Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
2D_20/2023
Arrêt du 24 novembre 2023
IIe Cour de droit public
Composition
Mmes les Juges fédérales
Aubry Girardin, Présidente, Hänni et Ryter.
Greffière : Mme Joseph.
Participants à la procédure
1. A.________,
2. B.________,
3. C.________,
tous les trois représentés par Me Julien Waeber, avocat,
recourants,
contre
Office cantonal de la population et des migrations du canton de Genève, route de Chancy 88, 1213 Onex,
intimé.
Objet
Refus de délivrer une autorisation de séjour
et renvoi de Suisse,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de
la République et canton de Genève, Chambre administrative, 2ème section, du 4 juillet 2023 (ATA/726/2023).
Faits :
A.
A.________ et B.________, nés respectivement en 1969 et en 1968, ainsi que leur fils C.________, né en 2007, sont ressortissants du Kosovo.
B.________ est arrivé en Suisse, au plus tôt en 2012. Depuis lors, il y séjourne et travaille sans autorisation. Il a été retenu que l'intéressé est autonome financièrement. Il n'a ni dettes ni poursuites, n'émarge pas à l'aide sociale et son casier judiciaire est vierge. Il affirme maîtriser la langue française au niveau requis, sans toutefois l'avoir établi par pièces.
Son épouse et leur fils sont quant à eux arrivés en Suisse, au plus tôt en juillet 2018. Ils ne sont pas non plus titulaires d'autorisations de séjour. Pour sa part, A.________ n'a pas établi exercer d'activité lucrative ou être investie dans la vie culturelle ou associative. Elle n'a pas produit de preuve de ses connaissances linguistiques du français. C.________, fils du couple, a été inscrit à l'école à ses 11 ans, soit à son arrivée en Suisse en 2018. Il aurait terminé sa formation initiale (cycle d'orientation) en juin 2023, peu avant que l'arrêt entrepris ne soit rendu.
B.
Le 4 janvier 2019, une demande de régularisation des conditions de séjour a été déposée auprès de l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après: Office cantonal) en faveur de B.________, de son épouse A.________ et de leur fils C.________ ( art. 105 al. 2 LTF ).
Le 22 avril 2022, l'Office cantonal a fait part de son intention de refuser d'accéder à la demande et de prononcer le renvoi de Suisse de la famille.
Par décision du 26 juillet 2022, l'Office cantonal a refusé d'accéder à la requête et de soumettre le dossier avec un préavis positif au Secrétariat d'État aux migrations. Il a prononcé le renvoi de B.________, A.________ et C.________. Un délai au 15 octobre 2022 leur était imparti pour quitter la Suisse.
Par acte du 14 septembre 2022, B.________ a recouru contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif de première instance de la République et canton de Genève (ci-après: Tribunal de première instance), concluant à son annulation et à ce qu'il soit ordonné à l'Office cantonal de lui délivrer, ainsi qu'à son épouse et son fils, une autorisation de séjour avec activité lucrative, subsidiairement au renvoi de la cause à l'autorité inférieure pour nouvelle décision.
Par jugement du 16 février 2023, le Tribunal de première instance a rejeté le recours.
Le 20 mars 2023, B.________ a recouru contre cette décision auprès de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: Cour de justice), concluant à son annulation et à l'annulation de la décision de l'Office cantonal. Il demandait à ce que lui, ainsi que sa femme et leur fils, soient mis au bénéfice d'un autorisation de séjour avec activité lucrative, subsidiairement que la cause soit renvoyée à l'Office cantonal pour nouvelle décision.
Par arrêt du 4 juillet 2023, la Cour de justice a rejeté le recours, mentionnant comme recourants A.________ et B.________, agissant en leur nom et pour le compte de leur fils. Elle a jugé que c'était à juste titre que la demande d'autorisation de séjour avait été refusée et que le renvoi des membres de la famille avait été prononcé.
C.
