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18/01/2023 | SUISSE | N°4A_307/2022

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral, Ire Cour de droit civil  , Arrêt du 18 janvier 2023  , 4A 307/2022


 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_307/2022  
 
 
Arrêt du 18 janvier 2023  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Jametti, Présidente, Kiss et May Canellas, 
greffière Monti. 
 
Participants à la procédure 
Etat A.________, 
représenté par Me Sämi Meier, avocat, 
défendeur et recourant, 
 
contre 
 
X.________, 
représentée par Me Zoé Seiler, avocate, 
demanderesse et intim

ée. 
 
Objet 
contrat de travail; indemnités de départ et pour congé abusif, 
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 30 mai 2022 par la Chambre des prud'hommes de la Cour...

 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_307/2022  
 
 
Arrêt du 18 janvier 2023  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Jametti, Présidente, Kiss et May Canellas, 
greffière Monti. 
 
Participants à la procédure 
Etat A.________, 
représenté par Me Sämi Meier, avocat, 
défendeur et recourant, 
 
contre 
 
X.________, 
représentée par Me Zoé Seiler, avocate, 
demanderesse et intimée. 
 
Objet 
contrat de travail; indemnités de départ et pour congé abusif, 
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 30 mai 2022 par la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice du canton de Genève (C/25462/2018-5; CAPH/76/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
X.________ (ci-après l'employée), citoyenne suisse née en 1956, a été engagée en 1978 par l'Etat A.________, en qualité de secrétaire pour sa Mission permanente auprès de l'Office des Nations Unies à Genève. Elle était rattachée au personnel administratif de cette représentation diplomatique. 
Au fil du temps, les parties ont signé plusieurs nouveaux contrats de travail, soit en 1989, 1992 et 1997. 
L'article 15 de l'accord de 1997, intitulé "Employment Contract Contractors in the Representations Protocols and Offices abroad" , prévoyait une indemnité de départ équivalente à la moitié d'un salaire mensuel par année de service, calculée selon le dernier salaire perçu. Elle était plafonnée à 40'000... (unités monétaires).  
Un nouveau contrat a été signé en 2009, dont l'employée n'a pas reçu copie. Selon l'article 16, elle avait droit, à la fin des rapports de service, à une indemnité correspondant à un mois de salaire par année de service, sans plafonnement. En 2016, son salaire mensuel a atteint 7'488 fr. 18. 
L'employeur n'a jamais versé aucunes cotisations sociales en sa faveur. 
Par courrier du 13 juin 2017 rédigé sous la plume de son conseil, l'employeur a déclaré résilier les rapports de travail pour le 30 septembre suivant. Il précisait qu'en raison de son ancienneté, l'employée était "éligible" au versement d'une indemnité de départ, ajoutant même: "En reconnaissance de vos services accomplis, mon Client vous accorde l'intégralité de la somme convenue". 
L'employée s'est révélée incapable de travailler du 19 juin 2017 au 4 mars 2018. Le terme du contrat a été reporté au 31 mars 2018. 
Par missive du 25 septembre 2017, elle s'est opposée à son licenciement, réclamant des précisions sur le montant de l'indemnité de départ qui lui était due ainsi qu'un certificat de travail. 
 
B.  
 
B.a. L'employée a assigné l'employeur en conciliation le 24 septembre 2018. Dans sa demande déposée ultérieurement devant le Tribunal des prud'hommes du canton de Genève, elle réclamait 344'457 fr. 30 [recte 344'45 6 fr. 30] plus intérêts, somme comprenant une indemnité de 44'929 fr. 10 pour le licenciement abusif et une compensation de 299'527 fr. 20 à raison des longs rapports de travail. Elle a également sollicité la remise d'un certificat de travail.  
Plusieurs employés ont été entendus comme témoins. 
Par jugement du 1er décembre 2020, le tribunal prud'homal a condamné l'employeur à payer 325'783 fr. 10 plus intérêts à la demanderesse et lui a enjoint de remettre un certificat de travail "dûment signé conforme au certificat de travail du 8 août 2019". 
 
B.b. Par arrêt du 30 mai 2022, la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice genevoise a rejeté l'appel formé par l'employeur et confirmé le jugement attaqué.  
 
C.  
L'employeur a déposé un recours en matière civile visant à ce que le Tribunal fédéral déboute entièrement l'employée. 
Aucun échange d'écritures n'a été ordonné. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont réalisées sur le principe, notamment celles afférentes à la valeur litigieuse minimale de 15'000 fr. ( art. 74 al. 1 let. a LTF ) et au délai de recours ( art. 100 al. 1 LTF ). Demeure réservée à ce stade la recevabilité des griefs soulevés par le recourant. 
 
