Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
5A_361/2025
Arrêt du 15 mai 2025
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Bovey, Président,
De Rossa et Josi.
Greffière : Mme de Poret Bortolaso.
Participants à la procédure
A.________,
recourante,
contre
Sylviane Liniger Odiet, Présidente de la Cour administrative du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, chemin du Château 9, 2900 Porrentruy,
intimée,
1. B.________,
représenté par Me Jean-Marie Röthlisberger, avocat,
2. C.________,
représenté par Me Océane Probst, curatrice de représentation,
rue des Annonciades 8, 2900 Porrentruy,
3. Autorité de protection de l'enfant et de l'adulte (APEA),
rue de la Préfecture 12, 2800 Delémont.
Objet
récusation (retour d'enfant; exécution),
recours contre la décision de la Cour administrative du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura du 30 avril 2025 (ADM 67 / 2025).
Considérant en fait et en droit :
1.
1.1. A.________ et B.________ sont les parents non mariés de C.________, né en 2017.
1.2.
1.2.1. Par arrêt du 20 janvier 2025, la Cour administrative du Tribunal cantonal de la République et Canton du Jura (ci-après: la cour cantonale) a admis la demande de retour d'enfant déposée par B.________, demande fondée sur la Convention sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants du 25 octobre 1980 (ci-après: CLaH80; RS 0.211.230.02) et visant à obtenir le retour de son fils auprès de lui en France, suite au déplacement illicite opéré par sa mère en Suisse. Le retour de l'enfant a ainsi été ordonné d'ici à la mi-février 2025, sous la supervision de l'Autorité de protection de l'enfant et de l'adulte de la République et du Canton du Jura (APEA), avec au besoin l'aide des services sociaux régionaux (ci-après: SSR).
1.2.2. Statuant le 6 mars 2025 sur le recours interjeté par la mère, la IIe Cour de droit civil du Tribunal fédéral l'a rejeté dans la mesure de sa recevabilité. L'exécution volontaire du retour de l'enfant a été reportée au 21 avril 2025 et, à défaut d'exécution volontaire, au 22 avril 2025, sous la supervision de l'APEA, avec au besoin l'aide des SSR (arrêt 5A_96/2025).
1.2.3. La demande de révision de cet arrêt ainsi que la demande de récusation des juges fédéraux ayant statué dans cette affaire ont été rejetées dans la mesure de leur recevabilité le 14 avril 2025 (arrêts 5F_17/2025, 5F_18/2025).
1.3. Le 17 avril 2025, A.________ a sollicité la suspension immédiate du retour de l'enfant, requête rejetée dans la mesure de sa recevabilité par la cour cantonale le 22 avril 2025.
1.4. Le 23 avril 2025, constatant le défaut de remise volontaire de l'enfant à son père, le vice-président de l'APEA a pris des mesures d'exécution fixant les modalités de l'exécution forcée de l'arrêt rendu le 6 mars 2025 par la Cour de céans.
1.4.1. Le 24 avril 2025, A.________ s'est opposée à ces mesures par le biais d'un recours assorti de mesures superprovisionnelles, concluant principalement à l'illicéité desdites mesures et à leur suspension immédiate, subsidiairement à la prise de diverses mesures d'instruction.
1.4.2. Laissant indécise la recevabilité d'un tel procédé, la Présidente de la cour cantonale (ci-après: la présidente) l'a rejeté dans la mesure de sa recevabilité par décision du 25 avril 2025.
1.4.2.1. En date du 5 mai 2025, A.________ a déposé contre cette décision un recours au Tribunal fédéral. Après avoir admis sa requête de mesures superprovisionnelles, en ce sens qu'aucune mesure d'exécution ne devait être prise jusqu'à nouvelle décision de la Cour de céans, celle-ci a rejeté le recours dans la mesure où il était recevable (arrêt 5A_340/2025 de ce jour).
1.4.2.2. Parallèlement, à savoir le 28 avril 2025, A.________ a sollicité devant la cour cantonale la récusation de sa présidente, laquelle avait statué comme juge unique dans la décision cantonale du 25 avril 2025.
Cette demande de récusation a été déclarée irrecevable le 30 avril 2025 par la présidente ad hoc de la cour cantonale.
1.5. Le 10 mai 2025, A.________ (ci-après: la recourante) conteste cette dernière décision devant le Tribunal fédéral, sollicitant, à titre superprovisionnel et provisionnel, la suspension de la mesure d'exécution de retour d'enfant, et, principalement, l'annulation de l'arrêt attaqué, la récusation de la présidente et le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision "dans une composition conforme aux exigences de l'impartialité".
2.
Le caractère final ( art. 90 LTF ) ou incident ( art. 92 LTF ) de la décision entreprise peut être laissé indécis, le recours immédiat au Tribunal fédéral étant ouvert que l'on se fonde sur l'une ou l'autre disposition. Les autres conditions de recevabilité du recours en matière civile sont réunies (art. 72 al. 2 let. b ch. 1, art. 76 al. 1 let. a et b et art. 100 al. 2 let. b LTF ), l'exception au principe de double instance consacré par l' art. 75 al. 2 LTF étant ici remplie (ATF 143 III 140 consid. 1.2).
3.
Dans sa décision du 30 avril 2025, la présidente ad hoc a principalement déclaré irrecevable la demande de récusation formée par la recourante; elle l'a ensuite rejetée dans une motivation subsidiaire. La recourante s'en prend aux deux motivations, toutes deux suffisantes à sceller le sort de la cause (ATF 142 III 364 consid. 2.4).
