La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/01/2024 | SUISSE | N°2C_222/2023

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral, IIe Cour de droit public  , Arrêt du 19 janvier 2024  , 2C 222/2023


 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_222/2023  
 
 
Arrêt du 19 janvier 2024  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz et Ryter. 
Greffier : M. Jeannerat. 
 
Participants à la procédure 
Consortium A.________, formé par : 
 
1. B.________ AG, 
2. C.________ AG, 
3. D.________ SA, 
toutes les trois représentées par Maîtres Beat Denzler et Heinrich Hemp

el, Avocats, 
recourant, 
 
contre  
 
Consortium E.________, formé par : 
 
1. F.________ SA, 
2. G.________ SA, 
3. H.________ SA, 
intimé, 
 
Chemins de fer fé...

 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_222/2023  
 
 
Arrêt du 19 janvier 2024  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz et Ryter. 
Greffier : M. Jeannerat. 
 
Participants à la procédure 
Consortium A.________, formé par : 
 
1. B.________ AG, 
2. C.________ AG, 
3. D.________ SA, 
toutes les trois représentées par Maîtres Beat Denzler et Heinrich Hempel, Avocats, 
recourant, 
 
contre  
 
Consortium E.________, formé par : 
 
1. F.________ SA, 
2. G.________ SA, 
3. H.________ SA, 
intimé, 
 
Chemins de fer fédéraux suisses CFF SA, Infrastructure, rue de la Gare de Triage 5, 1020 Renens VD, représentés par Maîtres Hans Rudolf Trüeb et Matthieu Seydoux, Avocats, 
autorité intimée. 
 
Objet 
Marchés publics, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour II, du 3 avril 2023 (B-4473/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 15 juin 2021, les Chemins de fer fédéraux suisses CFF SA (ci-après: les CFF) ont publié, sur la plateforme simap.ch , un appel d'offres pour un marché de travaux de construction intitulé " Doublement de la voie Gléresse-Douanne/Lot 2/Tunnel de Ligerz ".  
Sous leur chiffre 3.3, intitulé " Critères impératifs d'exigences minimales ", les dispositions de l'appel d'offres - auxquelles renvoyait le chiffre 3.1 de l'appel d'offres - indiquaient que "l'offre d[evait] impérativement remplir les exigences minimales EM ci-dessous, faute de quoi elle ne sera[it] pas prise en compte dans l'évaluation". Sous ce chiffre étaient ensuite indiqués les justificatifs requis pour toutes les personnes clés du projet (J6), ainsi que ceux demandés pour chacune d'elles en particulier (J6.0 à J6.11). Etait notamment considéré comme personne clé le "Responsable durabilité et environnement" (J6.11).  
En l'occurrence, s'agissant de l'exigence minimale dite EM1, valable pour chacune des personnes clés, les dispositions de l'appel d'offres requéraient, entre autres, les justificatifs suivants: 
 
- Indication sur la formation et l'expérience professionnelle du personnel prévu; 
- 1 référence d'un projet réalisé au cours des 15 dernières années et comparable au présent marché sur le plan de la taille, de la complexité et des attributions du personnel clé impliqué. La référence fournie doit indiquer, pour l'essentiel, la fonction, les tâches principales et l'expérience acquise. Les projets de référence doivent être terminés ou avoir été réalisés conformément aux conditions pour chaque personne clé. 
Pour la personne clé J6.11, soit le "Responsable durabilité et environnement", les dispositions de l'appel d'offres exigeaient par ailleurs les justificatifs suivants: "1 référence de projet de tunnel avec excavation à l'explosif, gros oeuvre achevé à environ 90 pour cent [Montant min 10 MCHF HT]". 
 
A.b. Dans le délai de dépôt des offres, le Consortium A.________, formé par les sociétés B.________ AG, C.________ AG et D.________ SA (ci-après: le consortium A.________) a déposé, dans deux enveloppes séparées, une offre technique et une offre commerciale. || a également déposé une variante à l'offre de base, à savoir une variante technique et une variante commerciale.  
Le 13 janvier 2022, après avoir été averti par les CFF que la personne clé qu'il proposait pour la fonction de "Responsable durabilité et environnement" ne répondait pas aux exigences minimales EM1 des dispositions de l'appel d'offres, le Consortium A.________ a déposé des offres de base rectifiées. 
Par courrier du 4 mars 2022, le pouvoir adjudicateur a indiqué au Consortium A.________ que ses offres ne seraient pas examinées, tout en précisant que cette information ne constituait pas une décision. 
 
