre que la Cour dise et juge :
- qu’un agrément accordé par la CEDEAO à une entreprise de l’un des Etats membres de
cette organisation ne saurait emporter le bénéfice des tarifs douaniers préférentiels en
vigueur dans le marché commun de l’UEMOA ;
- que seuls les produits des entreprises régulièrement installées sur les territoires douaniers
de chacun des Etats membres de l’'UEMOA seront considérés comme des produits
d’origine de cet Etat et seront les seuls bénéficiaires des Tarifs Communs Extérieurs à
l’exclusion de tout produit qui serait qualifié produit de provenance.
Par courrier DHL du 27 mars 2001, trois copies de la requête parviennent au greffe de la Cour
le 29 mars 2001.
Le 4 avril 2001, l’original et les trois copies de la requête parviennent au greffe.
Le 9 février 2001, une copie du mémoire ampliatif de la requérante est transmise au greffe.
Le 29 mars 2001, l’original et deux copies du même mémoire ampliatif sont transmis au
greffe de la Cour.
Le S avril 2001, deux originaux et trois copies dudit mémoire sont transmis au greffe.
S’agissant du mémoire en réplique, il faut souligner qu’un original signé et deux copies non
signées sont arrivés au greffe le 28 mars 2001.
Les 4 et 5 avril 2001, le conseil de la Commission faisait parvenir au greffe trois originaux et
cinq copies de son mémoire en réplique.
Telle est donc la procédure qui a été suivie dans cette affaire.
Quid des moyens et arguments des parties ?
II. Moyens et arguments des parties
a) Moyens de forme relatifs à l’irrecevabilité et à la forclusion
La Commission, dans un premier moyen, contenu dans son mémoire en défense en date du 16
février 2001, par l’organe de son conseil, a conclu à l’irrecevabilité du recours en annulation,
motif pris de ce que :
- d’une part, la copie certifiée conforme de la télécopie de la requête ayant saisi la Cour de
céans ne saurait être assimilée en un original au sens de l’article 16 alinéa 3 du Règlement
de Procédures ;
- d’autre part, la décision attaquée n’est pas de nature à créer une quelconque modification
dans l’ordonnancement juridique préexistant ; la décision qui n’est ni un règlement, ni une
directive, n’est pas susceptible de produire des effets de droit.
La requérante oppose, dans son mémoire en réplique en date du 26 mars 2001, que les
exceptions d’irrecevabilité soutenues par la Commission ne seraient aucunement fondées.
Elle fait en effet observer :
- d’une part que, même s’il est certain que l’alinéa 3 de l’article 26 du Règlement de
Procédures, énonce que la requête est établie, outre l’original, en autant d’exemplaires certifiés conformes qu’il y a de parties en cause, il n’est nulle part écrit dans ce texte que
les dispositions de l’alinéa 3 sont faites ad validitatem de la saisine de la Cour.
Elle ajoute qu’il n’est dit nulle part que ce sont les originaux des actes (requête ou
compromis) qui sont seuls de nature à saisir la Cour ; que c’est un principe général de
droit qu’il n’y a ni irrecevabilité, ni nullité sans texte.
La requérante par ailleurs précise que par pli DHL en date du 10 novembre 2000, il a fait tenir
à Monsieur le Greffier de la Cour, l’original et deux exemplaires de sa requête, que c’est ce
dernier qui a trouvé suffisant de notifier à la Commission une copie certifiée conforme de la
télécopie de la requête.
Elle a d’autre part fait valoir qu’elle a fondé son recours sur l’article 8 alinéa 2 du Protocole
additionnel n°1 qui dispose que le recours en appréciation de la légalité est ouvert en outre à
toute personne physique ou morale contre tout acte de l’Union lui faisant grief.
Elle a aussi soutenu que la décision attaquée signée par un Commissaire, est un acte de
l’Union qui lui cause préjudice.
Elle a enfin estimé que l'affirmation de la Commission selon laquelle, pour être passible de
recours en annulation, l’acte doit être de nature à créer une modification dans
l’ordonnancement juridique préexistant, constitue un rajout illégal aux conditions légales
d’exercice du recours.
b) Moyens de fond relatifs au bien fondé de la demande
Par mémoire ampliatif en date du 2 février 2001, transformant l’objet du litige la requérante
complète et précise selon elle les conclusions déjà prises dans sa requête introductive
d’instance en date du 5 septembre 2000.
Elle fait en effet observer que c’est par une erreur de plume qu’elle avait demandé à la Cour
de dire et juger que « seuls les produits des entreprises régulièrement installées sur les
territoires douaniers de chacun des Etats membres de l’'UEMOA seront considérés comme des produits d’origine de cet Etat et seront les seuls bénéficiaires des Tarifs Extérieurs Communs
à l’exclusion de tout produit qui serait qualifié produit de provenance ».
Elle soutient qu’en réalité sa demande consistait à « dire et juger que seuls les produits des
entreprises régulièrement installées sur les territoires douaniers de chacun des Etats membres
de l'UEMOA seront considérés comme des produits d’origine de cet Etat et seront les seuls
bénéficiaires des Tarifs Préférentiels Communs à l’exclusion de tout produit qui serait qualifié
produit de provenance ».
La requérante fait en outre observer, qu’aux termes de l’article 90 du Traité de l'UEMOA
«la Commission est chargée sous le contrôle de la Cour de Justice de l’application des règles
de concurrence prescrites par les articles 88 et 89. Dans le cadre de cette mission, elle dispose
du pouvoir de prendre des décisions ».
