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27/06/2000 | UEMOA | N°003/2000

UEMOA | Communauté économique des etats de l'afrique de l'ouest, Cour de justice, 27 juin 2000, décision n°003/2000


Texte (pseudonymisé)
Le Président de la Commission de l'UEMOA a saisi la Cour de Justice de I'UEMOA par lettre n° 1886/PC/DPCD/DCC/499, du 26 mai 2000 dont la teneur suit :

« Monsieur le Président,

L'article premier du Protocole additionnel n°1 relatif aux Organes de contrôle de l'UEMOA charge la Cour de Justice de veiller « au respect du droit quant à l'interprétation et à l'application du Traité de l'Union ».

Lors des travaux de l'atelier sur le projet de législation communautaire de la concurrence à l'intérieur de l 'Union, qui s'est tenu au siège de la Commission du 10 au 1

4 avril 2000, des divergences de vue sont apparue entre la Commission et les expe...

Le Président de la Commission de l'UEMOA a saisi la Cour de Justice de I'UEMOA par lettre n° 1886/PC/DPCD/DCC/499, du 26 mai 2000 dont la teneur suit :

« Monsieur le Président,

L'article premier du Protocole additionnel n°1 relatif aux Organes de contrôle de l'UEMOA charge la Cour de Justice de veiller « au respect du droit quant à l'interprétation et à l'application du Traité de l'Union ».

Lors des travaux de l'atelier sur le projet de législation communautaire de la concurrence à l'intérieur de l 'Union, qui s'est tenu au siège de la Commission du 10 au 14 avril 2000, des divergences de vue sont apparue entre la Commission et les experts des Etats membres, quant à l'interprétation des dispositions au Traité relatives aux règles de concurrence, en ce qui concerne la coexistence, des législations nationales et de la législation communautaire en matière de concurrence.

Sur cette question, la Commission considère qu'aux termes des articles 88, 89 et 90 du Traité, l'union a compétence exclusive pour légiférer dans les trois domaines couverts par le Traité en matière de concurrence, à savoir les ententes, les abus de position dominante et les aides d'Etat. Pour elle, les législations nationales ne peuvent porter que sur les autres domaines de la concurrence non couverts par le Traité, la concurrence déloyale par exemple.

Quant aux Expert des Etats membre, ils estiment que la législation communautaire doit coexister avec les législations nationales, pourvu que les dispositions de ces dernières soient conformes au Droit communautaire ; en cas de conflit, la primauté va à la législation communautaire.

Aussi, saurais-je gré à la Cour de Justice de dire le droit, sur la portée des articles 88, 89 et 90 du Traité de l'Union, relativement à ce point de divergence, afin de permettre à la Commission de finaliser le projet de législation communautaire de la concurrence.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma parfaite considération.

Aa C

Le Commissaire chargé de l'intérim »

La Cour, siègeant en Assemblé Générale Consultative sous la Présidence de Monsieur Ad Ac Y, assurant l'interim du Président de la Cour de Justice de l'UEMOA, sur son rapport, en présence de Messieurs :

Youssouf ANY MAHAMAN, Juge à la Cour

Martin Dobo ZONOU, Juge à la Cour

Daniel Lopes FERREIRA, Juge à la Cour

Af B, Premier Avocat Général à la Cour

Kalédji AFANGBEDJI, Avocat Général

et assistée de Monsieur Raphaël P.OUATTARA, Greffier de la Cour, a examiné en sa séance du 27 Juin 2000, la demande ci-exposée.

