Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
5A_212/2024
Arrêt du 19 juillet 2024
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Herrmann, Président, von Werdt et De Rossa.
Greffière : Mme de Poret Bortolaso.
Participants à la procédure
A.A.________,
recourante,
contre
Justice de paix du district de Morges,
rue St-Louis 2, 1110 Morges,
1. B.A.________,
2. Service des curatelles et tutelles professionnelles,
Objet
curatelle de portée générale, changement de curateur provisoire (mesures provisionnelles),
recours contre l'arrêt de la Chambre des curatelles du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 22 février 2024 (QC09.041335-231516 34).
Faits :
A.
A.a. B.A.________ (1991) est le fils de A.A.________ et de feu C.A.________, décédé en juillet 2014.
B.A.________ souffre d'un grave trouble neurodéveloppemental du spectre autistique, diagnostiqué en 1994.
Suite au divorce de ses parents, prononcé le 12 décembre 2002, l'autorité parentale et la garde de B.A.________, alors mineur, ont été attribuées à sa mère.
A.b. Dans sa séance du 24 juin 2009, la justice de paix a prononcé l'interdiction civile à forme de l'art. 369 aCC de B.A.________ et prolongé, au sens de l'art. 385 al. 3 aCC, l'autorité parentale de A.A.________ sur son fils, avec effet à la majorité de celui-ci.
À l'entrée en vigueur du nouveau droit de la protection de l'adulte, la mesure d'interdiction civile instaurée en faveur de B.A.________ a été remplacée de plein droit par une curatelle de portée générale au sens de l' art. 398 CC , A.A.________ continuant à se charger du mandat en tant que curatrice.
A.c. Par décision du 26 novembre 2014, Me D.________, avocat, a été désigné en qualité de substitut de la curatrice au sens de l' art. 403 CC , aux fins de représenter B.A.________ dans la gestion des biens soumis à substitution fidéicommissaire hérités de son père, entre-temps décédé (montant soumis à substitution de l'ordre de 60 millions).
B.
Le 17 février 2023, le curateur substitut D.________ a écrit à la justice de paix pour lui faire part d'éléments inquiétants qui lui avaient été rapportés concernant l'exécution du mandat de curatelle par A.A.________, singulièrement la gestion financière des actifs de B.A.________. D.________ évoquait également les agissements préoccupants de la curatrice (consommation importante d'alcool, comportements incohérents, éventuels attouchements sur son fils), le changement continu des employés de maison, l'état d'hygiène discutable du logement et des craintes de mise en danger de l'intégrité de B.A.________.
Les inquiétudes liées à la gestion du patrimoine de celui-ci ressortaient de deux courriers ultérieurs datés du 28 avril 2023 et du 31 mai suivant.
B.a.
B.a.a. Une audience a été tenue par la justice de paix le 2 mai 2023, en présence de A.A.________ et de son conseil ainsi que du curateur substitut.
B.a.b. Le 10 mai 2023, la justice de paix a désigné un curateur substitut au sens de l' art. 403 CC afin de représenter B.A.________ dans la procédure pénale ouverte le 3 mai 2023 à l'encontre de sa mère pour des faits présumés de maltraitance physique, voire incestueux qu'elle aurait commis sur lui.
B.a.c. Par ordonnance de mesures superprovisionnelles du 1er juin 2023, la juge de paix a relevé provisoirement A.A.________ de son mandat de curatrice de portée générale et a nommé en qualité de curateur provisoire E.________ du Service des curatelles et tutelles professionnelles (ci-après SCTP).
Le curateur provisoire a établi un rapport le 15 juin 2023. Il y relevait la nécessité d'une évaluation de la situation par un spécialiste de l'autisme afin d'examiner l'adéquation du lieu de vie actuel de B.A.________, le besoin d'un étayage éducatif, voire médical et, le cas échéant, si la prise en charge par une structure spécialisée devait être envisagée. En l'état, l'encadrement quotidien et thérapeutique de l'intéressé était exclusivement privé et géré par sa mère.
B.a.d. La juge de paix a tenu une nouvelle audience le 26 juin 2023. Y ont été entendus la mère de la personne concernée, assisté de son conseil, le curateur substitut D.________ et le curateur provisoire.
