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29/05/1998 | UEMOA | N°01/98

UEMOA | UEMOA, Cour de justice, 29 mai 1998, 01/98


Texte (pseudonymisé)
Affaire n° 01/98
Laubhouet Serge
contre
Commission de l'UEMOA
« Fonctionnaire — Recours en responsabilité extra contractuelle — Recours en réparation et
demande de réintégration »
Sommaire de l’arrêt
Droit de la fonction publique communautaire — Recours en responsabilité extra
contractuelle et en réparation du préjudice subi par un fonctionnaire de l’Union —
Violation des dispositions du Règlement d’exécution n° 5/96/COM/UEMOA du 1” février
1996 fixant la durée de la période probatoir

e.
Non-consultation pour avis du Comité Consultatif de Recrutement et d’Avancement.
Demande de réintégration e...

Affaire n° 01/98
Laubhouet Serge
contre
Commission de l'UEMOA
« Fonctionnaire — Recours en responsabilité extra contractuelle — Recours en réparation et
demande de réintégration »
Sommaire de l’arrêt
Droit de la fonction publique communautaire — Recours en responsabilité extra
contractuelle et en réparation du préjudice subi par un fonctionnaire de l’Union —
Violation des dispositions du Règlement d’exécution n° 5/96/COM/UEMOA du 1” février
1996 fixant la durée de la période probatoire.
Non-consultation pour avis du Comité Consultatif de Recrutement et d’Avancement.
Demande de réintégration et de paiement de dommages et intérêts.
Le recours en responsabilité extra contractuelle ne peut être considéré comme un recours
subsidiaire à l’action en annulation. Les deux recours n’ont ni le même fondement, ni le
même objet.
En omettant de procéder à la mise en vigueur de ses actes, la Commission commet des
irrégularités assimilables à un fonctionnement défectueux de l’organe et préjudiciable à
son administré.
3.
La Cour de Justice ne peut imposer à la Commission la réintégration de son administré
dont elle a mis fin aux fonctions, sans violer le principe de la séparation des compétences
juridictionnelles et des compétences administratives.
RAPPORT DU JUGE RAPPORTEUR
REQUETE EN INDEMNISATION
SERGE LAUBHOUET CONTRE COMMISSION UEMOA
Par requête en date du 23 avril 1997 enregistrée au Greffe de la Cour le 24 avril 1997 et
signifiée à la Commission par lettre en date du 26 juin 1997 du Greffe de la Cour, Me
DABIRF, SORGHO et TOE, Avocats associés inscrits au Barreau de Aa, ont
introduit au nom et pour le compte de leur client Serge LAUBHOUET, agent de l'UEMOA,
une requête en vue de voir engager la responsabilité de l'Union et condamner celle-ci à
réparer le préjudice causé à Serge LAUBHOUET par la décision entachée d'irrégularité n° 97-
047/SP/PC en date du 27 février 1997 mettant fin à ses fonctions.
I. LES FAITS
Monsieur Serge LAUBHOUET a été recruté et nommé auditeur interne, cadre supérieur de
l'Union, classé à l'échelon 1 du grade B2 par décision n° 105/96/PCOM en date du 24 octobre
1996. Toutefois, à l'expiration de la période probatoire fixée à un an par le statut qui le régit, il
s'est vu notifier la décision n° 97-047/SP/PC du 27 février 1997, lui spécifiant qu'il est mis fin
à ses fonctions sur la base de ses états de service. La requête gracieuse introduite par le
requérant le 10 mars 1997 a fait l'objet d'un rejet explicite par lettre n° 97-101/SP/PC du 7
avril 1997 du Président de la Commission.
IL. PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
A) LE REQUERANT FONDE SON ACTION SUR LES DISPOSITIONS SUIVANTES :
- Article 27 de l'Acte additionnel n° 10/96 du 10 mai 1996 de la Conférence des Chefs
d'Etat et de Gouvernement portant Statut de la Cour de Justice de l'UEMOA, laquelle
donne compétence à la Cour pour connaître des litiges entre l'Union et ses agents.
- Article 107 et suivants du Règlement n° 01/95/CM portant Statut des fonctionnaires de
l’UEMOA, relatifs aux voies de recours des fonctionnaires.
- Article 15, paragraphe 5 du Règlement n° 01/96/CM portant Règlement de Procédures de
la Cour de Justice de l’'UEMOA relatif au recours en responsabilité non contractuelle de
l'Union et à la réparation par l'Union du préjudice causé par elle soit par les agissements
matériels, soit par les actes normatifs de ses organes.
- Article 2 du Règlement d'exécution n° 05/96/COM du 1°” février 1996 fixant la durée de la
période probatoire et aux termes duquel ce n'est qu'après l'évaluation des performances du
fonctionnaire que le Président de la Commission prend sa décision confirmant
l'engagement du fonctionnaire ou mettant fin à ses fonctions.
- Article premier du Règlement d'exécution n° 08/96/COM/UEMOA du 08 juillet 1996 qui
soumet, en matière de titularisation, la décision du Président de la Commission à l'avis
consultatif préalable du Comité Consultatif de Recrutement et d'Avancement. En effet, le
requérant prétend s'être acquitté de ses fonctions de manière irréprochable pendant cette
période de probation et avoir exécuté de manière satisfaisante les missions qui lui ont été
confiées, qu'il a notamment adressé 11 rapports mensuels administratifs et 6 rapports
d'investigations qui n'ont fait l'objet d'aucune observation négative qu'il a vraiment
sollicité d'autres missions auprès des autorités qui n'ont pas daigné répondre à ses
demandes.