La requérante affirme ainsi qu’au regard de ces dispositions, la Commission avait légalement
compétence pour examiner les faits qu’elle lui avait soumis le 15 juin 2000 et qu’en se
déclarant incompétente, elle a manifestement violé les textes supranationaux.
La requérante a, en outre, rappelé toujours dans son mémoire ampliatif que, comme toutes les
Hautes Parties contractantes au Traité de l’'UEMOA, le Af avait, aux termes du Préambule,
proclamé et affirmé sa volonté de favoriser le développement économique et social du Af
grâce notamment :
1. «à l’unification de son marché intérieur à ceux des autres Etats membres de telle sorte
que les marchés intérieurs de chacun des Etats membres se trouvent intégrés, fondus les
uns dans les autres et ne forment plus qu’un seul marché commun, celui de l’UEMOA » ;
2. «à l’harmonisation de sa législation avec celles des autres Etats membres ».
La requérante a encore invoqué les dispositions des articles 6, 7 et 88 du Traité de
l’UEMOA :
- Article 6 : « les actes arrêtés par les organes de l’Union pour la réalisation des objectifs du
présent Traité et conformément aux règles de procédures instituées par celui-ci, sont appliqués dans chaque Etat membre nonobstant toute législation nationale contraire,
antérieure ou postérieure ».
- Article 7: «les Etats membres apportent leur concours à la réalisation des objectifs de
l’Union en adoptant toutes mesures générales ou particulières, propres à assurer
l’exécution des obligations découlant du présent Traité. À cet effet, ils s’abstiennent de
toutes mesures susceptibles de faire obstacle à l’application du présent Traité et des actes
pris pour son application ».
- Article 88: «Un an après l’entrée en vigueur du présent Traité, sont interdits de plein
droit :
e Les aides publiques susceptibles de fausser la concurrence en favorisant certaines
entreprises ou certaines productions ».
La requérante a ajouté que l’arrêté interministériel n°009 du 31 janvier 2000 autorisant la
société WACEM à vendre son ciment sur le marché intérieur togolais, portion du marché
commun UEMOA, en exonération des droits et taxes, viole les dispositions supranationales
du Traité de l'UEMOA.
Au regard de toutes ces observations, la requérante a sollicité de la Cour d’évoquer et faire ce
que la Commission aurait dû faire pour :
- Dire et juger que la société WACEM qui opère sur le territoire géographique de la
République togolaise est une entreprise étrangère au marché commun de l’Union du fait
de son statut de zone franche ;
- Dire et juger que les produits finis ou semi-finis fabriqués par WACEM ne peuvent entrer
sur le marché commun de l’UEMOA ou sur les marchés intérieurs d’autres Etats membres
qu’après paiement du Tarif Extérieur Commun en vigueur dans ce marché ;
- Dire et juger que le Gouvernement de la République togolaise est tenu de faire appliquer
les Règlements d’exécution pris par la Commission de l’UEMOA, relative aux produits
non communautaires manufacturés dans la zone franche qu’elle a instituée.
La Commission de l’'UEMOA conteste dans son mémoire en défense en date du 16 février
2001, le bien fondé de l’action de la requérante, telle que présentée dans la requête et dans le
mémoire ampliatif en date du 2 février 2001.
La Commission estime que la violation directe ou erreur de droit consiste à prendre une
mesure qui ne pouvait être prise parce que contraire ou incompatible avec une ou des normes
juridiques supérieures.
Il s’agit donc de l’application directe du principe de la légalité.
La Commission a encore précisé qu’il y a erreur de droit lorsque l’acte est pris sur le
fondement d’une norme supérieure illégale ou abrogée ou encore en vigueur ou qui est
étrangère à la matière objet de l’acte attaqué ; on dit alors que l’acte manque de base légale.
Toujours selon la Commission, l’erreur de droit peut résider dans le fait pour l’auteur de l’acte
de se fonder sur un texte applicable dans le contexte donné mais auquel il a donné un sens ou
une portée que le texte n’a pas ; on parle alors de fausse interprétation ou fausse application
de la loi.
La Commission a en outre soutenu qu’en l’espèce aucune mesure contraire aux dispositions
des articles 76 et suivants du Traité, n’a été prise, et qu’au demeurant on ne saurait reprocher
à l'UEMOA de ne pas donner des injonctions à la CEDEAO relativement à un agrément
octroyé par cette institution.
La Commission a enfin estimé qu’en tout état de cause, la lettre querellée ne contenant aucune
injonction dans le sens de l’applicabilité par la société WACEM des dispositions des articles
76 et suivants du Traité, son contenu ne saurait juridiquement violer lesdites dispositions et
être empreinte d’illégalité.
Tels sont donc les différents moyens et arguments des parties.
Le Juge rapporteur :
Ad Ag A CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GENERAL
A. EXPOSE DES FAITS
Dans son recours pris de la violation des articles 76 et suivants du Traité de l'UEMOA, la
Société des Ciments du Af (ci-après SCT), a demandé à la Cour d’annuler la décision
n°1467 DPCD/DC/1547 du 7 juillet 2000 de la Commission de l'UEMOA par laquelle celle-
ci s’est déclarée incompétente à mettre en œuvre des engagements pris dans le cadre de la
CEDEAO.
Les faits peuvent se résumer comme suit :
En décembre 1988, la République togolaise a concédé à l’entreprise West Ac Ai (ci-
après WACEM), une zone franche pour produire du clinker et du ciment.
