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02/02/2023 | SUISSE | N°5A_972/2021

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral, IIe Cour de droit civil  , Arrêt du 2 février 2023  , 5A 972/2021


 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
5A_972/2021  
 
 
Arrêt du 2 février 2023  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Herrmann, Président, 
Schöbi et Bovey. 
Greffière : Mme Mairot. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Nathan Rebetez, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
1. Juge civile du Tribunal de première instance d u canton du Jura, 
Le Château, 2900 P

orrentruy, 
2. Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Jura, 
Le Château, 2900 Porrentruy, 
intimées. 
 
Objet 
refus de l'assistance judiciaire (mesures protectrices de l'...

 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
5A_972/2021  
 
 
Arrêt du 2 février 2023  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Herrmann, Président, 
Schöbi et Bovey. 
Greffière : Mme Mairot. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Nathan Rebetez, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
1. Juge civile du Tribunal de première instance d u canton du Jura, 
Le Château, 2900 Porrentruy, 
2. Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Jura, 
Le Château, 2900 Porrentruy, 
intimées. 
 
Objet 
refus de l'assistance judiciaire (mesures protectrices de l'union conjugale) 
 
recours contre l'arrêt de la Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Jura du 12 octobre 2021 (CC 68 / 2021 + AJ 69 / 2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 23 décembre 2020, A.________ a sollicité le bénéfice de l'assistance judiciaire dans le cadre de la procédure de mesures protectrices de l'union conjugale l'opposant à son mari. 
Par décision du 23 août 2021, la Juge civile du Tribunal de première instance du canton du Jura (ci-après: Juge civile) a rejeté la requête d'assistance judiciaire, autorisé les parties à vivre séparées pour une durée indéterminée dès le 1er octobre 2020, constaté que le partage du mobilier était déjà intervenu entre les conjoints et débouté l'épouse de toutes ses conclusions supplémentaires, en particulier de celle tendant au versement d'une contribution d'entretien. 
 
B.  
Le 10 septembre 2021, la requérante a déposé un recours contre cette décision, concluant à son annulation en tant qu'elle rejetait sa requête d'assistance judiciaire. Par acte séparé du même jour, elle a également sollicité l'assistance judiciaire pour la procédure de recours cantonale. 
Par arrêt du 12 octobre 2021, la Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Jura (ci-après: Cour civile) a rejeté le recours, de même que la requête d'assistance judiciaire y afférente. 
 
C.  
Par acte posté le 18 novembre 2021, la requérante exerce un recours en matière civile et un recours constitutionnel subsidiaire au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 12 octobre 2021. Elle conclut en substance à l'octroi de l'assistance judiciaire gratuite pleine et entière pour la procédure de première instance et pour la procédure de recours cantonale, à la désignation de son conseil comme avocat d'office et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour qu'elle taxe les honoraires et débours de celui-ci. Subsidiairement, elle demande l'annulation de la décision entreprise et le renvoi de la cause à la cour cantonale pour instruction complémentaire éventuelle et nouvelle décision dans le sens des considérants. 
La recourante sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale. 
Des observations n'ont pas été requises. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 146 I 126 consid. 1; 145 I 239 consid. 2). 
 
