La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/01/2023 | SUISSE | N°4D_46/2022

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral, Ire Cour de droit civil  , Arrêt du 19 janvier 2023  , 4D 46/2022


 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4D_46/2022  
 
 
Arrêt du 19 janvier 2023  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Jametti, Présidente, Hohl et Rüedi. 
Greffière: Mme Raetz. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Pierre Gabus, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Commission paritaire professionnelle genevoise du nettoyage CPPGN, 
intimée. 
 <

br>Objet 
assujettissement d'une société à une convention collective de travail, 
 
recours constitutionnel subsidiaire contre l'arrêt rendu le 21 juin 2022 par la Chambre des prud'hom...

 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4D_46/2022  
 
 
Arrêt du 19 janvier 2023  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Jametti, Présidente, Hohl et Rüedi. 
Greffière: Mme Raetz. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Pierre Gabus, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Commission paritaire professionnelle genevoise du nettoyage CPPGN, 
intimée. 
 
Objet 
assujettissement d'une société à une convention collective de travail, 
 
recours constitutionnel subsidiaire contre l'arrêt rendu le 21 juin 2022 par la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice du canton de Genève (C/28336/2019-CT, CAPH/95/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________ SA (ci-après: la société) a pour but l'exploitation d'une entreprise de services dans le domaine de la voirie, notamment des prestations de balayage industriel, de maintenance des espaces publics et industriels, ainsi que toute activité analogue.  
La société est membre de l'Association B.________ (ci-après: B.________), laquelle est partie à la Convention collective de travail pour le secteur du nettoyage en bâtiment pour la Suisse romande (ci-après: la CCT; dans sa version produite de 2018 à 2021). Cette dernière a fait l'objet d'arrêtés d'extension successifs du Conseil fédéral. 
Sur son site internet, la société indique qu'elle est " signataire de la CCT du secteur du nettoyage ". 
 
A.b. La Commission paritaire professionnelle genevoise du nettoyage (ci-après: la CPPGN) est, à teneur de ses statuts, une association. A la suite de contrôles, elle a relevé plusieurs infractions supposées concernant deux employés de la société, dont C.________. La CPPGN a alors demandé à la société de lui transmettre différents documents et l'a invitée à se déterminer. La société a adressé à la CPPGN les pièces requises.  
 
B.  
 
B.a. Par décision du 16 mars 2018, la CPPGN a prononcé à l'encontre de la société une peine conventionnelle d'un montant total de 4'500 fr., en lien avec ces deux employés.  
Par courrier du 13 août 2019 à la société, la CPPGN a constaté qu'aucun paiement n'était intervenu et a indiqué qu'elle allait recouvrer en justice le montant de la peine conventionnelle. 
 
B.b. Le 13 décembre 2019, au bénéfice d'une autorisation de procéder délivrée par la Chambre des relations collectives de travail (ci-après: la CRCT), la CPPGN a déposé au Tribunal des prud'hommes du canton de Genève une demande tendant notamment à ce que la société soit condamnée à lui payer la somme nette de 4'500 fr.  
Par jugement du 21 octobre 2021, le tribunal a notamment condamné la société à verser à la CPPGN le montant net de 1'500 fr., en considérant qu'au vu des circonstances, la peine conventionnelle de 4'500 fr. était disproportionnée. 
 
B.c. Par arrêt du 21 juin 2022, la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice du canton de Genève a rejeté le recours déposé par la société à l'encontre du jugement entrepris et a débouté les parties de toutes autres conclusions.  
 
