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29/05/1998 | UEMOA | N°02/98

UEMOA | UEMOA, Cour de justice, 29 mai 1998, 02/98


Texte (pseudonymisé)
Affaire n° 02/98
B Aa
contre
Commission de l'UEMOA
« Fonctionnaire — Recours en annulation et en réintégration »
Sommaire de l’arrêt
1. Droit de la fonction publique communautaire — Recours en annulation, en
réintégration et en indemnisation — Rejet partiel.
Conclusions nouvelles en extension de conclusions initiales — Irrecevabilité.
Défaut de consultation du Comité Consultatif de Recrutement et
d’Avancement par le Président de la Commission avant la prise de la
décision attaquée. Omission d’une fo

rmalité substantielle — Annulation.
1. Tant ses statuts, que son règlement de procédures, ne confèrent à la ...

Affaire n° 02/98
B Aa
contre
Commission de l'UEMOA
« Fonctionnaire — Recours en annulation et en réintégration »
Sommaire de l’arrêt
1. Droit de la fonction publique communautaire — Recours en annulation, en
réintégration et en indemnisation — Rejet partiel.
Conclusions nouvelles en extension de conclusions initiales — Irrecevabilité.
Défaut de consultation du Comité Consultatif de Recrutement et
d’Avancement par le Président de la Commission avant la prise de la
décision attaquée. Omission d’une formalité substantielle — Annulation.
1. Tant ses statuts, que son règlement de procédures, ne confèrent à la Cour le
pouvoir d’ordonner en cas d’annulation de la décision attaquée, la
réintégration et/ou une compensation pécuniaire au fonctionnaire licencié par
la Commission.
La Cour n’est pas habilitée, à l’instar de certaines juridictions internationales,
à prononcer des mesures de substitution à la réintégration.
Elle ne peut être valablement saisie d’une action ne se rapportant qu’à un
acte seulement possible.
Le défaut de consultation du Comité Consultatif de Recrutement et
d’Avancement (CCRA), par le Président de la Commission, avant la prise de
la décision attaquée, constitue un vice de procédure de nature à entraîner la
nullité de celle-ci.
L’inobservation d’une formalité substantielle entraîne en principe la nullité
de l’acte.
RAPPORT DU JUGE RAPPORTEUR
Par requête en date du 25 avril 1997, enregistrée au Greffe de la Cour de Justice de l'UEMOA
le 7 mai 1997 sous le n° 64, Monsieur B Aa, par l’entremise de son
Conseil Me Antoinette OUEDRAOGO, Avocat à la Cour de Ouagadougou (Ab AcA, a
introduit un recours en annulation de la Décision n° 97-O48/SP/PC du 27 février 1997 par
laquelle le Président de la Commission de l’UEMOA a mis fin à ses fonctions au sein de
ladite Commission à l’issue de son stage probatoire.
I. LES FAITS DE LA CAUSE
Tels qu’exposés par le requérant et non contestés par le défendeur se présentent ainsi qu’il
suit:
Recruté à l'UEMOA en qualité de Cadre Supérieur classé à l’échelon 10 du Grade B2 par
Décision du 19/02/1996 du Président de la Commission, M. B devait être titularisé
après une période probatoire de douze (12) mois si à l’issue de cette période ses prestations
étaient jugées satisfaisantes.
Ce stage a effectivement débuté le ler mars 1996 ; huit (8) mois après, soit le 24 octobre
1996, M. B a été nommé Chef de la Division de la Communication et de la
Documentation par Décision n° 109/96/P.Com du Président de la Commission.
Le 27 février 1997, il lui était notifié par lettre n° 97-048/SP/PC du Président de la
Commission la fin de sa période probatoire et celle de ses fonctions à compter du 28 février
1997, ses prestations n’ayant pas été jugées satisfaisantes.
Le 2 avril 1997, M. B a introduit auprès du Président de la Commission un recours
gracieux qui s’est soldé par un échec. Il a alors saisi la Cour aux fins de voir :
1. annuler la Décision du Président de la Commission en date du 27 février 1997 mettant fin
à ses fonctions ;
2. ordonner sa réintégration dans les services de la Commission en qualité de Chef de service
de la Communication et de la Documentation avec toutes les conséquences de droit ;
3. mettre les dépens à la charge de la Commission.
Le recours a été notifié le 26 juin 1997 au Président de la Commission qui par lettre n° 97-
126/PC/CI du ler juillet 1997 a informé la Cour de la désignation de l’agent de la
Commission en la personne de M. Alioune SENGHOR, Conseiller juridique de la
Commission.
IL. MOYENS PRESENTES PAR LES PARTIES
Le requérant soutient que la décision attaquée est entachée d’illégalité tant en la forme qu’au
fond.
1. Sur la forme, il fait valoir d’une part que la décision de titularisation ou de licenciement
d’un stagiaire est prise en principe après un rapport circonstancié comme cela ressort des
termes de l’article 2 du règlement d’exécution n° 5/96/CDM/UEMOA fixant la durée de la
période probatoire et indiquant que « sur la base du dossier d’évaluation assorti des notes
et appréciations des supérieurs hiérarchiques de l’intéressé, le Président de la Commission
prend, soit une décision confirmant l’engagement, … soit une décision mettant fin aux
fonctions de l’intéressé » ; qu’apparemment, ce dossier d’évaluation n’a pas été constitué.
Que d’autre part, cette décision doit être précédée d’une consultation du Comité
Consultatif de recrutement et d’avancement de l’'UEMOÀA, institué par l’article 18 du
règlement n° 1/95 portant statut des fonctionnaires de l’'UEMOA ; qu’en l’espèce, ce
Comité n’a pas été consulté.
2. Sur le fond, le requérant estime que la décision incriminée a été prise sur la base d’une
erreur manifeste d’appréciation dans la mesure où depuis son recrutement, il n’a ménagé
aucun effort pour mener à bien les missions qui lui étaient confiées ; qu’il n’a jamais fait
l’objet d’aucune lettre d’observation, d’aucun reproche ni d’aucune sanction de la part de
ses supérieurs hiérarchiques ; qu’au contraire, ses prestations semblent avoir été bien appréciées puisque huit (8) mois après le début de son stage, il a été nommé Chef de la
Division de la Communication et de la Documentation.
