Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
5A_725/2024
Arrêt du 5 décembre 2024
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Herrmann, Président,
Bovey et De Rossa.
Greffière : Mme de Poret Bortolaso.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Guillaume Bénard, avocat,
recourant,
contre
B.________,
représentée par Me Cléo Buchheim, avocate,
intimée,
C.________,
représenté par Me Emmeline Filliez-Bonnard, curatrice de représentation,
Objet
retour d'enfant (dépens)
recours contre le jugement de la Chambre des curatelles du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 8 octobre 2024 (ME24.037634-241108 228).
Considérant en fait et en droit :
1.
1.1. Le 21 août 2024, A.________ a déposé devant la Chambre des curatelles du canton de Vaud une demande tendant au retour immédiat en Ukraine de sa fille C.________, demande fondée sur la Convention sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants (CLaH80; RS 0.211.230.02).
Par jugement du 8 octobre 2024, la cour cantonale a rejeté la demande (ch. I). Dans son dispositif, la décision prévoyait notamment une indemnité d'office de l'avocat du demandeur à hauteur de 3'425 fr. (ch. III) et une indemnité d'office de l'avocate de la défenderesse à concurrence de 2'845 fr. (ch. IV). Le demandeur était par ailleurs astreint à verser à la défenderesse B.________ la somme de 3'400 fr. à titre de dépens (VI).
1.2. Agissant le 24 octobre 2024 par la voie du recours en matière civile au Tribunal fédéral, A.________ (ci-après: le recourant) conclut principalement à la réforme du jugement cantonal en ce sens que le ch. VI de son dispositif est supprimé, voire modifié en ce sens qu'il ne doit aucuns dépens à sa partie adverse; subsidiairement il demande le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants. Le recourant conclut par ailleurs à ce qu'aucuns frais judiciaires ne soient perçus pour la procédure fédérale et à ce qu'une indemnité de 1'000 fr. lui soit versée pour ses frais de défense devant la Cour de céans.
Invitées à se déterminer, la cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt tandis que B.________ (ci-après l'intimée) conclut au rejet du recours, sous bénéfice de l'assistance judiciaire.
Les parties n'ont pas procédé à un échange d'écritures complémentaires.
2.
La recevabilité du recours portant sur une question accessoire, en l'occurrence les dépens fixés par le jugement de la Chambre des curatelles, est en principe déterminée par la cause au fond (ATF 138 III 94 consid. 2.2; arrêt 5A_997/2018 du 11 janvier 2019 consid. 1). La décision querellée a été prise dans le contexte d'une procédure de retour d'enfant fondée sur la CLaH80; il s'agit ainsi d'une décision rendue en application de normes de droit public dans une matière connexe au droit civil, singulièrement en matière d'entraide administrative entre les États contractants pour la mise en oeuvre du droit civil étranger (art. 72 al. 2 let. b ch. 1 LTF; ATF 133 III 584 consid. 1.2). Les conditions du recours en matière civile sont ici réalisées (art. 75 al. 2 let. a; 76 al. 1 let. a et b; art. 90; art. 100 al. 2 let . c LTF), étant précisé que la cause au fond n'est pas de nature pécuniaire.
3.
Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF . Le Tribunal fédéral applique le droit d'office ( art. 106 al. 1 LTF ). Il statue par ailleurs sur la base des faits établis par l'autorité précédente ( art. 105 al. 1 LTF ), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l' art. 95 LTF ( art. 105 al. 2 LTF ).
4.
La cour cantonale a relevé que, vu l'application des art. 26 CLaH80 et 14 de la loi fédérale sur l'enlèvement international d'enfants et les Conventions de La Haye sur la protection des enfants et des adultes du 21 décembre 2007 (LF-EEA; RS 211.222.32) et vu l'absence de réserve émise par l'Ukraine et la Suisse, son jugement était rendu sans frais; la juridiction a par ailleurs précisé que la rémunération des conseils faisait expressément partie des coûts qui devaient être pris en charge par les États signataires. Elle a ensuite arrêté les indemnités auxquelles pouvaient prétendre les avocats respectifs de chacune des parties et les a mises à la charge de l'État. La juridiction cantonale a toutefois précisé, s'agissant de l'indemnité de l'avocate de l'intimée qu'elle ne serait versée par l'État que si les dépens alloués ne pouvaient pas être perçus du recourant, se référant à cet égard à l' art. 106 al. 1 CPC et à des arrêts faisant application de l'art. 26 al. 4 CLaH80. Dans son dispositif, elle a mis l'indemnité d'office de la mandataire de l'intimée à la charge de l'État (ch. IV) et astreint en sus le recourant à des dépens de 3'400 fr. en faveur de sa partie adverse (ch. VI).