LA COUR

Vu le Traité de l'Union Economique et Monétaire Ouest Ab XA) en date du 10 Janvier 1994 ;

Vu le Protocole additionnel n°1 relatif aux organes de contrôle de l'UEMOA ;

Vu l'Acte additionnel n°10/96/CM portant Statuts de la Cour de Justice de l'UEMOA ;

Vu le Règlement n°01/2000/CDJ abrogeant et remplaçant le règlement n°1/196/CDJ relatif au Règlement Administratif de la Cour de Justice de l'UEMOA en date du 6 Juin 2000 ;

Vu la demande n°1886/PC/DPCD/DCC/499 du 26 mai 2000 du Président de la Commission de l'UEMOA ;

L'objet de la consultation, tel qu'il ressort de la lettre précitée n°1886/DPCD/DCC/499 du 26 mai 2000, peut être considéré comme fondé sur les disposition de l'article 27, dernier alinéa de l'Acte Additionnel n°10/96 portant statuts de la Cour de Justice et de l'article 15 7ème du Règlement de Procédures de ladite Cour, relatifs à la compétence consultative de la Cour saisie par les organes de l'Union, lorsque ces derniers rencontrent des difficultés dans l'application ou l'interprétation des actes relevant du Droit communautaire.

Cette requête peut donc valablement être examinée, toutes les conditions de recevabilité prescrites par les articles précités ayant dûment remplies.

I. EXPOSE DE L'OBJET DE LA CONSULTATION

Si l'on se réfère aux termes de la lettre précitée du Président de la Commission, il s'agit en substance d'une divergence d'interprétation des articles 88, 89 et 90 du Traité et plus précisément des dispositions des paragraphes a), b) et c)de l'article 88 du Traité de l'UEMOA.

En effet, se fardant sur les termes des articles 88, 89, et 90, la Commission soutient, sans du reste en administrer la preuve que l'Union a compétence exclusive pour légiférer dans les trois domaines visés par le Traité en matière de concurrence à savoir :

88 a) : Les ententes, associations et pratiques concertées
88 b) : Les abus de position dominante
88 c) : Les aides d'Etat ;
Les domaines non régis par les régimes juridique susvisés, relèvent selon l'interprétation de la Commission, de la compétence résiduelle des Etats, et tel serait le cas de la concurrence déloyale par exemple.

Quant aux experts ces Etats, toujours selon la Commission, leur avis consiste à affirmer que :

1) La législation communautaire ne remet pas en cause l'existence et l'application du droit interne des Etats en matière de Droit de la concurrence qui va subsister.

2) Cette coexistence ne peut souffrir d'exception que lorsqu'il y a conflit entre les deux Droits ce qui va entraîner l'application du principe de primauté du Droit communautaire devant lequel le droit national va s'effacer.

II. DISCUSSION

Pour dégager un avis motivé sur l'objet de la consultation, il conviendrait au préalable, sur le plan méthodologique de :

a) Procéder, pour en appréhender les similitudes et les différences qui fondent leur sens et leur portée à un examen comparatif de la rédaction des textes d'interdiction en matière de concurrence dans le Traité de Rome par rapport à ceux sus indiqués de Traité de Dakar, qui s'est du reste, profondément inspiré du droit européen.

Car aussi bien dans le Traité de Rome que dans le Traité de Dakar, ces règles sur les atteinte à la concurrence par ententes, associations et pratiques concertées ou abus de domination ou aides d'Etat constituent les principes de base du Droit de la concurrence auxquels on se réfère pour caractériser tout acte anticoncurrentiel.

b) Circonscrire la notion de compétence en droit institutionnel communautaire; que recouvre cette notion? Quel est son contenu et ses différents aspect? C'est une fois ces préalables levés par la consolidation de leur fondement, que l'adaptabilité à ce canevas, des interprétations divergents sus exposées, laissera entrevoir l'option juridique qui paraîtrait la plus compatible avec les dispositions des articles 88 a), b) et c) du Traité de l'Union.

A/ DE L'EXAMEN COMPARTIF DES DISPOSITIONS DES DEUX TRAITES PRECITES EN MATIERE D'ACTES COLLECTIF ANTICONCURRENTIELS ET D'ABUS DE POSITION DOMINANTE

Les dispositions des articles 85 et 86 du Traité de Rome ( 81 et 82 du Traité de Maastricht ) sont ainsi libellées:

Articles 85 : " Sont incompatible avec le Marché Commun et interdits, tous accords entre entreprises, toutes décisions d'association d'entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché Commun...".

Article 86 : " Est incompatible avec le Marché Commun et interdit dans la mesure où le commerce entre Etats membres est susceptible d'être affecté, le fait pour une ou pour plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le Marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci".

