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04/08/2023 | SUISSE | N°4A_310/2023

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral, Ire Cour de droit civil  , Arrêt du 4 août 2023  , 4A 310/2023


 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_310/2023  
 
 
Arrêt du 4 août 2023  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Jametti, présidente, Hohl et Kiss, 
Greffier: M. O. Carruzzo. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Alain Dubuis, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
1. Daniel Stoll, 
Président du Tribunal d'arrondissement de la Côte, 
2. Cour administrativ

e du Tribunal cantonal du canton de Vaud, 
route du Signal 8, 1014 Lausanne, 
intimés, 
 
Commune de B.________, 
représentée par Me Yasmine Sözerman, avocate, 
partie intéressée. ...

 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_310/2023  
 
 
Arrêt du 4 août 2023  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Jametti, présidente, Hohl et Kiss, 
Greffier: M. O. Carruzzo. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Alain Dubuis, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
1. Daniel Stoll, 
Président du Tribunal d'arrondissement de la Côte, 
2. Cour administrative du Tribunal cantonal du canton de Vaud, 
route du Signal 8, 1014 Lausanne, 
intimés, 
 
Commune de B.________, 
représentée par Me Yasmine Sözerman, avocate, 
partie intéressée. 
 
Objet 
demande de récusation, 
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 10 mai 2023 par la Cour administrative du Tribunal cantonal du canton de Vaud (PS20.008920, 15). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 30 juin 2020, la Commune de B.________ a introduit une demande devant le Tribunal d'arrondissement de La Côte tendant à ce qu'il soit constaté qu'il n'existait aucun bail à ferme entre le défendeur A.________ et elle et à ce qu'interdiction soit faite au prénommé d'exploiter deux parcelles du territoire communal ou d'y pénétrer.  
Le 8 janvier 2021, le défendeur a conclu principalement à l'irrecevabilité de la demande et, subsidiairement, à son rejet. 
 
A.b. Le 23 février 2022, le Président du Tribunal d'arrondissement de La Côte chargé d'instruire le dossier, Daniel Stoll (ci-après: le président), a fixé l'audience de jugement au 24 août 2022.  
Par lettre du 12 août 2022, A.________ a requis le renvoi de cette audience. Il a produit un certificat médical établi par le Dr C.________ qui attestait que l'intéressé était en arrêt de travail à 100 % du 5 au 28 août 2022. 
Le président a informé le défendeur que ledit certificat n'était pas suffisant pour justifier le renvoi de l'audience, un arrêt de travail ne signifiant pas nécessairement une incapacité de se déplacer pour assister à une audience. 
Le 18 août 2022, le défendeur a produit un nouveau certificat de travail, établi la veille par le même praticien, qui indiquait que l'état de santé de l'intéressé ne lui permettait pas de participer à l'audience fixée. 
Le même jour, le président a informé les parties que l'audience était maintenue pour l'audition des témoins, mais qu'une nouvelle audience serait fixée pour l'audition du défendeur et les plaidoiries finales. 
 
A.c. Par avis du 26 août 2022, le président a fixé la reprise de l'audience de jugement au 24 janvier 2023.  
Le 20 janvier 2023, A.________ a sollicité le renvoi de ladite audience. Il a produit un certificat médical établi le 20 janvier 2023 par le Dr D.________, lequel attestait que son patient était "incapable temporairement de se présenter à son audience le 24 janvier 2023". 
Par lettre du 23 janvier 2023, dont une copie a été transmise simultanément aux parties, le président a invité ledit praticien à compléter son certificat médical en lui indiquant l'affection dont souffrait le défendeur, le début de celle-ci, la nature et la durée de l'incapacité évoquée ainsi que la date à laquelle son patient l'avait consulté. 
Le même jour, le Dr D.________ a indiqué qu'il répondait aux questions posées dans l'urgence, sans avoir fait signer à son patient un document le déliant du secret médical, mais après avoir obtenu l'autorisation de l'intéressé de transmettre au président, à titre "personnel et confidentiel", "des informations médicales confidentielles". Il a précisé que son patient était "temporairement inapte à défendre ses intérêts devant une cour en raison de problèmes psychiques secondaires à des problèmes de mobbing professionnel" pour lesquels il était suivi depuis début 2022, qu'une "problématique de Covid 19 long a[vait] entraîné une fragilité physique et psychique... en cours de traitement" et que la durée de l'incapacité de travail était indéterminée à ce stade. 
 
A.d. Lors de l'audience tenue le 24 janvier 2023, au cours de laquelle le défendeur était représenté par son avocat, le président a informé les comparants qu'il allait entendre le représentant de la partie demanderesse, que l'audience serait ensuite suspendue, et que les certificats médicaux produits par le défendeur seraient soumis au médecin cantonal afin qu'il détermine si l'intéressé était en mesure de comparaître ou non.  
 