A.c. Par décision du 13 septembre 2022, le pouvoir adjudicateur a attribué le marché en cause au Consortium E.________, composé des sociétés F.________ SA, G.________ SA et H.________ SA.  
 
B.  
Par décision du 15 septembre 2022, le pouvoir adjudicateur a formellement exclu le Consortium A.________ de la procédure de soumission en relation avec le marché susmentionné. 
Le Consortium A.________ a formé recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif fédéral. Celui-ci a rejeté ledit recours dans la mesure de sa recevabilité par arrêt du 3 avril 2023. 
 
C.  
Par mémoire du 20 avril 2023, le Consortium A.________ (ci-après: le consortium recourant) a déposé auprès du Tribunal fédéral un recours en matière de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 3 avril 2023. Principalement, il demande l'annulation de son exclusion de la procédure d'adjudication, ainsi que celle de la décision d'adjudication opérée le 13 septembre 2022 en faveur du Consortium E.________, avant de conclure au renvoi de la cause aux CFF pour réévaluation des offres, y compris la sienne. Subsidiairement, il demande au Tribunal fédéral de constater l'illégalité de son exclusion de la procédure de soumission et de la décision d'adjudication. Il sollicite en outre l'octroi de l'effet suspensif à son recours à titre superprovisionnel et provisionnel. 
La Présidente de la Cour de céans a rejeté la demande d'effet suspensif par ordonnance du 23 mai 2023. 
A l'instar des membres du Consortium E.________, le Tribunal administratif fédéral a renoncé à prendre position sur le recours, renvoyant aux considérants de l'arrêt attaqué. Les CFF se sont pour leur part déterminés sur le recours, concluant à son irrecevabilité, subsidiairement à son rejet. 
Par courrier du 26 juin 2023, les CFF ont annoncé avoir conclu le contrat avec le Consortium E.________ (ci-après: le consortium intimé). 
Les CFF ont adressé une détermination spontanée à l'issue de laquelle ils concluent à nouveau à l'irrecevabilité du recours. Le consortium recourant a répondu. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence ( art. 29 al. 1 LTF ) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 147 I 333 consid. 1). 
 
1.1. Dans le domaine des marchés publics, en vertu de l' art. 83 let . f LTF, le recours en matière de droit public n'est recevable qu'à la double condition que la décision attaquée soulève une question juridique de principe (ch. 1) et que la valeur estimée du marché à adjuger ne soit pas inférieure à la valeur-seuil déterminante visée à l'art. 52 al. 1 de la loi fédérale du 21 juin 2019 sur les marchés publics (LMP; RS 172.056.1) et fixée à l'annexe 4 ch. 2 de cette même loi (ch. 2). Ces deux conditions sont cumulatives (ATF 141 II 14 consid. 1.2).  
 
1.2. En l'occurrence, le recours est dirigé contre un arrêt du Tribunal administratif fédéral confirmant l'exclusion du consortium recourant d'une procédure d'appel d'offres des CFF concernant un doublement de la voie ferroviaire dans un tunnel, étant précisé que ce marché de travaux de construction a finalement été adjugé au consortium intimé pour un prix de plusieurs centaines de millions de francs. Il s'ensuit que la valeur du marché public litigieux au fond dépasse largement la valeur seuil de l' art. 83 let . f ch. 2 LTF, étant précisé que l'annexe 4 ch. 2 LMP la fixe en l'occurrence à 2'000'000 fr. pour les travaux de construction commandés par des entreprises publiques ou privés assurant, comme les CFF, un service public au sens de l' art. 4 al. 2 LMP . Reste donc à examiner si le consortium recourant soulève une question juridique de principe en la cause, ce qu'il lui incombe de démontrer, sous peine d'irrecevabilité (cf. art. 42 al. 2 LTF ; ATF 141 II 113 consid. 1.2), à moins que l'existence d'une telle question ne s'impose avec évidence (arrêt 2D_25/2018 du 2 juillet 2019 consid. 1.1, non publié in ATF 145 II 249).  
 