3.1. À l'appui de sa motivation relative à l'irrecevabilité de la demande, la juge cantonale a relevé que, lorsqu'un motif de récusation est découvert après la clôture de la procédure, mais avant l'écoulement du délai de recours, dit motif de récusation devait être invoqué dans le cadre d'un recours contre la décision prétendument viciée. Elle s'est à cet égard référée à la jurisprudence rendue dans le contexte de l'art. 51 al. 3 aCPC (singulièrement: ATF 139 III 120 consid. 3.1; 138 III 702 consid. 3.4), que cette dernière disposition reflète désormais dans sa teneur au 1er janvier 2025 (cf. WEBER, in Basler Kommentar ZPO, 4e éd. 2024, n. 7 ad art. 51 CPC ). La présidente ad hoc a précisé que le contenu de cette disposition légale était similaire à celui de l' art. 208 al. 2 let . c ( recte : al. 3) du code de procédure administrative jurassien (RS JU 175.1), applicable à la procédure cantonale devant l'APEA et la cour cantonale (art. 20a al. 5 de la loi cantonale sur l'organisation de la protection de l'enfant et de l'adulte [RS JU 213.1]; art. 13 de l'ordonnance concernant la protection de l'enfant et de l'adulte [RS JU 213.11]). Dans cette mesure, la magistrate cantonale a considéré que la recourante aurait dû faire valoir son motif de récusation dans le cadre du recours au Tribunal fédéral qu'elle avait exercé contre la décision du 25 avril 2025, rendue par la juge dont elle sollicitait précisément la récusation. À défaut d'avoir procédé ainsi, sa demande de récusation était irrecevable.
3.2. L'argumentation développée sur ce point par la recourante procède d'une mécompréhension manifeste de la motivation cantonale. L'intéressée observe en effet avoir déposé sa demande de récusation le 28 avril 2025, alors qu'elle n'avait formé recours au Tribunal fédéral que le 5 mai 2025, reprochant à la magistrate cantonale de ne pas s'être rendue compte de ce "décalage chronologique". À bien la comprendre, elle paraît soutenir que, tant que le délai de recours à l'instance supérieure n'était pas échu, sa demande de récusation adressée à l'autorité qui avait statué et dont elle sollicitait la récusation serait recevable. Cette affirmation ne rejoint en rien les dispositions légales applicables et la jurisprudence qui viennent d'être mentionnées. En tant qu'une voie de recours était encore ouverte à l'encontre de la décision du 25 avril 2025, la récusation de la magistrate à l'origine de cette dernière décision devait être sollicitée devant l'autorité de recours, en l'occurrence la Cour de céans; ce n'est que si le délai pour exercer cette voie de droit était échu que la recourante aurait pu réclamer la récusation de la magistrate concernée, par le biais d'une demande de révision. Que la recourante ait déposé sa demande de récusation devant l'autorité cantonale antérieurement à son recours au Tribunal fédéral n'est d'aucune pertinence. C'est ainsi à juste titre que l'autorité cantonale a déclaré irrecevable la demande de récusation que lui a adressée la recourante.
3.3. Cette circonstance scelle le sort du recours, sans qu'il soit nécessaire de procéder à l'examen des griefs d'ordre formel que la recourante soulève à l'encontre du traitement de sa demande de récusation (ainsi, notamment: absence de prise de position de la juge objet de la récusation; absence d'examen individualisé de ses griefs), ni des nombreux griefs matériels qu'elle invoque pour contester la motivation subsidiaire également développée dans la décision attaquée. Pour l'essentiel, ceux-ci visent à fonder la partialité de la magistrate cantonale sur le caractère prétendument contraire au droit des décisions qu'elle a rendues, ce qui ne constitue pas un motif de prévention (ATF 143 IV 69 consid. 3.2), et à ainsi indirectement contester la décision ordonnant le retour de son fils en France de même que son exécution concrète, dont le sort est définitivement scellé par les arrêts 5A_96/2025 et 5A_340/2025.
3.4. L'on relèvera enfin qu'il ressort des multiples voies de droit dont fait usage la recourante, tant au niveau cantonal que fédéral, que celle-ci entend à l'évidence ne pas se soumettre à la décision ordonnant le retour de son fils en France alors que l'intérêt manifeste de ce dernier résiderait pourtant dans l'exécution sereine de la décision de retour, définitive et entrée en force. L'attention de la recourante est ainsi expressément attirée sur le caractère procédurier et abusif de ces procédés ainsi que sur la sanction ( art. 33 al. 2 LTF ) et la conséquence ( art. 108 al. 1 let . c LTF) qui en découlent en cas de réitération.
4.
Le recours est rejeté, ce qui rend la requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles de la recourante sans objet. Sa requête d'assistance judiciaire est rejetée, dans la mesure où les conclusions du recours étaient assurément vouées à l'échec ( art. 64 al. 1 LTF ). Les frais judiciaires sont mis à sa charge ( art. 66 al. 1 LTF ). Pour autant que recevables, les conclusions de la recourante tendant à l'octroi de dépens et d'une indemnité pour tort moral sont infondées: non seulement l'intéressée succombe, mais agit par ailleurs sans le concours d'un avocat, ce qui exclut l'octroi de dépens; en l'absence de toute responsabilité à charge de l'État, la réclamation d'une indemnité pour tort moral est vaine. Il n'est pas alloué de dépens au canton ( art. 68 al. 3 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
La requête d'assistance judiciaire de la recourante est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à B.________, à C.________, à l'Autorité de protection de l'enfant et de l'adulte (APEA), à la Cour administrative du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, et à l'Office fédéral de la justice, Autorité centrale en matière d'enlèvement international d'enfants.
Lausanne, le 15 mai 2025
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Bovey
La Greffière : de Poret Bortolaso