B.b. A l'issue de cette audience, la juge de paix a rendu une ordonnance de mesures provisionnelles ouvrant une enquête en modification de la mesure de protection de l'adulte en faveur de B.A.________, levant la curatelle de portée générale instituée en sa faveur, instituant une curatelle provisoire de représentation avec limitation de l'exercice des droits civils pour tout acte l'engageant juridiquement et/ou financièrement au sens de l' art. 394 al. 2 CC ainsi qu'une curatelle de gestion avec privation de la faculté d'accéder et de disposer de l'ensemble des comptes bancaires et/ou postaux au sens de l' art. 395 al. 3 CC , nommé E.________ en qualité de curateur provisoire, institué une curatelle provisoire de représentation au sens de l' art. 394 al. 1 CC en faveur de B.A.________ et désigné A.A.________ en qualité de curatrice de représentation dans le domaine de la santé et de l'assistance personnelle ainsi qu'en matière d'administration et gestion courante jusqu'à un capital engagé de 8'000 fr. mensuels et, le cas échéant, de 3'000 fr. supplémentaires pour des dépenses courantes engageant des montants extraordinaires.
B.b.a. Différents courriers/rapports d'entreprises de nettoyage, du SCTP et du curateur provisoire, rédigés entre fin juillet et septembre 2023, de même que plusieurs témoignages instruits devant la justice de paix ( infra B.b.c) relatent les difficultés d'intervention au domicile de B.A.________, essentiellement en raison des agissements de A.A.________ (en substance: comportement inadéquat; initiatives concernant la gestion du personnel sans y être plus autorisée; impossibilité pour le SCTP d'engager un éducateur ou une éducatrice formé (e) pour encadrer B.A.________). La collaboration entre cette dernière et le SCTP, respectivement le curateur provisoire, était difficile, voire impossible.
B.b.b. Le 29 septembre 2023, la juge de paix a ordonné une expertise psychiatrique concernant B.A.________.
B.b.c. La juge de paix a tenu une nouvelle audience le 6 octobre 2023, lors de laquelle elle a notamment entendu le curateur provisoire et la mère de B.A.________ ainsi que plusieurs témoins.
À l'issue de cette audience, A.A.________ s'est engagée à prendre contact avec la structure "F.________", en collaboration avec le SCPT, afin d'assurer un accompagnement continu de son fils.
B.b.d. Le 23 octobre 2023, elle a toutefois informé la juge de paix qu'un premier rendez-vous avec l'organisme de soins G.________ était prévu le 31 octobre suivant.
Par courrier du 30 octobre 2023, la juge de paix a rappelé à l'intéressée la solution trouvée lors de l'audience du 6 octobre 2023 et l'a en conséquence exhortée à n'entreprendre aucune initiative visant à empêcher les intervenants de l'organisme "F.________" de faire leur travail ou à interrompre leurs prestations sans en avoir au préalable sollicité l'approbation.
Il ressort d'un échange de courriels entre le SCTP et A.A.________ des 31 octobre et 1er novembre 2023 qu'après l'envoi de la proposition de contrat pour une prise en charge de son fils par la société "F.________", l'intéressée avait remis en cause les prestations prévues.
Par courriel du 2 novembre 2023 et déterminations du 7 novembre suivant, A.A.________ a justifié sa prise de contact avec G.________.
B.c. Le 2 novembre 2023, la juge de paix a rendu une nouvelle ordonnance de mesures provisionnelles par laquelle elle a notamment levé les curatelles instituées par ordonnance du 26 juin 2023, relevé les curateurs - dont A.A.________ - de leurs fonctions (ch. I à III), institué une curatelle provisoire de portée générale au sens des art. 398 et 445 CC en faveur de B.A.________ (VI), celui-ci étant privé de l'exercice des droits civils (VII), et désigné un curateur provisoire. Cette ordonnance était immédiatement exécutoire (XIII).
Le 10 novembre 2023, la juge de paix a refusé de reconsidérer ou rapporter l'ordonnance précitée, contre laquelle A.A.________ a interjeté recours.
Le comportement problématique de celle-ci envers les collaborateurs de "F.________" a par la suite été relevé à plusieurs reprises, au point de mettre en oeuvre d'un agent de sécurité 24 heures sur 24 au domicile de B.A.________ jusqu'au prochain tournus du personnel.