Les pièces versées au dossier, loi togolaise n°89-14 du 18/09/1989 sur la zone franche et son
décret d’application n°90-40 du 4/04/1990 établissent que le WACEM est une entreprise de
droit togolais (SARL) et dont le siège social est au Af. L’arrêté ministériel n°009 du
31/01/2000 du Ministre de l’Economie, des Finances et de la Privatisation et du Ministre de
l’Industrie, du Commerce et du Développement de la zone franche, autorise la société à
vendre son ciment sur le territoire douanier du Af ; cette autorisation est valable jusqu’au
30 janvier 2001 et peut être renouvelée ; la société bénéficie par ailleurs sur ses produits (2)
Ai Aj et Ai Ah d’un agrément délivré par la CEDEAO en 1999 et d’une
position tarifaire CEDEAO n°252310-00 pour le premier produit et n°25232-900 pour le
second.
Ces différentes autorisations ont permis à la WACEM de commercialiser et d’exporter son
ciment en franchise de droits de douane dans les Etats membres de l’UEMOA (Af, Ae,
An, Al AmB également membres de la CEDEAO. Les Ai X et SCT se
retrouvent donc sur le même espace géographique abritant deux marchés (UEMOA et
Y) qui se chevauchent, mais qui sont distincts, chacun étant régi par sa propre
législation, mais pour autant, ces deux marchés s’excluent-ils l’un l’autre ? Dans le cadre de la libéralisation des échanges communautaires, le marché UEMOA est
ouvert aux produits industriels Y, lorsqu’ils sont accompagnés d’un certificat
d’origine ; ils circulent donc librement et pénètrent ce marché ; le problème qui nous intéresse
n’est pas la circulation, l’interpénétration, mais la mise en œuvre de la vente des produits qui
aurait provoqué une distorsion de la concurrence au regard de laquelle la Commission a
décliné sa compétence.
La SCT allègue que la position tarifaire CEDEAO dont bénéficie la WACEM sur ses produits
(réputés d’origine étrangère), a permis à cette entreprise d’inonder une partie du marché
UEMOA, de créer une concurrence déloyale dans les transactions de ciment à l’intérieur de
l’Union et de fausser les règles communes de concurrence applicables aux entreprises
communautaires, et alors que celles-ci doivent être les seules à bénéficier de la réglementation
communautaire tarifaire préférentielle des échanges (Tarif Extérieur Commun) ; qu’elle a
saisi la Commission de l’'UEMOA, mais que celle-ci s’est refusée à enjoindre à la République
togolaise de faire cesser les comportements anti-concurrentiels de la WACEM préjudiciables
aux opérateurs économiques de l’'UEMOÀA, et a opposé une fin de non recevoir à sa requête,
par la décision précitée, aux motifs qu’elle n’était pas compétente dans la mise en œuvre par
ses Etats membres (UEMOA), des engagements pris dans le cadre du Traité Y, et
l’avait invitée à saisir les autorités de la CEDEAO.
La requérante estime que cette décision est illégale et doit être annulée ; elle invoque comme
moyen, la violation des articles 76 et suivants du Traité.
Elle demande également à la Cour de dire et juger :
1°) qu’un accord accordé par la CEDEAO à une entreprise de l’un des Etats membres de
cette organisation ne saurait comporter le bénéfice des tarifs douaniers préférentiels en
vigueur dans le marché de l'UEMOA. (Première demande accessoire) ;
2°) que seuls les produits des entreprises régulièrement installées sur les territoires
douaniers de chacun des Etats membres de l’UEMOA seront considérés comme des
produits d’origine de ces Etats et seront les seuls bénéficiaires du Tarif Extérieur
Commun, à l’exclusion de ce qui sera qualifié produit de provenance. (Deuxième
demande accessoire).
Par mémoire ampliatif en date 2/02/2001 et parvenu au greffe le 9/02/2001, la requérante
complétait les conclusions de sa requête introductive d’instance.
Elle précise qu’il y avait lieu par suite d’erreur, de substituer les termes Tarifs Préférentiels
Communs aux termes Tarifs Extérieurs Communs (cf. deuxième demande accessoire).
Elle conclut et demande à nouveau à la Cour de dire et juger que :
- La WACEM est une société étrangère au marché commun de l’UEMOA ;
- Les produits finis et semi finis fabriqués par la WACEM ne doivent être commercialisés
sur le marché communautaire UEMOA qu’après paiement du Tarif Extérieur Commun ;
- La République togolaise doit faire appliquer les règlements d’exécution pris par la
Commission de l’UEMOA, relativement aux produits non communautaires issus de la
zone franche instituée par cet Etat.
Pour donner un fondement juridique à ces nouvelles conclusions, la requérante s’appuie sur
les dispositions des articles 4, 5, 6, 7, 9, 12, 16, 88, 89, 90 du Traité et celles de l’arrêté
interministériel n°009 du 31/01/2000 et du décret n°90-40 du 4/04/1990 du Gouvernement
togolais.
Dans son mémoire en défense, la Commission rétorque que la requête introductive d’instance
n’a pas respecté les formes prescrites à l’article 26 du Règlement de Procédures de la Cour,
n’ayant pas été présentée en la forme originale et en plusieurs exemplaires certifiés
conformes ;
Que la requête saisissant la Cour est une télécopie qui ne saurait suppléer à l’original, que de
ce fait le recours doit être déclaré irrecevable ;
Qu'’en raison de la nature même de l’acte attaqué qui n’est ni un règlement, ni une décision, ni
une directive (seuls actes de l’ordonnancement juridique communautaire produisant des effets
de droit), le recours est encore irrecevable ;
Qu’au fond, la légalité de l’acte ne souffre d’aucune erreur de fait et de droit (fausse
qualification et fausse interprétation susceptible de la vicier) ;
Que du reste, il n’y a rien à reprocher à l'UEMOA de n’avoir pas donner des injonctions à la
CEDEAO, relativement à un agrément délivré par celle-ci.