1.1. Déposés en temps utile ( art. 100 al. 1 et 117 LTF ) et dans la forme prévue par la loi ( art. 42 al. 1 LTF ), par une partie qui a qualité pour recourir ( art. 76 al. 1 et 115 LTF ), les recours sont dirigés contre une décision rendue par une autorité cantonale de dernière instance ( art. 75 et 114 LTF ), tant dans la mesure où la Cour civile a confirmé, sur recours ( art. 121 CPC ), le refus de l'assistance judiciaire pour la procédure de première instance, qu'en tant qu'elle a rejeté la requête d'assistance judiciaire pour la procédure menée devant elle (arrêts 5A_205/2022 du 20 octobre 2022 consid. 1.1; 5A_1025/2021 du 19 mai 2022 consid. 1.1 et les références; sur l'exception au principe de la double instance: ATF 143 III 140 consid. 1.2; 138 III 41 consid. 1.1).  
La Juge civile s'est prononcée sur la requête d'assistance judiciaire dans sa décision au fond, et seule cette question a fait l'objet du recours cantonal. Dans une telle situation, la décision attaquée est considérée comme finale au sens de l' art. 90 LTF (et non pas incidente), l'autorité précédente ayant par ailleurs mis fin à la procédure en ce qui concerne l'instance de recours cantonale (ATF 139 V 600 consid. 2.2; arrêts 5A_205/2022 du 20 octobre 2022 consid. 1.1; 5A_1025/2021 du 19 mai 2022 consid. 1.1; 5A_233/2021 du 4 mai 2022 consid. 1.1; 5D_37/2021 du 2 février 2022 consid. 1.2). 
Afin de déterminer la voie de recours contre une décision qui ne concerne que l'assistance judiciaire gratuite et qui est finale (dès lors que la cause au fond a déjà été jugée), il convient de se référer à la procédure sur le fond, en l'espèce une procédure de mesures protectrices de l'union conjugale ( art. 72 al. 1 LTF ). La décision entreprise a donc été rendue dans une affaire sujette au recours en matière civile (arrêt 5A_205/2022 du 20 octobre 2022 consid. 1). 
Le recours en matière civile est par conséquent recevable. Il s'ensuit que le recours constitutionnel subsidiaire ne l'est pas ( art. 113 LTF ). 
 
1.2. Dès lors que le refus d'assistance judiciaire litigieux concerne une procédure de mesures protectrices de l'union conjugale, soit de mesures provisionnelles au sens de l' art. 98 LTF (ATF 134 III 667 consid. 1.1; 133 III 393 consid. 5, 585 consid. 3.3), la partie recourante ne peut dénoncer que la violation de ses droits constitutionnels. Le Tribunal fédéral n'examine de tels griefs que s'ils ont été invoqués et motivés par le recourant ("principe d'allégation"; art. 106 al. 2 LTF ), c'est-à-dire s'ils ont été expressément soulevés et exposés de manière claire et détaillée (ATF 146 IV 114 consid. 2.1; 144 II 313 consid. 5.1).  
 
1.3. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente ( art. 105 al. 1 LTF ). Dans l'hypothèse d'un recours soumis à l' art. 98 LTF , le recourant qui entend invoquer que les faits ont été établis de manière manifestement inexacte - c'est-à-dire arbitraire (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2) - ne peut obtenir la rectification ou le complètement des constatations de fait de l'arrêt cantonal que s'il démontre la violation de droits constitutionnels, conformément au principe d'allégation susmentionné (cf. supra consid. 1.2). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 147 V 35 consid. 4.2; 143 IV 500 consid. 1.1 et la référence).  
Lorsque, comme en l'espèce, l'autorité précédente était saisie d'un recours stricto sensu , de sorte que son pouvoir d'examen était limité à l'arbitraire s'agissant des faits retenus par le premier juge ( art. 320 let. b CPC ), le Tribunal fédéral contrôle librement la manière dont elle a fait usage de sa cognition limitée, en recherchant, dans le cadre des griefs qui lui sont présentés, si elle a nié - ou admis - à tort l'arbitraire de l'appréciation en fait opérée par le premier juge (interdiction de l'"arbitraire au carré"; ATF 116 III 70 consid.2b; 112 I 350 consid. 1; arrêts 5A_160/2022 du 27 juin 2022 consid. 2.1.2.2; 5D_6/2022 du 6 mai 2022 consid. 2.2.1).  
 
2.  
Invoquant la protection contre l'arbitraire ainsi que l' art. 29 al. 3 Cst. , la recourante reproche à la cour cantonale d'avoir confirmé qu'elle n'avait pas droit à l'assistance judiciaire, dès lors qu'elle n'était pas indigente et qu'il lui aurait été possible de demander une provisio ad litem à son mari.  
 
2.1.  
 