C.  
La société (ci-après: la recourante) a exercé un recours constitutionnel subsidiaire au Tribunal fédéral. Elle a conclu à l'annulation de l'arrêt attaqué et de la décision du 16 mars 2018 de la CPPGN (ci-après: l'intimée), en tant qu'elle lui infligeait une peine conventionnelle réduite à 1'500 fr. Subsidiairement, la recourante a conclu à l'annulation dudit arrêt et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Dans sa réponse, l'intimée a conclu en substance à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. 
La cour cantonale s'est référée à son arrêt. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le litige porte sur le prononcé d'une peine conventionnelle, mais aussi à titre préjudiciel sur l'assujettissement de la recourante à une convention collective de travail dont le champ d'application a été étendu par arrêtés du Conseil fédéral. Il s'agit donc d'un litige en matière civile (arrêts 4A_402/2022 du 3 janvier 2023 consid. 1.1; 4A_53/2022 du 30 août 2022 consid. 1.1.1; cf. ATF 137 III 556 consid. 3). 
La valeur litigieuse n'atteint pas le seuil de 30'000 fr. exigé par l' art. 74 al. 1 let. b LTF pour la recevabilité du recours en matière civile et la contestation ne soulève aucune question juridique de principe au sens de l' art. 74 al. 2 let. a LTF , comme l'admet expressément la recourante. Partant, seul le recours constitutionnel subsidiaire est ouvert ( art. 113 LTF ). 
Le recours a été déposé en temps utile (art. 46 al. 1 let. b, 117 et 100 LTF) contre une décision finale ( art. 117 et 90 LTF ) prise en dernière instance cantonale et sur recours par un tribunal supérieur ( art. 114 et 75 LTF ), par une partie qui a pris part à la procédure devant l'autorité précédente et a un intérêt juridique à la modification de la décision ( art. 115 LTF ). Le recours constitutionnel subsidiaire est dès lors recevable. 
 
2.  
 
2.1. Le recours constitutionnel subsidiaire peut être formé uniquement pour violation des droits constitutionnels ( art. 116 LTF ). Le Tribunal fédéral n'examine que les griefs expressément soulevés et motivés conformément au principe d'allégation ( art. 106 al. 2 et 117 LTF ). Le recourant doit indiquer quel droit ou principe constitutionnel a été violé par l'autorité précédente et dans quelle mesure, en présentant une argumentation claire et circonstanciée; des critiques simplement appellatoires ne sont pas admissibles (ATF 143 II 283 consid. 1.2.2; 142 III 364 consid. 2.4; 139 I 229 consid. 2.2).  
Lorsqu'elle soulève le grief d'arbitraire ( art. 9 Cst. ) dans l'application du droit, la partie recourante ne peut se contenter de plaider que la décision attaquée serait arbitraire. Elle doit expliquer, sur la base de la subsomption opérée dans le cas concret, en quoi la décision attaquée méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou encore heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. L'arbitraire, prohibé par l' art. 9 Cst. , ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution serait concevable, voire préférable. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si la décision entreprise apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain. Il ne suffit pas que les motifs de la décision soient insoutenables; encore faut-il que celle-ci soit arbitraire dans son résultat (ATF 144 III 145 consid. 2; 141 III 564 consid. 4.1 et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral n'a pas à examiner quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement dire si l'interprétation qui a été faite est défendable (ATF 144 III 145 consid. 2; 132 I 13 consid. 5.1). 
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente ( art. 118 al. 1 LTF ). Il peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente si les faits ont été établis en violation du droit au sens de l' art. 116 LTF ( art. 118 al. 2 LTF ), c'est-à-dire s'ils sont arbitraires au sens de l' art. 9 Cst. La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l' art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les arrêts cités).  
 
3.  
En premier lieu, la recourante reproche à la cour cantonale d'avoir reconnu de manière arbitraire la compétence de l'intimée pour prononcer des peines conventionnelles et procéder à leur recouvrement, notamment par la voie judiciaire, alors qu'aucune base légale ne figurerait dans la CCT. Elle dénonce une violation arbitraire du principe de la légalité ( art. 5 al. 1 Cst. ). Elle ajoute que l'interprétation de la CCT faite à cet égard par la cour cantonale est arbitraire tant dans son raisonnement que dans son résultat. L'intimée n'aurait ainsi pas la légitimation active. 
 
3.1.  
 