A.e. Par courrier du 26 janvier 2023 adressé à la Dre E.________, médecin conseil de l'Ordre judiciaire vaudois, le président lui a demandé de lui indiquer si, sur la base des divers certificats médicaux établis par les Drs C.________ et D.________, le défendeur était ou non dans l'incapacité de se déplacer à Nyon, de s'exprimer et de répondre à des questions.  
Dans son rapport du 8 février 2023, la Dre E.________ a estimé que l'intéressé était alors inapte à comparaître, tout comme en août 2022. Elle a précisé qu'il devrait pouvoir prendre part à une audience d'ici environ 3 à 6 mois, moyennant l'aménagement de pauses régulières. 
Le 13 février 2023, le président a communiqué ledit rapport aux parties. 
 
B.  
Le 16 février 2023, le défendeur a déposé une requête de récusation dirigée contre le président. A l'appui de cette requête, il a fait valoir que ce dernier, contrairement à ce qu'il avait indiqué aux parties lors de l'audience tenue le 24 janvier 2023, ne s'était pas adressé au médecin cantonal mais à une autre praticienne dont il ignorait tout. En outre, il a soutenu que le président ne devait en aucun cas communiquer à la demanderesse le rapport du 8 février 2023, qui contenait des éléments confidentiels couverts par le secret médical. 
Statuant le 24 février 2023, les Présidents du Tribunal d'arrondissement de La Côte ont rejeté ladite demande. 
Saisie d'un recours formé par A.________, la Cour administrative du Tribunal cantonal du canton de Vaud l'a rejeté par arrêt du 10 mai 2023. 
 
C.  
Le 12 juin 2023, A.________ (ci-après: le recourant) a formé un recours en matière civile à l'encontre de cet arrêt. Il conclut principalement à la réforme de la décision attaquée en ce sens que la demande de récusation du président est admise. Subsidiairement, il requiert l'annulation de l'arrêt querellé et le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Le Tribunal fédéral n'a pas requis le dépôt d'une réponse au recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
L'arrêt attaqué est une décision séparée relative à une demande de récusation; il peut faire l'objet d'un recours ( art. 92 al. 1 LTF ) et doit être immédiatement attaqué en vertu de l' art. 92 al. 2 LTF (arrêts 4A_571/2021 du 15 mars 2022 consid. 1; 4A_272/2021 du 26 août 2021 consid. 1). 
Par ailleurs, les autres conditions de recevabilité du recours en matière civile sont réalisées sur le principe, notamment celles afférentes à la valeur litigieuse minimale ( art. 74 LTF ) et au délai de recours ( art. 100 al. 1 LTF ). 
 
 
2.  
Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente ( art. 105 al. 1 LTF ). Relèvent de ces faits tant les constatations relatives aux circonstances touchant l'objet du litige que celles concernant le déroulement de la procédure conduite devant l'instance précédente et en première instance, c'est-à-dire les constatations ayant trait aux faits procéduraux (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées). Le Tribunal fédéral ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes, c'est-à-dire arbitraires (ATF 140 III 115 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.5) ou ont été établies en violation du droit au sens de l' art. 95 LTF ( art. 105 al. 2 LTF ). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause ( art. 97 al. 1 LTF ). 
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l' art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références citées). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées). Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes, en conformité avec les règles de la procédure, les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 130 I 258 consid. 1.3). 
 
3.  
Dans un unique moyen, le recourant, dénonçant la violation de l' art. 47 al. 1 let . f CPC, reproche à la cour cantonale de n'avoir pas prononcé la récusation du magistrat mis en cause. 
 
3.1. La garantie minimale d'un tribunal indépendant et impartial, telle qu'elle résulte des art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH - lesquels ont, de ce point de vue, la même portée - permet, indépendamment du droit de procédure (en l'occurrence l' art. 47 CPC ), de demander la récusation d'un juge dont la situation ou le comportement est de nature à susciter des doutes quant à son impartialité. Elle vise à éviter que des circonstances extérieures à l'affaire ne puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective est établie, parce qu'une disposition relevant du for intérieur ne peut guère être prouvée; il suffit que les circonstances donnent l'apparence d'une prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Cependant, seules les circonstances objectivement constatées doivent être prises en compte, les impressions purement subjectives de la partie qui demande la récusation n'étant pas décisives (ATF 140 III 221 consid. 4.1; 139 III 433 consid. 2.1.2).  
L' art. 47 CPC dresse une liste exhaustive des motifs de récusation. Les magistrats et fonctionnaires judiciaires sont récusables dans les cas énumérés à l'art. 47 al. 1 let. a-e CPC. Ils sont aussi récusables, selon l' art. 47 al. 1 let . f CPC - qui constitue une clause générale -, s'ils sont "de toute autre manière" suspects de partialité. 
Des erreurs de procédure ou d'appréciation commises par un juge ne suffisent pas à fonder objectivement la suspicion de partialité, même lorsque ces erreurs sont établies; seules des fautes particulièrement lourdes ou répétées, qui doivent être considérées comme des violations graves des devoirs du magistrat, peuvent avoir cette conséquence (ATF 138 IV 142 consid. 2.3; 116 Ia 135 consid. 3a). 
 