2.1.1. Aux termes de cette disposition, toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l'assistance judiciaire gratuite. Elle a en outre droit à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert. L' art. 29 al.3 Cst. confère au justiciable une garantie minimale, dont le Tribunal fédéral examine librement le respect (ATF 142 III 131 consid. 4.1).  
Une personne est indigente lorsqu'elle n'est pas en mesure d'assumer les frais de la procédure sans porter atteinte au minimum nécessaire à son entretien et à celui de sa famille (ATF 144 III 531 consid. 4.1; 141 III 369 consid. 4.1). Pour déterminer l'indigence, il convient de prendre en considération l'ensemble de la situation financière du requérant au moment où la demande est présentée, celui-ci devant indiquer de manière complète et établir autant que faire se peut ses revenus, sa situation de fortune et ses charges. Il y a lieu de mettre en balance, d'une part, la totalité des ressources effectives du requérant ainsi que de sa fortune, mobilière et immobilière, pour autant qu'elle soit disponible (ATF 124 I 1 consid. 1 consid. 2a, 97 consid. 3b; 119 Ia 12 consid. 5) et, d'autre part, l'ensemble de ses engagements financiers, seules les charges réellement acquittées étant susceptibles d'entrer dans le calcul du minimum vital (ATF 135 I 221 consid. 5.1; arrêt 4A_461/2022 du 15 décembre 2022 consid. 4.1.2). La jurisprudence a toutefois admis que la fortune mobilière pouvait présenter le caractère d'une "réserve de secours" destinée à couvrir les besoins futurs du requérant, dont le montant doit être apprécié selon les circonstances de l'espèce, tels que les perspectives de gain, l'âge, l'état de santé et les obligations familiales de l'intéressé (cf. ATF 144 III 531 consid. 4.1; arrêts 1B_595/2021 du 28 juillet 2022 consid. 2; 4A_250/2019 du 7 octobre 2019 consid. 2.1.2; 5A_886/2017 du 20 mars 2018 consid. 5.2 et la jurisprudence citée). 
Il appartient à la partie requérante de motiver sa requête et d'apporter, à cet effet, tous les moyens de preuve nécessaires et utiles. S'il ne fournit pas des renseignements suffisants (avec pièces à l'appui) pour permettre d'avoir une vision complète de celle-ci, l'autorité peut nier l'indigence sans violer le droit constitutionnel à l'assistance judiciaire et, partant, rejeter la demande (arrêts 2C_633/2022 du 7 décembre 2022 consid. 4.2; 1B_355/2022 du 21 septembre 2022 consid. 3.2; 1B_14/2021 du 28 avril 2021 consid. 3.2). 
 
2.1.2. L'assistance judiciaire gratuite ne peut être accordée que s'il est établi que la partie requérante ne pourra pas demander une provisio ad litem à son conjoint; tant qu'il existe une incertitude à ce sujet, la partie requérante ne sera pas considérée comme étant dans le besoin (arrêts 5A_416/2021 du 21 mars 2022; 5A_174/2016 du 26 mai 2016 consid. 2.2; 4A_412/2008 du 27 octobre 2008 consid. 4.1), le devoir de l'État d'accorder l'assistance judiciaire à un plaideur impécunieux dans une cause non dépourvue de chances de succès étant subsidiaire par rapport aux obligations d'assistance et d'entretien résultant du droit de la famille (ATF 142 III 36 consid. 2.3; 138 III 672 consid. 4.2.1).  
 
2.2.  
 
2.2.1. La Juge civile a retenu comme établi que les conjoints étaient tous deux propriétaires de biens au Kosovo et disposaient ainsi d'une fortune immobilière totalement disponible, puisque l'un et l'autre affirmaient qu'au-delà de la séparation, ils entendaient continuer à vivre en Suisse, où ils avaient le centre de leurs intérêts et, s'agissant du mari, une grande partie de sa famille. Cette fortune n'était grevée d'aucune dette, de sorte qu'elle devait leur permettre de contracter un emprunt; en tout cas, aucun des conjoints n'établissait le contraire. Malgré la tenue de deux audiences et une demande d'informations complémentaires circonstanciée, il n'était pas possible de se forger une opinion exacte sur cet avoir. A tout le moins fallait-il considérer qu'il était conséquent puisqu'en août 2020, les parties s'étaient rendues chez un notaire, dans leur pays d'origine, pour tenter de régler à l'amiable leurs affaires patrimoniales et, notamment, les droits de l'épouse dans la succession du mari. Par ailleurs, si l'avoir en question était dérisoire, on comprenait mal pour quelle raison il n'avait pas été déclaré fiscalement en Suisse, ni pourquoi il figurait, s'agissant de l'épouse, au nom d'un tiers, ni pour quelle raison les parties avaient renoncé à en parler lors de leur première procédure de séparation, dans laquelle ils avaient obtenu l'assistance judiciaire. Dans ces conditions, la requérante, qui n'avait pas demandé de provisio ad litem et n'avait pas exposé de manière claire la valeur de ses biens/droits à l'étranger, ne pouvait être considérée comme "indigente". Il y avait encore lieu de relever son manque de sincérité durant la procédure puisque, dans ses premières déclarations au tribunal, elle prétendait ne pas avoir de biens, alors que, dans le contrat notarié, elle admettait le contraire.  
 
