Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
2C_307/2024
Décision du 19 juillet 2024
IIe Cour de droit public
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz et Ryter.
Greffière : Mme Kleber.
Participants à la procédure
A.________,
recourant,
contre
Université de Genève, École d'avocature,
Boulevard du Pont-d'Arve 40, 1211 Genève 4,
intimée.
Objet
Élimination de la formation; demande de récusation
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 1ère section, du 23 avril 2024 (ATA/508/2024).
Considérant en fait et en droit :
1.
A.________, né en 1988, a suivi l'École d'avocature de la faculté de droit de l'Université de Genève (ci-après : ECAV ou École d'avocature) durant le semestre de printemps 2023. Il a échoué à la session d'examens de juin 2023 et a repassé ceux-ci à la session de septembre 2023. Par décision du 27 septembre 2023, le candidat a été éliminé de la formation et de l'ECAV, sa série d'examens de septembre 2023 n'ayant pas été réussie.
Par décision sur opposition du 17 janvier 2024, le Conseil de direction de l'ECAV a admis l'opposition de A.________, annulé la décision d'élimination du 27 septembre 2023, dit que le candidat pouvait se présenter à la session d'examens de juin 2024 pour une ultime tentative, dit que la note d'examen d'expression orale de 5.5 obtenue à la session d'examens de septembre 2023 était acquise et dispensé le candidat de se présenter à cet examen lors de la prochaine session.
Par arrêt du 23 avril 2024, la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) a déclaré irrecevable le recours formé par A.________ contre la décision du 17 janvier 2024.
2.
Le 10 juin 2024, A.________ a adressé au Tribunal fédéral un recours en matière de droit public et un recours constitutionnel subsidiaire. Il a notamment demandé à ce que l'effet suspensif soit accordé à son recours.
Le 10 juin 2024, le Tribunal fédéral a adressé aux parties les avis de réception du recours. Il est mentionné le numéro de cause et il en ressort que la cause sera traitée par la IIe Cour de droit public du Tribunal fédéral.
Par ordonnance du 2 juillet 2024, la Présidente de la IIe Cour de droit public du Tribunal fédéral a déclaré la demande d'effet suspensif, respectivement de mesure provisionnelle, sans objet. L'ordonnance est signée par la Présidente de la IIe Cour de droit public. Sur la première page de l'ordonnance, à côté du numéro de cause, figurent les initiales "DCE", qui correspondent à Claude-Emmanuel Dubey, greffier à la IIe Cour de droit public du Tribunal fédéral.
3.
Par acte du 10 juillet 2024, A.________ forme une demande de récusation à l'encontre de Claude-Emmanuel Dubey. Il explique avoir remarqué que les initiales (DCE) de ce greffier figuraient en tête de l'ordonnance du 2 juillet 2024 rejetant sa demande d'effet suspensif et relève que Claude-Emmanuel Dubey est membre du corps enseignant de l'École d'avocature. Selon lui, cela justifierait l'annulation de l'ordonnance présidentielle du 2 juillet 2024. Il conviendrait donc de reprendre la procédure et de "restituer l'effet suspensif" à son recours. A.________ sollicite par ailleurs la tenue d'une audience publique devant le Tribunal fédéral.
4.
4.1. Des mesures probatoires devant le Tribunal fédéral ne sont qu'exceptionnellement ordonnées dans une procédure de recours (ATF 136 II 101 consid. 2). La loi sur le Tribunal fédéral ne prévoit en principe pas d'audience publique dans la procédure probatoire et la procédure de jugement. Un interrogatoire des parties ou des débats peuvent cependant être ordonnés, en cas de nécessité ( art. 55 al. 3 et 57 LTF ). La tenue de débats devant le Tribunal fédéral revêt un caractère exceptionnel et les parties n'ont en principe aucun droit à ce qu'il y soit procédé (arrêt 2C_844/2009 du 22 novembre 2010 consid. 3.2.3, non publié in ATF 137 II 40; JEAN-MAURICE FRÉSARD, Commentaire de la LTF, 3 e éd. 2022, no 11 ad art. 57 LTF ).
4.2. En l'occurrence, on ne se trouve pas dans une situation exceptionnelle qui exigerait la tenue de débats. En effet, aucun élément de fait n'est contesté s'agissant de la question de la récusation et le demandeur a pu exposer tous ses arguments par écrit. L'ordonnance du 2 juillet 2024 de la Présidente de la IIe Cour de droit public n'ayant pas à être annulée (cf. infra consid. 5.5), la question d'une audience publique en lien avec l'effet suspensif au recours à l'origine de la présente procédure ne se pose par ailleurs pas.
La demande tendant à la tenue d'une audience publique est rejetée.
5.