Contre ces moyens, le défendeur a fait valoir que :
1. En ce qui concerne la forme, l’évaluation du requérant a bel et bien été faite, la preuve en
étant une fiche jointe au mémoire, comportant à la fois la notation de l’intéressé et les
appréciations de ses supérieurs hiérarchiques ; quant au défaut de consultation du Comité
Consultatif de recrutement et d’avancement, il s’est agi d’une impossibilité de fait de
réunir cette structure dans la mesure où tous les membres permanents et non permanents
de celle-ci se trouvaient eux-mêmes en fin de période probatoire, ce qui a emmené le
Président à consulter en lieu et place les membres de la Commission qu’il a réunis à cet
effet.
2. Sur le fond, les conditions de légalité de la décision ont été réunies, le Président s’étant
conformé aux prescriptions de l’article 29 du statut des fonctionnaires et celles du
règlement d’exécution n° 5/96 du ler février 1996 ; qu’il en a été ainsi pour l’ensemble
des fonctionnaires de l’Union.
A ces réfutations, le requérant a répliqué le 29 août 1997 pour indiquer que l’argument tiré de
l’impossibilité de fait de réunir le C.C.R.A. ne saurait prospérer puisque au moment de la
désignation des membres dudit Comité, la Commission n’ignorait pas qu’ils seraient en fin de
stage probatoire en même temps que les fonctionnaires dont ils auraient à examiner les
dossiers. Que du reste, des fonctionnaires en fin de période probatoire ont été emmenés à
formuler des appréciations sur des stagiaires ; qu’en tout état de cause, en l’absence de texte,
la Commission ne peut être substituée au C.C.R.A., les deux structures ayant des attributions
différentes et n’offrant pas les mêmes garanties d’impartialité.
Qu’en ce qui concerne le fond, la fiche d’évaluation ayant servi de base à la décision querellée
présente le requérant comme un agent « sans esprit d’initiative et incapable de faire des
propositions concrètes et cohérentes dans son domaine de compétence » alors que durant toute
la période de son stage, il n’a cessé de prendre des initiatives et de faire des propositions
concrètes d’action :
- proposition de programme ;
- programme de communication détaillé comportant une série d’actions à court, moyen et
long terme avec des objectifs précis ;
- proposition d’actions particulières.
Que tout cela est resté sans suite malgré ses relances.
Qu’en dépit de cela, il a réalisé :
- une revue de presse hebdomadaire à l’intention du personnel ;
- des points de presse et articles.
Que ses supérieurs hiérarchiques qui étaient le Directeur du Secrétariat Général, lui-même
stagiaire du reste, et le Président de la Commission ne l’ont ni dirigé, ni conseillé, ni
encouragé au cours de son stage comme il leur incombait de le faire. Que c’est donc sans
objectivité que son travail a été jugé.
A ses conclusions initiales, le requérant a ajouté qu’à défaut de sa réintégration, le défendeur
soit condamné à lui payer la somme de dix millions de francs (10 000 000 F) à titre de
dommages et intérêts.
Dans un mémoire en duplique du 30 septembre 1997, le défendeur a soutenu que la
consultation du Collège des Commissaires en l’espèce offrait plus de garanties d’impartialité,
les Commissaires étant mieux placés que tous autres pour apprécier leurs agents. Qu’en outre,
ils ont solennellement prêté serment d’exercer leur mission en toute indépendance et
impartialité.
Qu’en ce qui concerne l’appréciation des services du requérant, il y a lieu de rappeler que
celui-ci, bien que rattaché à la Direction du Secrétariat, relevait directement pour l’essentiel
de son travail, du Président de la Commission ; qu’il ne peut alors y avoir erreur
d’appréciation.
Plus tard, et sur autorisation du Président de la Cour en référence à l’article 31 du Règlement
de procédures, le requérant a présenté un mémoire additionnel daté du 30 mars 1998 par
lequel il portait à soixante dix millions de francs (70 000 000 F) la somme qu’il réclamait au
titre des dommages et intérêts, au motif que son préjudice s’est aggravé du fait qu’il est
toujours sans emploi, son ancien employeur ayant refusé de le réintégrer en lui opposant le
détachement qu’il avait obtenu pour une période de cinq ans.
Il explique par ailleurs que s’il a été emmené en son temps à demander un détachement d’une
si longue durée, c’est parce qu’il était alors convaincu de faire longue carrière à l'UEMOA,
étant donné que la lettre d’embauche qui lui a été remise lors de son recrutement ne
comportait pas la condition de stage probatoire préalable.
Qu’en outre, il a vainement cherché un nouvel emploi, les employeurs potentiels attendant
d’être instruits sur les motifs réels de son licenciement.
A cela, le défendeur, qui avait éludé ce chef de demande du requérant dans ses écritures
antérieures, a répliqué le 15 avril 1998 pour indiquer que, la Cour ayant été principalement
saisie d’une requête en annulation, il ne peut lui être demandé de prononcer une
condamnation à des dommages et intérêts contre l’auteur de l’acte contesté, ni toutes autres
injonctions. Que cette affaire relève du contentieux de la légalité dans lequel le pouvoir du
juge consiste exclusivement à apprécier la conformité de l’acte au droit et, selon le cas, à en
constater la validité ou en prononcer l’annulation totale ou partielle ; qu’il y a lieu en
conséquence de déclarer irrecevable ce chef de demande.
Que si cependant, la Cour en décidait autrement, elle conclurait aisément à son rejet quant au
fond ; qu’en effet, l’argument tiré par le requérant de ce qu’il n’aurait pas été informé au
moment de son recrutement de ce qu’il serait soumis à une période probatoire est inopérant
dans la mesure où la lettre à lui adressée pour lui spécifier les conditions de son embauche
indiquait bien que son engagement s’effectuerait conformément aux dispositions du règlement
n° 01/95/CM portant statut des fonctionnaires de l'UEMOA ; que l’article 29 de ce règlement
indique sans ambiguïté cette obligation ; qu’en personne moyennement prudente, le requérant
aurait dû prendre connaissance de ces dispositions avant de demander son détachement dont
les conséquences présentes ne peuvent être imputées à l'UEMOA.