1.3. Selon la jurisprudence, il y a question juridique de principe lorsqu'il est nécessaire, pour résoudre le cas d'espèce (ATF 146 II 276 consid. 1.2 in fine ), de trancher une question juridique qui donne lieu à une incertitude caractérisée, laquelle appelle de manière pressante un éclaircissement de la part du Tribunal fédéral, en tant qu'autorité judiciaire suprême chargée de dégager une interprétation uniforme du droit fédéral (ATF 145 1 239 consid. 4.3; 139 III 182 consid. 1.2). Il ne suffit pas que le Tribunal fédéral ne se soit pas encore prononcé (arrêt 2D_17/2020 du 30 novembre 2020 consid. 1.2.1), il faut que l'importance du problème soulevé pour la pratique mérite une clarification par la jurisprudence (ATF 146 II 276 consid. 1.2.1; 143 II 425 consid. 1.2.3 ; 138 1 143 consid. 1.1.2). Il peut aussi y avoir question juridique de principe lorsqu'une question déjà tranchée mérite d'être réexaminée parce que la jurisprudence n'est pas claire ou constante, que des arguments nouveaux font douter de son bien-fondé, qu'elle suscite d'importantes critiques dans la doctrine (ATF 134 III 354 consid. 1.3) ou lorsqu'il convient de préciser celle-ci (cf. ATF 141 III 159 consid. 1.2). En revanche, il n'y a pas question juridique de principe s'il s'agit d'appliquer des principes jurisprudentiels reconnus au cas d'espèce (ATF 146 II 276 consid. 1.2.1 ; 143 11 425 consid. 1.3.2). Il convient enfin de rappeler que le Tribunal fédéral n'a pas pour fonction de trancher des questions abstraites (cf. en matière d'assistance administrative, ATF 142 II 161 consid. 3). Il faut donc, pour que le recours soit recevable sous l'angle de l' art. 83 let . f ch. 1 LTF, que la question juridique de principe soulevée par la partie recourante soit déterminante pour l'issue du litige, ce qui suppose notamment qu'elle soit en lien avec les éléments de fait et le raisonnement juridique ressortant de l'arrêt attaqué (cf., mutatis mutandis, arrêt 2C_672/2018 du 27 août 2018 consid. 3.2; cf. aussi arrêt 2C_1046/2019 du 23 décembre 2019 consid. 3 et les arrêts cités).  
 
1.4. En l'occurrence, dans son arrêt, le Tribunal administratif fédéral a considéré que les CFF étaient en droit d'exclure le consortium recourant de la procédure d'adjudication des travaux du doublement de la voie dans le tunnel de Gléresse dans la mesure où, après vérifications, la personne clé que le consortium recourant avait proposée dans ses offres pour la fonction de "Responsable durabilité et environnement" (J6.11) n'avait encore jamais exercé une telle fonction, contrairement à ce que le consortium avait indiqué dans ses offres rectifiées, de sorte qu'il ne satisfaisait pas au critère d'exigence minimale EM1 prévu dans les dispositions d'appel d'offres.  
 
1.5. Le consortium recourant estime que l'arrêt attaqué, tel que présenté, soulève au moins quatre questions juridiques de principe, ce que contestent les CFF.  
 