2.2.2. Devant la Cour civile, la requérante a soutenu que le contrat de mariage notarié du 3 août 2020, sur lequel la première juge s'était fondée, mentionnait que l'aide financière que lui avait octroyée son mari l'avait été non seulement en sa faveur, mais aussi en faveur de sa famille. Elle-même n'était propriétaire d'aucun bien personnel, raison pour laquelle les documents fiscaux des époux n'en faisaient pas état. Les deux extraits du registre de propriété kosovars produits démontraient incontestablement que les biens-fonds dont elle serait prétendument propriétaire appartenaient en réalité à deux membres de sa famille. Les mêmes arguments valaient pour la situation financière du mari, qui avait lui aussi constamment nié être propriétaire de biens immobiliers. La Juge civile se méprenait en outre totalement lorsqu'elle affirmait que l'avoir des conjoints dans leur pays d'origine était conséquent.  
 
2.2.3. Selon la cour cantonale, la Juge civile ne contestait pas que la requérante ne fût pas inscrite en tant que propriétaire de biens au registre foncier kosovar, mais considérait, en substance, que tant la valeur de ces biens que les droits qu'elle aurait sur ceux-ci n'étaient pas clairs, et que la requérante avait manqué de sincérité à cet égard. La recourante se limitait à soutenir qu'elle n'était pas propriétaire de ces biens, mais ne se prononçait nullement sur le manque de clarté de ses droits éventuels sur ces immeubles; or force était d'admettre que la situation était peu claire ou qu'à tout le moins, au vu des éléments du dossier, la conclusion de la première juge n'était pas arbitraire.  
Les déclarations des époux concernant leurs intérêts financiers à l'étranger étaient en effet contradictoires, le mari de la requérante affirmant que celle-ci détenait des biens immobiliers au Kosovo, ce qu'elle contestait. Elle avait toutefois admis avoir envoyé de l'argent à sa famille, certes dans des proportions modestes selon elle, et que cet argent avait peut-être servi à construire une maison. Aux termes du contrat notarié signé le 3 août 2020, son mari l'avait matériellement aidée, ainsi que sa famille, à construire une maison dans son pays d'origine, aide pour laquelle il ne demandait aucune compensation. Au vu de ses déclarations et de l'acte notarié, la situation de la requérante était effectivement ambiguë. La pression qu'elle prétendait avoir subie au moment de la signature de ce contrat n'était pour le surplus pas établie. A cela s'ajoutait qu'il paraissait surprenant qu'elle eût déménagé son mobilier dans une maison sur laquelle elle ne détiendrait aucun droit. Compte tenu de ces éléments, la conclusion de la Juge civile selon laquelle il n'était pas possible de se forger une opinion exacte sur la valeur des biens/droits immobiliers de la requérante à l'étranger n'était pas arbitraire. Concernant la situation du mari, celui-ci avait admis être "propriétaire" d'une maison au Kosovo avec son frère, immeuble dont les coûts de construction s'étaient élevés à environ 100'000 euros. La valeur réelle de ce bien et la mesure dans laquelle celui-ci pourrait être hypothéqué n'étaient toutefois pas connues, de sorte qu'une provisio ad litem n'était pas d'emblée exclue. Enfin, selon le contrat notarié du 3 août 2020, la requérante avait perçu de son mari, avant l'introduction de la présente procédure, une somme de 30'000 euros, dont il subsistait un solde de 14'808.90 euros le 26 janvier 2021. On ignorait à quoi avait servi la moitié de ces 30'000 euros, étant précisé que, selon le calcul effectué en première instance, les revenus de la requérante lui permettaient de couvrir ses charges. Ce calcul était uniquement contesté en tant que la Juge civile n'avait pas tenu compte de frais médicaux non couverts, par 304 fr., grief qui ne pouvait être admis. La Juge civile ne pouvait, pour le surplus, se voir reprocher d'avoir tardé à statuer sur la requête d'assistance judiciaire, puisque l'instruction menée préalablement était nécessaire aux fins, notamment, d'établir la situation financière de la requérante, respectivement de déterminer si la condition de son indigence était ou non réalisée. Le recours devait ainsi être rejeté.  
 
