Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
5A_259/2024
Arrêt du 24 juillet 2024
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Herrmann, Président,
von Werdt et De Rossa.
Greffière : Mme de Poret Bortolaso.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par Me Nour-Aïda Bujard, avocate,
recourante,
contre
Justice de paix du district de l'Ouest lausannois, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD,
intimée,
B.________ et C.________.
Objet
retrait du droit de déterminer le lieu de résidence des enfants, placement des enfants,
recours contre l'arrêt de la Chambre des curatelles du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 18 mars 2024 (LN22.048333-240135 51).
Faits :
A.
A.a. B.________, née en 2012, et C.________, né en 2016, sont les enfants de A.________ et de D.________.
Les parents, qui ne sont pas mariés, se sont séparés en décembre 2022.
A.________ a également trois autres enfants issus de précédentes unions; ceux-ci sont désormais majeurs.
A.b. Le 23 avril 2021, A.________ et D.________ ont signé une convention, approuvée le 2 juin 2021 par la juge de paix du district de l'Ouest lausannois (ci-après: la juge de paix ou la justice de paix), prévoyant l'autorité parentale conjointe, attribuant la garde de fait des enfants à la mère et fixant un libre et large droit de visite en faveur du père (à défaut d'entente: un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires).
A.c. La famille est suivie par la Direction générale de l'enfance et de la jeunesse (DGEJ) depuis 2020.
A.d. En janvier 2022, l'école a adressé à la DGEJ ainsi qu'à la justice de paix un premier "signalement d'un mineur en danger dans son développement", invoquant que les épisodes de violence conjugale se répercutaient sur les enfants et que les enseignants craignaient pour la vie de ceux-ci; un placement d'urgence était souhaité.
B.
A l'issue d'une audience tenue le 22 décembre 2022, la DGEJ a ouvert une enquête en limitation de l'autorité parentale, sur signalement effectué le 22 novembre 2022 par la DGEJ en raison du caractère préoccupant de la situation familiale générale (essentiellement: mise en place d'une action éducative en milieu ouvert [AEMO] en juillet 2022; instauration d'un réseau conséquent du point de vue médical et d'accompagnement global de la famille à la suite de l'hospitalisation de C.________ en raison d'un diagnostic de diabète de type I; inquiétude quant à la prise en charge particulière de cet enfant; grande instabilité familiale).
B.a.
B.a.a. Le 6 avril 2023, l'école a adressé à la DGEJ et à la justice de paix un nouveau "signalement d'un mineur en danger dans son développement". B.________ s'était présentée en classe avec un hématome sur le front, indiquant spontanément à son enseignante avoir été frappée par sa mère; la gestion du diabète de C.________ était inappropriée.
B.a.b. La DGEJ a établi un rapport d'évaluation le 24 mai 2023, dont il ressort en substance: la situation très précaire et fluctuante au niveau du logement familial (nombreuses allées et venues dans un 2 pièces accueillant parfois jusqu'à huit personnes), laquelle ne permettait pas d'assurer un climat serein et sécurisant aux enfants et d'assurer leurs besoins; les inquiétudes quant à la prise en charge particulière que nécessitait la maladie de C.________ et au suivi de celle-ci, plus globalement le laxisme de la mère dans la gestion cette maladie; les difficultés rencontrées en classe par l'enfant et la problématique de la gestion du diabète dans le contexte scolaire; les comportements préoccupants de B.________ (petits vols en magasin, égarement en chemin, absence de nouvelles); les réactions de violence (verbale et parfois physique) de la mère à son égard et les responsabilités que la mineure assumait sans qu'elles fussent les siennes. La DGEJ constatait par ailleurs que toutes les mesures d'accompagnement mises en place depuis janvier 2022 n'avaient pas permis de faire évoluer la situation, que la collaboration des parents était faible et que, si ces derniers adhéraient parfois aux propositions, ils ne les investissaient pas véritablement. La parentalité du père n'avait pu être évaluée de manière détaillée en raison de la séparation conflictuelle et de sa situation personnelle (sans domicile fixe); il était en conséquence difficile d'envisager un éventuel changement de garde en sa faveur ou une plus grande implication de celui-ci dans l'éducation des enfants. La DGEJ proposait en conséquence de retirer à la mère le droit de déterminer le lieu de résidence des enfants et de lui confier un mandat de placement et de garde.
Pour l'essentiel, les informations ressortant du rapport précité sont confirmées par les nombreux comptes-rendus/rapports/courriers établis en cours de procédure par les enseignantes et responsables d'établissement scolaire de C.________, l'AEMO et les intervenants médicaux (infirmière référente auprès de l'association pour la promotion de la santé et le maintien à domicile [APROMAD]; médecin associée au sein de l'unité d'endocrinologie, diabétologie et obésité pédiatrique du CHUV).
B.a.c. Le 2 juin 2023, la DGEJ a dénoncé pénalement A.________ en lien avec l'hématome présenté par B.________ au niveau du front, étant précisé que la mère a indiqué le caractère accidentel de cet événement à plusieurs reprises.