Quelle ne fut donc sa surprise de se voir, à l'occasion de la période probatoire, notifier la
lettre n° 97-47/SP/PC du 27 février 1997 lui apprenant la décision de cessation de ses
fonctions, ce qui constitue la violation :
1. Des dispositions du Règlement d'exécution n° 05/96/COM du 1” février 1996 fixant la
durée de la période probatoire, en ce sens qu'il n'a été procédé à l'évaluation des
performances du fonctionnaire sur la base du dossier de l'intéressé assorti des notes et
appréciations des supérieurs hiérarchiques, conformément au Règlement d'application sus
indiqué.
2. Des dispositions du Règlement d'exécution n° 08/96/COM/UEMOA du 8 juillet 1996, en
ce sens qu'en application de ce texte l'avis du Comité Consultatif de Recrutement et
d'Avancement prévu par le Statut des fonctionnaires de l'Union n'a pas été recueilli.
Enfin, le requérant reproche à l'acte son contenu dépourvu de toute appréciation exacte des
faits, en ce sens que la décision ne contient pas de motifs sérieux, parce que fondée sur des
faits inexacts, puis qu'il n'a fait l'objet à aucun moment « ni de lettre d'observations, ni de
reproches, ni de sanctions de la part des supérieurs ». C'est en considération de tout ce qui
précède que Serge LAUBHOUET demande en réparation du préjudice causé du fait de son
licenciement qu'il qualifie d'abusif :
a) A titre principal
- sa réintégration dans ses fonctions de cadre supérieur des services de la Commission
- le paiement des échéances échues du prêt contracté auprès de la BICIA-B du 27 février
1997 à la date de sa réintégration.
- le paiement de 5 000 000 Frs à titre de dommages et intérêts pour le préjudice matériel.
- le paiement du franc symbolique pour le préjudice moral souffert.
b) A titre subsidiaire et à défaut du prononcé de sa réintégration
La condamnation de l'UEMOA à lui payer au total pour les préjudices divers 219 928 918 Frs
(deux cent dix neuf millions neuf centre vingt huit mille neuf cent dix huit francs).
Dans son mémoire en défense en date du 24 juillet 1997, la Commission, par la voie de son
agent se fonde sur les dispositions de l'article 8 du protocole additionnel n° 1 relatif aux
organes de contrôle de l’'UEMOA et de l'article 72 du Règlement de procédures pour conclure
à l'irrecevabilité de la requête du requérant qui n'a pas entendu agir en annulation de l'acte
mais en pleine juridiction, procédure totalement différente qui, contrairement à l'excès de
pouvoir où le juge se prononce sur l'annulation de l'acte sans aucun pouvoir de statuer sur le préjudice né de l'annulation de l'acte, est destinée à faire suite à la demande d'octroi d'un
avantage particulier au requérant.
Dans ce cas de contentieux de pleine juridiction, le juge alloue, le cas échéant, à la victime
requérante, les avantages auxquels elle peut prétendre.
En conséquence, la Commission conclut à l'irrecevabilité de l'action de Serge LAUBHOUET
qui a agi directement en responsabilité de l'Union pour les dommages subis, sans au préalable
avoir obtenu l'annulation de la décision qui le frappe.
A titre subsidiaire, la Commission invoque au demeurant le caractère mal fondé des
prétentions du requérant en soutenant notamment que :
1. Contrairement aux affirmations du requérant, tous les fonctionnaires de l'Union en fin de
probation ont fait l'objet d'une évaluation. En effet dès le 27 janvier 1997, le Président de
la Commission a adressé aux Commissaires une lettre pour obtenir communication dans
les meilleurs délais de l'évaluation, notes et appréciations des fonctionnaires placés sous
leur autorité. C'est la lettre dont copie est jointe au dossier n° 97/007/PC/SP du 27 janvier
1997 adressée au Commissaire Ab B qui a concerné les agents placés sous
l'autorité du Commissaire chargé des politiques financières.
2. S'agissant du défaut d'avis du Comité Consultatif de Recrutement et d'Avancement
(CCRA), la Commission rétorque que l'avis sur la titularisation des fonctionnaires de
l'Union requis par l'article 26 du Statut des fonctionnaires n'a pu être recueilli à cause de
l'impossibilité à laquelle s'est heurtée la Commission pour y procéder. En effet, la
Commission soutient qu'à la date de l'expiration de la période de probation, tous les agents
fonctionnaires et non fonctionnaires y compris les membres du CCRA se retrouvaient sans
exception en situation de fin de stage donc non encore titularisés. Devant cette situation
qui a du reste existé au stade du recrutement des agents de l'Union où le même avis du
CCRA était requis, il a été procédé à la consultation pour avis de l'organe le plus élevé à
savoir la Commission.
3. Quant au moyen soulevé par le requérant selon laquelle la décision prise manque de
fondement, la Commission objecte qu'il a été bien spécifié sur la décision mettant fin aux
activités du requérant que c'est sur la base de ses états de service qu'il a été mis fin à ses
fonctions, mieux l'évaluation faite sur la base des notes et appréciations du supérieur
hiérarchique contenue dans la fiche d'évaluation en date du 20 février 1997 de l'intéressé
dont copie jointe au dossier laisse apparaître en conclusion que le requérant est inapte à
exercer les fonctions d'auditeur interne ou d'agent d'encadrement supérieur dans les
services de l'Union.