2.  
 
2.1. Le Tribunal statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente ( art. 105 al. 1 LTF ). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l' art. 95 LTF ( art. 105 al. 2 LTF ). "Manifestement inexactes" signifie ici "arbitraires" (ATF 140 III 115 consid. 2 p. 117). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause ( art. 97 al. 1 LTF ).  
Concernant l'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral n'intervient du chef de l' art. 9 Cst. que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 137 III 226 consid. 4.2 p. 234; 136 III 552 consid. 4.2). L'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution serait concevable, voire préférable (ATF 144 III 145 consid. 2). 
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l' art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266 et les références). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18 et les références). Si elle souhaite faire compléter l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes en conformité avec les règles de procédure les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2 p. 90). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente ( art. 99 al. 1 LTF ). 
En l'occurrence, le recourant méconnaît ces principes lorsqu'il prétend pouvoir procéder à un "rappel des faits" pertinents en s'écartant de ceux retenus par la cour cantonale. Un tel procédé est irrecevable. Et la tentative de réintroduire une pièce 7 nonobstant le refus essuyé en appel est vouée à l'échec (cf. consid. 5.5 infra ).  
 
2.2. Le recours en matière civile peut être exercé pour violation du droit fédéral ( art. 95 let. a LTF ), notion qui inclut le droit constitutionnel (ATF 141 III 596 consid. 1.4.3 p. 602). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office ( art. 106 al. 1 LTF ) à l'état de fait constaté dans l'arrêt cantonal (ou à l'état de fait qu'il aura rectifié). Cela ne signifie pas que le Tribunal fédéral examine, comme le ferait un juge de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser. Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l' art. 42 al. 1 et 2 LTF , sous peine d'irrecevabilité ( art. 108 al. 1 let. b LTF ), il ne traite que les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes (ATF 141 III 86 consid. 2; 140 III 115 consid. 2).  
 
3.  
Ayant qualifié la relation nouée entre les parties à l'aune de la lex fori , les instances genevoises ont jugé qu'elle était soumise au droit suisse ( art. 121 al. 1 LDIP [RS 291]). Cette analyse est restée incontestée.  
Il est constant que les parties ont été liées par un contrat de travail au sens des art. 319 ss CO , ayant débuté en 1978 pour s'achever le 31 mars 2018, à l'initiative de l'employeur. Le litige se présente comme un diptyque, dont un volet concerne l'indemnité pour résiliation abusive dont l'employeur a été reconnu débiteur et l'autre, le montant de l'indemnité due à raison des longs rapports de travail. 
 
4.  
L'employeur consacre un premier pan de son recours à contester le caractère abusif du congé. 
 
4.1. La partie qui résilie abusivement le contrat de travail doit verser à l'autre une indemnité pouvant atteindre six mois de salaire ( art. 336a al. 1 et 2 CO ). L' art. 336 CO cite des exemples de licenciement abusif tout en laissant la porte ouverte à d'autres hypothèses, qui doivent cependant présenter une gravité comparable. Il faut s'en référer aux principes gouvernant l'interdiction de l'abus de droit (à ce sujet, cf. par ex. ATF 135 III 162 consid. 3.3.1). Celui-ci peut découler entre autres de la manière dont le congé a été donné (ATF 136 III 513 consid. 2.3; 132 III 115 consid. 2.2; 131 III 535 consid. 4.2). Le Tribunal fédéral a ainsi jugé que l'employeur qui congédie un travailleur quatorze mois avant que celui-ci ne prenne sa retraite, après 44 ans de bons et loyaux services, alors que le fonctionnement de l'entreprise ne commande pas une telle mesure et qu'il n'a pas cherché une solution qui soit socialement plus supportable pour l'intéressé, viole son devoir d'assistance et agit de manière abusive (ATF 132 III 115 consid. 5).  
Pour résoudre la question juridique d'un éventuel abus de droit, il faut établir au préalable le motif réel du congé, opération qui relève de l'appréciation des preuves (ATF 136 III 513 consid. 2.3 i.f. ; arrêt 4A_485/2016 du 28 avril 2017 consid. 2.3 et 3.1).  
 