3. De tout ce qui précède, la Cour devra d’abord statuer sur sa compétence à connaître de
cette affaire, sur la recevabilité du recours ensuite, avant d’examiner les moyens des
parties après avoir fixé les questions auxquelles elle est appelée à répondre ainsi que le
cadre juridique de l’affaire.
- La compétence de la Cour en l’espèce est consacrée par les articles 16 du protocole
additionnel n° 1 relatif aux organes de contrôle de l'UEMOA et 112 du règlement n°
1/95/CM du ler août 1995 portant statut des fonctionnaires de l'UEMOA et n’appelle en
conséquence aucun commentaire particulier.
- Quant à la recevabilité du recours, la Cour devra examiner :
e la conformité de la requête aux prescriptions de l’article 26 du Règlement de
procédures relativement à sa présentation et au cautionnement.
e le respect du délai prescrit par l’article 15 du Règlement de procédures et repris par
l’article 112 du statut des fonctionnaires de l'UEMOA.
La conformité du recours aux prescriptions de l’article 26 du Règlement de procédures
n’appelle aucun commentaire particulier, le requérant ayant satisfait à toutes les exigences de
forme quant à la présentation de la requête et s’étant acquitté de l’obligation de cautionnement
le 2 juin 1997.
En ce qui concerne les délais, il y a lieu d’indiquer que :
1. la décision attaquée datant du 27 février 1997 et sa notification faite le même jour, le
requérant avait jusqu’au 28 avril suivant pour saisir la Cour. Il a préféré introduire un
recours gracieux le 2 avril, soit 26 jours avant l’expiration du délai du recours contentieux,
ce qui a pour effet de suspendre celui-ci qui n’a recommencé à courir qu’à compter du 7
avril 1997, date à laquelle a été notifié au requérant le rejet de sa demande gracieuse ;
2. le présent recours ayant été enregistré au greffe de la Cour le 7 mai 1997, Monsieur
B se trouve largement dans le délai prescrit.
Au regard de ce qui précède, le recours de Monsieur B tel qu’initialement introduit doit
être déclaré recevable en la forme.
S’agissant en revanche du volet des conclusions du requérant tendant à faire condamner le
défendeur à lui payer la somme de 10 000 000 F, portée par la suite à 70 000 000 F à défaut
de sa réintégration, la Cour devra en déterminer la nature exacte pour pouvoir apprécier la
recevabilité. S’il s’agit d’une conclusion nouvelle, elle devra la déclarer irrecevable en ce
qu’elle a été tardivement présentée le 29 août 1997, largement après l’expiration du délai du
recours contentieux intervenu le 7 juin 1997.
S’il apparaît en revanche qu’il s’agit d’une simple extension des conclusions initiales, le
problème de recevabilité ne se pose plus ; la difficulté d'appréciation réside en ce que d’une
part, ce chef de demande est présenté en forme supplétive, laissant supposer un lien de
connexité tenant au rapport d’équivalence suggéré entre la réintégration et l’indemnisation, et
que d’autre part, il introduit de facto, indirectement et implicitement, une action en
responsabilité contre le défendeur, ce qui peut apparaître comme un nouveau litige porté
devant la Cour, cette action ne pouvant se situer que sur un terrain juridique différent de celui
des conclusions initiales.
- Sur le fond, et s’agissant des conclusions en annulation, la Cour devra répondre aux
questions ci-après, étant entendu qu’une réponse affirmative à la première dispense de
répondre à la seconde :
1. Le défaut de consultation du Comité Consultatif de Recrutement et d’Avancement
(C.C.R.A.) par le Président de la Commission avant la prise de la décision attaquée
constitue-t-elle un vice de procédure de nature à entraîner la nullité de celle-ci ?
2. La décision querellée a-t-elle été fondée sur une erreur manifeste d’appréciation des
services du requérant ?
A cette fin, il s’impose de préciser préalablement le cadre juridique de cette affaire constitué
par :
- l’article 33 al. 2 du traité de l'UEMOA conférant le pouvoir de nomination aux emplois de
l’Union au Président de la Commission et l’article 17 du statut des fonctionnaires de
l’Union qui y renvoie ;
- les articles 18 et 29 relatifs respectivement à l’institution d’un Comité Consultatif de
Recrutement et d’Avancement et au stage obligatoire avant titularisation des
fonctionnaires de l’UEMOA ;
- le règlement d’exécution n° 5/96 fixant la durée et les modalités de la période probatoire ;
- le règlement d’exécution n° 8/96 fixant la composition et le fonctionnement du C.C.R.A.
Il faut indiquer en outre que le régime juridique des fonctionnaires de l’'UEMOA doit
beaucoup à ceux de nos fonctions publiques nationales, eux-mêmes largement inspirés de
celui de la fonction publique française dont les Etats membres de l’Union, à l’exception de la
Guinée Bissau, se sont appropriés les principes comme héritage de la raison écrite.
C’est pourquoi, au-delà du cadre juridique ci-dessus fixé, l’analyse des questions posées
pourra être appuyée sur la doctrine et la jurisprudence francophones ou d’inspiration
française, de même que sur la jurisprudence des tribunaux administratifs internationaux
relative à la matière, mais en particulier celle de la Cour de Justice des Communautés
Européennes qui présente quant au fond, de fortes similitudes avec le contentieux français de
la fonction publique.
Cela précisé, il importe, pour l’examen de la première question, de rappeler que le vice de
procédure est en général constitué par la violation des règles relatives à l’élaboration d’un acte
administratif unilatéral, celui-ci n’étant régulier que si les formalités légales de son édiction
ont été observées par son auteur.
Les juridictions administratives tant nationales qu’internationales examinent les moyens tirés
du vice de procédure en s’appuyant sur les éléments suivants de la formalité en cause :
1. La formalité concernée est-elle prescrite par un texte ou non ? - si elle ne l’est pas, elle est considérée comme facultative et ne lie pas l’autorité
administrative. ;
- si elle l’est, son accomplissement est alors obligatoire.