La défenderesse conclut à ce que la requérante soit déboutée et condamnée aux dépens.
Contre le mémoire en défense, et par réplique reçue au greffe le 28/3/2001, la requérante fait
valoir que le recours est manifestement recevable et fondé ;
Qu'’en effet l’irrecevabilité alléguée par la Commission et tirée de l’article 26 du Règlement
de Procédures de la Cour ne repose ni sur les principes généraux de droit, ni sur ce
Règlement, alors qu’il « n’y a ni irrecevabilité, ni nullité sans texte » ;
Que la Commission n’est pas recevable à lui faire grief de la notification régulière par le
greffier de la copie certifiée conforme de la télécopie de la requête ;
Qu’en ce qui concerne le moyen tenant à la nature de l’acte attaqué, celui-ci n’est pas non
plus pertinent et doit être rejeté, dans la mesure où le recours en annulation est dirigé contre
un acte de l’Union, et fondé sur l’article 8 alinéa 2 du Protocole additionnel n°1 ; qu’au
surplus, il ne résulte pas du Traité et du Règlement de Procédures ; qu’un acte de l’Union,
pour être attaquable, doit produire des effets juridiques ; qu’une telle condition
supplémentaire à l’exercice du droit de recours procède d’un jugement arbitraire ;
Qu’au fond, la décision litigieuse doit être annulée, eu égard aux compétences dévolues à la
Commission par les articles 88, 89 et 90 du Traité, aux termes desquels la Commission sous le
contrôle de la Cour de Justice est chargée de l’application des règles de la concurrence et est
tenue dans le cadre de cette mission de prendre des décisions, notamment empêcher les
entreprises non ressortissantes du marché UEMOA de commercialiser leurs productions sur
ce marché et de bénéficier d’un tarif douanier préférentiel et créer une situation de
concurrence déloyale vis-à-vis des entreprises communautaires ;
Qu’en écartant sa compétence, au regard des textes invoqués, la Commission a violé les
dispositions des articles 76 et suivants du Traité.
Il importe de relever que le mémoire en réplique envoyé par la requérante et reçu au greffe le
5/4/2001 et enregistré sous le n°006/2001 n’est en fait qu’une copie du mémoire en réplique
du 28/3/2001 ; son examen ne s’impose donc pas.
B. DISCUSSION JURIDIQUE
L’objet du recours est une appréciation de la légalité (annulation). La compétence de la Cour
s’impose en ce que le Traité lui donne droit d’appliquer et d’interpréter le droit
communautaire (article 1° du Protocole additionnel n°1) et d’apprécier la légalité des actes
communautaires (articles 9 du même Protocole et 27 alinéa 3 des statuts de la Cour)
Mais l’acte déféré est-il une décision attaquable ? Ce que conteste la Commission ; d’après
elle, le recours est irrecevable, motifs pris de ce que la nature de l’acte ne permet pas de
l’insérer dans l’ordonnancement juridique communautaire qui crée des effets de droit et qui
est constitué par les règlements, les directives et les décisions.
Cette opinion ne peut être soutenue ; la Commission a définitivement statué en déclinant sa
compétence ; elle confère ainsi un caractère décisoire et irrévocable à la lettre qui devient
donc attaquable.
Dès lors, le grief allégué est non fondé et doit être rejeté.
La Cour de Justice des Communautés Européennes définit la notion de décision à travers deux
arrêts célèbres :
« … l’acte litigieux par lequel la Commission a arrêté de manière non équivoque une mesure
comportant des effets juridiques affectant les intérêts des entreprises concernées et s’imposent
obligatoirement à elles, constitue non un simple avis, mais une décision »
(CIJCE arrêt du 15/3/1967.S.A. Cimenteries CBR et autres contre Commission) « constitue une décision susceptible d’être attaquée par la voie du recours en annulation par le
propriétaire du navire qu’elle concerne directement et individuellement une lettre adressée par
la Commission aux autorités suédoises pour les informer d’une sanction qu’elle a prise dans le
cadre de la compétence et du pouvoir d’appréciation que lui confère à l’égard d’un
navire suédois
(CICE, arrêt du 29/06/1994. Affaire C AB contre Commission, recours en annulation,
Recueil page 2886)
La Commission soulève une seconde exception d’irrecevabilité tirée de la violation de
l’article 26 alinéa 3 du Règlement de Procédures, en faisant valoir que la Cour est mal saisie
par une requête télécopiée, en lieu et place de l'original.
L'article 26 du Règlement de Procédures qui est une reprise de l’article 31 des Statuts de la
Cour dispose de manière péremptoire que la requête qui saisit la Cour doit être établie outre
l’original en autant d’exemplaires certifiés conformes qu’il y a de parties en cause.
Le seul tempérament admis à cette règle est le dépôt de la requête par voie de télécopie ; à
charge par le requérant de la régulariser par le dépôt de l’original au greffe, dans un délai de
deux mois à compter de l'introduction du recours, conformément aux dispositions de l’article
32 des statuts de la Cour.
Cette régularisation n’a jamais eu lieu, si bien que le greffier, s’est vu en définitive contraint
de notifier la copie certifiée conforme de la télécopie à la défenderesse le 22 décembre 2000,
soit trois mois et 16 jours après le dépôt de la télécopie intervenu le 7/9/2000, mais enregistré
au greffe le 19/9/2000.
En ne régularisant pas son recours dans les deux mois, la requérante a fait preuve de
négligence grave qui doit la priver de son droit d’agir. Le moyen pris de la violation de
l’article 26 précité étant fondé, le recours de la SCT doit être déclaré irrecevable.