3.1.1. Une convention collective de travail peut prévoir la création d'associations auxquelles sera transférée l'exécution commune au sens de l' art. 357b CO . La légitimation active d'une commission professionnelle paritaire se détermine en fonction des compétences que la convention collective de travail lui attribue. Il est donc possible de prévoir dans une convention collective de travail les bases permettant à une commission professionnelle paritaire de réclamer en son propre nom une peine conventionnelle, (également) devant un tribunal (ATF 140 III 391 consid. 2.1 et les références citées).  
 
3.1.2. Des dispositions d'une convention collective de travail qui, comme en l'espèce, règlent les droits et les obligations réciproques des partenaires tarifaires, doivent être interprétées selon les principes d'interprétation en matière contractuelle (ATF 140 III 391 consid. 2.3; 127 III 318 consid. 2a). Par conséquent, est décisive en premier lieu la volonté réelle et commune des parties (interprétation subjective) et, en second lieu, lorsque cette volonté n'a pas pu être déterminée, l'interprétation de leurs comportements selon le principe de la confiance (interprétation objective). Le juge doit alors déterminer le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2 et 5.2.3). Il faut se baser sur le texte des déclarations, non pas prises isolément, mais interprétées à la lumière de leur signification concrète; est déterminant le but de la réglementation, poursuivi par le déclarant, tel que le destinataire de la déclaration pouvait et devait le comprendre de bonne foi (ATF 140 III 391 consid. 2.3).  
 
3.1.3. L'art. 2 al. 4, 3ème phrase, CCT prévoit que les employeurs assujettis appliquent sans restriction la convention collective, sous peine de sanctions établies par la commission paritaire qui organise le contrôle de son application.  
L'art. 28 al. 2 CCT stipule notamment qu'une commission paritaire romande est constituée; elle est instance de recours contre les décisions des commissions paritaires cantonales. Selon l'art. 28 al. 4 CCT, il est en outre institué une commission paritaire pour chacun des cantons concernés par le champ d'application de la CCT; les commissions paritaires sont chargées de l'application de celle-ci et des contrôles nécessaires. D'après l'art. 28 al. 5 CCT, les commissions paritaires cantonales peuvent en tout temps effectuer un contrôle d'application de la convention collective à la demande d'une des parties signataires; l'employeur est tenu de fournir tous les documents et les informations utiles à la commission paritaire. Selon l'art. 28 al. 6 CCT, toute infraction aux dispositions de la convention peut être sanctionnée par une amende d'un montant de 5'000 fr. au plus par contrevenant, sans préjudice de la réparation des dommages éventuels; ce montant peut être porté à 20'000 fr. en cas de récidive ou de violation grave des dispositions de la convention; la commission paritaire peut déroger à ce montant si le préjudice subi est supérieur à ce dernier; le montant des amendes est versé sur le compte du fonds paritaire. 
Aux termes de l'art. 30 al. 4 CCT, l'utilisation des fonds paritaires est de la compétence de la commission professionnelle paritaire et servira notamment au contrôle de l'application de la CCT. 
 