1.5.1. Selon le consortium recourant, la première question de principe consisterait à savoir si les critères d'aptitude ou de qualification ( Eignungskriterien ) auxquels doivent satisfaire les soumissionnaires à un marché public doivent obligatoirement apparaître - directement et expressément - dans l'appel d'offres publié sur simap.ch pour pouvoir conduire à une exclusion de la procédure de passation. L'intéressé soutient dans ses écritures qu'une telle publication serait une condition de validité de toute exclusion, de sorte que, dans le cas d'espèce, le critère de qualification minimale EM1 ayant conduit à son éviction ne devrait pas pouvoir être considéré comme un critère d'aptitude, en l'absence de toute mention dans l'appel d'offres ( Ausschreibung ) des CFF. Il devrait être traité comme un simple critère d'adjudication, dans la mesure où il ressortait uniquement des documents d'appel d'offres joints à celui-ci ( Ausschreibungsunterlagen ).  
A cet égard, le Cour de céans relève d'emblée qu'à l'instar de l'art. 9 al. 2 de l'ancienne loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics (aLMP, RO 1996 508), en vigueur jusqu'à fin 2020, l' art. 27 al. 1 LMP , valable dès le 1er janvier 2021, dispose clairement que "l'adjudicateur définit de manière exhaustive, dans l'appel d'offres ou dans les documents d'appel d'offres , les critères d'aptitude auxquels doivent répondre les soumissionnaires" (mise en évidence par la Cour de céans). Autrement dit, à suivre son texte clair, l' art. 27 al. 1 LMP ne fait nullement dépendre la validité d'un critère d'aptitude ou de qualification à sa mention expresse dans l'appel d'offres uniquement; d'un point de vue littéral, il ne laisse ainsi place à aucune équivoque quant au fait qu'un tel critère peut être prévu également dans les documents d'appel d'offres. Or, le consortium recourant, qui se borne essentiellement à répéter que, d'après l' art. 35 let . n LMP, les critères d'aptitudes appartiennent au contenu minimal de l'appel d'offres, ne cite aucune jurisprudence, ni aucune doctrine qui soutiendrait une autre interprétation de l' art. 27 al. 1 LMP . Sur le vu de la seule motivation du recours, on ne voit pas que l'arrêt attaqué soulèverait une question juridique de principe en validant l'exclusion d'une procédure d'adjudication prononcée en application d'un critère d'aptitude figurant exclusivement dans les documents d'appel d'offres. L'inexistence d'une jurisprudence du Tribunal fédéral confirmant expressément ce que prévoit la loi ne suffit pas à reconnaître l'existence d'une telle question (cf. d'ailleurs, pour l'admission implicite d'un critère d'aptitude figurant uniquement dans les documents d'appel d'offres, p. ex., arrêts 2C_111/2018 du 2 juillet 2019 consid. 3.3.4; 2D_25/2018 du 2 juillet 2019 consid. A.a, non publié in ATF 145 II 249).  
Le Cour de céans relève au surplus que, selon l' art. 53 al. 3 LMP , les prescriptions contenues dans les documents d'appel d'offres dont l'importance est identifiable ne peuvent en principe être contestées que dans le cadre d'un recours immédiat contre l'appel d'offres. Autrement dit, lorsqu'un soumissionnaire peut identifier les prescriptions et leur portée en faisant preuve de la diligence requise, il est déchu du droit de les contester dans le cadre d'un recours contre la décision d'adjudication, ce même si les prescriptions en question étaient indiquées dans les documents d'appel d'offres, mais pas dans l'appel d'offres lui-même (cf. Message concernant la révision totale de la loi fédérale sur les marchés publics du 15 février 2017, FF 2017 1695, spéc. p. 1825). Or, il ressort de l'arrêt attaqué que le consortium recourant avait assurément connaissance non seulement de l'existence, mais aussi de l'importance de l'exigence de qualification minimale EM1 J6.11 figurant dans les documents d'appel d'offres du 15 juin 2021 et ayant conduit à son exclusion au plus tard fin décembre 2021, après avoir reçu un courrier des CFF daté du 15 décembre 2021 l'informant qu'il n'y satisfaisait pas (cf., notamment, consid. 3.3.2 et 7.3 de l'arrêt attaqué). Il n'a toutefois pas estimé utile d'en contester immédiatement la validité formelle, ayant en fin de compte attendu d'être exclu de la procédure d'adjudication quelques mois plus tard pour se prévaloir d'une violation de l' art. 35 let . n LMP et d'une éventuelle question de principe portant sur l'interprétation à donner à cette disposition en combinaison avec l' art. 27 al. 1 LMP . Il convient dès lors de considérer qu'un tel grief intervient également trop tardivement pour être admissible. 
 