4.2. Selon la cour cantonale, l'employeur avait licencié l'employée afin de diminuer l'effectif de son personnel, soit pour des motifs d'organisation, et non en raison de prétendus retards et absences injustifiées de l'employée, comme il l'avait allégué en procédure. Or, signifier son licenciement à une employée âgée de 62 ans, qui avait oeuvré plus de 39 ans à son service en faisant preuve de loyauté et d'un travail irréprochable, dénotait un manque d'égards total. Ce d'autant plus qu'il avait commencé par lui opposer une fin de non-recevoir lorsqu'elle lui avait demandé le motif du congé, pour ensuite invoquer, sans fondement aucun, de prétendus manquements. Ces circonstances faisaient apparaître le congé comme abusif. Aussi l'employeur devait-il à ce titre une indemnité de 30'000 fr.  
 
4.3. Dans le foisonnement de griefs déployés par le recourant, la cour de céans ne traitera pas ceux qui ne sont qu'un simple "copié-collé" de son mémoire d'appel, où il ne tente pas de discuter les motifs de l'autorité précédente. De tels procédés s'avèrent en effet irrecevables. Du moment que le motif réel du licenciement a été établi, le recourant devrait en démontrer l'arbitraire, grief qu'il n'articule même pas. L'affirmation selon laquelle le congé serait dû à la piètre qualité des services de l'intimée, respectivement à ses retards, ne contient pas l'amorce d'une telle démonstration. Lorsqu'il reproche à l'intimée de n'avoir pas fait la preuve du caractère abusif du congé, le recourant semble passer comme chat sur braise sur les considérations rappelées ci-avant (consid. 4.2), lesquelles sont parfaitement explicites. Il se défend de l'avoir licenciée abruptement. Cela étant, si la cour cantonale lui en a tenu rigueur, c'est que ce licenciement était tout à fait inattendu. On ne discerne pas, dans le contexte en cause, ce qui eût pu dispenser le recourant d'organiser un entretien préalable (et de rechercher d'autres solutions), comme il le plaide. C'est précisément ce manque d'égards vis-à-vis d'une employée lui ayant consacré l'essentiel, pour ne pas dire la totalité de sa vie active que la cour cantonale a sanctionné. Dans une dernière salve, le recourant objecte que l'intimée n'a pas justifié de son préjudice, méconnaissant ainsi que l'indemnité consécutive à une résiliation abusive est due même si la victime ne subit ou ne prouve aucun dommage (ATF 123 III 246 consid. 6a; 123 III 391 consid. 3c; 119 II 157 consid. 2b). La Cour de justice l'avait pourtant rappelé.  
Il n'y a dès lors aucune violation du droit fédéral qui se logerait dans les "arcanes" du jugement genevois. 
 
5.  
Dans un second chapitre ciblant l'indemnité de départ fondée sur les longs rapports de service, le recourant dénonce tout à la fois une constatation arbitraire des faits et une violation du droit fédéral. 
 
5.1. La Cour de justice a retenu la signature d'un nouveau contrat de travail en 2009, dont l'art. 16 prévoyait le versement d'une indemnité de départ correspondant à un plein salaire mensuel par année de service et qui n'était pas plafonnée, contrairement au précédent contrat remontant à 1997. Comme l'intimée avait été employée durant 39 ans et demi et que son dernier salaire atteignait 7'488 fr. 18 par mois, une indemnité de "295'733 fr. 10" aurait dû lui être versée à la fin des rapports de service.  
On relèvera au passage le lapsus calami : la multiplication proposée aboutit en effet au total de 295'7 8 3 fr. 10 (7'488 fr. 18 x 39,5), comme l'avaient constaté les premiers juges.  
 
5.2. Le recourant conteste avoir convenu avec l'employée de nouvelles conditions de travail en 2009. Il plaide que leurs relations étaient régies par le contrat de 1997, de sorte qu'il aurait soldé ses obligations en gratifiant son ex-employée de 10'589 fr. 33 en mars 2019, somme que l'intéressée lui a retournée peu après.  
 
5.3.  
 