3.2. La cour cantonale a considéré que les parties contractantes de la CCT avaient prévu d'attribuer à l'intimée la compétence pour infliger les amendes, réclamer leur paiement et faire valoir la prétention en justice.  
Selon la cour cantonale, l'intimée était constituée en la forme d'une association. Il ressortait des art. 2 al. 4 et 28 al. 4 CCT que l'intimée était chargée de l'application de la CCT et des contrôles nécessaires. L'art. 28 al. 4 CCT constituait ainsi une disposition d'exécution commune au sens de l' art. 357b CO (cf. p. 11 de l'arrêt attaqué). L'art. 28 al. 6 CCT prévoyait quant à lui que toute infraction à la CCT devait être sanctionnée. La cour cantonale a relevé qu'on comprenait à la lecture des art. 2 al. 4 et 28 al. 6, 3ème phrase, CCT que les commissions paritaires étaient habilitées à infliger des amendes puisqu'elles pouvaient déroger au plafond de 5'000 fr. en cas de violation grave de la CCT. Par ailleurs, seules les commissions paritaires cantonales étaient compétentes à cet égard, la commission paritaire romande étant une instance de recours. Ainsi, l'intimée était compétente pour prononcer une amende à la suite de violations de la CCT commises par la recourante. 
Concernant la question du recouvrement des amendes et de l'usage de la voie judiciaire à cette fin, la cour cantonale a constaté que la CCT était totalement silencieuse à ce propos. Dès lors que la volonté concordante des parties contractantes à la CCT, qui n'étaient pas parties à la procédure, ne pouvait être établie, les dispositions de la CCT devaient être interprétées selon le principe de la confiance. Bien que la CCT stipulât que l'amende devait être versée sur le compte du fonds paritaire (art. 28 al. 6 CCT), lequel relevait de la compétence de la " commission professionnelle paritaire " (art. 30 al. 4 CCT), la CCT ne précisait pas de quelle commission paritaire (romande ou cantonale) il s'agissait. Dans la mesure où les fonds servaient notamment au contrôle de l'application de la CCT, il apparaissait que c'étaient les commissions paritaires cantonales qui étaient concernées. Le fait d'être autorisé à infliger les amendes, de percevoir les fonds et de les utiliser, permettait d'admettre que, malgré la lacune de la CCT sur la question du recouvrement, l'art. 28 al. 6 CCT pouvait et devait être compris de bonne foi par la recourante comme accordant la compétence à l'intimée pour entreprendre les démarches de recouvrement des amendes, y compris de procéder par la voie judiciaire. Le fait qu'aucune disposition de la CCT ne fasse référence expressément à l' art. 357b CO n'y changeait rien puisque c'était davantage le contenu des clauses de la CCT qui était pertinent plutôt que la référence à la base légale. Cette interprétation était corroborée par le but de la réglementation, tel qu'il pouvait être compris de bonne foi par les parties à la CCT. Il y avait lieu d'admettre qu'en créant des commissions paritaires, lesdites parties leur avaient transféré la compétence de prononcer les amendes et de les recouvrer. On ne saurait considérer qu'elles avaient voulu entreprendre elles-mêmes les procédures judiciaires y relatives. La légitimation active de l'intimée devait ainsi être admise. 
 
3.3. La recourante soutient que contrairement à la situation ayant donné lieu à l'ATF 140 III 391, la CCT objet du présent litige ne prévoit pas la compétence de l'intimée de recouvrer des peines conventionnelles, ni même de les infliger. L'art. 28 al. 6 CCT n'attribue pas la compétence à l'intimée de les prononcer. Aucune procédure claire à ce sujet, ou voie de droit, n'est indiquée. Il n'y a pas non plus de référence à l' art. 357b CO . Ainsi, en l'absence de délégation commune au sens de l' art. 357b CO et de base légale dans la CCT attribuant à l'intimée la compétence d'infliger des peines conventionnelles et de procéder à leur recouvrement, il n'est pas possible de suppléer à ces lacunes par la voie de l'interprétation, sauf à agir de façon arbitraire, en heurtant de manière choquante le principe de la légalité et le sens de la justice. L'interprétation faite par la cour cantonale est en outre arbitraire, car elle va au-delà des possibilités qui lui sont données par la loi et par la jurisprudence, en s'écartant notamment sans justification de l'ATF 140 III 391. Elle est de plus arbitraire dans son résultat.  
 