La juge déléguée de la Chambre des curatelles du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: la cour cantonale ou la chambre des curatelles) a refusé de restituer l'effet suspensif au recours le 17 novembre 2023.
Celui-ci a été rejeté par arrêt du 22 février 2024.
C.
Par acte expédié le 2 avril 2024, A.A.________ (ci-après: la recourante) exerce contre cette décision un recours en matière civile et un recours constitutionnel subsidiaire au Tribunal fédéral. La recourante conclut principalement à ce que l'arrêt cantonal soit réformé en ce sens que l'ordonnance de la justice de paix du 2 novembre 2023 est annulée, elle-même restant toujours la curatrice de représentation en matière de santé et d'assistance personnelle de son fils B.A.________; subsidiairement, elle demande le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Des déterminations n'ont pas été demandées.
D.
La requête d'effet suspensif de la recourante a été rejetée par ordonnance présidentielle du 26 avril 2024.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et avec un plein pouvoir d'examen la recevabilité des recours dont il est saisi (ATF 149 IV 9 consid. 2; 148 IV 155 consid. 1.1).
1.1. Le recours est dirigé contre une décision confirmant l'instauration d'une curatelle provisoire de portée générale en faveur de B.A.________ et la nomination d'un curateur chargé d'assurer ce mandat, lesquelles impliquent notamment la levée de la curatelle provisoire de représentation de l'intéressé dans le domaine de la santé et de l'assistance personnelle, pour laquelle la recourante était jusqu'alors mandatée ( art. 445 al. 1 CC en lien avec les art. 394 al. 1 et 398 CC ). Il s'agit ainsi d'une décision incidente au sens de l' art. 93 LTF , dont l'on peut admettre, dans le cas particulier, qu'elle est susceptible de causer un préjudice irréparable à la recourante ( art. 93 al. 1 let. a LTF ) : ainsi qu'elle le soutient, la décision querellée la prive en effet, pour la durée de la procédure, des prérogatives médicales dont elle disposait jusqu'à présent en faveur de son fils, atteint d'un grave trouble autistique.
1.2. Les autres conditions du recours en matière civile sont pour le surplus réalisées (art. 72 al. 2 let. 6; art. 75 al. 1 et 2; art. 76 al. 1 let. a et b; art. 100 al. 1 avec l' art. 46 al. 2 let. a LTF ), étant précisé que la cause n'est pas de nature pécuniaire. Le recours constitutionnel subsidiaire est en conséquence irrecevable ( art. 113 LTF ).
2.
2.1. La décision attaquée porte sur des mesures provisionnelles au sens de l' art. 98 LTF - ce que la recourante ne paraît pas avoir perçu -, en sorte que la partie recourante ne peut dénoncer que la violation de droits constitutionnels. Le Tribunal fédéral n'examine de tels griefs que s'ils ont été invoqués et motivés par le recourant ("principe d'allégation", art. 106 al. 2 LTF ), c'est-à-dire s'ils ont été expressément soulevés et exposés de manière claire et détaillée (ATF 148 V 366 consid. 3.3; 147 I 73 consid. 2.1; 146 III 303 consid. 2).
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente ( art. 105 al. 1 LTF ). Dans l'hypothèse d'un recours soumis à l' art. 98 LTF , le recourant qui soutient que les faits ont été établis d'une manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire au sens de l' art. 9 Cst. (ATF 148 IV 39 consid. 2.3.5; 147 I 73 consid. 2.2; 144 III 93 consid. 5.2.2), doit, sous peine d'irrecevabilité, satisfaire au principe d'allégation susmentionné ( art. 106 al. 2 LTF ; cf. supra consid. 2.1), étant rappelé qu'en matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 147 V 35 consid. 4.2; 143 IV 500 consid. 1.1; 140 III 264 consid. 2.3).
3.
La recourante prétend d'abord que la décision de lui retirer le mandat de curatelle de représentation qui lui avait été conféré par l'ordonnance de mesures provisionnelles du 26 juin 2023 serait liée à un malentendu en lien avec les démarches qu'elle avait effectuées auprès de G.________ en date du 23 octobre 2023 ( supra let. B.b.d). S'appuyant sur cette prémisse, elle invoque la violation de l'interdiction de l'arbitraire ainsi que celle de son droit d'être entendue.