Par mémoire en réplique en date du 27 août 1997, le requérant persiste et signe que ce n'est
nullement un recours pour excès de pouvoir qui est à l'origine de son action mais un recours
contentieux de fonction publique conformément aux dispositions du Règlement n° 1/95/CM
du 1“ août 1995 relatif au statut des fonctionnaires de l'UEMOA. Le requérant rejette
l'argument de la Commission tenant à l'impossibilité de consulter la CCRA alors qu'il est
constant que cet organisme a été consulté au moins quatre fois. Quant à l'évaluation contenue
dans la fiche produite par la Commission, le requérant doute de sa crédibilité surtout lorsqu'on
constate que la Commission se garde bien de produire l'appréciation du Commissaire chargé
du Département des Politiques Financières ou un extrait des délibérations de la Commission.
Par mémoire en duplique en date du 30 septembre 1997, la Commission souligne la confusion
entre les recours en annulation et le recours en responsabilité qui persiste dans l'esprit du
requérant qu'il invite à préciser dans quel régime juridique il entend placer son action.
La Commission insiste sur le justificatif donné pour écarter l'avis du CCRA en invoquant
cette fois-ci la théorie des formalités impossibles.
Enfin la Commission souligne que le requérant en tant qu'auditeur interne dépend du
Président de la Commission chargé en conséquence de le noter et de l'apprécier, que la lettre
produite adressée au Commissaire chargé des Politiques Financières a été citée et produite à
titre de simple exemple, qu'en outre, la décision frappant le requérant n'est pas une décision
collégiale mais une décision individuelle du Président de la Commission en tant qu'autorité de
nomination et donc de titularisation, c'est donc pour compenser le défaut d'avis du CCRA.
Que le Président a cru devoir recueillir l'avis des Membres de la Commission, sans donner à
cette consultation le caractère formel d'une mesure administrative obligatoire.
IIL. OBSERVATIONS ET CONCLUSIONS DU JUGE RAPPORTEUR
1. Sur la recevabilité du recours
Une jurisprudence constante de la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) -
voir Arrêt CJCE du 2 décembre 1971 ZUCKERFABRIC aff. 5/71.975 - dont les textes ont
fortement inspiré le droit communautaire de l’UEMOA, a consacré le principe de l'autonomie
du recours en responsabilité par rapport au recours en annulation. Selon le principe précité, il
n'y a pas lieu de recourir à la procédure de l'annulation comme préalable à l'action en
indemnisation basée sur l'illégalité d'acte d'un organe communautaire qui a causé un
dommage à la victime requérante. Les deux régimes juridiques, à savoir le recours en
annulation et le recours en indemnité sont considérés comme des recours totalement
indépendants l'un et l'autre, l'action en indemnité n'étant pas une action subsidiaire à l'action
en annulation. Ces recours n'ont ni le même fondement juridique, ni le même objet, ni les
mêmes moyens de droit invocables. En effet, le premier permet au juge saisi de se prononcer
sur la validité de l'acte qu'il peut annuler sans pour autant en tirer les conséquences de droit
quant à la réparation des dommages causés, tandis que le second permet au juge de se
prononcer sur les suites dommageables de l'acte en cas de faute quelconque constatée dans
l'activité juridique de l'auteur. Le fondement essentiel de cette orientation jurisprudentielle
tendant à l'autonomie fonctionnelle de ces recours, a été justifié en outre par le souci du
législateur communautaire d'éviter la compensation des délais entre les deux recours. En effet,
admettre le préalable obligatoire de l'annulation de l'acte par le juge communautaire avant
l'introduction du recours en responsabilité, c'est induire que le justiciable frappé de
forclusion pour n'avoir pas agi en annulation dans le délai de 2 mois à compter de la
publication ou notification, selon la nature de l'acte (article 8 du Protocole additionnel n° 1) ne
pourra en aucun cas, agir postérieurement au principal en indemnisation du fait de l'illégalité
de cet acte ; alors que les délais de prescription en matière de recours en responsabilité extra
contractuelle sont prévus plus longs, parce que fixés à 3 ans par l'article 15/5 du Règlement de
Procédure. Autrement dit, la non reconnaissance du principe de l'autonomie aboutirait à
réduire le délai de prescription en matière de recours en indemnité au délai de forclusion de
deux mois prévu en matière d'annulation. C'est compte tenu des considérations sus indiquées
qu'il y a lieu d'adopter ce principe jurisprudentiel de l'indépendance du recours en
responsabilité extra contractuelle, ce qui permettra au juge communautaire de l'UEMOA, à
l'instar du juge communautaire européen, de statuer directement en matière de responsabilité pour activité juridique des Institutions communautaires, sans pour autant
anéantir l'acte ni constater son invalidité ; la mise en évidence de la faute dans le
comportement de l'auteur de l'acte et sa relation de causalité avec le préjudice allégué étant
suffisantes pour recevoir l'action en réparation et statuer au fond.
Il importe de souligner en outre que le(s) litige(s) opposant l'Union et ses agents a une nature
mixte comme le laissent apparaître les articles 107 et 108 du Règlement portant Statut des
fonctionnaires. Il peut s'agir soit d'une action en annulation, soit d'une action en responsabilité
à la requête de l'agent fonctionnaire.