3.4. La recourante perd de vue que les dispositions de la CCT pertinentes en l'espèce doivent être interprétées selon les principes d'interprétation en matière contractuelle. Dès lors, le seul fait qu'aucune disposition ne conférerait expressément et de manière explicite à l'intimée la compétence de prononcer, puis de recouvrer les peines conventionnelles, ne permet pas de retenir d'emblée que la cour cantonale aurait violé de manière arbitraire le principe de la légalité, ou sombré dans l'arbitraire, en retenant quand même de telles compétences.  
Le raisonnement présenté par la cour cantonale est détaillé et convaincant. En effet, s'agissant tout d'abord de la compétence de l'intimée de prononcer des amendes, elle a notamment expliqué qu'une telle compétence découlait de la lecture des art. 2 al. 4 et 28 al. 6, 3ème phrase, CCT. Contrairement à ce que soutient la recourante, on ne décèle aucun arbitraire à cet égard, puisque la première disposition prévoit explicitement que les employeurs doivent appliquer la convention collective sous peine de sanctions établies par la commission paritaire, et que l'art. 28 al. 6, 3ème phrase, CCT stipule précisément que la commission paritaire peut déroger au montant maximum de l'amende de 5'000 fr. Il n'était ainsi clairement pas insoutenable de retenir, sur cette base, que l'intimée était compétente pour prononcer de telles sanctions. La recourante n'explique d'ailleurs même pas qui serait, selon elle, compétent à cet égard. 
Ensuite, concernant le recouvrement des amendes, également par la voie judiciaire, la cour cantonale a expressément relevé le silence de la CCT à cet égard. Elle a néanmoins développé une analyse l'ayant amenée à considérer que l'intimée était tout de même compétente sur ce point. La recourante ne discute pas réellement cette appréciation, alors qu'il lui appartenait pourtant de le faire pour satisfaire aux exigences de motivation des art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF, prévalant devant le Tribunal fédéral. Elle se contente en effet, dans une large mesure, de se prévaloir du silence précité. Quoi qu'il en soit, les juges cantonaux ont précisé ne pas être parvenus à déterminer la volonté subjective des parties contractantes et ont donc interprété, à juste titre, les dispositions de la CCT selon le principe de la confiance. Ils ont relevé que le fait que l'intimée était autorisée à infliger les amendes, à percevoir les fonds et à les utiliser permettait d'admettre que l'art. 28 al. 6 CCT pouvait et devait être compris de bonne foi par la recourante comme accordant la compétence à l'intimée d'entreprendre les démarches de recouvrement des amendes, y compris par la voie judiciaire; ceci était corroboré par le but de la réglementation, tel qu'il pouvait être compris de bonne foi. Cette appréciation, convaincante et fondée également sur le but poursuivi, n'est en aucun cas arbitraire. 
Pour le surplus, la cour cantonale a expressément relevé que l'absence de référence explicite à l' art. 357b CO n'était pas pertinente, compte tenu du contenu des clauses de la CCT. Au vu de ce qui précède, on ne peut que constater que cette réflexion ne prête pas flanc à la critique. Par ailleurs, si les clauses de la convention collective de travail analysées dans l'ATF 140 III 391 n'ont certes pas le même contenu que celles pertinentes dans la CCT objet du présent litige, ce seul point ne suffit pas à rendre l'appréciation de la cour cantonale arbitraire, chaque convention collective de travail devant être interprétée pour elle-même. 
En définitive, force est de constater que les juges cantonaux n'ont pas violé de manière arbitraire le principe de la légalité, ni versé dans l'arbitraire, en retenant la compétence de l'intimée pour prononcer et recouvrer les amendes, cas échéant par la voie judiciaire et, partant, sa légitimation active. 
 
4.  
En second lieu, la recourante conteste son assujettissement à la CCT. Elle dénonce une interprétation arbitraire du champ d'application de la CCT, en particulier de l'art. 2 al. 1 CCT, dans la mesure où la cour cantonale a considéré que la CCT s'appliquait également aux entreprises de voirie. 
 
4.1.  
 