5.1. Selon l' art. 34 al. 1 let . e LTF, les juges et les greffiers se récusent s'ils pouvaient être prévenus de toute autre manière, notamment en raison d'une amitié étroite ou d'une inimitié personnelle avec une partie ou son mandataire. Cette norme, qui concrétise les garanties d'indépendance et d'impartialité découlant de l' art. 30 al. 1 Cst. , a la portée d'une clause générale en tant qu'elle permet la récusation d'un juge ou d'un greffier dès que celui-ci peut être prévenu de toute autre manière que les motifs énumérés à l'art. 34 al. 1 let. a à d LTF (ATF 138 IV 142 consid. 2.1). Sont ainsi visées toutes les circonstances propres à révéler une apparence de prévention et à faire douter de l'impartialité du juge ou du greffier (arrêts 4A_82/2022 du 26 avril 2022 consid. 2.2; 2F_7/2019 du 21 mars 2019 consid. 3.1). L'existence d'un motif de prévention, au sens de la disposition en cause, est une question d'appréciation qui doit être tranchée de manière objective; ainsi, une apparence de prévention ne saurait être retenue sur la base des impressions purement individuelles des parties au procès. En revanche, la récusation sera admise dès qu'il existe une apparence objective de parti pris; peu importe que le juge ou greffier concerné se sente lui-même apte à se prononcer, respectivement à agir en toute impartialité (ATF 138 I 1 consid. 2.2).
5.2. La partie qui sollicite la récusation d'un juge ou d'un greffier doit présenter une demande écrite au Tribunal fédéral dès qu'elle a connaissance du motif de récusation (art. 36 al. 1 première phrase LTF). Les opérations auxquelles a participé une personne tenue de se récuser sont annulées si une partie le demande au plus tard cinq jours après avoir eu connaissance du motif de récusation ( art. 38 al. 1 LTF ).
5.3. L' art. 36 al. 1 LTF ne fixe pas de délai. La jurisprudence a toutefois précisé que la partie qui sollicite la récusation doit former sa demande aussitôt, c'est-à-dire dans les jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation (arrêts 8F_5/2020 du 10 mai 2021 consid. 2.3.1; 1B_390/2017 du 31 octobre 2017 consid. 2.1), sous peine de déchéance du droit de demander la récusation (ATF 143 V 66 consid. 4.3; 140 I 271 consid. 8.4.3). Il s'agit d'une concrétisation du principe de la bonne foi et de l'interdiction de l'abus de droit, qui imposent d'invoquer dès que possible le motif de récusation dont on a connaissance (ATF 143 V 66 consid. 4.3).
Si une partie a connaissance d'un motif de récusation concernant un juge ordinaire qui siège dans la cour concernée par la cause, elle doit l'invoquer sans tarder; peu importe qu'elle ignore si le juge en question fera ou non partie du collège appelé à statuer. Elle ne peut pas attendre de recevoir le dispositif ou l'arrêt mentionnant la composition exacte du collège qui s'est prononcé (arrêts 6B_388/2015 du 22 juin 2015 consid. 1.1; 8F_5/2013 du 9 juillet 2013 consid. 2.1.1; 2F_2/2012 du 24 février 2012 consid. 2.2). Cette exigence découle du fait que, conformément à l' art. 18 al. 1 LTF , la composition des cours est rendue publique. Les parties sont ainsi réputées connaître l'identité des juges ordinaires appelés à statuer dans leur cause, sans que celle-ci ne doive leur être communiquée individuellement (ATF 140 I 271 consid. 8.1.3; 139 III 120 consid. 3.2). Cela vaut en tous les cas lorsque les parties sont assistées d'un avocat (ATF 139 III 120 consid. 3.2.1).
En principe, la récusation d'un greffier doit intervenir au même moment, car les noms des greffiers attribués à chaque cour du Tribunal fédéral sont aussi publiés dans l'annuaire officiel, ainsi, en principe, que sur le site internet du Tribunal fédéral (arrêt 6B_388/2015 du 22 juin 2015 consid. 1.1; décision 8C_41/2013 du 15 mars 2013; FLORENCE AUBRY GIRARDIN, in Commentaire de la LTF, 3e éd. 2022, no 10 ad art. 36 LTF ). Dans la règle, la partie doit agir, au plus tard, dans les 6 à 7 jours (arrêts 6B_388/2015 du 22 juin 2015 consid. 1.1; 1B_60/2014 du 1er mai 2014 consid. 2.2). En tous les cas, une demande de récusation formulée deux à trois semaines après que la partie a eu connaissance du motif de récusation est tardive (arrêts 1B_630/2020 du 23 mars 2021 consid. 2.2; 1B_499/2012 du 7 novembre 2012 consid. 2.3).