C'est à cette première jurisprudence que votre rapporteur vous convie en vous demandant de
déclarer recevable l'action du requérant basée, comme il le prétend, sur la responsabilité de la
Commission dont l'acte querellé est qualifié de dommageable, pour n'avoir pas été pris en
toute régularité, même si le requérant dans un mélange de genres, demande au surplus la
réintégration dans ses fonctions, considérant son licenciement comme abusif comme s'il était
régi par le droit du travail.
2. Sur les moyens soulevés au fond
a) En ce que les dispositions de l'article 2 du Règlement d'exécution n° 05/96/COM ''
1°" février 1996 ont été violées faute d'évaluation des performances du requérant, que
de même ont été violées les dispositions de l'article premier du Règlement d'exécution
n° 8/96/COM du 8 juillet 1996 faute d'avis de la Commission Consultative de
Recrutement et d'Avancement, il y a lieu de souligner que, si l'argumentaire de défense
de la Commission selon lequel l'évaluation des performances de Serge LAUBHOUET
a été dûment effectuée, ce qui paraît incontestable parce que soutenu par des éléments
de preuves produits, notamment la fiche d'évaluation du 20 février 1997 portant la note
de 05/20 et concluant à l'inaptitude professionnelle de ce fonctionnaire, il est à relever
cependant que s'agissant du défaut de consultation du CCRA, la théorie des formalités
impossibles derrière laquelle se retranche la Commission paraît difficilement
admissible, ce d'autant plus que le CCRA a été créé par acte en date du 8 juillet 1996
(donc bien avant la décision mettant fin aux fonctions du requérant datée du 27 février
1997) et les membres nommés, sans considération de leur situation statutaire (qui n'est
du reste pas fixée par le texte créant cette structure) ; en effet la Commission avait toute latitude de nommer dans les normes requises les membres du CCRA parmi les
premiers titularisés et de recueillir leur avis avant de procéder à la mesure de
licenciement des agents non titularisables. En somme, la pertinence de la théorie
des formalités impossibles repose sur une impossibilité réelle qui ne doit pas être
le résultat d'une quelconque impéritie de l'autorité administrative.
A la vérité, sans s'attarder outre mesure sur les moyens soulevés par les parties, il
convient au demeurant de constater, qu'à la date des faits de la cause à celle de
l'introduction de l'instance et même de la mise en état du contentieux par
l'échange des conclusions des parties :
e ni l'acte n° 1/96/CM portant Règlement de Procédures de la Cour de Justice de
l’UEMOA adopté par le Conseil des Ministres le 5 juillet 1996 ;
e ni le Règlement d'exécution n° 05/96/COM/UEMOA du 1°" février 1996 fixant la
durée de la période probatoire (ce règlement d'application, soit dit en passant,
contient des dispositions non conformes, créant la faculté de proroger le délai de
probation fixé à un an par le Règlement de base) ;
© ni le Règlement d'exécution n° 08/96/COM/UEMOA du 8 juillet 1996 fixant la
composition et les règles de fonctionnement du CCRA de l’UEMOA ;
n'ont fait l'objet de publication en bonne et due forme dans le Bulletin Officiel
de l’'UEMOA par la Commission, or l'article 45 du Traité Constitutif de l'UEMOA
dispose que "les actes additionnels, les règlements, les directives et les décisions
sont publiés au Bulletin Officiel de l'Union. Ils entrent en vigueur après leur
publication à la date qu'ils fixent".
C'est dire donc que ni la Commission, ni le requérant ne peuvent se prévaloir des
dispositions des règlements précités qui n'ont pas été publiés au moment de
l'introduction de l'instance, actes en conséquence non opposables parce que non encore en
vigueur.
En tout état de cause, ces normes communautaires n'ont pas été mises à disposition pour
que nul ne soit censé ignorer la loi. C'est le lieu de souligner les insuffisances majeures
qui affectent la législation communautaire en cette matière de publication des actes, où les
Bulletins Officiels ne sont pas datés au jour mais au mois et la date de dépôt des Bulletins
àla Commission utile pour la computation des délais reste une inconnue parce que non
réglementée. Le résultat, même quand le texte est publié, est qu'en l'absence d'une date
d'application fixée dans le texte,ni le point de départ des délais, ni leur point
d'arrivée ne sont déterminables en l'état des textes communautaires. Tel est le cas du
Règlement n° 1/96/CM/UEMOA portant Règlement de Procédures de la Cour de Justice
de l’UEMOA, inséré dans le Bulletin Officiel de décembre 1996 qui est censé être
applicable le "jour de sa publication". S'agissant de cet Acte, la date de publication qui reste
à déterminer dans le mois de décembre 1996 est la même que celle d'entrée en vigueur, ces
deux dates étant dans tous les cas antérieurs à la période de parution des Bulletins Officiels
n° 2,3,4 et 5 respectivement datés de décembre 1996, mars 1997 et juin 1997, lesquels
Bulletins ont été transmis à la Cour de Justice par lettre bordereau d'envoi en date du 3
décembre 1997.