4.1.1. Le Conseil fédéral a la faculté d'étendre le champ d'application d'une convention collective de travail à tous les employeurs et travailleurs qui appartiennent à la branche économique ou à la profession visée par la convention, mais ne sont pas liés par celle-ci (cf. art. 1 al. 1 et art. 7 al. 1 de la loi fédérale du 28 septembre 1956 permettant d'étendre le champ d'application de la convention collective de travail [LECCT; RS 221.215.311]). Le but de la déclaration d'extension est de créer des conditions de travail minimales identiques pour toutes les entreprises actives sur le même marché, afin d'éviter qu'une entreprise ne puisse obtenir un avantage concurrentiel en accordant à ses employés de moins bonnes conditions. Font partie de la même branche économique les entreprises qui se trouvent dans un rapport de concurrence direct avec celles qui sont parties à la convention, en ce sens qu'elles offrent des biens ou services de même nature (ATF 134 III 11 consid. 2.2; 134 I 269 consid. 6.3.2; arrêt 4A_53/2022 précité consid. 4.1.1).  
Pour savoir si une entreprise appartient à la branche économique ou à la profession concernée et entre dans le champ d'application de la convention étendue, il faut déterminer concrètement l'activité généralement déployée par l'entreprise en cause (ATF 134 I 269 consid. 6.3.2). Le but social tel qu'énoncé dans les statuts ou le registre du commerce n'est pas déterminant. Est décisive l'activité généralement exercée par l'employeur en question, c'est-à-dire celle qui caractérise son entreprise (ATF 142 III 758 consid. 2.2; 134 III 11 consid. 2.1; arrêt 4A_53/2022 précité consid. 4.1.1). 
 
4.1.2. Selon l'art. 2 al. 1 CCT, cette dernière s'applique aux entreprises qui exercent une activité régulière ou occasionnelle dans les cantons de Genève, de Vaud, de Fribourg, de Neuchâtel, du Valais, du Jura et du Jura bernois, indépendamment de leur siège social, et qui offrent des prestations à titre principal ou accessoire dans le domaine du nettoyage, de la propreté et de l'hygiène et de la désinfection ainsi que les services annexes liés à l'utilisation et à l'entretien de tous types de locaux, bâtiments, installations et équipements ou moyens de transport.  
L'annexe 5 CCT prévoit que le balayage mécanique de voirie à l'aide d'une balayeuse à moteur (thermique, électrique ou sur batterie) ressort de la catégorie N. 
 
4.2. La cour cantonale a relevé que la recourante était membre de B.________, elle-même signataire de la CCT. En outre, la recourante admettait elle-même sur son site internet qu'elle était signataire de la CCT, de sorte qu'elle déclarait s'y soumettre. En tout état de cause, compte tenu du fait que le champ d'application de la CCT avait été étendu par le Conseil fédéral, la CCT s'appliquait à la recourante puisqu'elle était active dans la branche économique concernée. En effet, elle avait pour but social l'exploitation d'une entreprise de services dans le domaine de la voirie, notamment des prestations de balayage industriel, de maintenance des espaces publics et industriels, ainsi que toute activité analogue. Cette activité, exercée sur le territoire genevois, correspondait à la définition de l'art. 2 al. 1 CCT, ce d'autant plus que le balayage mécanique de voirie était expressément cité à l'annexe 5 CCT. Il fallait en outre entendre par la définition prévue à l'art. 2 al. 1 CCT que toute entreprise occupée par une activité de nettoyage, tant sur le domaine privé que sur le domaine public, était concernée par la CCT, de sorte que le domaine de la voirie - domaine qui consistait principalement à nettoyer et maintenir des lieux publics - était compris dans cette définition. Enfin, on ne voyait pas pour quelle raison un travailleur occupé par la recourante dans le domaine de la voirie ne pourrait pas bénéficier de la protection octroyée par la CCT aux travailleurs exerçant leur activité sur le domaine privé. Au contraire, il apparaissait indispensable que l'Etat puisse garantir aux citoyens qu'il n'avait pas recours à des employeurs traitant leur travailleurs de manière moins favorable qu'une entreprise soumise contractuellement à la CCT. Il existait ainsi un rapport de concurrence direct entre la recourante et toute entreprise employant des personnes dans le domaine du nettoyage de lieux publics. La CCT s'appliquait donc à la recourante, y compris pour les employés occupés dans le domaine de la voirie.  
 