2. La formalité, lorsqu’elle est obligatoire, peut être substantielle ou non.
Une formalité est dite substantielle lorsqu’elle est susceptible d’influer sur la décision à
intervenir en raison des garanties qu’elle est censée offrir ; sont notamment ainsi
considérées les formalités prévues dans l’intérêt des administrés ou des agents, et leur
inobservation entraîne en principe la nullité de l’acte.
En revanche, lorsqu’elle n’est pas substantielle, l’omission de la formalité ne suffit pas
seule à entraîner la nullité de l’acte ; il en est ainsi des formalités dites prévues dans
l’intérêt de l’administration elle-même ou de l’organisme dans le processus de prise de
décisions ou mesures d’ordre interne.
Au regard de ce qui précède, il peut être retenu en l’espèce que la consultation du Comité
Consultatif de Recrutement et d’Avancement, formellement institué par l’article 18 du statut
des fonctionnaires de l'UEMOA dont les composition et fonctionnement ont été précisés par
le règlement d’exécution n° 8/96/CM du 8 juillet 1996 s’imposait au Président de la
Commission avant la prise de la décision incriminée ; mais alors, cette formalité peut-elle être
regardée comme substantielle comme le soutient le requérant ? Il n’apparaît pas des mémoires
du défendeur que celui-ci l’ait contesté, puisqu’il s’est contenté de se prévaloir de
l’impossibilité de fait qu’il y aurait eu de procéder à la consultation. Il n’en reste pas moins
que la Cour doit apprécier souverainement cet élément de la question, de même que
l’impossibilité de fait invoqué par le défendeur le cas échéant.
Quant à la consultation du collège des Commissaires en lieu et place du C.C.R.A., sauf
appréciation contraire de la Cour, il ressort de la doctrine et d’une jurisprudence constante de
sources variées que lorsque l’auteur d’un acte est tenu avant son édiction de solliciter l’avis
d’un organe spécialement créé à cet effet, il n’a pas la possibilité de consulter à sa place
d’autres organismes même s’ils ont une composition analogue.
En ce qui concerne la deuxième question, il semble nécessaire de rappeler que si en principe
le juge est appelé à juger de la légalité de l’action administrative, il ne s’autorise pas à en
apprécier l’opportunité. Tout au plus, peut-il vérifier si les conditions légales de l’acte
concerné ont été satisfaites.
En l’espèce, il est reproché au Président de la Commission d’avoir commis une erreur
manifeste dans son appréciation des services du requérant. L'élément central duquel celui-ci
tire argument est qu’aucun dossier d’évaluation n’a été constitué contrairement aux
prescriptions de l’article 2 du règlement d’exécution n° 5/96/CDM. Pour réfuter cette
allégation, le défendeur a produit une fiche d’évaluation comportant les appréciations et notes
des supérieurs hiérarchiques du requérant.
L'article 33 du Traité de l'UEMOA dispose que « le Président de la Commission détermine
l’organigramme des services … il nomme aux différents emplois ».
L'article 18 du statut des fonctionnaires ajoute que le recrutement doit viser à assurer à
l’Union le concours de fonctionnaires possédant les plus hautes qualifications de compétence,
de rendement et d’intégrité.
La lecture des dispositions de ces deux articles laisse apparaître que quand bien même il est
institué auprès de la Commission un Comité consultatif de recrutement et d’avancement
« chargé de faire des propositions » au Président « sur le recrutement, l’avancement et la
promotion des fonctionnaires de l’union », celui-ci dispose d’un pouvoir d’appréciation finale
qui, s’il n’implique pas une immunité de juridiction, parce qu’il ne doit s’exercer que dans le
seul intérêt de l’Union, ne peut faire l’objet d’un contrôle total de la part du juge, celui-ci
n’ayant pas à se substituer à l’autorité administrative. Le juge doit se borner à vérifier si
l’appréciation qui a déterminé la décision en cause n’a pas été fondée sur des faits
matériellement inexacts ou incomplets ou sur une erreur de droit. Il ne peut en aucun cas
porter un jugement de valeur sur les éléments subjectifs que comporte nécessairement cette
appréciation dans son volet discrétionnaire.
En l'espèce, le requérant reproche au Président de la Commission d’avoir mal apprécié ses
services puisque tout au long de la période probatoire, il n’a jamais fait l’objet d’observation
ni de reproche ; qu’au contraire, huit mois après le début de son stage, il a été nommé chef de
division.
Il a produit une série de documents attestant du travail accompli durant cette période.
Le défendeur s’est contenté d’affirmer que le nombre des actions menées ne suffit pas à
établir l’erreur d’appréciation alléguée, sans donner d’indications permettant de percevoir ce
en quoi les prestations du requérant ne correspondent pas à ce qui était attendu de lui.
En l’état de la question, la Cour pourra demander à la Commission lors de la procédure orale
les termes de référence du travail que devait accomplir le requérant durant la période
concernée, pour asseoir sa religion quant à l’exactitude matérielle des faits qui ont motivé la
décision incriminée.
Le Juge rapporteur :
Martin Dobo ZONOU CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GENERAL
Aa B, journaliste de profession a été recruté par la Commission de l'UEMOA
en qualité de cadre supérieur chargé de la communication, suivant décision n° 40/96 du 19
février 1996 du Président de cette Commission, puis nommé le 24 octobre 1998, Chef de la
division communication et documentation. Il prit service le 1” mars 1996 et est soumis à une
période probatoire d'un an.
Le 27 février 1997, par décision n° 97-048/SP/PC, le Président de la Commission mettait fin à
ses fonctions, aux motifs qu'à l'issue de la période probatoire, ses états de service n'ont pas été
satisfaisants.
Abdrahmane saisit le 2 avril 1997 le Président de la Commission d'un recours gracieux dont le
rejet lui fut notifié le 7 avril 1997. Il attaquait alors la décision devant la Cour de Justice et
demandait en substance dans la requête introductive, son annulation et sa propre réintégration
dans les services de l’UEMOA ; il modifiait par la suite, l'objet de cette requête dans son
mémoire en réplique du 29 août 1997 et demandait subsidiairement la condamnation de la
Commission à lui payer 10.000.000 F. CFA de dommages et intérêts, portés à 70.000.000 F.
