Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
5A_340/2025
Arrêt du 15 mai 2025
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Bovey, Président,
De Rossa et Josi.
Greffière : Mme de Poret Bortolaso.
Participants à la procédure
A.________,
recourante,
contre
B.________,
représenté par Me Jean-Marie Röthlisberger, avocat,
intimé,
1. C.________,
représenté par Me Océane Probst, curatrice de représentation,
2. Autorité de protection de l'enfant et de l'adulte (APEA),
rue de la Préfecture 12, 2800 Delémont.
Objet
retour d'enfant (exécution),
recours contre la décision de la Cour administrative du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura du 25 avril 2025 (ADM 65 / 2025).
Considérant en fait et en droit :
1.
1.1. A.________ et B.________ sont les parents non mariés de C.________, né en 2017.
1.2.
1.2.1. Par arrêt du 20 janvier 2025, la Cour administrative du Tribunal cantonal de la République et Canton du Jura (ci-après: la cour cantonale) a admis la demande de retour d'enfant déposée par B.________, demande fondée sur la Convention sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants du 25 octobre 1980 (ci-après: CLaH80; RS 0.211.230.02) et visant à obtenir le retour de son fils auprès de lui en France, suite au déplacement illicite opéré par sa mère en Suisse. Le retour de l'enfant a ainsi été ordonné d'ici à la mi-février 2025, sous la supervision de l'Autorité de protection de l'enfant et de l'adulte de la République et du Canton du Jura (APEA), avec au besoin l'aide des services sociaux régionaux (ci-après: SSR).
1.2.2. Statuant le 6 mars 2025 sur le recours interjeté par la mère, la IIe Cour de droit civil du Tribunal fédéral l'a rejeté dans la mesure de sa recevabilité. L'exécution volontaire du retour de l'enfant a été reportée au 21 avril 2025 et, à défaut d'exécution volontaire, au 22 avril 2025, sous la supervision de l'APEA, avec au besoin l'aide des SSR (arrêt 5A_96/2025).
La demande de révision de cet arrêt ainsi que la demande de récusation des juges fédéraux ayant statué dans cette affaire ont été rejetées dans la mesure de leur recevabilité le 14 avril 2025 (arrêts 5F_17/2025, 5F_18/2025).
1.3. Le 17 avril 2025, A.________ a sollicité la suspension immédiate du retour de l'enfant, requête rejetée dans la mesure de sa recevabilité par la cour cantonale le 22 avril 2025.
1.4. Le 23 avril 2025, constatant le défaut de remise volontaire de l'enfant à son père, le vice-président de l'APEA a pris des mesures d'exécution fixant les modalités de l'exécution forcée de l'arrêt rendu le 6 mars 2025 par la Cour de céans (à savoir: remise volontaire de l'enfant au 25 avril 2025; à défaut, intervention des SSR avec l'appui de la police cantonale; autorisation de recourir à la force; inscription de l'enfant et de sa mère dans le système recherches informatisées de police [RIPOL] et au système d'information Schengen [SIS] et en cas d'interpellation, rétention de la mère sans incarcération).
1.4.1. Le 24 avril 2025, A.________ s'est opposée à ces mesures par le biais d'un recours assorti de mesures superprovisionnelles, concluant principalement à l'illicéité desdites mesures et à leur suspension immédiate, subsidiairement à la prise de diverses mesures d'instruction (notamment: audition et détermination des parties, obtention de garanties quant au transfert et à l'accueil de l'enfant en France).
1.4.2. Laissant indécise la recevabilité d'un tel procédé, la Présidente de la cour cantonale (ci-après: la présidente) l'a rejeté dans la mesure de sa recevabilité par décision du 25 avril 2025.
1.5. Le 5 mai 2025, A.________ (ci-après: la recourante) exerce un "recours" au Tribunal fédéral à l'encontre de cette dernière décision, sollicitant, à titre superprovisionnel, la suspension de la mesure d'exécution de retour d'enfant, et, principalement, l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Le 6 mai 2025, la recourante a complété ses conclusions, en requérant l'octroi de l'effet suspensif.
La recourante sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire.
Des déterminations n'ont pas été demandées.