Pour appuyer cette irrecevabilité de la requête introductive, il n’est pas inutile d’évoquer
l’arrêt du 12/7/1984 rendu par la Cour de Justice des Communautés Européennes dans
l’affaire Valsabbia contre Commission cf. Recueil page 3098.
Valsabbia est une entreprise métallurgique italienne qui, à la suite d’un contrôle des
inspecteurs de la Commission en 1981, a été sanctionnée d’amende pour infractions au Traité
de la CECA (réglementation sur les prix des produits). La sanction a été notifiée à l’entreprise
et celle-ci disposait d’un mois pour attaquer la décision devant la Cour, mais elle n’a pas
recouru dans les délais, arguant des cas de force majeure non établis.
La Cour a alors jugé que :
«Il y a lieu de constater à cet égard que la requérante n’a pas fait preuve de la diligence
Enfin il convient d’observer que la requérante aurait pu faire usage de l’article 38 paragraphe
7 du Règlement de Procédures qui permet l’introduction d’une requête même non conforme
aux conditions de forme à charge de la régulariser dans un délai raisonnable fixé par le
Il en résulte que… le recours est irrecevable ».
En ce qui concerne le mémoire ampliatif qui lui a été notifié le 28 février, la Commission n’y
a pas répliqué dans le délai d’un mois qui lui était imparti, nonobstant, ce mémoire appelle les
observations suivantes :
La requérante demande que la Cour considère la WACEM comme une société étrangère et
dont les produits ne peuvent être commercialisés au sein de l'UEMOA qu’après paiement du
TEC et qu’elle décide que la République togolaise doit appliquer les règlements d’exécution
de l'UEMOA concernant les produits non communautaires provenant de la zone franche créée
par cet Etat.
Il y a lieu de relever que le mémoire a été déposé le 9/2/2001 au greffe, alors que la requête
introductive avait été déjà notifiée à la défenderesse.
Ses conclusions débordent et modifient le cadre juridique tracé par la requête ; les moyens
invoqués à l’appui sont nouveaux par rapport à ceux de la requête introductive et sont fondés
sur des faits bien connus de la requérante avant l’introduction du recours ; ils violent le principe d’immutabilité du litige que la Cour est tenue de respecter et qui sauvegarde par
ailleurs les droits de la défense.
Pour ces motifs de droit et par application de l’article 31 du Règlement de Procédures, le
mémoire est irrecevable et doit dès lors, être écarté.
L’irrecevabilité des moyens nouveaux est rapportée par ce même arrêt C AB contre
Commission — Recueil page 2908. Il s’agissait en l’espèce d’un moyen nouveau soulevé au
stade de la réplique.
« Ce moyen doit être déclaré irrecevable en vertu de l’article 42 paragraphe 2 du Règlement
de Procédures qui interdit la production de moyens nouveaux en cours d’instance à moins que
ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la
procédure ».
L’irrecevabilité formelle de la requête introductive devrait clore cette affaire, mais pour
les commodités de la procédure, examinons le fond.
La SCT a dénoncé à la Commission par lettre en date du 15 juin 2000, des pratiques de la
WACEM qui entraveraient les échanges intracommunautaires de ciment et fausseraient les
règles d’une saine concurrence entre les entreprises. Elle y concluait que la WACEM s’était
livrée à une concurrence déloyale en violation des dispositions du Traité, notamment des
articles 76 et suivants et que la Commission devrait prendre toutes les mesures nécessaires
pour mettre fin à ces comportements ; la requérante n’y demandait pas des injonctions à la
Commission contre l’Etat togolais ; faut-il le préciser.
Pour mesure, la Commission décidait qu’elle n’était pas compétente à mettre en œuvre des
engagements pris dans le cadre de la CEDEAO.
Cette incompétence est-elle justifiée au regard des moyens de droit invoqués par la
requérante?
L'article 76 détermine les objectifs de la politique économique communautaire, à savoir la
suppression des barrières douanières, l’établissement d’un Tarif Extérieur Commun,
l’institution de règles communes de concurrence entre les entreprises précisées à l’article 88
du Traité qui interdit de plein droit :
- Les ententes entre entreprises tendant à restreindre ou fausser le jeu de la concurrence
dans le marché communautaire ;
- Toutes pratiques d’une ou plusieurs entreprises assimilables à un abus de position
dominante sur le marché commun ou dans une partie significative de celui-ci ;
- Les aides d’Etat susceptibles de fausser le jeu de la libre concurrence entre les entreprises.
Une interprétation combinée des articles 26 (alinéas 1 et 6) et 90 du Traité établit que la mise
en œuvre des politiques communautaires de l'UEMOA, notamment celle de la concurrence
ressort du domaine de compétence de la Commission ; dans l’exercice de ses prérogatives, cet
organe doit recueillir toutes informations utiles auprès des Gouvernements, des autorités des
Etats membres et des entreprises.
En matière de concurrence, il peut s’autosaisir ou agir à la suite de plaintes informelles,
anonymes, de renseignements reçus soit d’un Etat membre, soit de consommateurs, ou
résultant d’enquête économique.
La compétence de la Commission s’étend à toute pratique anticoncurrentielle localisée dans
l’espace communautaire constitué par le territoire des Etats membres et cette compétence est
exclusive et ne saurait s’apprécier en considération des éléments de droit d’une autre
communauté ou du statut d’une entreprise communautaire ou étrangère.
La localisation (déduite des dispositions de l’article 88 du Traité) permet de situer la
compétence de la Commission et les effets des pratiques illicites des entreprises sur le
territoire communautaire.