B.________ et A.________ agissant en leur nom et pour le compte de leur fils C.________ déposent auprès du Tribunal fédéral un recours constitutionnel subsidiaire. Ils concluent, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de la décision de l'Office cantonal du 26 juillet 2022 et à ce que B.________, A.________ et C.________ soient mis au bénéfice d'une autorisation de séjour avec activité lucrative sur le territoire suisse. Ils requièrent par ailleurs l'effet suspensif au recours.
Les recourants produisent une attestation de scolarité du 21 août 2023 et un certificat médical du 31 août 2023.
Par ordonnance du 19 septembre 2023, la Présidente de la IIe Cour de droit public a accordé l'effet suspensif au recours.
La Cour de justice déclare s'en rapporter à justice quant à la recevabilité du recours et persister dans les considérants et dispositif de son arrêt. L'Office cantonal s'en remet également à justice. Le Secrétariat d'État aux migrations ne s'est pas déterminé.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence ( art. 29 al. 1 LTF ) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 148 I 160 consid. 1; 147 I 333 consid. 1).
1.1. Les recourants forment un recours constitutionnel subsidiaire devant le Tribunal fédéral. Cette voie de droit n'étant ouverte que lorsque le recours en matière de droit public est exclu ( art. 113 LTF ), il convient d'examiner en premier lieu si ce dernier est ouvert en l'espèce.
1.2. Selon l' art. 83 let . c ch. 2 LTF, le recours en matière de droit public est irrecevable contre les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit. Selon la jurisprudence, il suffit qu'il existe un droit potentiel à l'autorisation, étayé par une motivation soutenable, pour que le recours échappe à cette clause d'irrecevabilité, le point de savoir si les conditions d'un tel droit sont réunies relevant du fond (cf. ATF 147 I 89 consid. 1.1.1; 139 I 330 consid. 1.1).
Dans leur recours constitutionnel subsidiaire, les recourants invoquent notamment une violation de l' art. 8 CEDH , une violation de l'intérêt supérieur de l'enfant C.________ et une violation de son droit à l'éducation.
1.2.1. A juste titre, les recourants ne soutiennent pas que l' art. 8 CEDH leur donnerait le droit de séjourner en Suisse. En effet, ils n'ont jamais été titulaires d'une autorisation de séjour et les faits ne permettent pas de démontrer une intégration hors du commun qui pourrait permettre à titre exceptionnel de se prévaloir d'un droit de séjour en Suisse issu du droit à la vie privée (cf. ATF 149 I 207 c. 5.3.1 et 5.3.2; arrêts 2C_388/2023 du 14 juillet 2023 consid 3.3; 2D_26/2023 du 9 novembre 2023 consid. 4.1.2). A cet égard, on peut entre autres relever que les conjoints n'ont pas apporté de preuve de leurs connaissances respectives du français. Quant à l'enfant, celui-ci ne séjournait en Suisse que depuis un an et demi lors de la demande de régularisation. Le fait que le couple soit apprécié de ses voisins et l'époux de son employeur ainsi que le fait que leur fils soit scolarisé à satisfaction ne suffisent pas à démontrer une intégration exceptionnelle. Retenir l'inverse reviendrait à encourager le séjour clandestin en Suisse, et à discriminer injustement les étrangers qui cherchent à venir dans le pays en respectant les règles en vigueur (cf. notamment ATF 149 I 207 consid. 5.6; arrêts 2D_33/2021 du 30 septembre 2021 consid. 5.5 et 2C_647/2016 du 2 décembre 2016 consid. 3.4).
1.2.2. Les recourants ne peuvent pas non plus invoquer de manière soutenable le droit à la vie familiale garanti par l' art. 8 CEDH , puisque cette disposition ne donne pas de droit à séjourner dans un État déterminé (ATF 144 I 91 consid. 4.2).