C'est à croire qu'il y a confusion entre la notion de publication, celle d'entrée en vigueur
et celle de parution du Bulletin Officiel. La publication consiste à insérer l'acte juridique
dans un journal officiel déterminé qui, une fois paru, assure l'information du public et
détermine l'entrée en vigueur et partant l'opposabilité de l'acte publié. Pourtant, par
lettre n° 87-97/YDY/eo du 22 octobre 1996 adressée au Président de la Commission,
la Cour a eu à attirer l'attention sur le mode contestable de datation des Bulletins Officiels
de l'Union et les lenteurs dans leur publication. En définitive, l’'UEMOA gagnerait à
s'inspirer des dispositions pertinentes du Traité de l'OHADA relatives à la mise en
vigueur des actes uniformes de cette organisation. Il est à retenir en conclusion que de
toutes façons l'entrée en vigueur d'un texte ne peut intervenir avant sa publication,
laquelle suppose l'obligation de porter à la connaissance du public le contenu du bulletin
officiel.
b) Sur la réparation du préjudice
Il convient de relever cependant que si le requérant ne peut se prévaloir à tort ou à
raison des violations des textes qu'il invoque, il n'en demeure pas moins que les délais
anormalement longs mis par la Commission sans publier les textes pris et ceux adoptés par
les organes compétents de l'Union (certains sont restés plus de 10 mois sans pouvoir
être mis en vigueur) ainsi que les conditions lacunaires de leur publication ont causé un
préjudice certain au requérant qui n'a pu se prévaloir des dispositions protectrices de
sa situation statutaire contenues dans ces textes. Le justiciable communautaire
bénéficie d'un droit au juge qui lui permet d'user des prérogatives que lui
reconnaissent les textes communautaires et au besoin faire contrôler par le recours
juridictionnel la conformité des mesures prises à son encontre. La
compromission certaine et manifeste de ces droits, dans les circonstances du cas
d'espèce telles que sus décrites, constitue un comportement illicite, ayant occasionné un
dommage digne d'être réparé par l'allocation de dommages et intérêts.
Le Juge rapporteur :
Mouhamadou Moctar MBACKE CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GENERAL
Laubhouet Serge a été recruté par la Commission de l'UEMOA, le 19 février 1996 et nommé
auditeur interne le 24 octobre 1996.
II est soumis à une période probatoire de 12 mois à compter du ler mars 1996. Le 24
février 1997, le Président de la Commission de l'UEMOA mettait fin à ses fonctions par
décision n°97.047/SP/PC ainsi libellée :
« A l'issue de cette période (probatoire) en application des dispositions précitées du statut des
fonctionnaires de l'UEMOA et sur la base de vos états de service, je vous notifie qu'il ne m'est
pas possible de vous admettre en qualité de fonctionnaire de l'UEMOA.
En conséquence, et en application des dispositions de l'article 29 alinéa 2 du statut des
fonctionnaires de l’UEMOA, il sera mis fin à vos fonctions le 28 février 1997
Laubhouet attaquait le 23 avril 1997 cette décision devant la Cour de Justice de l'UEMOA en
faisant valoir :
Que la décision était viciée en la forme, pour avoir violé les dispositions de l'article
2 du Règlement d'Exécution n°05/06/COM du 14 février 1996 qui dispose que le Président de
la Commission ne peut mettre fin aux fonctions d'un fonctionnaire qu'après évaluation des
performances de celui-ci, sur la base du dossier de l'intéressé assorti des notes et appréciations
des supérieurs hiérarchiques ; que l'autorité de nomination a également méconnu les
dispositions de l'article ler du Règlement d'Exécution n°08/96 du 8 juillet 1996 de la
Commission de l'UEMOA en ne recueillant pas l'avis préalable du Comité Consultatif de
Recrutement et d'Avancement, avant de mettre fin aux fonctions.
Que la décision n° 97.047/SP/PC était laconique, légère et manquait de fondement juridique
aux motifs que la Commission ne peut en cours d'instance et pour les besoins de la cause,
motiver sa décision par des insuffisances ou fautes professionnelles de Laubhouet, dans la
mesure où elle n'a jamais porté de tels griefs à la connaissance du requérant, lequel n'a subi
aucune remarque, ni sanction dans l'accomplissement des tâches qui étaient les siennes.
Le requérant demande de déclarer la décision n° 97.047 abusive et :
* Principalement ordonner :
- sa réintégration à son rang d'encadrement supérieur de direction ;
- de lui payer les échéanciers de prêt contractés par lui à la banque du 27 février 1997
jusqu'à la date de sa réintégration ;
- de lui payer cinq millions (5 000 000) de FCFA de dommages et intérêts (préjudice
matériel) et 1 F symbolique (préjudice moral).
* Subsidiairement : Condamner la Commission de l’UEMOA à lui payer au total
219.928.918 F CFA se décomposant comme suit :
AU TITRE DU PREJUDICE MATERIEL :
Manque à gagner correspondant à 15 ans de service à l'UEMOA, si l'on tient compte du fait
que Monsieur Ad est âgé de 40 ans et que l'âge de la retraite est à 55 ans.
Base de calcul : salaire annuel moyen
(1.113.165 X 12) x 15 200.369.700 FCFA
Remboursement du solde du prêt bancaire contracté à la BICIA B 6.559.218 FCFA
AU TITRE DU PREJUDICE MORAL :
Préjudice moral familial 5.000.000 FCFA
Préjudice moral pour mesures d'interdiction d'accès 3.000.000 FCFA
aux locaux de l'Union
Préjudice pour atteinte à honneur et à la considération 5.000.000 FCFA
La Commission, sous la plume de son agent, Ac A a présenté son mémoire en
défense daté du 24 juillet 1997.