5.3.1. Pour déterminer si les parties ont conclu un contrat, le juge doit rechercher dans un premier temps la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective). Pour ce faire, il prend en considération la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales -, et plus largement le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs, en particulier le comportement ultérieur des parties en tant qu'il permet de reconstituer l'état d'esprit qui animait les cocontractants à l'époque.  
L'appréciation de ces indices concrets par le juge, selon son expérience générale de la vie, relève du fait. S'il parvient à la conclusion que les parties se sont comprises ou, au contraire, qu'elles ne se sont pas comprises, il émet des constatations de fait qui lient le Tribunal fédéral ( art. 105 al. 1 LTF ), à moins qu'elles ne soient manifestement inexactes (art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF), c'est-à-dire arbitraires au sens de l' art. 9 Cst. (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2 et les arrêts cités). 
S'il échoue à déterminer la volonté réelle et commune des parties - parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes - ou s'il constate un désaccord, le juge recourt alors à l'interprétation normative (ou objective) : il s'attelle à établir la volonté objective en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chaque partie pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre. Il est ici question d'une interprétation selon le principe de la confiance (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3 et les arrêts cités). 
 
5.3.2. Dans le cas présent, la partie demanderesse ne pouvait se contenter d'établir l'existence et le contenu de l'accord censé fonder une indemnité de départ de cette ampleur. Elle devait aussi démontrer le respect de la forme écrite (KRAMER/SCHMIDLIN, in Berner Kommentar, 1986, n° 36 i.f. ad art. 12-15 CO ; SCHÖNENBERGER/JÄGGI, in Zürcher Kommentar, 3 e éd. 1973, n° 56 i.f. ad art. 13 CO ). En effet, l'indemnité légale "à raison de longs rapports de travail" est plafonnée à huit mois de salaire ( art. 339c al. 2 CO ). Ceci dit, les parties sont libres de fixer une indemnité plus élevée "par accord écrit" ( art. 339c al. 1 CO ; arrêt 4A_242/2018 du 13 mars 2019 consid. 4.1.1; CHRISTOPH BALSIGER, Die Abgangsentschädigung [Art. 339b-d OR], 1994, p. 81). Cette clause doit être signée par la partie qui souscrit une telle obligation, à savoir l'employeur ( art. 13 CO ; BALSIGER, op. cit., p. 82).  
Vu la portée que revêt, en droit suisse, l'exigence de la forme écrite - soit une condition de validité de l'acte juridique ( art. 11 CO ; PIERRE ENGEL, Traité des obligations en droit suisse, 2 e éd. 1997, p. 246; VON TUHR/PETER, Allgemeiner Teil des Schweizerischen Obligationenrechts, 3 e éd. 1979, vol. 1, p. 235 s. § 30/II) -, il s'ensuit la conséquence suivante: la production de l'acte écrit n'est pas indispensable. La preuve de celui-ci peut être apportée par n'importe quel moyen (JULIA XOUDIS, in Commentaire romand, 3 e éd. 2021, n° 51 ad art. 11 CO , et la I re éd., n° 31, où DANIEL GUGGENHEIM juge l'hypothèse 'hautement théorique'; CHRISTOPH MÜLLER, in Berner Kommentar, 2018, n° 36 ad art. 11 CO et n° 26 ad art. 13 CO ; VON TUHR/PETER, op. cit., p. 236; SCHÖNENBERGER/JÄGGI, op. cit., n° 56 ad art. 13 CO ). L'acte peut même avoir été détruit entretemps (ATF 101 II 211 consid. 4b).  
 
5.4. En l'espèce, la cour cantonale a estimé que les parties avaient signé un nouveau contrat de travail en 2009. Elle a bâti sa conviction sur les éléments suivants:  
 