3.  
La recourante se plaint d'arbitraire dans l'établissement des faits. Elle soutient d'abord qu'il ressort manifestement du dossier de la procédure de première instance que ni elle, ni son mari ne sont propriétaires, ni ne détiennent un quelconque droit sur des biens-fonds à l'étranger, ce à propos de quoi elle a toujours été claire. Elle en veut pour preuve les documents fiscaux des époux, qui ne mentionnent pas de tels droits, de même que les extraits du registre foncier kosovar, selon lesquels les immeubles dont ils sont prétendument propriétaires appartiennent en réalité à des membres de leurs familles. Elle expose en outre qu'elle a fermement démenti avoir "envoyé de l'argent à sa famille pour payer une maison", ayant simplement dit que cet argent, soit 5'000 fr. seulement au total, avait "peut-être servi pour construire une maison", ce qui ne signifie nullement qu'elle en soit propriétaire. Elle relève aussi que l'aide de son mari mentionnée dans l'acte notarié du 3 août 2020 n'a pas été octroyée seulement pour elle, mais également en faveur de sa famille, et soutient que cette clause du contrat consiste en des déclarations du mari "dépourvues d'objectivité". Le reproche qui lui est adressé par l'autorité cantonale de ne pas s'être prononcée sur le manque de clarté de ses droits éventuels sur les immeubles concernés reviendrait de surcroît à exiger d'elle la preuve d'un fait négatif, ce qui est parfaitement insoutenable, étant relevé que la Juge civile ne l'a jamais invitée expressément à lui transmettre des informations et/ou des pièces justificatives supplémentaires à propos de sa prétendue fortune. Enfin, même en admettant - ce qui est totalement contesté - que son mari dispose d'une "propriété commune" sur la maison appartenant à son frère, à la construction de laquelle il a seulement participé, il ne pourrait en disposer sans l'accord de ce dernier, compte tenu de l' art. 653 al. 2 CC . 
 