Elle a répliqué qu'il n'y avait pas lieu de faire droit à la requête de Laubhouet, soit que celle-ci
ne constitue pas un recours en appréciation de la légalité, auquel cas elle devrait être déclarée
irrecevable, soit qu'elle ne soit pas fondée au fond, alors elle devrait être rejetée.
Dans son mémoire en duplique du 27 août 1997, le demandeur précise et oppose à
l'argumentation de la Commission, que les dispositions de l'article 112 du Règlement n°
01/95 du ler août 1995 de la Commission stipulant que la Cour de Justice de l'UEMOA
est compétente pour connaître de tout litige entre l’Union et ses fonctionnaires ne
limitent nullement le type de demandes dont les agents de l'Union peuvent saisir la Cour, et
qu'en l'espèce, il ne s'agit nullement d'un recours pour excès de pouvoir (appréciation de la
légalité).
SUR LA RECEVABILITÉ DU RECOURS :
L'Avocat Général ne s'attardera pas sur ce sujet tant les éléments fournis par le rapporteur sur
la régularité du recours sont féconds et pertinents. II fera observer du reste que Laubhouet n'a
pu au préalable présenter ses réclamations au Comité Consultatif Paritaire d'Arbitrage du fait
que celui-ci n'a pas encore été mis en place par la Commission de l’'UEMOA, mais néanmoins
il a tenté un règlement amiable le 10 mars 1997 auquel le Président de la Commission a
opposé une fin de non recevoir par lettre n° 97.101/SP/PC du 7 avril 1997.
SUR LES MOYENS SOULEVES AU FOND :
Aux termes de l'article 29 alinéa 2 du statut des fonctionnaires de l'UEMOA, l'autorité
compétente, à l'issue de la période probatoire, prononce ou non l'admission en qualité de
fonctionnaire de l'Union et notifie par écrit sa décision à l'intéressé, et la titularisation ne
peut intervenir qu'autant que le Comité Consultatif de Recrutement et d'Avancement n'ait
donné au préalable son avis consultatif suivant les dispositions de l'article 1” du Règlement
d'exécution n° 8/96/COM/UEMOA du 8 Juillet 1996.
La Commission de l'UEMOA prétend qu'il lui a été impossible de mettre en œuvre ce Comité
du fait que les personnes qui devaient le composer étaient en stage et qu'elle a dû y suppléer
par le recours à un Comité ad hoc.
En procédant ainsi, elle a manifestement éludé les dispositions des articles 1 et 2 du
Règlement d'exécution n°8 susvisé, et sa décision est irrégulière comme viciée en la forme et
fait grief au requérant.
Durant la période probatoire, aucune faute professionnelle n'a été reprochée à Laubhouet ; le
motif allégué aux derniers moments de sa période probatoire, que ses états de service ne
donnent pas satisfaction est inconsistant et dépourvu de sérieux.
Laubhouet a donc subi un dommage et le préjudice en résultant doit être réparé par
application des articles 16 du Protocole additionnel, 1 et 27 des statuts de la Cour, 15-5è
alinéas1 et 3 du Règlement de procédures de la Cour.
Le choix et l'appréciation de la demande subsidiaire s'imposent à notre juridiction, celle-ci
n'ayant aucune prérogative pour ordonner la réintégration d'un agent.
La réparation doit couvrir le dammum emergens et le lucrum cessans. Le dommage moral tout
comme le dommage matériel peut donner lieu à réparation, toutefois les bases de calcul du
requérant dans la détermination de son indemnité ne sont pas justifiées. Le remboursement
du prêt bancaire est quant à lui dénué de tout fondement.
L'AVOCAT GENERAL :
MALET DIAKITE ARRET DE LA COUR
29 mai 1998
Entre
Monsieur Laubhouet Serge
Et
La Commission de l'UEMOA
La Cour composée de MM. Yves D. YEHOUESSI, Président ; M. Moctar MBACKE, Juge
rapporteur ; Youssouf Any MAHAMAN, Juge ; Malet DIAKITE, Avocat Général ; Raphaël
P. OUATTARA, Greffier ;
rend le présent arrêt :
Considérant que par requête en date du 23 avril 1997 enregistrée au Greffe de la Cour le 24
avril 1997, le sieur Serge LAUBHOUET, par la voie de ses avocats-conseils Mes. DABIRE,
SORGHO et TOE régulièrement inscrits au Barreau de Aa, demande à la Cour
d'engager la responsabilité de l’'UEMOA et la condamner en conséquence à réparer le
préjudice qui lui a été causé par l'intervention de la décision entachée d'irrégularité en date du
23 avril 1997 mettant fin à ses fonctions, sur la base de ses états de service, décision prise à
l'expiration de la période probatoire d'un an fixée par le Statut des fonctionnaires de
l’UEMOA ;
Considérant que le requérant avait été nommé auditeur interne, classé à l'échelon n° 1 grade
B2 par décision n° 105/96/P/COM du 24 octobre 1996, qu'à l'expiration de la période
probatoire statutaire, il s'est vu notifier la décision sus indiquée mettant fin à ses fonctions ;
Considérant que la requête gracieuse introduite le 10 mars 1997 a fait l'objet de la lettre n°
97-101/SP du 7 avril 1997 qui n'a pas donné une suite favorable à sa demande ;
Considérant que le sieur Serge LAUBHOUET soutient à l'appui de ses prétentions que la
décision mise en cause a violé :
1) les dispositions du Règlement d'exécution n° 05/96 du 1°” février 1996 fixant la durée de la
période probatoire, en ce qu'il n'a pas été procédé à l'évaluation de ses performances sur la
base de son dossier assorti des notes et appréciations de ses supérieurs hiérarchiques
conformément au Règlement précité ;
2) qu'il n'a pas été procédé à la consultation pour avis du Comité Consultatif de Recrutement
et d'Avancement tel que cela est prévu par le Règlement d'exécution n°
08/96/COM/UEMOA du 8 juillet 1996 ;
3) qu'enfin la décision attaquée procède d'une appréciation inexacte des faits et manque de
motifs sérieux. En effet, il a toujours exercé ses fonctions correctement sans reproches ni
sanctions de ses supérieurs hiérarchiques ;
Considérant que se fondant sur les moyens précités, le requérant a demandé :
Au principal :
- sa réintégration dans ses fonctions dans les services de l’'UEMOA ;
- le paiement des échéances échues du prêt contracté auprès de la BICIA-B du 27 février
1997 à la date de sa réintégration ;.