- L'intimée avait signé un tel contrat en 2009, mais elle n'en avait pas reçu copie. Ce fait était corroboré par les témoins T.1.________, T.2.________, T.3.________, T.4.________, T.5.________, T.6.________ et T.7.________, soit par tous les témoins entendus en première instance. Ceux-ci avaient certifié que tous les employés de la mission avaient signé un nouveau contrat en 2009, mais n'avaient jamais reçu la copie de ce contrat en retour, signé par leur employeur. 
"Dans la mesure où il [étai]t établi qu'un contrat [...] a[vait] été signé entre les parties en 2009", dont l'intimée n'avait pas reçu un double, il incombait à l'employeur de déférer à l'injonction du tribunal et de le produire, ce qu'il n'avait pas fait. Il avait ainsi contrevenu à son obligation de collaborer, ce dont il fallait tenir compte dans l'appréciation des preuves. 
- Quant au contenu du contrat, il correspondait au contrat vierge produit par l'intimée. L'art. 16 prévoyait que l'indemnité de départ correspondait à un mois du salaire de l'employée pour chaque année de service, sans plafonnement. Les éléments suivants en attestaient: 
Six témoins (T.1.________, T.2.________, T.3.________, T.4.________, T.6.________ et T.7.________) avaient confirmé que le nouveau contrat de travail qu'ils avaient signé prévoyait une telle indemnité. Cinq d'entre eux avaient certifié que tout le personnel présent à cette période à la mission avait reçu et signé ce contrat. Le témoin T.2.________ avait affirmé avoir reçu, à la fin de son contrat, une indemnité correspondant à un mois de son dernier salaire pour chaque année de service effectuée. Elle avait de surcroît remis au tribunal une copie vierge du contrat qu'elle avait reçu de son employeur, prévoyant à son article 16 le versement d'une indemnité de départ correspondant à un mois de salaire par année de service, ainsi qu'un extrait de son compte bancaire faisant apparaître le versement à ce titre de 58'968 fr. 68, soit un montant largement supérieur à la somme de 40'000... (unités monétaires) que l'employeur soutenait avoir fixé comme plafond. Les témoins T.1.________, T.2.________ et T.3.________ avaient également confirmé que deux employés (B.________ et C.________) avaient reçu des indemnités de départ supérieures à 40'000... (unités monétaires), correspondant à un mois de salaire par année de service. 
Les juges cantonaux ont ainsi dégagé la volonté réelle et commune des parties, comme ils l'ont du reste expressément fait remarquer. Ils ont tenu pour avéré qu'un nouveau contrat au contenu précité avait été conclu en 2009, et signé "entre les parties". 
 