CFA par mémoire additif en date du 30 mars 1998.
SUR LA REGULARITE DU RECOURS
Le recours administratif préalable (recours gracieux) ayant été épuisé le 7 avril 1997,
Abdrahmane a saisi la Cour (requête enregistrée au Greffe sous le n° 64 du 7 mai 1997). Il a
payé le cautionnement le 2 juin 1997.
Les parties ont produit mémoires conformément aux dispositions des articles 29 et 30 du
Règlement de Procédures. Le recours est donc régulier en la forme.
SUR LES MOYENS OPPOSES A LA DECISION N° 97-048/SP/PC :
Le requérant fait valoir que la décision est entachée d'illégalité tant en la forme, qu'au fond.
- Sur la forme :
En ce que la décision ne s'est basée sur aucun dossier d'évaluation assorti des notes et
appréciations de ses supérieurs hiérarchiques, et qu'elle n'ait été précédée d'aucune
consultation du Comité Consultatif de Recrutement et d'Avancement (C.C.R.A.) de
l’UEMOA, en violation de l'article 2 du Règlement d'exécution n° 05/96-
COM/UEMOA du 1°” février 1996 et de l'article 18 du Règlement n° 01/95 portant statut
des fonctionnaires de l'UEMOA.
- Sur le fond :
Le requérant allègue que la décision procède d'une erreur manifeste d'appréciation dans la
mesure où il n'a fait l'objet d'aucun reproche, d'aucune sanction de la part de ses supérieurs
hiérarchiques et alors qu'il a été nommé huit mois après le début de son stage, Directeur
de la communication et de la documentation.
Contre ces arguments la Commission, par son agent Alioune SENGHOR, fait valoir que le
Président de la Commission a fondé sa décision sur une fiche d'évaluation comportant la
notation de l'intéressé et les appréciations de ses supérieurs hiérarchiques, et qu'en raison de
l'impossibilité de réunir le C.C.R.A dû à des raisons de stage de ses membres, le Président de
la Commission a dû recourir aux membres de la Commission (Collège) ; que la décision est
légale tant en la forme qu'au fond ; ce que réfute le requérant dans son mémoire en réplique
en précisant que la Commission ne saurait se substituer au C.C.R.A, les deux structures ayant
des vocations différentes et n'offrant pas les mêmes garanties d'impartialité.
ANALYSE DES MOYENS
1. Sur la demande subsidiaire du requérant :
La demande subsidiaire de dommages et intérêts formulée pour la première fois dans le
mémoire en réplique, modifie l'objet de la requête initiale, et comme tel, doit être déclarée
irrecevable, les dispositions de l'article 31 du Règlement de procédures interdisant la
production de moyens nouveaux.
2. Sur les moyens de la requête introductive :
Aux termes de l'article 29 alinéa 2 du statut des fonctionnaires de l'UEMOA, l'autorité
compétente, à l'issue de la période probatoire, prononce ou non l'admission en qualité de
fonctionnaire de l’Union et notifie par écrit sa décision à l'intéressé, et la titularisation ne peut
intervenir qu'autant que le Comité Consultatif de Recrutement et l'Avancement ait donné au
préalable son avis consultatif suivant les dispositions de l'article 1” du Règlement d'exécution
n° 8/96/COM/UEMOA du 8 juillet 1996.
La Commission de l'UEMOA prétend qu'il lui a été impossible de mettre en œuvre ce Comité
du fait que les personnes qui devaient le composer étaient en stage et qu'elle a dû y suppléer
par le recours à un collège de Commissaires en lieu et place du C.C.R.A.
En procédant ainsi, elle a manifestement éludé les dispositions des articles 1 et 2 du
Règlement d'exécution n° 8, texte de portée substantielle et institué pour assurer la défense
des intérêts des agents.
En ce qui concerne l'appréciation de la notation faite par le Président de la Commission et
comme l'a opportunément énoncé le rapporteur, le juge administratif n'a pas compétence à
apprécier l'opportunité d'une décision ressortant du pouvoir exclusif de l'Administration.
II ne lui appartient pas de juger de la validité ou non des appréciations faites par
l'autorité administrative, alors même qu'aucun élément du dossier ne laisse apparaître le
contraire ; la Cour se doit certes de contrôler si la Commission a correctement apprécié les
faits au regard des textes réglementaires, mais elle ne peut se substituer à la Commission ;
ainsi au cas où elle annulerait la décision, elle ne saurait ordonner à la Commission la
réintégration du requérant.
L’Avocat Général :
MALET DIAKITE ARRET DE LA COUR
29 mai 1998
Entre
Monsieur B Aa
Et
La Commission de l'UEMOA
La Cour composée de MM. Yves D. YEHOUESSI, Président ; Dobo Martin ZONOU, Juge
rapporteur ; M. Moctar MBACKE, Juge ; Malet DIAKITE, Avocat Général ; Raphaël P.
OUATTARA, Greffier ;
rend le présent arrêt :
Considérant que par requête en date du 25 avril 1997, enregistrée au Greffe de la Cour de
Justice de l'UEMOA le 7 mai 1997 sous le n° 03/97, Monsieur B Aa, par
l’entremise de son Conseil Me Antoinette OUEDRAOGO, Avocat à la Cour de Ouagadougou
(Ab AcA, a introduit un recours en annulation de la Décision n° 97-048/SP/PC du 27
février 1997 par laquelle le Président de la Commission de l'UEMOA a mis fin à ses
fonctions au sein de ladite Commission à l’issue de son stage probatoire ;
Qu’il expose que recruté à l'UEMOA en qualité de Cadre Supérieur classé à l’échelon 10 du
Grade B2 par Décision n° 40/96/PCOM du 19/02/1996 du Président de la Commission, il
devait être titularisé après une période probatoire de douze (12) mois si à l’issue de cette
période ses prestations étaient jugées satisfaisantes ;
Que ce stage a effectivement débuté le ler mars 1996 ; que huit (8) mois après, soit le 24
octobre 1996, il a été nommé Chef de la Division de la Communication et de la
Documentation par Décision n° 109/96/P.Com du Président de la Commission ;
Que le 27 février 1997, il lui a été notifié par lettre n° 97-048/SP/PC du Président de la
Commission la fin de sa période probatoire et celle de ses fonctions à compter du 28 février
1997, ses prestations n’ayant pas été jugées satisfaisantes ;
Que le 2 avril 1997, il a introduit auprès du Président de la Commission un recours gracieux
qui s’est soldé par un échec ; que c’est pourquoi il a saisi la Cour aux fins de voir
1. annuler la décision du Président de la Commission en date du 27 février 1997 mettant fin
à ses fonctions ;
2. ordonner sa réintégration dans les services de la Commission en qualité de Chef de service
de la Communication et de la Documentation avec toutes les conséquences de droit ;
3. mettre les dépens à la charge de la Commission.
