Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
2C_227/2025
Arrêt du 4 août 2025
IIe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux
Donzallaz, Juge présidant, Ryter et Kradolfer.
Greffière : Mme Kleber.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Philipp Kunz, avocat,
recourant,
contre
Office fédéral de la police (fedpol),
Guisanplatz 1A, 3003 Berne.
Objet
Décision d'expulsion et interdiction d'entrée; effet suspensif,
recours contre la décision incidente du Tribunal administratif fédéral, Cour VI, du 16 avril 2025
(F-2354/2025).
Considérant en fait et en droit :
1.
Né en Suisse en 2000, A.________, ressortissant français, a grandi dans ce pays au bénéfice d'une autorisation d'établissement.
Par décision du 4 avril 2025, l'Office fédéral de la police (ci-après: Fedpol) a prononcé l'expulsion de la Suisse à destination de la France de A.________, au motif que celui-ci menaçait de manière caractérisée la sécurité intérieure et extérieure de la Suisse. Fedpol a précisé que cette expulsion était immédiatement exécutoire et l'a assortie d'une interdiction d'entrée en Suisse et au Liechtenstein d'une durée de 15 ans, mesure qui prendrait effet dès le moment où le prénommé aurait quitté le territoire suisse. Il a en outre retiré l'effet suspensif à un éventuel recours contre cette décision et prononcé l'inscription de l'interdiction d'entrée dans le système de recherches informatisées de police.
A.________ a recouru contre la décision du 4 avril 2025 auprès du Tribunal administratif fédéral. Il a notamment requis la restitution de l'effet suspensif au recours.
Par décision incidente du 16 avril 2025, le Tribunal administratif fédéral a rejeté la demande de restitution de l'effet suspensif, tout en invitant l'autorité cantonale d'exécution à s'assurer, avant l'exécution de l'expulsion et si besoin avec le soutien de Fedpol, que les autorités françaises soient dûment informées de l'appréciation de la menace effectuée par les autorités suisses, afin qu'elles soient à même de prendre les mesures adéquates, ainsi qu'à veiller à ce que A.________ bénéficie d'une prise en charge thérapeutique et médicamenteuse adaptée.
2.
Le 29 avril 2025, A.________ forme un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral contre la décision incidente du Tribunal administratif fédéral du 16 avril 2025. Il conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de la décision attaquée en tant qu'elle refuse la restitution de l'effet suspensif et à ce que son recours contre la décision du 4 avril 2025 soit assorti de l'effet suspensif. Il sollicite le bénéfice de l'assistance judiciaire pour la procédure devant le Tribunal fédéral et la désignation de son conseil comme défenseur d'office.
Dans sa réponse du 16 juin 2025, Fedpol conclut, sous suite de frais et dépens, au rejet du recours et s'en remet à l'appréciation du Tribunal fédéral s'agissant de l'assistance judiciaire. Il indique notamment que A.________ a été expulsé vers la France.
Le Tribunal administratif fédéral conclut au rejet du recours, sous réserve que les autorités cantonales s'assurent d'une prise en charge adéquate et continue de A.________ lors de son transfert en France, afin qu'il obtienne le soutien nécessaire sur le plan médical ou administratif.
A.________ a répliqué, en maintenant ses conclusions. Il expose avoir été expulsé le 23 mai 2025 vers la France, sans que les mesures d'accompagnement prévues dans la décision incidente du 16 avril 2025 du Tribunal administratif fédéral aient été respectées.
3.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence ( art. 29 al. 1 LTF ). Il contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 150 IV 103 consid. 1).
3.1. Le recours est dirigé contre une décision incidente du Tribunal administratif fédéral ( art. 86 al. 1 let. a LTF ). Une décision refusant l'effet suspensif à un recours contre une décision de renvoi est susceptible de causer un préjudice irréparable, ouvrant la voie du recours immédiat au Tribunal fédéral ( art. 93 al. 1 let. a LTF ), lorsque la personne étrangère peut se prévaloir d'un droit de séjour en Suisse (cf. arrêt 2C_359/2023 du 20 juillet 2023 consid. 6.2 et les arrêts cités), ce qui est le cas du recourant, au bénéfice d'une autorisation d'établissement en Suisse. Le recours contre une décision incidente est soumis à la même voie de droit que celle qui est ouverte contre la décision principale (ATF 147 III 451 consid. 1.3; 137 III 380 consid. 1.1). En l'occurrence, la procédure au fond porte sur une décision d'expulsion fondée sur l' art. 68 LEI (RS 142.20). La voie du recours en matière de droit public à l'encontre de telles décisions est exclue ( art. 83 let . c ch. 4 LTF), à moins que la partie recourante puisse se prévaloir de l'ALCP (RS 0.142.112.681) et partant de la garantie d'une double instance ( art. 11 al. 1 et 3 ALCP ; ATF 131 II 352 consid. 1; arrêts 2C_492/2021 du 23 novembre 2021 consid. 1.1; 2C_1020/2019 du 31 mars 2020 consid. 1.3; 2C_584/2018 du 9 juillet 2018 consid. 2.2). Tel est le cas pour le recourant, qui est de nationalité française, de sorte que le recours en matière de droit public est en principe ouvert.