Par ordonnance présidentielle du 6 mai 2025, la requête de mesures superprovisionnelles de la recourante a été admise en ce sens qu'aucune mesure d'exécution ne doit être prise jusqu'à nouvelle décision du Tribunal fédéral.
2.
Il s'agit avant tout de relever que la possibilité de contester les mesures d'exécution forcée concrètes prises par le vice-président de l'APEA le 23 avril 2025 apparaît particulièrement douteuse (RASELLI/HAUSAMMANN/MÖCKLI/URWYLER, Ausländische Kinder sowie andere Angehörige, in Uebersax et al. (éd.), Ausländerrecht, 2e éd. 2008, n. 16.191; cf. également HÄRING, Neuerungen im Bereich internationaler Kindesentführung, in FamPra.ch 2007 256 ss, p. 276). Cette question peut néanmoins demeurer indécise en tant que la présidente est entrée en matière sur le recours déposé par la recourante et que le procédé de celle-ci est manifestement voué à l'échec.
3.
Le Tribunal fédéral applique le droit d'office ( art. 106 al. 1 LTF ). Cela étant, eu égard à l'exigence de motivation contenue à l' art. 42 al. 1 et 2 LTF , il n'examine en principe que les griefs soulevés (ATF 142 III 364 consid. 2.4 et les références). Le recourant doit par conséquent discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi il estime que l'autorité précédente a méconnu le droit ( art. 42 al. 2 LTF ; ATF 148 IV 205 consid. 2.6; 142 I 99 consid. 1.7.1; 142 III 364 consid. 2.4 et la référence). Le Tribunal fédéral ne connaît par ailleurs de la violation de droits fondamentaux que si un tel grief a été expressément invoqué et motivé de façon claire et détaillée par le recourant ("principe d'allégation", art. 106 al. 2 LTF ; ATF 146 IV 114 consid. 2.1; 144 II 313 consid. 5.1; 142 II 369 consid. 2.1; 142 III 364 consid. 2.4); il en va de même de l'interprétation et l'application faite du droit cantonal, que le Tribunal ne revoit que sous l'angle de l'arbitraire (ATF 147 I 433 consid. 4.2; 146 II 367 consid. 3.1.5).
4.
La recourante ne paraît plus remettre en cause que la charge de l'exécution du retour de son enfant en France appartient à l'APEA. Cette compétence doit être confirmée, à toutes fins utiles (art. 12 al. 1 de la loi fédérale sur l'enlèvement international d'enfants et les Conventions de La Haye sur la protection des enfants et des adultes [LF-EEA; RS 211.222.32]; art. 2 de l'ordonnance cantonale portant introduction de la LF-EEA [RS JU 213.222]). Bien que l'affirmant péremptoirement, la recourante n'établit par ailleurs pas en quoi l'intervention des SSR aux fins d'assister l'APEA dans la mise en oeuvre du retour de l'enfant en France serait contraire au droit, étant précisé que cette collaboration était prévue dans la décision de retour cantonale, sans que la recourante s'en plaigne, puis dans l'arrêt 5A_96/2025. Il est au demeurant manifeste que lesdits services interviennent sous la supervision et la direction de l'APEA et non à leur seule initiative, en se "substituant" à cette dernière autorité. L'art. 19 de la loi cantonale sur l'organisation de la protection de l'enfant et de l'adulte (LOPEA; RS JU 213.1) prévoit par ailleurs leur collaboration pour l'institution et l'administration des mesures de protection.
5.
Conformément à l'art. 20a al. 5 LOPEA et à l'art. 13 de son ordonnance (RS JU 213.11), le code de procédure administrative jurassien (ci-après: CPa; RS JU 175.1) s'applique à la procédure devant l'APEA. C'est donc ce code de procédure qui régit l'exécution de l'arrêt de la Cour de céans (arrêt 5A_96/2025 du 6 mars 2025; cf. supra consid. 1.2), dont l'exécution est actuellement litigieuse ( art. 70 al. 1 LTF ; art. 108 ss CPa). En cas de recours contre une mesure d'exécution, ne sont en principes recevables que les motifs pris de la violation des règles relatives à l'exécution et en particulier du principe de la proportionnalité (art. 124 CPa). L'art. 111 al. 2 CPa prévoit aussi qu'avant de recourir à un moyen de contrainte, l'autorité en menace l'obligé et lui impartit un délai suffisant pour s'exécuter; elle le rend attentif aux sanctions encourues. Ces avertissements peuvent être signifiés dans la décision à exécuter elle-même ou dans un acte postérieur.