Selon ce Traité, il y a donc deux conditions cumulatives pour que l'interdiction communautaire s'applique :

1) La restriction volontaire ou effective de la concurrence à l'intérieur du Marché Commun européen ou dans les limites géographiques de l'Union.

2) La susceptibilité d'affecter le commerce intercommunautaire c'est-à-dire entre les Etats membres de l'Union. L'accord, la Décision ou la pratique concerté ou l'abus doit pouvoir exercer une influence directe ou indirecte actuelle ou potentielle sur les courants d'échanges entres les Etats membres.
C'est l'association de ces deux critères qui, matériellement, limitent le champ d'application du Droit communautaire de la concurrence selon le Traité de Rome.

En revanche, si l'on se réfère au texte du Traité de Dakar, dont les articles 88 a) et b) contrairement aux articles 85 et 86 du Traité de Rome, sont ainsi libellés:

" Sont interdites de plein droit :

a) Les accords, associations et pratiques concertées entre entreprises, ayant pour objet ou pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur de l'Union.

b) Toutes pratiques d'une ou plusieurs entreprises assimilables à un abus de position dominante sur le Marché commun ou dans une partie significative de celui-ci ".
L'interdiction faite selon ce Traité diffère fondamentalement de celle édictée par le Traité de Rome en ce sens qu'en l'espèce, il suffit que les accords, associations ou pratiques concertées ou l'abus de domination aient pour but ou pour effet de restreindre le jeu de la concurrence à l'intérieur de l'Union, autrement dit, du Marché Commun dans ses limites géographiques et peu importe qu'ils affectent ou pas les échanges entres les Etats, pour que le Droit communautaire s'applique. Le seul fait de restreindre la concurrence à l'intérieur de l'Union et quel que soit le marché en cause et ses limites, constitue selon le Traité de l'UEMOA, une infraction communautaire au Droit de la concurrence.

Au regard de ce qui précède on constate que les Etats membre de l'Union européenne peuvent être régis par deux Droits de la concurrence :

1) Celui communautaire qui suppose non seulement une restriction de la concurrence à l'intérieur de l'Union mais encore une modification structurelle de l'état des relations commerciales entre Etats membres.

2) Celui national qui n'est appliqué que dans le cadre des limites territoriales et de souveraineté, de l'Etat membre et qui, à cause de son caractère infra communautaire est soumis en cas de conflit entre les deux Droits au principe de primauté sous l'emprise duquel il est tenu d'évoluer.
En ce qui concerne les Etats membre du Traité de Dakar, l'analyse exégétique des dispositions, laisse entendre que le Droit communautaire de l'UEMOA est un droit à vocation centralisateur en ce sens qu'il intègre dans son champ d'action tous accords, associations ou pratiques concertées ou abus de domination ayant pour objet ou pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence dans l'espace communautaire. Le Traité de Dakar consacre ainsi un nivellement par le haut du marché de l'Union où les différents marchés nationaux sont confondus dans un marche unique qui ignore toute satisfaction des marchés nationaux et communautaires ; en somme, il s'est produit en quelque sorte un processus de phagocytose du Droit national de la concurrence par le Droit communautaire qui exerce la plénitude de sa primauté par pure substitution.

Le contexte conceptuel de ce droit vient renforcer l'option non équivoque des rédacteurs du Traité de Dakar, qui ont entendu manifestement se détacher de la conception de la double barrière adoptée par le droit européen. C'est ainsi que contrairement à l'article 92 du Traité de Rome, relatif aux aides d'Etats qui reprend la notion constitutive « d'affectation du commerce entre Etats », l'article 88 c) du Traité de l' UEMOA, quant à lui, parle simplement « d'aides susceptibles de fausser la concurrence »), de même le Traité de Dakar, contrairement à ce qui est prévu à l'article 87, paragraphe 2 e) du Traité de Rome, n'a pas cru devoir charger la Commission de définir les rapports entre les législations nationales et le Droit communautaire de la concurrence, sans doute à cause de la compétence exclusive réservée à l'Union en matière de Droit de la concurrence compris comme partie intégrante du Marché Commun de l'UEMOA.