1.5.2. Le consortium recourant soutient ensuite que l'arrêt attaqué soulèverait une question juridique de principe en confirmant son exclusion de la procédure de passation en raison du non-respect d'un seul et unique critère d'aptitude ou de qualification, étant précisé qu'il n'est pas contesté que son offre respecte toutes les autres exigences posées par l'appel d'offres. Il faut comprendre de ce grief que le consortium recourant estime qu'une exclusion pour non-respect des exigences d'aptitude ou de qualification ne devrait pas être possible lorsqu'elle représenterait, comme en l'espèce, une sanction disproportionnée, ce qui mériterait, d'après lui, un éclaircissement de la part du Tribunal fédéral.  
La Cour de céans rappelle qu'elle n'est pas confrontée à une question juridique de principe lorsqu'il s'agit uniquement de contrôler la bonne application de principes jurisprudentiels reconnus dans un cas d'espèce (cf. supra consid. 1.3). Or, la jurisprudence fédérale souligne depuis longtemps et de manière constante que les entreprises soumissionnaires qui ne remplissent pas un ou plusieurs critères d'aptitude ou de qualification (" Eignungskriterien ") fixés par l'autorité adjudicatrice peuvent voir leur offre exclue d'emblée, à moins que le vice ne soit anodin ou ne revête pas de réelle gravité, étant entendu qu'il serait disproportionné d'exclure un soumissionnaire dont les manquements aux exigences d'aptitude ne seraient que légers (cf. art. 5 al. 2 Cst. ; notamment ATF 145 II 249 consid. 3.3 et 143 I 177; aussi arrêt 2D_6/2020 du 20 novembre 2020 consid. 4.3). Dans l'arrêt attaqué, le Tribunal administratif fédéral n'a pas ignoré cette jurisprudence, à laquelle il s'est expressément référé. Il a toutefois considéré que, quoi qu'affirmait le consortium recourant, il n'était pas disproportionné d'exclure ce dernier de la procédure de passation litigieuse au seul motif que la personne clé qu'il envisageait pour occuper le poste de "Responsable durabilité et environnement" pour les travaux à adjuger ne remplissait pas les exigences de qualification minimale EM1. L'autorité précédente a en particulier souligné que ce défaut, auquel le consortium n'avait pas remédié après un avertissement du pouvoir adjudicateur, ne résultait ni d'une erreur, ni d'une inadvertance. En réitérant devant le Tribunal fédéral que son exclusion de la procédure de marché public litigieuse serait, d'après lui, disproportionnée, compte tenu, notamment, de la valeur du marché public en jeu, le consortium recourant ne fait que critiquer la manière dont l'autorité précédente a apprécié le défaut que comportait son offre à l'aune de la jurisprudence fédérale présentée ci-avant. Or, l'examen d'un tel grief, qui revient à vérifier la façon dont l'autorité judiciaire précédente a appliqué la jurisprudence dans un cas concret, n'implique pas de résoudre une quelconque question juridique de principe.  
 
 
1.5.3. Selon le consortium recourant, l'arrêt attaqué soulèverait également la question juridique de principe de savoir si un pouvoir adjudicateur, comme les CFF, peut laisser un soumissionnaire dans l'erreur, après s'être aperçu que celui-ci avait manifestement mal compris un critère de qualification, et l'exclure ultérieurement en raison de fausses indications découlant de ce malentendu.  
La Cour de céans relève cependant d'emblée que, dans l'arrêt attaqué, le Tribunal administratif fédéral a constaté que le consortium recourant avait parfaitement saisi toutes les exigences auxquelles son offre aurait dû répondre (cf., notamment, consid. 3.3.2 et 7.3 de l'arrêt attaqué). L'intéressé ne prétend pas dans son recours qu'un tel constat serait arbitraire, de sorte qu'il lie la Cour de céans (cf. art. 105 al. 1 en lien avec l' art. 97 LTF ). Il s'ensuit qu'un examen du litige au fond n'impliquerait nullement de se demander si l'exclusion du consortium recourant violerait éventuellement le droit parce qu'elle résulterait d'un malentendu sur les exigences de qualification que les CFF auraient délibérément choisi de ne pas régler. Une telle problématique ne revêt qu'un intérêt théorique et ne peut dès lors pas être considérée comme une question juridique de principe, puisque, comme cela vient d'être souligné, il a été établi que le consortium avait en réalité parfaitement compris ce qui était exigé de lui par les CFF. 
 