La Cour administrative est compétente pour connaître des recours contre les décisions de l'APEA (art. 21 al. 2 LOPEA). Le président de la cour liquide, comme juge unique, en matière civile et administrative, les actions, requêtes et recours manifestement irrecevables, manifestement mal fondés, procéduriers ou abusifs (art. 21a al. 1 de la loi d'organisation judiciaire [LOJ; RS JU 181.1]).
5.1. La présidente a ici statué comme juge unique en raison du caractère manifestement infondé du recours. C'est donc en vain que la recourante soutient qu'une décision collégiale était ici nécessaire, son état de santé "médicalement attesté" et la prétendue existence de procédures contradictoires ne démontrant nullement l'arbitraire du recours à l'art. 21a al. 2 ( recte : 1) LOJ. Aucune violation du droit de la recourante à un recours effectif ( art. 29a Cst. ) ou de son droit d'être entendue ( art. 29 al. 2 Cst. ) - violations au demeurant alléguées sans motivation suffisante (cf. supra consid. 3) - ne sont par conséquent à déplorer sur ce point.
5.2. Pour l'essentiel, la présidente a considéré que les mesures d'exécution prononcées par le vice-président de l'APEA respectaient le principe de proportionnalité et que dite autorité n'employait pas de moyens de contrainte plus rigoureux que ne l'exigeaient les circonstances, précisant que toute violence à l'encontre de l'enfant devait être évitée et prohibée dans l'intérêt supérieur de ce dernier. Singulièrement, la magistrate cantonale a relevé:
- que les modalités d'exécution du retour de l'enfant avaient déjà été réglées par l'arrêt 5A_96/2025, lequel laissait à la recourante un délai de plusieurs semaines afin de remettre volontairement l'enfant à son père;
- qu'avant de procéder aux mesures d'exécution contestées, l'APEA avait invité les SSR à prendre les mesures nécessaires et appropriées afin d'assurer l'exécution volontaire du retour;
- que la recourante avait dans ce contexte été régulièrement en contact avec les SSR mais avait, par son attitude, démontré son intention de ne pas collaborer à la remise de son fils;
- que les mesures d'exécution du 23 avril 2025 faisaient suite au refus de l'intéressée de s'exécuter dans le délai imparti - 22 avril 2025 - et ne prévoyaient le recours à la force publique qu'en cas de refus de la mère de remettre son fils aux SSR le 25 avril suivant;
- que les SSR avaient encore tenté une reprise de contact en invitant la recourante à discuter le 24 avril 2025 sans que celle-ci y donne suite.
5.2.1. La recourante conteste d'abord avoir été mise en demeure par l'APEA elle-même, lui reprochant d'avoir délégué cette obligation aux SSR. Cette affirmation est contredite par la teneur des mesures d'exécution prononcées le 23 avril 2025 par le vice-président de l'APEA, qui lui laissaient encore un délai de deux jours pour remettre son fils à l'intimé, avant l'intervention de la force publique. L'on précisera au demeurant que l'arrêt 5A_96/2025 réservait expressément l'exécution forcée du retour qu'il ordonnait, avec intervention policière éventuelle, en cas de refus de son exécution volontaire.
5.2.2. Vu les tentatives avérées de l'APEA et des SSR de trouver une solution au retour volontaire de l'enfant auprès de son père, ce depuis le 6 mars 2025 - date de la reddition de l'arrêt 5A_96/2025 -, l'intéressée ne saurait de surcroît prétendre que les délais imposés avant l'intervention des forces de l'ordre seraient disproportionnés. L'argumentation principale de la recourante consiste à justifier son manque de collaboration - et indirectement à affirmer le caractère disproportionné des mesures d'exécution contestées - par le défaut de renseignements au sujet de la mise en place, en France, d'une organisation permettant la prise en charge du handicap dont souffre son fils (à savoir: retard global de développement avec certaines caractéristiques d'un trouble du spectre autistique; arrêt 5A_96/2025 let. A.d). Cet argument repose toutefois sur la prémisse erronée d'un retour conditionné à une telle organisation, ce que ne prévoit aucunement l'arrêt 5A_96/2025. Dans cette mesure, il ne sera pas entré en matière sur les critiques élevées dans ce contexte, singulièrement: les supposées carences dans le suivi et la prise en charge de l'enfant en France; la constatation prétendument arbitraire du respect de cette supposée condition ( art. 9 Cst. et 97 LTF); le prétendu renversement de la charge de la preuve sur ce point; la non-conformité des mesures d'exécution avec l'intérêt supérieur de l'enfant (art. 3 de la Convention relative aux droits de l'enfant), la CLaH80 ou encore l' art. 8 CEDH en raison du défaut de satisfaction de cette soi-disant condition.