Il est certain qu'une telle conception du Droit communautaire de la concurrence peut comporter des avantages appréciables. Elle est de nature à simplifier les rapports qui pourraient naître entre les autorités communautaires chargées de la mise en oeuvre du Droit de la concurrence et les autorités nationales des Etats membres dans l'éventualité d'une application du Droit de la concurrence sur le territoire de l'Etat.

Le sens et la portée de deux Droits pourraient être différemment interprétés par les différentes autorités qui les appliquent. En outre la primauté du Droit communautaire et surtout les décisions d'exemption de la Commission pourraient faire peser des incertitudes sur l'efficacité réelle des activités des autorités administratives nationales appelées à appliquer voire interpréter séparément le Droit national et le Droit communautaire dont les limites ne sont pas toujours précises.

En effet, la manipulation de la notion d'atteinte au Droit de la concurrence réputée de géométrie variable, avec sa dimension nationale et sa dimension communautaire concernant un même objet, peut être source de confusion voire de dissension d'interprétation, toute chose préjudiciable à la bonne marche des affaires dont les premières victimes sont les entreprises, exposées qu'elles sont à un double contrôle opéré par des administrations différentes tant dans les buts poursuivis que dans leur manière d'opérer surtout lorsque les sanctions qui résultent de ces contrôles, peuvent se cumuler.

Les rédacteurs du Traité de Dakar ont, sans doute, tiré les leçons des difficultés rencontrées dans l'expérience européenne de l'application de la théorie de la double barrière qui a été consacrée judiciairement par un arrêt de la Cour de Justice du Luxembourg dans l'affaire 14/68 INAIJTWALT WILHEM C/ BUNDESXARTELLANT du 13 février 1969 Rec.1.

Dans cette décision, la Cour de .Justice du Luxembourg tolère que les autorités nationales puissent appliquer leur loi interne de la concurrence « sous réserve que cette mise en oeuvre du Droit national ne puisse porter préjudice à l'application pleine et uniforme du Droit communautaire et à l'effet des actes d'exécution de celui-ci ». Dans ce droit, la compétence de l'Union se limite au Droit de la concurrence, comprenant dans sa définition comme élément constitutif, l'affectation du flux des échanges entre Etats membres.

Il convient de relever également que ces autorités nationales, aux termes de l'article 9 du règlement n°17 du 9 février 1962 du Conseil, exercent à titre transitoire une compétence précaire et révocable en matière d'application du Droit communautaire de la concurrence, compétence qu'elles perdent, dés que la Commission prend une décision d'engagement d'instruire une affaire. C'est donc dire que l'application de cette double barrière par ses subtilités dans son fonctionnement paraît poser plus de problèmes qu'elle n'en résout, même sur le plan judiciaire où les juridictions nationales sont en mérite temps juges de droit commun du Droit communautaire de la concurrence en raison de l'effet direct de ses dispositions. L'existence ou l'éventualité de l'intervention d'exemptions par décisions de la Commission, lesquelles peuvent avoir pour effet de « légitimer » même en cours de procédure judiciaire certains comportements anticoncurrentiels viennent s'ajouter aux difficultés indiquées plus haut. Assurément, l'application du Droit communautaire de la concurrence présente une certaine originalité qui peut dérouter les autorités administratives et les juges nationaux. C'est pourquoi une certaine simplification voire homogénéisation du Droit de la concurrence pour rendre sa lecture plus limpide et sa pratique plus aisée ne peut être que souhaitable surtout à ce stade initiatique où même en droit interne, règne un certain syncrétisme dans la conception et l'application de ce droit au niveau des Etats membres.