5.5. Le recourant devrait dès lors démontrer l'arbitraire de ces constatations de fait.  
Une bonne partie de son recours s'apparente toutefois à de pures affirmations impropres à apporter une telle démonstration. 
Le recourant concède avoir instauré de nouveaux contrats renonçant à plafonner l'indemnité de départ, mais ce "changement de politique" introduit en 2013 n'aurait concerné que "certains salariés embauchés récemment" et "pour des durées plus courtes". Contrairement à ce qu'il avance, l'autorité précédente a bel et bien traité cet argument; la retranscription quasi mot pour mot du mémoire d'appel induit évidemment ce type de méprise. Quoi qu'il en soit, les témoignages réunis - attestant de la conclusion d'un nouveau contrat pour tout le personnel de la mission - autorisaient la cour cantonale à s'écarter sans arbitraire de la thèse articulée par le recourant. 
Pour le surplus, ses griefs s'apparentent à ceux dont le Tribunal fédéral a déjà eu à connaître dans le cadre d'une affaire semblable, concernant l'indemnité de départ due à une autre employée de la Mission permanente du recourant auprès de l'ONU à Genève (arrêt 4A_156/2021 du 16 juillet 2021). Les mêmes considérations en scelleront dès lors le sort. 
Le recourant en appelle à l'expérience générale de la vie, qui exclurait qu'un employeur propose un nouveau contrat prévoyant rétroactivement une indemnité de départ non plafonnée, alors qu'au moment de sa signature, l'employée avait déjà une ancienneté de plus de trente ans. Aucune évidence ne se dégage toutefois de cette considération, et le recourant échoue à établir un quelconque arbitraire. 
Le recourant estime que la cour cantonale ne pouvait s'appuyer - ce qu'elle aurait fait "au moins indirectement", à l'en croire - sur le décret... pour procéder à des déductions. Elle n'a toutefois rien fait de tel et le recourant n'indique pas à quel endroit il aurait lu le contraire. Bien au contraire, la Cour de justice a confirmé l'applicabilité du droit suisse en soulignant qu'elle n'avait jamais été contestée par l'employeur. 
Le recourant plaide pour une distinction entre le personnel de la Mission permanente à Genève (rattachée à l'ONU) - auquel appartenait l'intimée -, et ceux de la Mission auprès de l'OMC et du Bureau de son attaché commercial. Il ne discute cependant pas les lignes du jugement attaqué où la cour cantonale explique que toutes ces entités n'avaient pas une personnalité juridique distincte de celle du recourant, que l'intitulé du contrat de 1997 visait les employés des représentations du recourant à l'étranger - confirmant ainsi qu'aucune distinction n'était pratiquée entre les employés des différentes entités représentant le recourant à Genève -, que le Bureau de l'attaché commercial faisait partie de la Mission permanente des Nations Unies et que les employés avaient les mêmes contrats. Ce grief est donc irrecevable. 
Il en va tout autant des griefs tenant à l'ancienneté moindre de certains témoins qui exclurait d'opérer une comparaison avec l'intimée, et au fait que l'un des témoins était en litige avec la Mission permanente: la cour cantonale a débattu de ces points et leur a donné une réponse que le recourant n'évoque même pas, ce qui lui vaut de voir ses griefs écartés. 
Le recourant se plaint de ce que la cour cantonale se serait appuyée sur "des bruits de couloir et des rumeurs". A l'en croire, aucun des salariés de la Mission permanente de Genève n'aurait touché une indemnité de départ supérieure à 40'000... (unités monétaires). Cela étant, cette affirmation péremptoire est contredite par les faits constatés souverainement par la cour cantonale, selon lesquels le témoin T.2.________ a reçu de son employeur une indemnité de 58'968 fr. 68 à la fin de ses années de service et les employés B.________ et C.________ des indemnités de départ pareillement supérieures à 40'000... (unités monétaires). 
Le recourant affirme qu'une validation du contrat par le Ministère des affaires étrangères était nécessaire, ce qui expliquerait que l'employée n'ait jamais reçu copie de son contrat de travail. Cela étant, il n'indique pas où il aurait allégué ceci en procédure et, au surplus, il se fonde sur une pièce 7 (...) produite en appel, que la Cour de justice a déclarée à juste titre irrecevable et non pertinente. 
En bref, les griefs soulevés - pour autant qu'ils soient recevables - ne parviennent pas à convaincre que le contenu du contrat aurait été établi de façon arbitraire.  
Il en va de même concernant la preuve de la signature de l'accord par le recourant. La cour cantonale a bel et bien retenu qu'une telle preuve avait été apportée ("un contrat (...) a été signé entre les parties en 2009", ce qui signifie par l'employeur également). Elle s'est appuyée sur les témoignages recueillis et le fait que le recourant n'avait pas produit cet accord en procédure. Or, une telle conclusion est inapte à susciter un sentiment d'arbitraire - tant s'en faut. Finalement, le grief relatif au devoir de motivation qui aurait été négligé dans l'arrêt attaqué doit être éconduit. L'autorité précédente a rappelé le formalisme requis par l' art. 339c al. 1 CO , pour constater dans la foulée que le recourant n'avait pas produit le contrat dont on savait qu'il avait été signé en 2009, ce qui influait sur l'appréciation des preuves. Ce faisant, elle a répondu au grief en se conformant au requisit tiré de l' art. 29 al. 2 Cst. (cf. par ex. ATF 143 III 65 consid. 5.2; 133 III 439 consid. 3.3). Que la réponse ne satisfasse pas le recourant est une autre affaire.  
Sur le terrain juridique, le recourant objecte que l'indemnité de départ serait exorbitante, d'autant que les parties avaient convenu d'un "très bon salaire" qui aurait permis à l'employée de cotiser pour sa prévoyance. La cour cantonale a rejeté cet argument par des considérations auxquelles le recourant ne consacre pas une ligne, d'où l'irrecevabilité du grief en cause. 
Enfin, il avance que cette indemnité ne devrait pas être calculée sur un salaire de 7'488 fr. 18, mais sur le salaire mensuel de base résultant du certificat de salaire du 11 décembre 2009, soit 4'750 fr. Cela étant, la cour cantonale a relevé que cette allégation, formulée pour la première fois dans les plaidoiries finales devant le tribunal de première instance puis répétée en appel, était tardive et irrecevable au regard des art. 227, 229 et 317 CPC . Ce grief a donc été discuté et écarté par la cour cantonale, ce qui semble avoir derechef échappé au recourant et exclut d'en examiner le mérite. 
 
6.  
Le recourant tente encore de faire supprimer sa condamnation à délivrer un certificat de travail. Il assied cette conclusion sur une motivation en tous points semblable à celle présentée en appel, sans pointer la faille qui entacherait le raisonnement des juges cantonaux. Il s'ensuit l'irrecevabilité de cet ultime grief. 
 
7.  
Partant, le recours ne peut qu'être rejeté dans la mesure où il est recevable. Son auteur supportera les frais de procédure ( art. 66 al. 1 LTF ) mais sera dispensé de verser des dépens à son adverse partie puisque celle-ci n'a pas eu à se déterminer. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 6'500 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 18 janvier 2023 
 
Au nom de la I re Cour de droit civil  
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
La Greffière : Monti 


Synthèse
Formation : Ire cour de droit civil  
Numéro d'arrêt : 4A_307/2022
Date de la décision : 18/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2023
Fonds documentaire ?: www.bger.ch
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2023-01-18;4a.307.2022 ?

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