B.a.d. Le 7 septembre 2023, la juge de paix a procédé à l'audition de A.________, assistée de son conseil, et de deux assistantes sociales de la DGEJ. La mère a confirmé s'être rendue au Cameroun dans le courant du mois d'août 2023 afin de se marier avec un homme qui ne pouvait venir vivre en Suisse pour l'instant, laissant ses enfants aux soin d'une jeune fille dont l'infirmière référente auprès d'APROMAD avait précédemment relevé les connaissances "confuses" pour gérer le diabète de C.________.
Les enfants ont été entendus par la juge de paix le 19 septembre 2023.
B.a.e. Le 25 septembre 2023, un "rapport de consultation commune de neuropsychologie et pédopsychiatrie du 31.05.2023" a été établi au sujet de C.________ par des intervenants de l'unité de neurologie et neuroréhabilitation pédiatrique du CHUV - Consultation Troubles des Apprentissages Scolaires. Ceux-ci ont relevé un trouble déficitaire de l'attention léger à modéré ainsi qu'un léger retard dans les acquisitions, caractérisé par des difficultés de compréhension du langage oral et dans le langage écrit; l'enfant présentait par ailleurs des difficultés relationnelles et de communication ainsi qu'un attachement insécure-évitant sur le plan psychoaffectif.
B.a.f. Le 5 octobre 2023, la DGEJ a retranscrit le compte-rendu de E.________, infirmier en diabétologie à l'Hôpital de l'enfance et référent de C.________, suite à un séjour hospitalier de celui-ci, préconisé pour recalculer les doses appropriées d'insuline en raison du mauvais équilibre global de son diabète. Selon ce compte-rendu, l'hospitalisation avait mis en exergue que les hyperglycémies relevées la nuit et le matin étaient dues à un dosage trop faible du traitement; une réévaluation de ces dosages serait effectuée régulièrement. Au sujet de l'évaluation des compétences de la mère, l'infirmier indiquait que celle-ci effectuait les choses convenablement, adoptait les bons gestes de soins et calculait correctement les glucides pour déterminer la dose d'insuline, si bien que les hyperglycémies ne semblaient pas être dues à des carences ou à des négligences de sa part. L'infirmier avait malgré tout rappelé à A.________ l'importance de stimuler davantage son fils en l'encourageant à aller régulièrement jouer dehors plutôt que d'être devant les écrans.
Par courrier du même jour à la justice du paix, la DGEJ a maintenu ses conclusions en placement des enfants.
B.a.g. A.________ a pour sa part contesté les conclusions de la DGEJ par courrier du 30 octobre 2023.
B.b. Par décision du 11 décembre 2023, la justice de paix a notamment retiré le droit de A.________ et de D.________ de déterminer le lieu de résidence de leurs enfants en application de l' art. 310 CC et confié un mandat de placement et de garde à la DGEJ.
B.c. Statuant le 18 mars 2024 sur le recours formé par A.________, la Chambre des curatelles du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: la cour cantonale) l'a rejeté et a confirmé la décision prise par la justice de paix. L'arrêt a été déclaré exécutoire.
C.
Agissant le 22 avril 2024 par la voie du recours en matière civile au Tribunal fédéral, A.________ (ci-après: la recourante) conclut à l'annulation de la décision cantonale et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Elle sollicite le bénéfice de l'assistance judiciaire.
Des déterminations n'ont pas été demandées.
Considérant en droit :
1.
Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont ici réalisées (art. 72 al. 2 let. b ch. 6; art. 75 al. 1 et 2; art. 76 al. 1 let. a et b; art. 90; art. 100 al. 1 LTF ), étant précisé que la cause n'est pas de nature pécuniaire.
2.
2.1. Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF . Le Tribunal fédéral ne connaît par ailleurs de la violation de droits fondamentaux que si un tel grief a été expressément invoqué et motivé de façon claire et détaillée ("principe d'allégation", art. 106 al. 2 LTF ; ATF 147 I 73 consid. 2.1; 146 III 303 consid. 2).
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente ( art. 105 al. 1 LTF ). Il ne peut s'en écarter que si ceux-ci ont été constatés de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l' art. 95 LTF ( art. 105 al. 2 LTF ), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause ( art. 97 al. 1 LTF ). Le recourant qui soutient que les faits ont été établis d'une manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire au sens de l' art. 9 Cst. (ATF 148 IV 39 consid. 2.3.5; 147 I 73 consid. 2.2), doit satisfaire au principe d'allégation susmentionné ( art. 106 al. 2 LTF ; cf. supra consid. 2.1), étant rappelé qu'en matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 148 I 127 consid. 4.3; 147 V 35 consid. 4.2).
3.
La recourante invoque la violation de son droit d'être entendue ( art. 29 al. 2 Cst. ) et l'appréciation arbitraire des preuves.