3.1. Selon les faits retenus par l'arrêt attaqué, le mari de la requérante avait admis, à l'audience du 20 janvier 2021, que son frère était inscrit en tant que propriétaire de deux maisons, mais qu'il avait lui-même payé la seconde. Il se rendait parfois en vacances dans celle-ci, qu'il considérait comme une propriété commune, et personne n'y habitait le reste du temps. Il avait pu verser le montant de 30'000 euros à son épouse, notamment, en empruntant une partie de cette somme à ses enfants. Avec cet argent, celle-ci voulait se construire une maison. Elle en avait déjà une, bâtie pour elle en 2019, qui n'était au nom de personne: "elle [était] là illégalement". Le 28 mai 2021, le mari avait précisé que l'épouse avait déjà acheté un terrain en 2018 sur lequel elle avait construit une maison. La somme de 30'000 euros lui avait permis d'acquérir quatre ares de terrain pour un montant de 40'000 euros et elle s'était arrangée pour mettre ces immeubles au nom de son frère, respectivement de son neveu. Lors de l'audience du 20 janvier 2021, l'épouse avait quant à elle déclaré s'être réfugiée dans la maison de son frère au moment de la séparation et y avoir entreposé ses meubles. Elle avait donné de l'argent à sa famille durant le mariage, soit environ 5'000 fr. en tout, et il était possible que cet argent ait servi à la construction d'une maison. Le 28 mai 2021, elle avait indiqué que son mari avait fait pression sur elle pour qu'elle mette à son nom des immeubles appartenant à sa famille au Kosovo, ce qu'elle avait refusé.  
Vu ce qui précède, la cour cantonale était fondée à nier tout arbitraire dans l'appréciation des preuves opérée par la Juge civile. En particulier, l'autorité précédente ne peut se voir reprocher d'avoir jugé, au regard, notamment, des déclarations des époux, qu'il n'était pas insoutenable de retenir, comme la première juge, que ceux-ci avaient placé leurs économies dans des immeubles au Kosovo, même s'ils n'étaient pas inscrits à leur nom. Il n'était pas non plus arbitraire de constater que la requérante avait manqué de transparence à propos de sa situation financière. En tout cas, la recourante n'avance aucun argument susceptible de faire admettre le contraire. Il n'est en effet pas décisif que les biens concernés n'eussent pas été déclarés fiscalement en Suisse, cette circonstance pouvant aussi bien signifier, comme l'ont considéré les instances cantonales, que la valeur de ces biens n'était pas dérisoire. Or, la jurisprudence ne se satisfait de la vraisemblance de l'indigence que lorsque le requérant a pris toutes les mesures qu'on pouvait raisonnablement attendre de lui pour établir sa situation financière (cf. supra consid. 2.1.1 in fine). Si la preuve d'un fait négatif, tel que l'absence de ressources, est souvent difficile à rapporter, il n'en demeure pas moins que sa vraisemblance prépondérante devait être établie. En l'espèce, l'autorité précédente a correctement estimé que la Juge civile n'avait pas arbitrairement apprécié les faits dont elle disposait en retenant que cette preuve n'avait pas été rapportée, même d'une façon indirecte, étant rappelé qu'une constatation de fait n'est pas arbitraire si elle a été déduite de manière soutenable du rapprochement de divers éléments ou indices. En tant que la recourante fait aussi valoir que la Juge civile ne l'a jamais invitée à lui transmettre des informations et/ou des pièces supplémentaires à propos de la fortune à l'étranger dont elle disposerait, elle méconnaît par ailleurs que, dans la mesure où elle était assistée d'un avocat, cette magistrate n'en avait nullement l'obligation (arrêts 1B_309/2021 du 3 septembre 2021 consid. 2.2; 1B_347/2018 du 10 janvier 2019 consid. 3.4 et les références). Quoi qu'il en soit, il appert qu'en première instance, deux audiences ont été tenues, au cours desquelles les époux ont été entendus au sujet de leur situation patrimoniale, et qu'une demande d'informations complémentaires circonstanciée leur a été adressée. L'argument se révèle donc vain. 
Les mêmes considérations valent pour la situation de fortune du mari. Quant à la prétendue absence de disponibilité de celle-ci, le dossier ne contenant aucun justificatif, ni même aucun indice en ce sens, la Cour civile a estimé à juste titre que la première juge n'avait pas non plus fait preuve d'arbitraire sur ce point; l'invocation par la recourante de l' art. 653 al. 2 CC ne lui est au surplus d'aucun secours, dès lors que l'immeuble payé par le mari, mais inscrit au nom de son frère, est situé à l'étranger. Il convient au demeurant de relever que le capital de la prévoyance professionnelle du mari prélevé après la survenance du cas de prévoyance peut en principe venir s'ajouter à sa fortune dans le cadre de l'assistance judiciaire (cf. ATF 144 III 531 consid. 2-4). De plus, la constatation de la cour cantonale selon laquelle la requérante n'avait pas non plus expliqué à quoi avait servi la moitié de la somme de 30'000 fr. reçue de son mari ne fait pas l'objet d'un grief valablement motivé. 
Le moyen est par conséquent mal fondé, dans la mesure où il est recevable ( art. 106 al. 2 LTF ). 
 
4.  
Toujours sous l'angle de l'arbitraire dans l'établissement des faits, la recourante se plaint en outre du refus d'inclure dans son minimum vital des frais médicaux non couverts d'un montant de 304 fr., lesquels seraient établis par pièces. 
 