5.2.3. La recourante estime encore que l'inscription au RIPOL et au SIS de même que le recours à la force prévus dans les mesures d'exécution ne figuraient pas dans le dispositif de l'arrêt 5A_96/2025; elle soutient que ces mesures seraient attentatoires à sa liberté personnelle, le recours à l'intervention policière étant en outre particulièrement disproportionné en raison du handicap de son fils. En tant que cette dernière mesure fait suite à l'attitude fortement récalcitrante de la recourante, l'on ne saurait assurément la qualifier de trop rigoureuse, les forces de l'ordre étant au demeurant expressément rendues attentives à la nécessité d'éviter toute violence à l'encontre de l'enfant. Quant à l'inscription dans les systèmes informatisés susmentionnés, elle est admise en matière de prévention d'enlèvement international d'enfants (cf. art. 15 al. 1 let . c ch. 2 de la Loi fédérale sur les systèmes d'information de police de la Confédération [LSIP; RS 361]), en sorte que les critiques de la recourante à ce propos sont vaines.
5.3. La recourante invoque également son état de santé, certificats à l'appui, pour justifier le caractère disproportionné des mesures d'exécution. Elle ne s'en prend toutefois en rien à la motivation que la magistrate cantonale a développé sur ce point. Elle ne conteste ainsi nullement que les certificats produits démontraient bien plutôt sa volonté de ne pas se conformer à l'arrêt 5A_96/2025, ni ne discute que ceux-ci ne l'empêchaient aucunement de rédiger des requêtes, d'envoyer des courriels et de poster des courriers en Suisse et en France, pas plus qu'elle ne remet en cause que les SSR pourraient parfaitement se déplacer à son domicile afin d'y récupérer l'enfant.
5.4. La recourante ne démontre enfin aucunement en quoi les démarches initiées en France - apparemment, mais sans que cela ressorte très clairement: saisine du parquet général, certificats médicaux, recours devant le juge des enfants - lui permettraient de remettre en cause l'exécution de l'arrêt rendu le 6 mars 2025 par la Cour de céans.
5.5. La recourante reproche encore à la juge cantonale un traitement sélectif et orienté de son recours, y voyant une violation de son droit d'être entendue, de son droit à une procédure régulière et du devoir d'impartialité de la magistrate. Ces critiques, toutes générales, ne satisfont manifestement pas au principe d'allégation applicable dans le contexte de l'invocation de la violation de garanties constitutionnelles ( art. 106 al. 2 LTF ; cf. supra consid. 3); elles relèvent de surcroît de la seule appréciation de la recourante, qui, à l'évidence, refuse par tous les moyens de se conformer à l'ordre de retour de son fils en France, en force et exécutoire. Il n'y a pas lieu de les examiner plus avant.
6.
En définitive, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité, ce qui rend sans objet la requête d'effet suspensif du 6 mai 2025. La requête d'assistance judiciaire de la recourante doit être rejetée en tant que ses conclusions étaient manifestement vouées à l'échec ( art. 64 al. 1 LTF ). Les frais judiciaires sont mis à sa charge ( art. 66 al. 1 LTF ), sans qu'une indemnité de dépens ne soit octroyée à sa partie adverse, qui n'a pas été invitée à se déterminer.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
La requête d'assistance judiciaire de la recourante est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à C.________, à l'Autorité de protection de l'enfant et de l'adulte (APEA), à la Cour administrative du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura et à l'Office fédéral de la justice, Autorité centrale en matière d'enlèvement international d'enfants.
Lausanne, le 15 mai 2025
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Bovey
La Greffière : de Poret Bortolaso