B/ DE LA COMPETENCE RESPECTIVE DE L'UNION ET DES ETATS MEMBRES EN DROIT DE L'UEMOA

Les dispositions du Traité de l'UEMOA ne sont pas très explicites en matière de répartition des compétences entre l'Union et les Etats qui ont entendu transférer partie de leurs droits souverains au profit de la Communauté. Les principes en ce domaine sont dégagés de l'esprit et de la lettre des différentes dispositions du Traité, qui en effet, s'est en général contenté de mettre en évidence certains principes de base, de fixer des objectifs précis à l'Union dont notamment la réalisation de l'union douanière; plus précisément le Marché Commun, l'union économique dans un marché ouvert et concurrentiel, etc.

Pour ce faire, le Traité a mis à le, disposition des organes de l'Union, des instruments juridiques appropriés et vies techniques juridiques comme les directives et les prescriptions minimales pour l'accomplissement de ces missions, tout en prescrivant aux organes d'agir dans les limites des attributions à eux conférées et aux Etats d'apporter leur concours à la réalisation des objectifs définis et surtout de s'abstenir de prendre des mesures inhibitives de l'application du Traité et des actes pris en son application. C'est de l'appréciation de l'ensemble de ces dispositions qu'il a pu être déduit que le Traité constitutif Charte constitutionnelle de l'Union, a reconnu à la Communauté, des compétences d'attribution, à côté des compétences retenues des Etats membres.

Ces compétences d'attribution peuvent coexister avec des compétences portant sur le même objet reconnues aux Etats membre mais, exercées à l'échelle nationale parce que basées sur des faits et des techniques juridiques comme les directives et les prescriptions minimales, réputées n'avoir aucun objet communautaire ni d'effet susceptible d'influer sur les relations entre les Etats membre en somme, il s'agit de domaines strictement et purement nationaux qui laissent indifférentes les autorités communautaires. C'est ce principe de coexistence du Droit communautaire et du Droit national qui est d'application subsidiaire et interne que le droit européen a consacré en matière de Droit de la concurrence.

Quant à la compétence exclusive de l'Union, elle peut se lire à travers les dispositions du Traité notamment à l'exemple des articles 89 et 90 lorsque ces dernières instituent un régime juridique propre à la compétence attribué, détermines les actes juridiques utilisables à cette fin, organise les mécanismes de l'exercice de la compétence qu'il délimite en définissant la matière sur laquelle elle porte et désigne les organes de l'Union chargés de la mise en oeuvre de cette compétence voire leurs conditions de fonctionnement en la matière.

II y a donc compétence exclusive, lorsque la connaissance d'un certain domaine normatif d'intervention est réservée et aménagée pour un organe ou une organisation, seule habilitée à l'exercer dans un intérêt collectif. Elle a un caractère exceptionnel notamment dans le cadre communautaire où elle s'impose toutes les fois que le fait de laisser aux Etats, une capacité d'initiative dans le même domaine est incompatible avec l'unité du Marché Commun et l'application uniforme du Droit communautaire. Elle retire ainsi aux Etats membres tout droit de légiférer ou réglementer dans la matière faisant l'objet de la compétence exclusive sauf s'ils ont été dûment investis de ce pouvoir par l'Union. A l'analyse, l'organisation du Marché Commun apparaît comme le domaine privilégié de la compétence exclusive aux termes du Traité constitutif de l'UEMOA, le Droit de la concurrence en tant qu'élément constitutif du Marché Commun ne peut que lui emprunter son caractère de domaine relevant de la compétence exclusive de l'Union.

III. CONCLUSION

Si l'on part de ce principe de 1a Simple barrière qui correspondrait à l'option du Traité de Dakar, il faudra en tirer toutes les conséquences de droit notamment en ce qui concerne les rapports entre les Droits nationaux de la concurrence existants et le Droit communautaire émergent. Ce principe exclusiviste de la compétence ne permet pas aux Etats membres de légiférer de plein droit dans les matières de l'article 88 du Traité surtout lorsqu'il a pour objet ou effet quelconque de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence dans le Marché Commun de l'Union, exception faite de prescriptions formelles des autorités communautaires les associant à l'exercice de cette compétence qui lui est dévolue. La concurrence déloyale, entendue comme agissements fautifs dans l'exercice d'une profession commerciale ou non, tendant soit à attirer la clientèle, soit à la détourner d'un ou plusieurs concurrents, entre dans ce cadre, lorsqu'elle prend des formes qui tombent sous le coup de l'article 88 a) et b).