«… Les autorités communautaires doivent considérer le comportement incriminé dans
toutes ses conséquences pour la structure de la concurrence dans le marché commun,
sans distinguer entre les productions destinées à l’écoulement à l’intérieur du marché
commun et celles destinées à être exportées ; que lorsque le détenteur d’une position
dominante établi dans le marché commun tend vers l’exploitation abusive de celle-ci, à
éliminer un concurrent également établi dans le marché commun, il est indifférent de
savoir si ce comportement concerne les activités exportatrices de celui-ci, ou ses activités dans le marché commun, dès lors qu’il est constant que cette élimination aura des
répercussions sur la structure de la concurrence dans le marché commun »
(Conclusions de l’Avocat Général WARNER dans l’affaire Commercial Solvens contre
Commission — Arrêt du 6/03/1974 Recueil page 255)
Cette position jurisprudentielle a été renforcée par l’arrêt CJCE du 5/10/1988 rendu dans
l’affaire Société Alsacienne et Lorraine de Télécommunication et d’Electronique contre S.A.
Aa ZAk page 5988).
Interprétant la notion d’abus de position dominante et d’affectation du commerce entre les
Etats membres, la Cour a estimé qu’il y a lieu d’en considérer la finalité « qui est de
déterminer le domaine d’application du droit communautaire de la concurrence… et en
relève toute pratique susceptible d’influencer de manière directe ou indirecte, actuelle
ou potentielle le courant d’échanges entre les Etats membres et d’entraver ainsi
l’interpénétration économique voulue par le Traité ».
La Commission doit, dans le cadre de ses attributions, assurer le plein effet des normes
communautaires, en ignorant s’il y a lieu toute législation étrangère.
Il résulte des considérations qui précèdent qu’une plainte contre des pratiques qui seraient de
nature à fausser l’homogénéité du marché UEMOA et à créer des distorsions de la
concurrence, mérite rite d’être AA analysée Z par la Commission sci ; en effet, une enquête A aurait ; permis LS à
celle-ci d’être suffisamment renseignée et de disposer des éléments de fait et de droit pour
asseoir sa décision, à la requérante d’en savoir les fondements et à la Cour d’exercer en
connaissance de cause son contrôle de légalité.
En écartant sa compétence, alors qu’elle aurait dû plutôt se renseigner, et au besoin, procéder
à des vérifications auprès des entreprises et des autorités togolaises et dans les marchés en
cause pour savoir si les pratiques portées à sa connaissance pouvaient affecter les transactions
intracommunautaires de ciment et fausser les règles communes de concurrence applicables
aux entreprises, la Commission a manifestement méconnu l’étendue de ses pouvoirs et violé
les textes visés aux moyens.
D’où il suit que la décision déférée doit être annulée.
En ce qui concerne la première demande accessoire :
L’Acte additionnel n°04 du 10 mai 1996 fixe la réglementation communautaire préférentielle
des échanges. Le régime douanier applicable aux produits industriels originaires de la
Communauté, agréés et non agréés, tel que précisé aux articles 12, 13 et 14 de cette
réglementation, institue des réductions de droit d’entrée dans les Etats membres de l’Union
par rapport aux produits de même espèce importés des pays tiers. Mais une entreprise de la
CEDEAO, est elle, dans tous les cas, une entreprise étrangère à l'UEMOA, donc non
susceptible de bénéficier d’une fiscalité communautaire privilégiée (Taxe préférentielle
communautaire). Nous pensons que la réponse à cette question est sans intérêt pour la solution
du présent litige.
Par ailleurs, la demande tend à apprécier une décision de la CEDEAO par rapport à la
réglementation de l’'UEMOA ; la CEDEAO étant une autorité étrangère, l’appréciation d’un
acte de celle-ci échappe à la compétence de la Cour délimitée par les dispositions de l’article
1°" du Protocole additionnel n°1.
Il résulte de ce qui précède que cette demande est irrecevable.
En ce qui concerne la deuxième demande accessoire :
L’interprétation que fait la requérante de la notion de produit d’origine est erronée, en ce que,
d’une part, est considéré comme produit originaire, le produit industriel soit dans la
fabrication duquel les matières premières communautaires interviennent pour 60%, soit
obtenu à partir de matières premières entièrement importées de pays tiers ou dans la
fabrication duquel les matières premières communautaires utilisées représentent en quantité,
moins de 60% de l’ensemble des matières premières utilisées, lorsque la valeur ajoutée est au
moins égale à 40% du prix de revient en usine, hors taxes du produit, et d’autre part le Tarif
Extérieur Commun, barème douanier commun aux Etats membres ne frappe que les produits
importés des pays tiers.
La demande ne répond pas à une nécessité objective de la procédure ; elle constitue du reste
l’une des motivations de la requête (cf. page 2, paragraphe 7).
Dans ces conditions, elle est irrecevable.
Pour nous résumer, nous concluons que le recours est irrecevable, mais que si la Cour en
décidait autrement, elle devrait annuler la décision ; dans le premier cas, la requérante doit
être condamnée aux dépens et le cautionnement restitué à l'UEMOA (articles 60 alinéa 2 du
Règlement de Procédures et 31 alinéa in fine des statuts de la Cour) ; dans le second cas, il y a
lieu de partager les dépens entre les parties qui ont succombé sur les divers chefs de
demande, par application de l’article 60 alinéa 3 du Règlement de Procédures.