3.2. La qualité pour déposer un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral suppose un intérêt actuel et pratique à obtenir l'annulation de la décision attaquée (cf. art. 89 al. 1 LTF ). Cet intérêt doit exister tant au moment du dépôt du recours qu'à celui où l'arrêt est rendu. Si l'intérêt actuel disparaît en cours de procédure, le recours devient sans objet, alors qu'il est irrecevable si l'intérêt actuel faisait déjà défaut au moment du dépôt du recours (cf. ATF 142 I 135 consid. 1.3.1; 139 I 206 consid. 1.1).
3.3. En l'espèce, il ressort des explications des parties que le recourant a été expulsé de la Suisse vers la France le 23 mai 2025. La mesure d'expulsion ayant été exécutée, le recourant n'a plus d'intérêt à son recours tendant à ce que le Tribunal administratif fédéral restitue l'effet suspensif au recours contre la décision d'expulsion du 4 avril 2025.
L'intérêt actuel au recours a en l'occurrence disparu pendant la procédure devant le Tribunal fédéral. Le recours doit donc être déclaré sans objet et la cause rayée du rôle.
4.
4.1. Lorsqu'un procès devient sans objet ou que les parties cessent d'y avoir un intérêt juridique, le Tribunal fédéral statue sur les frais afférents à la procédure engagée et sur le sort de la requête d'assistance judiciaire par une décision sommairement motivée, en tenant compte de l'état de fait existant avant l'événement mettant fin au litige ( art. 72 PCF applicable par renvoi de l' art. 71 LTF ) et de l'issue probable de celui-ci (ATF 142 V 551 consid. 8.2; 118 Ia 488 consid. 4a; arrêt 2D_63/2019 du 21 janvier 2020). Il convient de se limiter à une appréciation succincte et sommaire du dossier (cf. ATF 142 V 551 consid. 8.2; arrêt 2C_104/2025 du 13 mai 2025 consid. 4.1).
4.2. En l'occurrence, le litige portait sur la restitution de l'effet suspensif devant le Tribunal administratif fédéral au recours dirigé contre la décision de Fedpol du 4 avril 2025 d'expulser avec effet immédiat le recourant vers la France.
4.2.1. De manière générale, l'autorité appelée à se prononcer sur une demande de restitution de l'effet suspensif doit effectuer une pesée des intérêts en présence (ATF 145 I 73 consid. 7.2.3.2; 129 II 286 consid. 3; 119 V 503 consid. 4).
4.2.2. En l'espèce, le Tribunal administratif fédéral a relevé qu'il ressortait de la décision de Fedpol que le recourant avait fait l'objet de procédures pénales pour incendies volontaires en juillet 2023, puis menaces et menaces alarmant la population en juin 2024. Des mesures de substitution avaient été mises en place lorsqu'il avait été libéré de détention provisoire. Le 26 juin 2024, le recourant avait proféré des menaces en pleine rue et évoqué explicitement l'utilisation possible d'une ceinture d'explosifs. Selon un rapport du Service de renseignement de la Confédération (SRC) du 24 mars 2025, il ressortait d'entretiens menés les 18 février et 6 mars 2025 par la police cantonale bernoise que le recourant s'était rapidement radicalisé sur le plan religieux, cautionnant notamment des attentats prétendument au nom de l'islam. Les propos tenus laissaient craindre un passage à l'acte. La décision attaquée faisait part d'un changement rapide et inquiétant de l'état d'esprit du recourant et de son attitude. Vu la menace prononcée et actuelle émanant du recourant, le Tribunal administratif fédéral a conclu, sur la base d'un examen prima facie , que l'intérêt public à l'expulsion immédiate était important.