4.1. Savoir si un élément peut être inclus dans le calcul des charges d'une partie relève de l'application du droit et non de l'appréciation des preuves; seul le montant effectivement supporté à ce titre est une question de fait (arrêts 5A_127/2021 du 1er octobre 2021 consid. 4.3.1; 5A_129/2021 du 31 mai 2021 consid. 4.1; 5A_246/2019 du 9 juin 2020 consid. 5.1).  
 
4.2. L'autorité cantonale a estimé que la première juge n'avait pas non plus fait preuve d'arbitraire sur ce point, en tant qu'elle avait retenu que, même si la requérante était toujours, apparemment, traitée médicalement, on ne connaissait rien du coût de son traitement, qui était vraisemblablement pris en charge par sa caisse-maladie, et que le traitement lourd qu'elle avait subi en 2020 en étant hospitalisée en milieu psychiatrique devait en tout état de cause être considéré, à ce stade, comme exceptionnel et n'étant plus amené à se reproduire.  
La pièce produite en première instance (PJ 5) que la recourante invoque à l'appui de son grief, à savoir sa police d'assurance-maladie 2020, ne permet cependant pas d'établir qu'elle supporterait des frais médicaux de 304 fr. par mois qui ne seraient pas pris en charge, ni que ceux-ci seraient réellement acquittés (cf. supra consid. 2.1.1). La critique ne peut dès lors qu'être rejetée. 
 
5.  
Au vu des faits retenus concernant la situation de fortune des époux, que la recourante a échoué remettre en cause, et, en particulier, du constat qu'elle n'avait pas été totalement transparente à cet égard, l'autorité cantonale ne peut se voir reprocher d'avoir violé l' art. 29 al. 3 Cst. en lui déniant le droit à l'assistance judiciaire en considérant, à la suite de la première juge, que la condition de l'indigence n'était pas rendue vraisemblable et qu'il appartenait à la requérante de demander une provisio ad litem, celle-ci n'étant pas d'emblée exclue (cf. supra consid. 2.1.1 et 2.1.2).  
Se plaignant de la violation de cette disposition, la recourante s'en prend cependant aussi à la décision entreprise dans la mesure où les juges précédents ont estimé, de surcroît, que la somme de 30'000 euros qu'elle avait reçue de son mari était amplement suffisante pour s'acquitter des frais de la procédure et de ceux de son mandataire. Elle prétend à cet égard qu'il ne peut être exigé d'elle qu'elle utilise ses économies, du reste réduites à moins de 15'000 fr., si elles constituent sa "réserve de secours", ce qui serait en l'occurrence le cas. Le rejet des critiques concernant le financement d'immeubles au Kosovo par les époux scelle toutefois le sort du litige quant au refus de l'assistance judiciaire pour la première instance, de sorte que cet argument n'a pas besoin d'être examiné. Il en va de même de celui fondé sur l'absence de prise en compte d'un supplément de 25 % dans le minimum vital de la requérante, ce moyen n'apparaissant d'ailleurs pas avoir été soulevé en instance cantonale ( art. 75 al. 1 LTF ). 
 
6.  
La recourante reproche encore à la Cour civile d'avoir violé l' art. 29 al. 3 Cst. en considérant que la première juge n'avait pas tardé à statuer sur la requête d'assistance judiciaire. 
Elle ne prétend cependant pas qu'elle aurait sollicité que la procédure soit suspendue et qu'une décision séparée soit prise concernant l'assistance judiciaire, préalablement à celle rendue sur le fond. Le fait que l'assistance judiciaire, qui a pour but de garantir l'accès à la justice, lui ait été en fin de compte déniée, selon elle, "contre toute attente" ne permet pas de retenir une violation de la Constitution, dès lors qu'il n'apparaît pas que la recourante ait été empêchée de faire valoir ses droits. 
 
7.  
Selon la recourante, l'autorité cantonale aurait de plus enfreint l' art. 29 al. 3 Cst. en lui refusant le droit à l'assistance judiciaire pour la procédure de recours, au motif que celui-ci était dénué de chances de succès. 
 