3.1. La Chambre des curatelles a considéré que l'existence d'un prétendu malentendu concernant les initiatives de la recourante relatives à l'aide à domicile, singulièrement sa prise de contact avec G.________, était sans pertinence sur le sort de la cause: la décision prise par la justice de paix se fondait en effet sur des éléments allant largement au-delà de cette démarche et des doutes quant à la volonté de l'intéressée d'évincer ainsi l'organisme "F.________". Selon la décision entreprise, c'était en effet la gestion problématique de la curatelle par la recourante (essentiellement: exigences inadaptées et maltraitance à l'égard du personnel, avec comme conséquence une entrave à l'intervention des sociétés d'assistance à la personne et aux soins médicaux), qui avait déterminé la justice de paix à relever l'intéressée de ses fonctions, les défaillances constatées empêchant la personne concernée d'accéder aux soins dont elle avait besoin pour sa vie et sa survie.
3.2. La recourante se limite à opposer le caractère décisif de cette soit-disant méprise des juges cantonaux au sujet de son initiative auprès de G.________, se fondant d'abord sur une version des faits qui lui est propre, sans contester ensuite le manque de prépondérance de cet élément au regard de ceux pris en considération par la Chambre des curatelles. Ce mode de procéder est vain en référence aux exigences de motivation strictes qui s'appliquent ici (consid. 2 supra ). En tant que fondée sur l'impossibilité d'avoir pu s'exprimer pour déjouer ce malentendu, le grief de violation du droit d'être entendu qu'invoque la recourante perd ainsi tout objet. Celle-ci ne précise ensuite nullement en quoi elle aurait été empêchée de se prononcer sur les éléments pris en considération par la cour cantonale pour confirmer la décision prise par la juge de paix. La vague allégation selon laquelle elle "semblait" avoir été exclue de la procédure, en se référant à une éventuelle "relation directe" entre "certains intervenants" ne démontre aucunement que l'audience d'instruction et de jugement que la recourante requiert aurait été nécessaire avant de rendre la décision dont est recours.
4.
La recourante se plaint ensuite de la violation des art. 388 et 423 al. 1 ch. 1 CC .
4.1. Pour l'essentiel, la motivation de la recourante ne fait référence à la violation d'aucun droit constitutionnel; elle est ainsi irrecevable ( supra consid. 2.1).
4.2. La recourante se contente ensuite de soutenir que la constatation selon laquelle elle émettrait des exigences inadaptées et maltraiterait le personnel serait arbitraire. Simple affirmation nullement étayée, cette critique est irrecevable.
4.3. La recourante tente enfin, dans ce contexte, de revenir à nouveau sur la violation de son droit d'être entendue ( supra consid. 3.2), reprochant de surcroît à la cour cantonale l'arbitraire en ce qu'elle n'avait aucunement apprécié les pièces qu'elle avait produites en lien avec les mesures mises en place en vue de concrétiser le mandat de "F.________". Cette critique est sans objet, cette question étant scellée par le considérant précédent.
5.
Dans un dernier grief, la recourante invoque la violation du principe de proportionnalité ( art. 5 al. 2 Cst. ). D'emblée, il convient de lui rappeler que celui-ci ne constitue pas un droit fondamental (ATF 140 II 194 consid. 5.8.2; 135 V 172 consid. 7.3.2). Dans la mesure où ce principe n'est pas même invoqué en lien avec la violation de l'arbitraire, ce qui permettrait de l'examiner sous cet angle (140 II 194 consid. 5.8.2; 134 I 153 consid. 4.1; arrêts 5A_163/2022 du 14 octobre 2022 consid. 3.4; 5D_204/2023 du 8 mars 2024 consid. 4.2.1), il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur cette dernière critique.
6.
En définitive, la motivation lacunaire du recours ne peut que conduire à constater son irrecevabilité. Les frais judiciaires sont à la charge de la recourante ( art. 66 al. 1 LTF ). Il n'y a pas lieu d'attribuer de dépens au SCTP pour ses déterminations sur la requête d'effet suspensif ( art. 68 al. 3 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est irrecevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué à la recourante, à la Justice de paix du district de Morges, à B.A.________, au Service des curatelles et tutelles professionnelles et à la Chambre des curatelles du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 19 juillet 2024
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Herrmann
La Greffière : de Poret Bortolaso