Les Etats membre somme toute, compétents en toute exclusivité, pour prendre toutes dispositions pénales réprimant les pratiques anticoncurrentielles, les infractions aux règles de transparence du marché et même à l'organisation de la concurrence.

Dans cette perspective de la compétence exclusive retenue par le Traité de Dakar, deux hypothèses peuvent se présenter :

1) Celle où il a préexiste un Droit national, civil ou commercial de la concurrence dans l'Etat membre, antérieur à la mise en vigueur du Droit communautaire.

Dans ce cas de figure, ce Droit de la concurrence devient inapplicable même s'il subsiste matériellement, il se produit donc un mécanisme de substitution en faveur du Droit communautaire applicable de façon uniforme dans tous les Etats membres.

Le Droit pénal de la concurrence de ces Etats qui ont la compétence retenue en cette matière, devra en conséquence s'adapter au Droit communautaire pour caractériser les infractions pénalement punissables.

Désormais, toute initiative de ces Etats en matière de Droit de la concurrence devient en raison de la compétence exclusive de l'Union dans cette matière du Droit de la concurrence en tant que partie intégrante du Marché Commun, contraire aux engagement de l'Etat membre qui, aux termes de l'article 7 du Traité prescrivent aux Etats de s'abstenir de toutes mesures faisant obstacle à l'application du Traité de l'Union.

2) Celle où le Droit national, civil ou commercial de la concurrence, n'existe pas ou est en cours d'élaboration. Dans ce cas de figure, il n'y a aucune raison ni de droit ni de fait d'envisager ou de poursuivre l'élaboration d'un tel droit, dès lors que le Droit communautaire en vigueur est venu régir de façon impérative et uniforme ce domaine devenu du reste de la compétence exclusive: de l'Union. Toutefois, la répression pénale d'actes anticoncurrentiels reste de la compétence des Etats pourvu qu'elle soit compatible au Droit de la concurrence communautaire de l'Union.
En résumé si selon le principe de la double barrière, c'est le régime juridique de la coexistence des Droits nationaux et communautaire agissant sur un même objet mais dans des champs d'actions différents, qui prévaut, en revanche le principe de la simple barrière exclut la coexistence des deux Droits en faveur du régime de la substitution qui privilégie l'existence solitaire du Droit communautaire qui absorbe le Droit national de la concurrence dans son application uniforme. En tout état de cause, dans ce dernier cas, les services administratifs de la concurrence des Etats membres auront certainement une vocation à opérer une conversion dans l'objet et les mots d'exécution de leurs nouvelles missions de coopération avec les autorités communautaires.

Compte tenu des considérations qui précèdent, la Cour est d'avis :

Que les dispositions des articles 88, 89 et 90 du Traité constitutif de l'UEMOA relèvent de la compétence exclusive de l'Union.

Qu'en conséquence, les Etats membres ne peuvent exercer une partie de la compétence en ce domaine de la concurrence.

Et ont signé le Président par intérim rapport et le Greffier.

Ae, le 27 juin 2000
Et ont signé le Président et le Rapporteur
Suivent les signatures illisibles

Ae, le 20 juillet 2000

Rapahaël P.OUATTARA



Analyses

UEMOA - ENTENTES ILLICITES - ABUS DE POSITION DOMINANTE - AIDES PUBLIQUES AUX ENTREPRISES - COMPETENCE NORMATIVE EXCLUSIVE DE L'UEMOA - ARTICLES 88 A 90 DU TRAITE DE L'UNION.

Les matières visées par les articles 88 à 90 du Traité de l'UEMOA (ententes illicites, abus de position dominante, aides publiques aux entreprises) sont de la compétence exclusive de l'Union.


Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 27/06/2000
Date de l'import : 22/11/2019

Numérotation
Numéro d'arrêt : 003/2000
Identifiant URN:LEX : urn:lex;uemoa;cour.justice;arret;2000-06-27;003.2000 ?
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