Considérant qu’au soutien de son recours, le requérant fait valoir que la décision attaquée est
entachée d’illégalité tant en la forme qu’au fond ;
Qu’en ce qui concerne la forme, il indique d’une part que la décision de titularisation ou de
licenciement d’un stagiaire est prise en principe après un rapport circonstancié comme cela
ressort des termes de l’article 2 du règlement d’exécution n° 5/96/COM/UEMOA fixant la
durée de la période probatoire et précisant que « sur la base du dossier d’évaluation assorti des
notes et appréciations des supérieurs hiérarchiques de l’intéressé, le Président de la
Commission prend, soit une décision confirmant l’engagement, … soit une décision mettant
fin aux fonctions de l'intéressé » ; qu’apparemment, ce dossier d’évaluation n’a pas été
constitué ;
Que d’autre part, cette décision doit être précédée d’une consultation du Comité Consultatif
de Recrutement et d’Avancement de l’'UEMOÀA, institué par l’article 18 du règlement n° 1/95
portant statut des fonctionnaires de l’'UEMOA ; qu’en l’espèce, ce Comité n’a pas été
consulté;
Que sur le fond, la décision en cause a été prise sur la base d’une erreur manifeste
d’appréciation dans la mesure où depuis son recrutement, il n’a ménagé aucun effort pour mener à bien les missions qui lui étaient confiées ; qu’il n’a jamais fait l’objet d’aucune lettre
d’observation, d’aucun reproche ni d’aucune sanction de la part de ses supérieurs
hiérarchiques ; qu’au contraire, ses prestations semblent avoir été bien appréciées puisque huit
(8) mois après le début de son stage, il a été nommé Chef de la Division de la Communication
et de la Documentation ;
Considérant qu’en réplique à ces moyens, le défendeur a fait valoir que :
1. En ce qui concerne la forme, l’évaluation du requérant a bel et bien été faite, la preuve en
étant une fiche jointe au mémoire, comportant à la fois la notation de l’intéressé et les
appréciations de ses supérieurs hiérarchiques ; quant au défaut de consultation du
Comité Consultatif de Recrutement et d’Avancement, il s’est agi d’une impossibilité
de fait de réunir cette structure dans la mesure où tous les membres permanents et non
permanents de celle-ci se trouvaient eux-mêmes en fin de période probatoire, ce qui a
amené le Président à consulter en lieu et place les membres de la Commission qu’il a
réunis à cet effet.
2. Sur le fond, les conditions de légalité de la décision ont été réunies, le Président s’étant
conformé aux prescriptions de l’article 29 du statut des fonctionnaires et celles du
règlement d’exécution n° 5/96 du ler Février 1996 ; qu’il en a été ainsi pour l’ensemble
des fonctionnaires de l’Union.
Considérant qu’à ces réfutations, le requérant a répliqué le 29 août 1997 pour indiquer que
l’argument tiré de l’impossibilité de fait de réunir le C.C.R.A. ne saurait prospérer puisque au
moment de la désignation des membres dudit Comité, la Commission n’ignorait pas qu’ils
seraient en fin de stage probatoire en même temps que les fonctionnaires dont ils auraient à
examiner les dossiers ; que du reste, des fonctionnaires en fin de période probatoire ont été
amenés à formuler des appréciations sur des stagiaires ; qu’en tout état de cause, en l’absence
de texte, la Commission ne peut être substituée au C.C.R.A., les deux structures ayant des
attributions différentes et n’offrant pas les mêmes garanties d’impartialité ;
Que par ailleurs, la fiche d’évaluation ayant servi de base à la décision querellée le présente
comme un agent « sans esprit d’initiative et incapable de faire des propositions concrètes et cohérentes dans son domaine de compétence » alors que durant toute la période de son stage,
il n’a cessé de prendre des initiatives et de faire des propositions concrètes d’action dont :
- une proposition de programme ;
- un programme de communication détaillé comportant une série d’actions à court, moyen
et long terme avec des objectifs précis ;
- une proposition d’actions particulières.
Qu’en dépit de ce que tout cela est resté sans suite, il a réalisé :
- une revue de presse hebdomadaire à l’intention du personnel ;
- des points de presse et articles.