L’Avocat Général :
Malet DIAKITE ARRET DE LA COUR
20 juin 2001
Entre
Société des Ciments du Af, SA
Et
La Commission de l'UEMOA
La Cour composée de MM. Yves D. YEHOUESSI, Président ; Daniel L. FERREIRA, Juge
rapporteur ; Mouhamadou NGOM, Juge ; Malet DIAKITE, Avocat Général ; Raphaël P.
OUATTARA, Greffier ;
rend le présent arrêt :
Considérant que par requête en date du 5 septembre 2000 parvenue à la Cour le 6 septembre
2000 et enregistrée au greffe de ladite Cour sous le numéro 01/2000, la Société des Ciments
du Af, par l’organe de son Conseil Maître G. K. AMEGADIIE, Avocat à la Cour d’Appel
de Ab Af, a introduit un recours en annulation de la décision n°1467/DPCD/DC/547 du
7 juillet 2000 de la Commission de l’UEMOA qui s'est déclarée incompétente pour enjoindre
aux Etats membres de prendre les mesures nécessaires pour le respect des règles de commerce
et de concurrence régissant l'Union;
Considérant que la requérante expose qu'en décembre 1998, une société dénommée West
Ac Ai ZX) a été agréée par la République Togolaise comme entreprise de
zone franche que l’Etat togolais venait de créer ;
Qu’aux termes de la loi togolaise relative à la zone franche, une entreprise agréée à la zone
franche et qui y effectue ses activités, est une entreprise en réalité étrangère à l’économie et au
territoire géographique du Af et par conséquent de l’UEMOA ;
Que c’est pourquoi :
- d’une part aux termes de l’article 27 de ladite loi togolaise, les ventes réalisées par les
entreprises installées sur le territoire togolais à destination des entreprises de la zone
franche, sont des exportations ;
- d’autre part aux termes de l'article 26 de la même loi, les produits d'une entreprise de la
Zone franche mis à la consommation sur le territoire douanier des pays de l’UEMOÀA, sont
des exportations, lesquelles ne peuvent être effectuées que par une tierce société
importatrice régulièrement installée sur le territoire douanier du Af ;
Considérant que la requérante soutient en outre que, se prévalant de l'agrément que lui aurait
donné le Secrétariat Exécutif de la CEDEAO, la Société WACEM exporte sa production de
ciment sur les territoires des Etats membres de l’UEMOA ;
Qu'elle fait observer que ces agissements de la Société WACEM, constituent des violations
graves des dispositions des articles 76 et suivants du Traité de l’'UEMOA instituant un marché
commun des Etats membres et établissant le principe d'un Tarif Extérieur Commun au
bénéfice des seules entreprises ressortissantes des territoires douaniers de chacun des Etats
membres ;
Qu'elle estime dès lors que c'est en violation des dispositions du Traité de l'UEMOA que la
Commission s'est refusée à enjoindre à la République Togolaise de prendre les mesures
adéquates pour faire cesser les agissements de la Société WACEM, gravement préjudiciables
aux intérêts des opérateurs économiques régulièrement installés sur les territoires douaniers ;
Qu'elle sollicite en conséquence l'annulation de la décision de la Commission comme
entachée d'illégalité ;
Considérant qu’à l’audience du 13 juin 2001, après lecture du rapport final par le juge
rapporteur, la requérante a fait observer dans le cadre de la procédure orale :
- qu’après avoir saisi la Cour par télécopie, elle a été invitée par le greffier, par téléphone, à
régulariser sa procédure ;
- qu’elle n’a jamais été mise en demeure de régulariser son recours conformément aux
dispositions de l’article 32 des Statuts de la Cour ;
- qu’elle sollicite que la Cour lui donne acte de ce qu’elle renonce aux demandes nouvelles
contenues dans son mémoire ampliatif ;
Qu'elle a conclu enfin à ce qu’il plaise à la Cour :
- déclarer son recours recevable en la forme ;
- annuler la décision de la Commission du 7 juillet 2000 ;
Considérant que la Commission a conclu à titre principal à l’irrecevabilité du recours en
annulation de la requérante et à titre subsidiaire, au fond, au débouté de la requérante.