3.2. Dans la décision attaquée, la cour cantonale souligne que, selon une directive adoptée le 7 juin 2022 par la Cour administrative du Tribunal cantonal vaudois, il appartient aux magistrats de s'adresser à la Dre E.________ pour obtenir un avis sur la pertinence des motifs médicaux invoqués par une partie, lorsque celle-ci sollicite le report d'une audience en se prévalant d'un certificat médical peu explicite. Si elle reconnaît certes que le président a communiqué une information erronée aux parties lors de l'audience du 24 janvier 2023 en leur indiquant que les certificats médicaux produits par le recourant seraient soumis au médecin cantonal et qu'il ne les a pas informées lorsqu'il s'est rendu compte de son inadvertance et s'est adressé à la Dre E.________ le 26 janvier 2023, la juridiction cantonale estime qu'un tel comportement ne permet pas de fonder une apparence de partialité du magistrat incriminé vis-à-vis du recourant. Elle relève, en effet, qu'il s'agit de deux praticiens neutres et impartiaux soumis tous deux aux mêmes devoirs et règles déontologiques. Le fait que le recourant n'ait pas été informé de cette démarche n'y change rien. La juridiction cantonale considère aussi que le président n'a commis aucune erreur en transmettant aux parties le rapport établi par la Dre E.________, puisqu'il a agi dans le respect de la directive précitée. Elle observe du reste que le recourant n'a jamais sollicité que le rapport du médecin amené à se prononcer sur les certificats médicaux litigieux ne soit pas communiqué à son adverse partie. Par surabondance, la cour cantonale souligne que le président a mené l'instruction de manière irréprochable et respectueuse des demandes formulées par le recourant, notamment en lui accordant toutes les prolongations de délai qu'il avait requises, en acceptant de reporter une audience d'instruction fixée le 7 mai 2021 au 7 octobre 2021 et en différant son audition, initialement prévue le 24 août 2022 au 24 janvier 2023. Dans ces circonstances, elle considère que le magistrat incriminé ne saurait se voir suspecter de partialité.  
 
3.3. Dans son mémoire de recours, l'intéressé, par une critique au ton appellatoire marqué, se contente d'opposer sa propre appréciation des faits à celle retenue par la juridiction cantonale. Il assoit du reste sa critique sur toute une série d'allégations qui ne ressortent pas de l'arrêt attaqué, sans toutefois soutenir ni démontrer que les faits auraient été établis de manière manifestement inexacte par la juridiction cantonale. En tout état de cause, la Cour de céans ne discerne pas, sur le vu des faits constatés souverainement par l'autorité précédente, en quoi le comportement adopté par le président serait propre à fonder objectivement une suspicion de partialité de sa part vis-à-vis du recourant. Si le magistrat mis en cause a certes communiqué une information inexacte aux parties lors de l'audience du 24 janvier 2023 et ne leur a pas fait savoir - volontairement ou non - qu'il allait s'adresser à une autre praticienne, cela ne permet toutefois pas conclure à l'existence d'une apparence de prévention du président, étant précisé que l'autorité précédente a relevé, sans être véritablement contredite, que ledit magistrat avait eu une attitude irréprochable tout au long de la procédure. La transmission du rapport établi par la E.________ aux parties, opérée par le président dans le respect des règles prévues par la directive adoptée par la juridiction cantonale vaudoise, ne dénote pas davantage une apparence de prévention de la part du magistrat incriminé. Il s'ensuit qu'en rejetant la requête de récusation formée par le recourant, l'autorité précédente n'a pas méconnu l' art. 47 CPC ni les principes en matière de garantie d'un juge indépendant et impartial.  
 
4.  
Au vu de ce qui précède, le recours, manifestement infondé, doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité, selon la procédure simplifiée prévue par l' art. 109 al. 2 let. a LTF . 
Le recourant, qui succombe, supportera les frais de la présente procédure ( art. 66 al. 1 LTF ). Il n'y a pas lieu à l'allocation de dépens. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Commune de B.________. 
 
 
Lausanne, le 4 août 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
Le Greffier : O. Carruzzo 


Synthèse
Formation : Ire cour de droit civil  
Numéro d'arrêt : 4A_310/2023
Date de la décision : 04/08/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 17/08/2023
Fonds documentaire ?: www.bger.ch
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2023-08-04;4a.310.2023 ?

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