7.1. D'après la jurisprudence, un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter; il ne l'est pas non plus lorsque les chances de succès et les risques d'échec s'équilibrent à peu près, ou que les premières ne sont que légèrement inférieures aux seconds. La situation doit être appréciée à la date du dépôt de la requête et sur la base d'un examen sommaire (ATF 142 III 138 consid. 5.1; 139 III 475 consid. 2.2; 138 III 217 consid. 2.2.4; 133 III 614 consid. 5 et la jurisprudence citée).  
 
7.2. La recourante expose qu'elle a expliqué sur treize pages que la décision de première instance était non seulement arbitraire, mais qu'elle violait aussi le droit à l'assistance judiciaire gratuite selon l' art. 29 al. 3 Cst. Comme elle l'aurait démontré dans le présent recours, l'arrêt rendu par la Cour civile souffrirait des mêmes vices. Dans la mesure où cette autorité s'était fondée, selon ses dires, sur les mêmes arguments pour rejeter tant son recours que la requête d'assistance judiciaire déposée avec celui-ci, elle aurait ainsi retenu à l'évidence à tort que ladite requête était manifestement dénuée de toute chance de succès; à tout le moins, force serait de considérer que la requête d'assistance judiciaire déposée en première instance présentait autant de chances de succès que de risques d'échec.  
 
7.3. Ce faisant, la recourante ne fait nullement apparaître, par une argumentation topique, en quoi l'autorité précédente aurait méconnu le droit lors de l'appréciation des chances de succès de la cause, étant précisé que le juge cantonal dispose d'un large pouvoir d'appréciation lors de l'examen de celles-ci et que le Tribunal fédéral ne revoit sa décision qu'avec retenue. Lorsqu'il est saisi d'un recours contre une décision refusant l'octroi de l'assistance judiciaire pour défaut de chances de succès, le Tribunal fédéral n'a pas à se substituer au juge cantonal pour décider si la requête d'assistance judiciaire doit être admise ou non: il doit uniquement vérifier que le juge cantonal ne s'est pas écarté des principes juridiques reconnus en la matière, qu'il n'a pas tenu compte de circonstances qui ne jouent pas de rôle pour le pronostic dans le cas particulier ou inversement qu'il n'a pas méconnu des circonstances pertinentes dont il aurait dû tenir compte (arrêts 4A_520/2022 du 6 janvier 2023 consid. 5; 5A_647/2021 du 19 novembre 2021 consid. 5.1; 4A_383/2019 du 30 mars 2020 consid. 3 et les références). Or, la recourante se contente de substituer sa propre appréciation des chances de succès à celle de l'autorité précédente, sans aucunement démontrer que celle-ci aurait abusé de son large pouvoir d'appréciation ou omis de tenir compte de certains éléments pertinents lorsqu'elle a jugé que la cause apparaissait dénuée de chances de succès. Autant qu'il est suffisamment motivé ( art. 42 al. 2 LTF ), le grief est infondé.  
 
8.  
Vu ce qui précède, le recours se révèle mal fondé et doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable. La recourante, qui succombe, supportera dès lors les frais judiciaires ( art. 66 al. 1 LTF ). Sa requête d'assistance judiciaire, dont les conditions sont réunies, peut toutefois être admise ( art. 64 al. 1 LTF ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens ( art. 68 al. 3 LTF ). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable. 
 
2.  
Le recours en matière civile est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
 
3.  
La requête d'assistance de la recourante est admise et Me Nathan Rebetez, avocat à Delémont, lui est désigné comme conseil d'office. 
 
4.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'500 fr. sont mis à la charge de la recourante, mais ils sont provisoirement supportés par la Caisse du Tribunal fédéral. 
 
5.  
La Caisse du Tribunal fédéral versera au mandataire de la recourante une indemnité de 2'000 fr. à titre d'honoraires d'avocat d'office. 
 
6.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Jura. 
 
 
Lausanne, le 2 février 2023 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Herrmann 
 
La Greffière : Mairot 


Synthèse
Formation : Iie cour de droit civil  
Numéro d'arrêt : 5A_972/2021
Date de la décision : 02/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2023
Fonds documentaire ?: www.bger.ch
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2023-02-02;5a.972.2021 ?

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