5.
5.1. Le recourant relève que ni l'Ukraine, ni la Suisse n'ont formulé de réserves quant à l'application des dispositions susmentionnées. Il soutient en conséquence la gratuité absolue de la procédure de retour pour la partie requérante, en sorte qu'il ne pouvait être astreint à payer les frais de procédure de sa partie adverse. Il précise que l'art. 26 al. 4 CLaH80 permet certes de mettre à charge du parent ravisseur tous les frais nécessaires engagés par l'autre parent lorsque la demande de retour est admise; ces circonstances n'étaient toutefois pas données ici.
L'intimée affirme pour sa part avoir eu gain de cause en tant que la demande de sa partie adverse avait été rejetée. Elle avait en conséquence droit à des dépens et soutient, en référence à l' art. 122 al. 2 CPC , que l'indemnité d'office de son avocate n'était versée par le canton que si ces dépens ne pouvaient être recouvrés.
5.2. Selon l'art. 26 al. 1 CLaH80, chaque Autorité centrale supporte ses propres frais dans le cadre de l'application de la Convention. Sauf si l'un des États concernés a émis une réserve sur la base de l'art. 26 al. 3 CLaH80, l'art. 26 al. 2 CLaH80 prévoit que la procédure de retour d'un enfant est gratuite, gratuité qui s'étend également aux frais dus à la participation d'un avocat, et ce non seulement lorsque les avocats des parties ont été désignés par l'autorité, mais aussi lorsqu'ils ont été choisis par les parties comme leurs avocats de confiance. Si le requérant obtient gain de cause et que le retour de l'enfant est ordonné, l'art. 26 al. 4 CLaH80 prévoit toutefois la possibilité de mettre les frais à la charge de la personne qui a déplacé ou retenu l'enfant de manière illicite (arrêts 5A_535/2024 du 8 octobre 2024 consid. 5; 5A_193/2023 du 6 avril 2023 consid. 4.1; 5A_997/2018 du 11 janvier 2019 consid. 4). Conformément à l' art. 14 LF-EEA , l'art. 26 CLaH80 s'applique aux frais de justice au niveau cantonal et fédéral.
5.3. Les considérations qui précèdent permettent de retenir que l'arrêt attaqué est manifestement erroné. La cour cantonale ne pouvait d'abord mettre une indemnité de dépens à la charge du recourant. D'une part, à défaut de réserve émise par l'Ukraine fondée sur l'art. 26 al. 3 CLaH80, la procédure de retour était gratuite et la défense des parties devait être prise en charge par l'État. D'autre part, le recourant, qui a vu sa requête de retour rejetée, est le parent délaissé et non le parent ravisseur, en sorte que la faculté prévue à l'art. 26 al. 4 CLaH80 n'entrait aucunement en ligne de compte. A cela s'ajoute que le dispositif du jugement attaqué est en contradiction avec le raisonnement - erroné - tenu dans ses considérants: la décision querellée retient en effet que l'indemnité d'office ne serait due au conseil de l'intimée que si les dépens ne pouvaient être recouvrés; cette réserve n'est cependant pas reprise dans le dispositif, qui non seulement attribue une indemnité d'avocat d'office au conseil de l'intimée sans restriction, mais octroie en sus à cette dernière partie des dépens à la charge du recourant.
En définitive et vu les dispositions ici applicables (consid. 5.2 supra ; cf. art. 26 al. 2 CLaH80), le recours doit être admis en application de la procédure de l' art. 109 al. 2 let. b et al. 3 LTF et le dispositif de l'arrêt entrepris doit être réformé en ce sens que son chiffre VI est supprimé, aucune indemnité de dépens n'étant due à l'intimée.
6.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. Les conseils des parties sont indemnisés par la Caisse du Tribunal fédéral (art. 26 al. 2 CLaH80), la requête d'assistance judiciaire de l'intimée étant ainsi sans objet.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis et l'arrêt cantonal réformé en ce sens que le ch. VI de son dispositif est supprimé.
2.
La requête d'assistance judiciaire de l'intimée est sans objet.
3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
4.
Une indemnité de 1'000 fr., payée par la Caisse du Tribunal fédéral, est allouée à titre d'honoraires à Me Guillaume Bénard, avocat du recourant, ainsi qu'à Me Cléo Buchheim, avocate de l'intimée.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à C.________, à la Chambre des curatelles du Tribunal cantonal du canton de Vaud et à l'Office fédéral de la justice, Autorité centrale en matière d'enlèvement international d'enfants.
Lausanne, le 5 décembre 2024
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Herrmann
La Greffière : de Poret Bortolaso