Que ses supérieurs hiérarchiques qui étaient le Directeur du Secrétariat Général, lui-même
stagiaire, et le Président de la Commission ne l’ont ni dirigé, ni conseillé, ni encouragé au
cours de son stage comme il leur incombait de le faire. Que c’est donc sans objectivité que
son travail a été jugé :
Considérant qu’à ses conclusions initiales, le requérant a ajouté un nouveau point pour
demander qu’à défaut de sa réintégration, le défendeur soit condamné à lui payer la somme de
dix millions de francs (10 000 000 F) à titre de dommages et intérêts ;
Considérant que dans un mémoire en duplique du 30 septembre 1997, le défendeur a soutenu
que la consultation du Collège des Commissaires en l’espèce offrait plus de garanties
d’impartialité, les Commissaires étant mieux placés que tous autres pour apprécier leurs
agents ; qu’en outre, ils ont solennellement prêté serment d’exercer leur mission en toute
indépendance et impartialité ;
Qu’en ce qui concerne l’appréciation des services du requérant, il y a lieu de rappeler que
celui-ci, bien que rattaché à la Direction du Secrétariat, relevait directement pour l’essentiel
de son travail, du Président de la Commission ; qu’il ne peut alors y avoir eu erreur
d’appréciation ;
Considérant que plus tard, et sur autorisation du Président de la Cour en référence à l’article
31 du Règlement de procédures, le requérant a présenté un mémoire additionnel daté du 30
mars 1998 par lequel il portait à soixante dix millions de francs (70 000 000 F) la somme qu’il
réclamait au titre des dommages et intérêts, au motif que son préjudice s’est aggravé du fait
qu’il est toujours sans emploi, son ancien employeur ayant refusé de le réintégrer en lui
opposant le détachement qu’il avait obtenu pour une période de cinq ans ;
Que s’il a été amené en son temps à demander un détachement d’une si longue durée, c’est
parce qu’il était alors convaincu de faire carrière à l'UEMOA, étant donné que la lettre
d’embauche qui lui a été remise lors de son recrutement ne comportait pas la condition de
stage probatoire préalable ;
Qu’en outre, il a vainement cherché un nouvel emploi, les employeurs potentiels attendant
d’être instruits sur les motifs réels de son licenciement ;
Considérant que le défendeur, qui avait éludé ce chef de demande du requérant dans ses
écritures antérieures, a répliqué le 15 avril 1998 pour indiquer que, la Cour ayant été
principalement saisie d’une requête en annulation, il ne peut lui être demandé de prononcer
une condamnation à des dommages et intérêts contre l’auteur de l’acte contesté, ni toutes
autres injonctions ; que cette affaire relève du contentieux de la légalité dans lequel le pouvoir
du juge consiste exclusivement à apprécier la conformité de l’acte au droit et, selon le cas, à
en constater la validité ou en prononcer l’annulation totale ou partielle ; qu’il y a lieu en
conséquence de déclarer irrecevable ce chef de demande ;
Que si cependant, la Cour en décidait autrement, elle conclurait aisément à son rejet quant au
fond ; qu’en effet, l’argument tiré par le requérant de ce qu’il n’aurait pas été informé au
moment de son recrutement de la période probatoire est inopérant dans la mesure où la lettre à
lui adressée pour lui spécifier les conditions de son embauche indiquait bien que son
engagement s’effectuerait conformément aux dispositions du règlement n° 01/95/CM portant
statut des fonctionnaires de l’'UEMOA ; que l’article 29 de ce règlement indique sans
ambiguïté cette obligation ; qu’en personne moyennement prudente, le requérant aurait dû
prendre connaissance de ces dispositions avant de demander son détachement dont les
conséquences présentes ne peuvent être imputées à l’'UEMOA ;
Considérant qu'à ce propos le requérant a indiqué lors des débats à l'audience qu'il s'agit
d'une disponibilité et non d'un détachement ;
Considérant que la Cour doit d’abord statuer sur sa compétence à connaître de cette affaire,
sur la recevabilité du recours ensuite, avant d’examiner les moyens des parties après avoir fixé
les questions auxquelles elle est appelée à répondre ainsi que le cadre juridique de l’affaire ;
Considérant que la compétence de la Cour en l’espèce est consacrée par les articles 16 du
Protocole Additionnel n° 1 relatif aux organes de contrôle de l’'UEMOA et 112 du Règlement
n° 1/95/CM du 1er août 1995 portant statut des fonctionnaires de l’UEMOA et n’appelle en
conséquence aucun commentaire particulier ;
Que pour ce qui est de la recevabilité du recours, il y a lieu de relever tout d’abord :
- que la requête a été présentée conformément aux prescriptions de l’article 26 du
Règlement de procédures ;
- que le requérant s’est acquitté de l’obligation de cautionnement le 2 juin 1997 ;
Ensuite et en ce qui concerne les délais, qu’il apparaît que :
1. La décision attaquée datant du 27 février 1997 et sa notification faite le même jour, le
requérant avait jusqu’au 28 avril suivant pour saisir la Cour ; qu’il a préféré introduire un
recours gracieux le 2 avril, soit 26 jours avant l’expiration du délai du recours contentieux,
ce qui a pour effet de suspendre celui-ci qui n’a recommencé à courir qu’à compter du 7
avril 1997, date à laquelle lui avait été notifié le rejet de sa demande gracieuse ;
2. Que le recours ayant été enregistré au greffe de la Cour le 7 mai 1997, se trouve largement
dans le délai prescrit ;
Qu’au regard de ce qui précède, le recours de Monsieur B tel qu’initialement introduit
doit être déclaré recevable en la forme ;
Que s’agissant en revanche du volet des conclusions du requérant tendant à faire condamner
le défendeur à lui payer la somme de 10 000 000 F, portée par la suite à 70 000 000 F à défaut
de sa réintégration, il convient d’indiquer qu’à l’analyse, ce point de conclusions n’apparaît
pas comme une simple extension des conclusions initiales, ni même de conclusions nouvelles
dans leur acception habituelle comme on pourrait le percevoir à première vue ; qu’en effet,
bien que présenté sous une formule supplétive laissant supposer un lien de connexité avec les
conclusions initiales tenant au rapport d’équivalence suggéré entre la réintégration et
l’indemnisation, ce chef de demande introduit de fait, de manière indirecte et implicite, une
action en responsabilité contre le défendeur ; que si cette manière de procéder est admise
devant certaines juridictions internationales c'est parce que celles-ci sont expressément
habilitées par les dispositions de leurs statuts à prononcer des mesures de substitution à la
réintégration ;
Considérant que tant ses Statuts que son Règlement de Procédures ne confèrent pas à la Cour
le pouvoir d’ordonner en cas d’annulation de l’acte attaqué la réintégration et/ou une
compensation pécuniaire ;
Considérant en définitive que cette action ne peut avoir d’autre fondement que dans
l’hypothèse où à la suite de l’annulation de la décision attaquée, le défendeur refuserait la
réintégration du requérant ; qu’en tant que se rapportant à un acte seulement possible, la Cour
ne peut en être valablement saisie ; qu’il y a lieu de la déclarer irrecevable en l'état ;
Considérant que sur le fond, la Cour est appelée à répondre aux questions ci-après, étant
entendu qu’une réponse affirmative à la première dispense de répondre à la seconde :
1. Le défaut de consultation du Comité Consultatif de Recrutement et d’Avancement
(C.C.R.A.) par le Président de la Commission avant la prise de la décision attaquée
constitue-t-elle un vice de procédure de nature à entraîner la nullité de celle-ci ?