3.1. Sous ces griefs, elle reproche essentiellement à la cour cantonale d'avoir refusé l'audition de E.________ et d'avoir relié à tort cette réquisition de preuve à un incident précis, en lien avec la pompe à insuline de son fils. Elle souligne le caractère crucial de cette audition et l'influence qu'elle serait susceptible d'avoir sur le sort de la cause.
3.2. Compris comme l'un des aspects de la notion générale de procès équitable au sens de l' art. 29 Cst. , le droit d'être entendu garantit au justiciable le droit de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, d'avoir accès au dossier, de prendre connaissance de toute argumentation présentée au tribunal et de se déterminer à son propos, dans la mesure où il l'estime nécessaire, que celle-ci contienne ou non de nouveaux éléments de fait ou de droit, et qu'elle soit ou non concrètement susceptible d'influer sur le jugement à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 et les références).
Le droit d'être entendu comprend également pour le justiciable le droit d'obtenir l'administration des preuves pertinentes et valablement offertes, de participer à l'administration des preuves essentielles et de se déterminer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 143 V 71 consid. 4.1; 142 II 218 consid. 2.3; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références). Cette garantie constitutionnelle n'empêche pas le juge de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de se forger une conviction et que, procédant de manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, il a la certitude qu'elles ne pourraient pas l'amener à modifier son opinion. Le refus d'une mesure probatoire ne viole ainsi le droit d'être entendu des parties que si l'appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a procédé, est entachée d'arbitraire (ATF 144 II 427 consid. 3.1.3; 141 I 60 consid. 3.3; 136 I 229 consid. 5.3).
3.3. Certes, la cour cantonale a relié le refus de procéder à l'audition de E.________ à la problématique de la pompe à insuline, estimant que l'entendre à propos de cet épisode unique était inutile; mais elle a également relevé qu'il n'était pas contesté que la recourante était bien intentionnée et faisait de son mieux, ce qu'était également censé démontrer l'audition de l'infirmier, à lire l'argumentation développée par la recourante devant l'autorité précédente pour appuyer sa demande d'audition. Dans cette mesure, la violation invoquée apparaît vaine.
L'appréciation anticipée des preuves à laquelle a procédé l'autorité cantonale en écartant le témoignage sollicité n'apparaît de surcroît aucunement arbitraire. La recourante ne démontre en effet nullement sa nécessité au regard des autres éléments préoccupants sur lesquels se sont fondés les juges cantonaux pour conclure au bien-fondé du placement, qu'elle ne critique pas, à savoir: son attitude dépassée (rendez-vous et soins médicaux, repas, besoins scolaires) et son impossibilité de fournir à ses enfants un cadre sécure et propice à leur bon développement, attestées par l'ensemble des intervenants (assistants sociaux, école, corps médical); le défaut de priorisation du bien-être de ses enfants, les ayant laissés aux bons soins d'une jeune fille sans connaissance suffisante au sujet de la maladie de son fils, pour aller se marier au Cameroun; son manque de disponibilité (formation; aide à ses autres enfants); la nécessité d'une attention et d'un suivi particuliers pour C.________ en raison de sa maladie; le fait que sa fille aînée était un peu livrée à elle-même et souffrait de troubles du comportement; les coups portées à celle-ci, objets d'une dénonciation pénale; le manque d'investissement du père, dont l'on ignorait le lieu de domicile; le défaut d'efficacité des nombreuses mesures mises sur pied jusqu'à présent et la grande inquiétude des différents intervenants au sujet des enfants. Affirmer que E.________ "connaîtrait bien" la famille et serait susceptible de "rassurer sur plusieurs reproches" qui lui seraient faits n'est assurément pas suffisant pour démontrer l'arbitraire de l'appréciation effectuée par l'autorité cantonale.
L'on précisera encore que l'éventuel logement des autres enfants de la recourante dans son appartement ne constitue pas le seul élément ayant conduit au prononcé du placement; le caractère prétendument arbitraire de cette affirmation cantonale n'est ainsi pas décisif. La recourante ne démontre par ailleurs pas en quoi sa gestion préoccupante du quotidien ne se rapporterait qu'à des événements désormais révolus, étant précisé que la gestion du diabète de C.________, dont elle affirme qu'elle serait actuellement mieux contrôlée par l'installation d'une pompe à insuline, n'est que l'un des aspects ayant conduit à la mesure contestée.
4.
En définitive, le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. Cette conclusion était d'emblée prévisible, en sorte que la requête d'assistance judiciaire de la recourante doit être rejetée ( art. 64 al. 1 LTF ) et les frais judiciaires mis à sa charge ( art. 66 al. 1 LTF ). Aucune indemnité de dépens n'est octroyée à l'intimée ( art. 68 al. 3 LTF ), qui n'a d'ailleurs pas été invitée à se déterminer.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
La requête d'assistance judiciaire de la recourante est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à B.________ et C.________ et à la Chambre des curatelles du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 24 juillet 2024
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Herrmann
La Greffière : de Poret Bortolaso