1.2.3. Les recourants se prévalent, également au fond, d'une violation du droit à l'éducation de C.________, en invoquant les art. 28 CDE , 19 Cst., 41 al. 1 let. d Cst. et 24 al. 1 Cst. GE (RS 131.234). Ces dispositions, pour autant qu'applicables, ne fondent pas non plus de droit à une autorisation de séjour. A ce titre, le Tribunal fédéral a récemment rappelé que la scolarisation d'enfants présents sans autorisation n'entraîne ni pour eux ni pour leurs parents une régularisation de leur situation au regard du droit des étrangers. Il a aussi souligné qu'il n'existe en principe pas de droit à pouvoir achever une formation en Suisse (arrêt 2C_5/2022 du 17 août 2022 consid. 3.3).
1.2.4. Les recourants invoquent encore une violation de l'intérêt supérieur de l'enfant prévu par l' art. 3 par. 1 CDE . Cette disposition ne saurait cependant fonder une prétention directe à l'octroi ou au maintien d'une autorisation (ATF 144 I 91 consid. 5.2; 140 I 145 consid. 3.2; arrêts 2C_725/2022 du 23 février 2023, consid. 5.1 et 2C_681/2022 du 3 août 2023, consid. 4.3.3).
1.2.5. Il est ajouté que, dans l'arrêt attaqué, la Cour de justice a confirmé le refus d'octroi d'un titre de séjour aux recourants sur la base de l' art. 30 al. 1 let. b LEI . Or, cette disposition n'ouvre pas la voie du recours en matière de droit public, car elle relève des dérogations aux conditions d'admission expressément exclues de cette voie de droit (cf. art. 83 let . c ch. 5 LTF). Les recourants ne le prétendent d'ailleurs pas.
1.2.6. Au vu de ce qui précède, les recourants ne peuvent ni invoquer de manière défendable un droit à une autorisation de séjour au sens de l' art. 83 let . c ch. 2 LTF ni contester les dérogations aux conditions d'admission ( art. 83 let . c ch. 5 LTF). Seul le recours constitutionnel subsidiaire qui est déposé par les recourants est donc envisageable.
2.
2.1. Selon l' art. 113 LTF , le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l'objet d'aucun recours selon les art. 72 à 89 LTF.
En l'espèce, l'arrêt attaqué est une décision rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur ( art. 86 al. 1 let . d et al. 2 par analogie ainsi que 114 LTF). Le recours a été interjeté en temps utile compte tenu des féries (art. 46 al. 1 let. b et 100 al. 1 LTF, par renvoi de l' art. 117 LTF ) et dans les formes requises ( art. 42 LTF ), sous réserve de ce qui suit.
La conclusion en annulation de la décision de l'Office cantonal du 26 juillet 2022 est irrecevable en raison de l'effet dévolutif du recours auprès du Tribunal cantonal (cf. ATF 136 II 101 consid. 1.2).
2.2. Selon l' art. 115 LTF , a qualité pour former un recours constitutionnel subsidiaire quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a) et a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (let. b).
2.2.1. Sous cet angle ( art. 115 let. a LTF ), les recourants, désignés en tant que parties à la procédure par la Cour de justice même si apparemment seul le père a recouru devant l'instance cantonale, peuvent agir, étant précisé que A.________ et B.________ représentent valablement leur fils ( art. 304 al. 1 CC ).
2.2.2. Comme on l'a vu, les recourants ne peuvent pas se prévaloir d'un droit de séjour fondé sur l' art. 8 CEDH ou sur l' art. 30 LEI , au vu de sa formulation potestative, pas plus que sur le droit à l'éducation ou le principe de la garantie de l'intérêt supérieur de l'enfant (cf. supra consid. 1.2), de sorte qu'ils ne possèdent pas une position juridique protégée au sens de l' art. 115 let. b LTF leur conférant la qualité pour agir au fond sous l'angle de ces dispositions (ATF 147 I 89 consid. 1.2.2 et les références).