- le paiement de 5 000 000 Frs à titre de dommages intérêts pour le préjudice matériel ;
- le paiement du franc symbolique pour le préjudice moral souffert.
A titre subsidiaire :
La condamnation de l'UEMOA à lui payer au total pour les préjudices divers 219 928 918 Frs
(deux cent dix neuf millions neuf centre vingt huit mille neuf cent dix huit francs).
Considérant que par l'organe de son agent, Monsieur Ac A, la Commission
par mémoire en défense en date du 24 juillet 1997 soutient au principal l'irrecevabilité du
recours du sieur Serge LAUBHOUET en se fondant sur les dispositions de l'article 8 du
Protocole additionnel n° 1 relatif au recours en annulation des actes des organes de l'Union et
de l'article 72 du Règlement de Procédures qui subordonnent le recours en responsabilité extra
contractuelle basé sur un acte obligatoire, à l'intervention d'une décision juridictionnelle
annulant l'acte mis en cause, ce qui n'a pas été le cas d'espèce ;
Qu'en effet le recours en annulation et celui en pleine juridiction ne peuvent être confondus
dans la même instance et se distinguent par l'objet de chaque recours, l'un étant dirigé contre
un acte, tend à l'annuler, l'autre relatif au droit subjectif tend à la réparation d'un préjudice
avec ses liens de causalité à établir entre le comportement matériel ou juridique fautif et le
dommage ;
Considérant, à titre subsidiaire, que la Commission soutient que si une telle requête devrait
être déclarée recevable, il reste que les prétentions de Serge LAUBHOUET sont mal fondées
en ce sens que contrairement à ses affirmations, tous les fonctionnaires de l'Union en fin de
probation ont fait l'objet d'une évaluation comme l'atteste la fiche d'évaluation en date du 20
février 1997 jointe au dossier concernant le cas spécifique du requérant dont le supérieur
hiérarchique a conclu à son inaptitude professionnelle à exercer les fonctions d'auditeur
interne ;
Considérant que s'agissant du défaut d'avis du Comité Consultatif de Recrutement et
d'Avancement, la Commission objecte qu'elle s'est trouvée comme au stade du recrutement
devant une formalité impossible parce que tous les agents y compris les membres éventuels
du Comité étaient en voie de titularisation ;
SUR LA RECEVABILITÉ DU RECOURS
Considérant qu'il y a lieu de souligner que le recours en annulation de l'article 8 du Traité
constitutif de l'Union et le recours en responsabilité des articles 15 et 16 du Traité constituent
des actions indépendantes l'une de l'autre, l'action en responsabilité extra contractuelle ne
pouvant être considérée en tout état de cause comme un recours subsidiaire à l'action en
annulation. Ces recours n'ont ni le même fondement, ni le même objet, ni les mêmes moyens de droit invocables, que le recours en annulation permet au juge saisi de se prononcer sur la
validité de l'acte attaqué qu'il peut annuler sans pour autant en tirer les conséquences de droit
quant aux conséquences dommageables résultant de l'irrégularité de l'acte ; tandis que le
recours en responsabilité ou en indemnité comme son nom l'indique permet au Juge de
l'indemnisation de tirer conséquence de l'imperfection de tout acte matériel ou juridique pour
en apprécier les dommages qui en résultent en vue de la réparation des préjudices qu'il a
causés ;
Considérant qu'en matière de litige opposant la Communauté et ses agents, le contentieux est
réputé de nature mixte parce pouvant porter soit sur le recours en annulation d'un acte
communautaire faisant grief, soit sur le recours en indemnité pour acte dommageable de
l'autorité communautaire. Que si l’examen de la requête ne permet pas d’affirmer que
LAUBHOUET a entendu se placer sur le plan du recours en annulation, il reste toutefois que
ses conclusions mettent en évidence ses prétentions certaines à être indemnisé ;
Considérant que la négation de l'autonomie de l'action en responsabilité aboutirait à réduire
le délai de prescription de 3 ans du recours en indemnité au délai de forclusion de 2 mois du
recours en annulation. En effet, lorsque le justiciable n'a pas agi dans les délais de 2 mois à
compter de la publication ou, selon le cas, la notification de l'acte, impartis par l'article 8
du Protocole additionnel pour attaquer en annulation un acte communautaire, il se trouve dans
l'impossibilité d'agir en responsabilité malgré le délai plus long de 3 ans que lui accorde
l'article 15 paragraphe 5 du Règlement de Procédures ;
Considérant en conséquence que seule l'adoption du principe de l'autonomie du recours en
responsabilité extra contractuelle est de nature à préserver les droits des justiciables tels
qu'accordés par les textes communautaires tout en préservant l'indépendance fonctionnelle de
ce recours par rapport au recours en excès de pouvoir ;
Considérant que pour ce faire, il y a lieu de considérer que la mise en évidence du
comportement irrégulier de l'autorité administrative dans ses actes juridiques doit pouvoir