1.5.4. Enfin, le consortium recourant affirme que la présente cause poserait la question juridique de principe de savoir si un pouvoir adjudicateur peut, comme en l'espèce, nier l'aptitude d'un soumissionnaire en retenant que certains de ses collaborateurs ne satisfont pas aux exigences de qualification minimales, sans même se renseigner auprès des personnes de référence indiquées dans l'offre, mais uniquement auprès d'autres tiers. Ce faisant, le consortium recourant reproche aux CFF et au Tribunal administratif fédéral d'avoir conclu que la personne clé envisagée dans son offre pour le poste de "Responsable durabilité et environnement" (J1.11) ne remplissait pas les exigences d'expérience posées par le critère EM1, sans toutefois avoir consulté la personne de référence expressément indiquée dans l'offre et censée démontrer le contraire.  
Le consortium recourant tente à nouveau de se prévaloir d'une question juridique de principe qui n'est, en réalité, nullement pertinente pour l'issue du litige. Il ressort en effet de l'arrêt attaqué que la personne de référence indiquée par le consortium dans son offre et censée démontrer que la personne clé J1.11 "Responsable durabilité en environnement" respecterait l'exigence minimale EM1 s'est récusée en raison d'un conflit d'intérêt dans le cadre de la procédure de soumission. Il ne peut donc pas être reproché aux CFF, ni au Tribunal administratif fédéral de n'avoir pas voulu se renseigner auprès de cette dernière, laquelle a, en l'occurrence, simplement refusé de se prononcer en la cause. On ne voit au demeurant pas que l'audition de cette personne de référence pourrait avoir une influence sur l'issue du litige. Il a en effet été établi, d'une manière qui lie la Cour de céans (cf. art. 105 al. 1 LTF ), que la personne censée occuper le poste de "Responsable durabilité et environnement" (J1.11) selon l'offre du consortium recourant n'avait jamais assumé de fonction similaire, étant précisé que ce dernier ne prétend pas qu'un tel constat serait arbitraire. Ainsi, dans le cas d'espèce, la reconnaissance jurisprudentielle d'une obligation de s'informer systématiquement auprès des personnes de référence proposées par les entreprises soumissionnaires, pour déterminer si concrètement elles remplissent les exigences requises, n'aurait aucune influence sur l'issue du litige. Il s'ensuit que l'arrêt attaqué ne soulève pas de question juridique de principe sous cet angle non plus. 
 
2.  
Faute de poser une question juridique de principe, le recours en matière de droit public doit être déclaré irrecevable, sans qu'il y ait lieu d'examiner s'il respecte les autres conditions de recevabilité qui lui seraient applicables. 
La voie du recours constitutionnel subsidiaire est par ailleurs exclue contre les arrêts du Tribunal administratif fédéral ( art. 113 LTF a contrario ).  
 
3.  
Succombant, les membres du consortium recourant doivent supporter les frais judiciaires solidairement entre eux ( art. 66 al. 1 et 5 LTF ). Aucune indemnité de dépens ne sera versée aux membres du consortium intimé, qui n'a pas déposé d'observations en la présente cause ( art. 68 al. 1 LTF ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens aux CFF, qui, en tant qu'autorité adjudicatrice, obtiennent gain de cause dans l'exercice de leurs attributions officielles ( art. 68 al. 3 LTF ; cf. arrêts 2C_1055/2022 du 21 juillet 2023 consid. 3; 2D_34/2018 du 17 août 2018 consid. 7 et les références). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge des sociétés membres du consortium recourant, solidairement entre elles. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires du consortium recourant et des CFF, aux membres du consortium intimé et au Tribunal administratif fédéral, Cour II. 
 
 
Lausanne, le 19 janvier 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
Le Greffier : E. Jeannerat 


Synthèse
Formation : Iie cour de droit public  
Numéro d'arrêt : 2C_222/2023
Date de la décision : 19/01/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2024
Fonds documentaire ?: www.bger.ch
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2024-01-19;2c.222.2023 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award