2. La décision querellée a-t-elle été fondée sur une erreur manifeste d’appréciation des
services du requérant ?
Qu’à cette fin, il s’impose de préciser préalablement le cadre juridique de cette affaire
constitué par :
- l’article 33 al. 2 du Traité de l'UEMOA conférant le pouvoir de nomination aux emplois
de l’Union au Président de la Commission et l’article 17 du statut des fonctionnaires de
l’Union qui y renvoie ;
- les articles 18 et 29 relatifs respectivement à l’institution d’un Comité Consultatif de
Recrutement et d’Avancement et au stage obligatoire avant titularisation des
fonctionnaires de l’UEMOA ;
- le Règlement d’exécution n° 5/96 fixant la durée et les modalités de la période probatoire ;
- le Règlement d’exécution n° 8/96 fixant la composition et le fonctionnement du C.C.R.A ;
Qu’il faut indiquer en outre que le régime juridique des fonctionnaires de l’UEMOA apparaît
beaucoup devoir à ceux de nos fonctions publiques nationales, eux-mêmes largement inspirés
de celui de la fonction publique française dont les Etats membres de l’Union, à l’exception de
la Guinée Bissau, se sont appropriés les principes comme héritage de la raison écrite ;
Que cela explique, au-delà du cadre juridique ci-dessus fixé, que l’analyse des questions
posées puisse être appuyée sur la doctrine et la jurisprudence francophones ou d’inspiration
française, en ce qui pourra être considéré comme universel, de même que sur la jurisprudence
des tribunaux administratifs internationaux relative à la matière, mais en particulier celle de la
Cour de Justice des Communautés Européennes qui présente quant au fond, de fortes
similitudes avec le contentieux français de la fonction publique ;
Considérant que sur le moyen tiré de la non consultation du CCRA, il y a lieu d’indiquer que
le vice de procédure est en général constitué par la violation des règles relatives à
l’élaboration d’un acte administratif unilatéral, celui-ci n’étant régulier que si les formalités
légales prescrites ont été observées par son auteur ;
Que les juridictions administratives tant nationales qu’internationales l’apprécient en
s’appuyant sur les éléments suivants de la formalité en cause :
1. La formalité concernée est-elle prescrite par un texte ou non ? - Si elle ne l’est pas, elle est considérée comme facultative et ne lie pas l’autorité
administrative ;
- Si elle l’est, son accomplissement est alors obligatoire ;
2. La formalité, lorsqu’elle est obligatoire, peut être substantielle ou non ;
Elle est dite substantielle lorsqu’elle est susceptible d’influer sur la décision à intervenir
en raison des garanties qu’elle est censée offrir ; il en est ainsi lorsque la formalité est
prévue dans l’intérêt des administrés ou des agents ; son inobservation entraîne en
principe la nullité de l’acte ;
En revanche, lorsqu’elle n’est pas substantielle, l’omission de la formalité ne suffit pas
seule à entraîner la nullité de l’acte ; il en est ainsi des formalités dites prévues dans
l’intérêt de l’administration elle-même ou de l’organisme dans le processus de prise de
décisions ou de mesures d’ordre interne ;
Considérant qu’en l’espèce, la consultation du CCRA, en ce qu’il est formellement institué
par l’article 18 du statut des fonctionnaires de l’'UEMOA, s’imposait au Président de la
Commission avant la prise de la décision incriminée ; qu’il n’apparaît d’ailleurs pas des
mémoires du défendeur que celui-ci l’ait contesté, s’étant borné à se prévaloir de
l’impossibilité de fait qu’il y aurait eu d’y procéder ;
Considérant par ailleurs que le CCRA a été institué et son rôle fixé par le statut des
fonctionnaires de l’'UEMOA ; que ce faisant, le législateur a entendu le placer au même rang
que les autres garanties statutaires offertes aux fonctionnaires ; qu’il suit de là que l’obligation
faite à l’autorité de nomination de le consulter préalablement aux décisions ressortissant de sa
sphère d’attribution, constitue une formalité substantielle dont l’omission entraîne la nullité
de l’acte concerné ; que cela non plus n’a pas été contesté par le défendeur ; que la question
reste de savoir si la consultation du CCRA était impossible comme le soutient le défendeur,
puisqu’en ce cas, la décision attaquée conserverait sa validité ;
Considérant que l’impossibilité de fait dont il est argué ne tient pas en l’inexistence du
Comité, ni au fait qu’il n’était pas possible d’en réunir les membres, ni pour autre cause non
imputable à l’auteur de la décision ; que le Comité était bel et bien en état de se réunir ; que c’est délibérément que le Président de la Commission a choisi de ne pas le consulter ; que
l’argument tiré de la qualité de stagiaire des membres du Comité est inopérant dans la mesure
où la Commission qui a pris les règlements d’application du statut des fonctionnaires
n’ignorait pas ce fait ; qu’il lui appartenait de prendre toutes mesures transitoires appropriées
afin d’y pallier ; que la consultation du Collège des Commissaires n’est pas moins inopérante,
aucun texte ne l’ayant prévue, ne serait-ce que précisément à titre transitoire ; qu’il suit de
tout ce qui précède que la décision attaquée encourt annulation sans qu’il soit besoin
d’examiner les autres moyens du recours ;
Considérant que, s’agissant d’un recours pour excès de pouvoir, la Cour, en l’absence d’un
texte l’y autorisant, ne peut prononcer au-delà de l’annulation ; qu’il y a lieu en conséquence
de rejeter les conclusions du requérant tendant à ce que la Cour ordonne sa réintégration ;
PAR CES MOTIFS
- Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de Fonction Publique
Communautaire ;
- Reçoit la demande de M. B Aa telle qu’initialement présentée ;
- Annule la décision n° 97-048/SP/PC du 27 février 1997 ;
- Met les dépens à la charge de l'UEMOA ;


Synthèse
Numéro d'arrêt : 02/98
Date de la décision : 29/05/1998

Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;uemoa;cour.justice;arret;1998-05-29;02.98 ?
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