Concernant le point de départ du délai, certains arrêts laissent entendre que le recourant qui connaît un motif de récusation à l'encontre d'un juge ordinaire ou d'un greffier du Tribunal fédéral devrait formuler la demande de récusation dans le recours déjà ou en même temps (arrêts 1B_120/2018 du 29 mai 2018 consid. 1.5; 6F_12/2011 du 19 octobre 2011 consid. 2.3). Dès lors qu'il n'est pas forcément évident pour les parties de savoir dans quelle cour leur cause sera attribuée (question qui est réglée aux art. 29 ss du règlement sur le Tribunal fédéral du 20 novembre 2006 [RTF; RS 173.110.131]) et partant quels juges et greffiers seront concernés, on peut envisager comme autre point de départ le courrier du Tribunal fédéral dans lequel le numéro de cause et la cour appelée à statuer sont indiqués (cf. FLORENCE AUBRY GIRARDIN, op. cit. , no 8 ad art. 36 LTF ; cf. en ce sens, décision 8C_41/2013 du 15 mars 2013; arrêt 8F_5/2013 du 9 juillet 2013). En l'espèce, la question du point de départ n'a pas besoin d'être tranchée définitivement, car la demande est de toute façon tardive (cf. infra consid. 5.4).
5.4. En l'occurrence, le recourant reproche au greffier Claude-Emmanuel Dubey d'être prévenu à son encontre, dès lors que ce greffier donne un cours à l'École d'avocature, qui se trouve être la partie intimée dans la cause pendante au Tribunal fédéral. Le recourant connaît toutefois ce motif de récusation depuis le début de la procédure devant le Tribunal fédéral; il ne l'a pas découvert lorsque l'ordonnance présidentielle du 2 juillet 2024 lui a été notifiée. En effet, le recourant ayant suivi les cours de l'École d'avocature, il savait avant le dépôt de son recours au Tribunal fédéral que Claude-Emmanuel Dubey fait partie du corps enseignant du programme et qu'il y dispense un cours ponctuel. Il savait aussi que celui-ci exerce comme greffier à la IIe Cour de droit public du Tribunal fédéral, étant souligné que cette dernière information figure sur le site internet de l'École d'avocature, sur le site internet du Tribunal fédéral et dans l'annuaire officiel de la Confédération. Au vu des circonstances, on ne saurait retenir que le recourant ignorait les motifs de récusation avant l'ordonnance du 2 juillet 2024. Même si celui-ci n'est pas accompagné d'un avocat dans la procédure, il disposait de toutes les informations pour se rendre compte que Claude-Emmanuel Dubey pourrait être impliqué, en tant que greffier, dans le traitement d'une affaire au Tribunal fédéral. Le recourant ne prétend d'ailleurs pas le contraire dans ses écritures. Le point de départ du délai pour demander la récusation n'est donc pas l'ordonnance du 2 juillet 2024 comme le fait valoir le recourant.
Le 13 juin 2024, la Chancellerie de la IIe Cour de droit public du Tribunal fédéral a adressé aux parties les avis de réception dans la cause. À partir de ce moment, le recourant savait de manière certaine que sa cause allait être traitée par la Cour à laquelle le greffier Claude-Emmanuel Dubey est rattaché. Il devait donc invoquer au plus tard dans les jours qui ont suivi la réception de cet avis les motifs de récusation. En formant sa demande de récusation le 10 juillet 2024, soit plus de trois semaines après l'avis de réception, le recourant a agi de manière tardive. Pour ce motif, la demande de récusation doit être déclarée irrecevable.
5.5. Au surplus, en tant que le recourant entendait, par le biais de sa demande de récusation, obtenir l'annulation de l'ordonnance du 2 juillet 2024 déclarant sans objet la demande d'effet suspensif formée dans le recours, il est relevé que cette ordonnance émane uniquement de la Présidente de la IIe Cour de droit public, qui l'a signée seule, en application de l' art. 32 LTF . Ainsi, le fait que les initiales "DCE" apparaissent sur la page de garde, à côté du numéro de référence, n'aurait de toute façon pas justifié d'annuler cet acte, le motif de récusation fût-il justifié.
5.6. Dès lors qu'un motif de récusation doit être pris en compte d'office par le Tribunal fédéral ( art. 34 al. 1 LTF ; cf. FLORENCE AUBRY GIRARDIN, op. cit., no 13 ad art. 36 LTF ), il est précisé que le greffier Claude-Emmanuel Dubey, qui donne un cours de 3h une fois par année à l'École d'avocature, ne fonctionnera pas en tant que greffier dans la cause opposant le recourant à l'École d'avocature, afin d'éviter toute apparence de prévention extérieure.
5.7. Il est précisé que la question des frais judiciaires de la cause sera traitée dans l'arrêt au fond.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
La demande de débats publics est rejetée.
2.
La demande de récusation est irrecevable.
3.
La présente décision est communiquée aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 1ère section.
Lausanne, le 19 juillet 2024
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : F. Aubry Girardin
La Greffière : E. Kleber