Sur le plan privé, le Tribunal administratif fédéral a relevé que le recourant avait grandi en Suisse, mais n'était pas particulièrement intégré. Il vivait avec ses parents, mais entretenait des relations houleuses avec eux, notamment en lien avec la pratique de sa religion. Il aurait déclaré être prêt à utiliser son couteau contre son père. Sa famille ne constituait pas un facteur protecteur suffisant pour écarter un risque de passage à l'acte. Sur le plan psychique, le Tribunal administratif fédéral a noté qu'une expertise psychiatrique du 4 janvier 2024 avait retenu que le recourant avait été diagnostiqué d'un léger retard mental, avec déficience du comportement occasionnel. Le recourant était en mesure de reconnaître l'illicéité de son comportement. Le risque de récidive avait été qualifié de moyen. D'après des rapports médicaux datés des 15 mai et 12 juillet 2024, le recourant avait bénéficié d'un suivi psychiatrique, médicamenteux et psychothérapeutique régulier de manière ambulatoire, mais ces mesures avaient atteint leurs limites. Pour le Tribunal administratif fédéral, la prise en charge thérapeutique ne permettait pas d'écarter un risque de récidive ou de passage à l'acte, eu égard notamment aux récents propos tenus.
Sur le vu de ces éléments, le Tribunal administratif fédéral a refusé la restitution de l'effet suspensif, tout en ordonnant des mesures d'accompagnement en lien avec l'expulsion du recourant.
4.2.3. Dans son recours au Tribunal fédéral, le recourant a, en substance, fait valoir qu'il était né en Suisse, qu'il n'avait pas de cercle familial en France, qu'il n'était pas autonome dans plusieurs sphères de sa vie, qu'aucune expertise médicale actuelle n'avait été effectuée avant le prononcé de son expulsion, que l'instruction était insuffisante et qu'il n'était pas assuré qu'il recevrait un traitement approprié en France.
4.2.4. Il résulte de l'arrêt attaqué que le Tribunal administratif fédéral a refusé la restitution de l'effet suspensif au terme d'une pesée des intérêts minutieuse et circonstanciée. L'état psychique du recourant a été pris en compte, le Tribunal administratif fédéral ayant souligné que cet état n'empêchait pas le recourant de se rendre compte de l'illicéité de son comportement et notant qu'un suivi psychologique ne paraissait pas suffisant pour écarter la menace d'un passage à l'acte.
Les motifs invoqués dans le recours n'auraient, à première vue, pas conduit à l'admission de celui-ci. En effet, le Tribunal administratif fédéral a dûment pris en considération les intérêts privés du recourant et en particulier ses besoins sur le plan psychique et matériel, en ordonnant à l'autorité d'exécution de s'assurer, avant l'exécution du renvoi, que le recourant bénéficie d'une prise en charge thérapeutique et médicamenteuse adaptée. Le recourant ne nie en outre pas que la France est un pays dans lequel une telle prise en charge pourrait aisément être assurée.
Pour le surplus, en tant que le recourant se plaint dans ses dernières observations que les mesures d'accompagnement prévues dans la décision incidente du 16 avril 2025 du Tribunal administratif fédéral n'ont absolument pas été respectées lors de son expulsion du 23 mai 2025, il élève des critiques qui sortent du cadre du litige, limité à la restitution de l'effet suspensif.
4.3. En définitive, il apparaît que le recours était dénué de chances de succès, de sorte que la requête d'assistance judiciaire, comprenant la prise en charge des honoraires de l'avocat du recourant, doit être rejetée ( art. 64 al. 1 LTF ).
4.4. Compte tenu de la demande d'assistance judiciaire, il convient de statuer à trois juges par exception à l' art. 32 al. 2 LTF (cf. art. 64 al. 3 LTF ; arrêt 2C_364/2022 du 7 septembre 2023 consid. 2.5). Au vu de l'issue probable du recours et eu égard au refus d'octroi de l'assistance judiciaire, le recourant devrait supporter les frais judiciaires ( art. 66 al. 1 LTF ). Il y sera toutefois renoncé, en considération de la situation financière de l'intéressé (art. 66 al. 1 in fine LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens ( art. 68 al. 1 et 3 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
La cause, devenue sans objet, est rayée du rôle.
2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
4.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, à l'Office fédéral de la police, au Tribunal administratif fédéral, Cour VI, et à la Ville de Bienne, Département de la sécurité publique, Services des habitants et services spéciaux.
Lausanne, le 4 août 2025
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Juge présidant : Y. Donzallaz
La Greffière : E. Kleber