2.2.3. Même s'ils n'ont pas qualité pour agir au fond, les recourants peuvent se plaindre, par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, de la violation de leurs droits de partie équivalant à un déni de justice formel pour autant qu'il ne s'agisse pas de moyens ne pouvant être séparés du fond ("Star-Praxis"; cf. ATF 146 IV 76 consid. 2; 141 IV 1 consid. 1.1; 137 II 305 consid. 2).
2.2.4. Dans leur mémoire de recours, les recourants se prévalent d'une " violation arbitraire du droit d'être entendu ", en invoquant les art. 3 et 29 Cst. , 17 et 40 Cst. GE ainsi que 6 CEDH.
2.2.5. S'agissant du droit d'être entendu, les recourants se limitent à proposer leur appréciation des preuves, en formulant des critiques générales et imprécises. Ils n'expliquent pas clairement en quoi l'arrêt attaqué violerait l' art. 29 al. 2 Cst. de sorte que la motivation paraît insuffisante sous l'angle de l' art. 106 al. 2 LTF . Quoi qu'il en soit, les critiques formulées par les recourants concernent la question de leur intégration, de leur connaissances linguistiques, de leur indépendance financière ainsi que de la durée de leur séjour. Ils estiment aussi que leur renvoi au Kosovo constituerait un déracinement complet et injustifié, qui serait insurmontable. Ils produisent encore des pièces postérieures à l'arrêt attaqué à l'appui de leur motivation qui sont toutefois irrecevables ( art. 99 al. 1 LTF par renvoi de l' art. 117 LTF ). Les griefs invoqués supposent en réalité d'examiner la façon dont les juges précédents ont appliqué l' art. 30 al. 1 let. b LEI . Il s'agit donc de critiques qui reviennent de facto à critiquer le fond et qui sont exclues.
2.2.6. Quant à l'arbitraire qu'ils paraissent invoquer, les recourants ne peuvent pas non plus déduire une position juridiquement protégée de l' art. 9 Cst. (ATF 147 I 89 consid. 1.2.1; arrêt 2C_42/2023 du 19 juin 2023 consid 1.4.2).
2.2.7. L' art. 6 CEDH , également mentionné, n'est pas applicable en droit des étrangers (ATF 137 I 128, consid. 4.4.2; arrêts 2D_53/2014 du 23 juillet 2014, consid 2.2; 2D_16/2013 du 8 juin 2013, consid. 3.2).
2.2.8. Enfin, les recourants n'indiquent pas en quoi consisteraient les violations des dispositions de la Cst. GE qu'ils citent et en quoi ces textes leur donneraient des droits allant plus loin que l' art. 29 al. 2 Cst. , de sorte que les exigences de l' art. 106 al. 2 LTF ne sont pas remplies.
2.3. S'agissant du renvoi, les recourants ne font pas valoir la violation de droits constitutionnels spécifiques, en particulier de l' art. 3 CEDH , qu'ils pourraient invoquer dans le cadre d'un recours constitutionnel subsidiaire (cf. art. 106 al. 2 LTF ; ATF 137 II 305 consid. 1 à 3). L'affirmation que leur renvoi au Kosovo constituerait un déracinement complet n'est à cet égard pas suffisante.
2.4. Au vu de l'ensemble de ces éléments, le recours constitutionnel subsidiaire doit également être déclaré irrecevable.
3.
Sur le vu de ce qui précède, les recourants, qui succombent, doivent supporter les frais judiciaires ( art. 66 al. 1 LTF ), solidairement à la charge de A.________ et B.________ ( art. 66 al. 5 LTF ). Il ne sera pas alloué de dépens ( art. 68 al. 3 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est irrecevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de A.________ et B.________ solidairement entre eux.
3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 2ème section, et au Secrétariat d'État aux migrations.
Lausanne, le 24 novembre 2023
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : F. Aubry Girardin
La Greffière : M. Joseph