4.3. Selon la recourante, il ressort de l'art. 2 al. 1 CCT que le champ d'application de la CCT est circonscrit à l'entretien de locaux, bâtiments, installations ou équipements, soit de lieux fermés. Elle allègue que la seconde partie de l'art. 2 al. 1 CCT mentionne encore plusieurs activités particulières, notamment le nettoyage ou l'assainissement après sinistre ou incendie. Ainsi, d'après la recourante, l'activité de nettoyage se rapporte à des locaux fermés, auxquels s'ajoutent exceptionnellement le nettoyage spécifique de chantier ou d'assainissement après sinistre ou incendie. La recourante fait encore valoir que l'annexe 5 de la CCT inclut certes le balayage mécanique de voirie, mais seulement si ce travail de nettoyage s'inscrit dans le nettoyage spécifique et de chantier. Or, sauf exceptions, la recourante n'est pas active dans le domaine du nettoyage de locaux fermés, mais dans le domaine de la voirie, soit des travaux sur des lieux publics extérieurs, comme il en ressort de son but inscrit au registre du commerce. D'ailleurs, c'est bien cette activité qu'exerçait C.________, ce que la cour cantonale n'aurait toutefois arbitrairement pas constaté.  
 
4.4. La cour cantonale a retenu que la recourante était soumise à la CCT sur la base d'une double motivation, chacune suffisant à sceller le sort de cette problématique. Or, lorsque la décision attaquée comporte plusieurs motivations indépendantes dont chacune suffit à sceller le sort de la cause ou d'une partie de celle-ci, il appartient au recourant, sous peine d'irrecevabilité, de s'attaquer conformément aux art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF à chacune d'entre elles, et, pour obtenir gain de cause, de démontrer que ces motivations sont contraires au droit (ATF 142 III 364 consid. 2.4; 138 III 728 consid. 3.4; 136 III 534 consid. 2). Toutefois, la recourante n'a pas critiqué la première motivation des juges cantonaux, en lien notamment avec le fait qu'elle était membre de B.________ et qu'elle admettait elle-même sur son site internet être signataire de la CCT. Son moyen devrait dès lors être déclaré irrecevable. En tout état de cause, la recourante ne parvient pas à démontrer le moindre arbitraire dans la seconde motivation de la cour cantonale. La recourante ne conteste pas que l'activité qu'elle déploie généralement a trait au domaine de la voirie, mais soutient que la CCT ne s'appliquerait pas à ce domaine. Or, elle se limite à présenter sa propre interprétation de la CCT s'agissant de son application à des lieux " fermés ". Elle se fonde notamment sur la seconde partie de l'art. 2 al. 1 CCT, laquelle n'a toutefois pas été constatée par la cour cantonale; la recourante ne demande pas de complètement de l'état de fait à cet égard et n'allègue, ni ne démontre, l'avoir invoquée déjà auparavant. La recourante propose également, en quelques lignes, sa propre lecture de l'annexe 5 de la CCT. Pourtant, le contenu de la CCT tel que constaté par la cour cantonale, liant le Tribunal fédéral, ne permet en aucun cas de retenir que le balayage mécanique de voirie serait uniquement soumis à la CCT dans certains cas particuliers. Au final, force est de constater que la cour cantonale, qui a présenté une argumentation détaillée et pertinente, n'a pas sombré dans l'arbitraire en retenant que la CCT s'appliquait à la recourante, y compris pour ses employés occupés dans le domaine de la voirie.  
Dès lors, il importe peu que la cour cantonale aurait omis de constater, malgré les allégués fournis par la recourante à cet égard, que l'employé C.________ était actif dans le domaine de la voirie. 
 
5.  
En définitive, le recours constitutionnel subsidiaire doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. 
La recourante, qui succombe, prendra en charge les frais judiciaires ( art. 66 al. 1 LTF ). En revanche, elle n'aura pas à indemniser l'intimée, laquelle a procédé sans l'assistance d'un mandataire professionnel ( art. 68 al. 1 LTF ). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours constitutionnel subsidiaire est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 19 janvier 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
La Greffière : Raetz 


Synthèse
Formation : Ire cour de droit civil  
Numéro d'arrêt : 4D_46/2022
Date de la décision : 19/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2023
Fonds documentaire ?: www.bger.ch
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2023-01-19;4d.46.2022 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award