Considérant que la Cour doit d’abord statuer sur sa compétence à connaître de cette affaire,
sur la recevabilité du recours ensuite, avant d’examiner s’il y a lieu les moyens des parties
quant au fond ;
Considérant que la compétence de la Cour en l’espèce, est consacrée par les articles 1, 8 et 9
du Protocole additionnel n°1 relatif aux organes de contrôle de l'UEMOA et n’appelle en
conséquence aucun commentaire particulier ;
Que pour ce qui est de la recevabilité du recours, il y a lieu de relever tout d’abord, que la
requérante s’est acquittée de l’obligation de cautionnement le 5 décembre 2000 ;
Que cependant pour ce qui est du respect des prescriptions de l’article 26 du Règlement de
Procédures et de la nature juridique de la décision attaquée, il convient de rappeler que la
Commission soulève deux exceptions d’irrecevabilité qui doivent être examinées ;
Considérant que, contre ce recours, la Commission :
- d’une part, fait valoir par mémoire en défense en date du 16 février 2001, que la copie
certifiée conforme de la télécopie de la requête ayant saisi la Cour de céans ne saurait être
assimilée en un original au sens de l'article 26 alinéa 3 du Règlement de Procédures ;
- d'autre part, estime que la décision attaquée n'est pas de nature à créer une quelconque
modification dans l'ordonnancement juridique préexistant ; la décision qui n'est ni un
règlement, ni une directive, n'est pas susceptible de produire des effets de droit ;
Considérant que par mémoire en réplique en date du 26 mars 2001, la requérante soutient au
contraire :
- que d’une part, même s'il est certain que l'alinéa 3 de l'article 26 du Règlement de
Procédures, énonce que la requête est établie, outre l'original, en autant d'exemplaires
certifiés conformes qu'il y a de parties en cause, il n'est nulle part écrit dans ce texte que
les dispositions de l'alinéa 3 sont faites ad validitatem de la saisine de la Cour ;
- que d’autre part, il n'est dit nulle part que ce sont les originaux des actes (requête ou
compromis) qui sont seuls de nature à saisir la Cour ; que c'est un principe général de droit
qu'il n'y ni irrecevabilité, ni nullité sans texte ;
Qu'elle ajoute que par pli DHL en date du 10 novembre 2000, elle a fait tenir à Monsieur le
Greffier de la Cour, l'original et deux exemplaires de sa requête ; que c'est ce dernier qui a
trouvé suffisant de notifier à la Commission une copie certifiée conforme de la télécopie de la
requête ;
Considérant que la requérante a par ailleurs fait observer qu’elle a fondé son recours sur
l’article 8 alinéa 2 du Protocole additionnel n°1 qui dispose que le recours en appréciation de
la légalité est ouvert, en outre, à toute personne physique ou morale contre tout acte de
l'Union lui faisant grief ;
Que toujours selon la requérante, la décision attaquée, signée par un Commissaire, est un acte
de la Commission qui lui cause un préjudice ;
Qu'elle estime enfin que l'affirmation de la Commission selon laquelle pour être passible de
recours en annulation, l'acte doit être de nature à créer une modification dans
l'ordonnancement juridique préexistant, constitue un rajout illégal aux conditions légales
d'exercice du recours ;
Considérant qu’il y a lieu d’abord de donner acte à la requérante de ce qu’elle renonce à ses
demandes nouvelles contenues dans son mémoire ampliatif.
Considérant qu’il convient ensuite de préciser que la décision attaquée constitue bien un acte
d’un organe de l’Union au sens de l'alinéa 2 de l'article 8 du Protocole additionnel n°1 relatif
aux organes de contrôle ;
Qu’aux termes de cette disposition, « le recours en appréciation de la légalité est ouvert, en
outre, à toute personne physique ou morale, contre tout acte d’un organe de l’Union lui faisant
grief » ;
Considérant que les termes de la lettre de la Commission constituent une prise de position
sur la réclamation de la société des ciments du Af ;
Considérant que par cette lettre la Commission a arrêté de manière non équivoque, une
mesure comportant des effets juridiques affectant les intérêts de la société des ciments du
Af et s’imposant obligatoirement à elle ;
Qu’au regard de ces observations, c’est en vain que la Commission tente de faire plaider que
la décision n’est pas susceptible de recours en annulation.
Considérant cependant qu’il y a lieu de constater que l’article 26 du Règlement de
Procédures, qui n’est qu’une reprise de l’article 31 de l’Acte additionnel n°10/96 portant
statuts de la Cour de Justice, dispose, en son alinéa 2, que la requête est établie, outre
l’original, en autant d’exemplaires certifiés conformes qu’il y a de parties en cause ;
Que l’article 32 dudit acte additionnel dispose que, dans le cas où la requête n’est pas
conforme aux dispositions de l’article 31, le greffier invite la requérante à régulariser son
recours dans un délai qui ne peut excéder deux mois ;
Considérant que la question qu’il convient dès lors de se poser est celle de savoir si ces
dernières dispositions ont été respectées ;
Considérant qu’il résulte des débats que la requérante a déclaré avoir été invitée par le
greffier, par téléphone, à régulariser son recours avant de se dédire par la suite pour affirmer
qu’elle n’a jamais été mise en demeure de régulariser sa requête ;
Qu'en cet état d’incertitude et de contradiction qui demeure, c’est en vain que la requérante
tente de soutenir que les dispositions de l’article 32 n’ont pas été respectées ;
Considérant que la requérante n’a transmis l’original de sa requête à la Cour que le 04 avril
2001 soit plus de deux mois après l’expiration du délai légal d’introduction de la requête ;
Considérant qu’il s’y ajoute qu’il est de règle que le dépôt de l’original de la requête dans les
délais, s'impose particulièrement lors de l'introduction du recours en annulation ;
Considérant qu’il résulte donc de tout ce qui précède, que la recevabilité du recours dépend
uniquement de la saisine régulière de la Cour par l’original de la requête dans le délai de deux
(2) mois ;
Que par ailleurs les délais de l’article 32 des Statuts de la Cour de justice et de l’article 15 du
Règlement de Procédures sont d’ordre public ; qu’il n’appartient pas au juge ni aux parties
d’en disposer à leur gré parce qu’ayant été institués en vue d’assurer la clarté et la sécurité des
situations juridiques ;
Qu’en conséquence, le recours tardif fait par la société des ciments du Af, par télécopie
non régularisé dans les délais prévus par l’article 32 des Statuts, doit être déclaré irrecevable ;
Considérant qu’aux termes de l’article 60 du Règlement de Procédures, toute partie qui
succombe est condamnée aux dépens ;
Considérant que la requérante a succombé en ses moyens ; qu’il y a lieu de la condamner aux
dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de recours en annulation :
- Donne acte à la requérante de ce qu’elle renonce aux demandes nouvelles contenues dans
son mémoire ampliatif ;
- Déclare le recours irrecevable pour inobservation des dispositions de l’article 31 alinéa 3
de l’Acte additionnel n°10/96 portant Statuts de la Cour de Justice ;
- Condamne la Société des Ciments du Af aux dépens.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 01/2001
Date de la décision : 20/06/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;uemoa;cour.justice;arret;2001-06-20;01.2001 ?
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