suffire pour la condamner à réparer le préjudice souffert dès lors qu'il y a lien de causalité
entre ce comportement et le dommage causé ;
Considérant dès lors qu'il y a lieu de déclarer le recours de Serge LAUBHOUET recevable
pour avoir respecté les forme(s) et délai(s) de la procédure communautaire même si son chef
de demande tendant à sa réintégration s'avère irrecevable sinon mal fondé sur la base du
recours en indemnisation, sur lequel il a entendu fonder son action. Qu'en effet la
réintégration suppose ou implique l'annulation de l'acte de licenciement et viole le principe de
droit qui veut que par respect de la séparation des compétences juridictionnelles et des
compétences administratives, la Cour de Justice ne peut imposer à un organe de l'Union une
obligation de faire ;
SUR LES MOYENS SOULEVES AU FOND
En ce qu'il y a violation des dispositions de l'article 2 du Règlement d'exécution n°
05/96/COM du 1“ février 1996 fixant la durée de la période probatoire et prescrivant
l'évaluation des performances de l'agent avant de décider de sa titularisation, violation de
l'article premier du Règlement d'exécution n° 08/96/COM du 8 juillet 1996 en ce que l'avis
consultatif préalable du Comité Consultatif de Recrutement et d'Avancement n'a pas été
recueilli.
Considérant qu’il y a lieu, à prime abord, de constater que le Règlement d'exécution n°
05/96/COM/UEMOA du 1“ février 1996 fixant la période probatoire, et le Règlement
d'exécution n° 8/96/COM/UEMOA du 8 juillet 1996 fixant la composition et les règles de
fonctionnement du Comité Consultatif de Recrutement et d'Avancement, n'ont fait l'objet de
publication par la Commission au Bulletin Officiel de l'UEMOA conformément aux
dispositions de l'article 45 du Traité constitutif aux termes desquelles « les actes additionnels,
les règlements, les directives et les décisions sont publiés au Bulletin Officiel de l'Union. Ils
entrent en vigueur après leur publication à la date qu'ils fixent » ;
Considérant que ces actes précités n'étant pas encore entrés en vigueur sont en conséquence
inopposables et sans effet juridique avant cette mise en vigueur ;
Considérant que le principe d’autonomie du recours en indemnisation ne permet pas
d’attaquer l’acte juridique d’éviction de LAUBHOUET aux fins d’annulation, il reste que le
requérant est fondé à se prévaloir des irrégularités qui affectent ledit acte, lesquelles peuvent
être de nature à lui causer un dommage réparable ;
Considérant qu’à cet effet il est remarquable qu’en omettant de procéder à la mise en vigueur
des Règlements d’exécution n° 05/96/COM/UEMOA du 1” février 1996 fixant la période
probatoire et n° 08/96/COM/UEMOA du 8 juillet 1996 fixant la composition du Comité
Consultatif de Recrutement et d’Avancement, l’Administration de la Commission a commis
des irrégularités assimilables à un fonctionnement défectueux de l’organe, préjudiciable à
l’administré LAUBHOUET, ce d’autant plus que la Commission a pensé à tort que cette
abstention de requérir l’avis du CCRA était fondé sur le fait que les membres qu’il y a
nommés n’étaient pas, eux non plus, encore titularisés, une telle composition n’étant du reste
interdite par aucun texte de l’organisation ;
Considérant par ailleurs que la Cour estime qu’à défaut d’une erreur manifeste sur
l’exactitude des faits, elle ne saurait exercer un contrôle sur l’appréciation faite par une
autorité administrative d’un organe de l’Union sur l’état de service d’un agent ;
SUR LA REPARATION DU PREJUDICE
Considérant que l’acte d’éviction de LAUBHOUET n’étant pas annulé ni annulable sur le
fondement du recours en indemnisation ainsi soumis, le préjudice causé au requérant ne peut
être fondé sur les chefs de demande tels qu’il les a présentés mais plutôt sur le préjudice né
exclusivement des dysfonctionnements administratifs sus indiqués ;
Considérant que si la demande en indemnisation est fondée, elle est cependant exagérée en
son quantum ; que la Cour évalue le préjudice subi, toutes causes confondues, à sept millions
de francs (7.000.000 F) ;
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement en matière de contentieux de la fonction
publique communautaire ;
En la forme :
Déclare recevable le recours en indemnisation du sieur Serge LAUBHOUET ;
Au fond :
- Déclare l’'UEMOA responsable du préjudice subi par Serge LAUBHOUET tel qu'il
résulte des motifs du présent arrêt ;
- Lui alloue toutes causes de préjudice confondues la somme de sept millions (7.000.000)
francs ;
- Condamne l’UEMOA à lui payer ladite somme ;
- Déclare sa demande de réintégration dans ses fonctions mal fondée ;
- Dit que les dépens seront partagés par moitié entre les parties ;


Synthèse
Numéro d'arrêt : 01/98
Date de la décision : 29/05/1998

Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;uemoa;cour.justice;arret;1998-05-29;01.98 ?
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