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19/12/2022 | SUISSE | N°8C_329/2022

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral, Ire Cour de droit social  , Arrêt du 19 décembre 2022  , 8C 329/2022


 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_329/2022  
 
 
Arrêt du 19 décembre 2022  
 
Ire Cour de droit social  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Wirthlin, Président, Heine et Abrecht. 
Greffière : Mme Fretz Perrin. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représenté par Me Jean-Michel Duc, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), Division juridique, Fluhma

ttstrasse 1, 6002 Lucerne, 
intimée. 
 
Objet 
Assurance-accidents 
(objet du litige; stabilisation de l'état de santé), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cant...

 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_329/2022  
 
 
Arrêt du 19 décembre 2022  
 
Ire Cour de droit social  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Wirthlin, Président, Heine et Abrecht. 
Greffière : Mme Fretz Perrin. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représenté par Me Jean-Michel Duc, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), Division juridique, Fluhmattstrasse 1, 6002 Lucerne, 
intimée. 
 
Objet 
Assurance-accidents 
(objet du litige; stabilisation de l'état de santé), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal 
du canton de Vaud du 15 mars 2022 
(AA 125/20 Ap. TF -45/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________, né en 1959, travaille en qualité de directeur commercial pour B.________ Sàrl. A ce titre, il est assuré obligatoirement contre le risque d'accident auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (ci-après: la CNA). Le 23 juillet 2013, il s'est blessé à l'épaule droite en heurtant un mur après avoir perdu l'équilibre dans un escalier. La CNA a pris en charge le traitement médical et a alloué des indemnités journalières à partir du 26 juillet 2013.  
 
A.b. Par décision du 1er juin 2017, la CNA a considéré qu'une capacité de travail de 80 % pouvait être reconnue à l'assuré à compter du 1er mai 2017 dans son activité professionnelle habituelle. En outre, elle a confirmé la fin du paiement des soins médicaux et de l'indemnité journalière avec effet au 31 mai 2017. L'assuré s'est opposé à cette décision. Par décision sur opposition du 26 juillet 2017, la CNA a partiellement admis l'opposition en ce sens qu'elle a pris à sa charge les frais d'un examen radiographique et d'une imagerie par résonnance magnétique (IRM) de la colonne cervicale réalisés le 17 janvier 2017; elle a maintenu sa décision du 1er juin 2017 pour le surplus.  
 
A.c. Le 7 août 2017, A.________ s'est soumis à une nouvelle IRM réalisée par la doctoresse C.________, spécialiste en radiologie, laquelle a mis en évidence l'apparition d'une déchirure de la face profonde, distale et antérieure du tendon du sus-épineux prenant 20 % d'épaisseur du tendon, une petite augmentation de la bursite sous-acromio-deltoïdienne, une petite augmentation de la taille de la déchirure du labrum antéro-supérieur de type SLAP 2A (Superior Labrum Anterior Posterior), qui paraissait actuellement irrégulière, et l'apparition d'une tendinopathie modérée du long chef du biceps sans fissuration. Sur la base de cette IRM, le docteur D.________, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, a recommandé une intervention chirurgicale sous la forme d'une arthroscopie de l'épaule droite avec ténodèse du long chef du biceps (rapport du 16 août 2017). Le 23 août 2017, le docteur E.________, médecin d'arrondissement de la CNA, a indiqué qu'il existait une probable relation de causalité entre les troubles constatés par le docteur D.________ et l'événement du 23 juillet 2013. Il a toutefois relevé que tous les (autres) médecins spécialistes consultés s'étaient exprimés contre une intervention chirurgicale. Se fondant sur cet avis, la CNA a informé l'assuré qu'elle ne prendrait pas en charge l'intervention proposée par le docteur D.________.  
 
A.d. L'assuré a déféré la décision sur opposition du 26 juillet 2017 (cf. lettre A.b supra) à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud. Par réponse du 10 janvier 2018, la CNA a conclu au rejet du recours; elle s'est référée à un rapport du 14 décembre 2017 de la doctoresse F.________, spécialiste en chirurgie générale et en traumatologie, dont elle a fait sienne les conclusions. A l'appui de sa réplique, l'assuré a transmis un rapport du docteur D.________ du 5 mars 2018.  
 
A.e. La Cour des assurances sociales a rejeté le recours par arrêt du 20 décembre 2019. Saisi d'un recours en matière de droit public contre cet arrêt, le Tribunal fédéral l'a partiellement admis et a renvoyé la cause à la juridiction cantonale pour qu'elle rende une nouvelle décision après avoir mis en oeuvre une expertise médicale afin de départager les avis contradictoires du docteur D.________ et de la doctoresse F.________ quant à la présence ou non d'une déchirure du labrum antéro-supérieur de type SLAP 2A d'origine traumatique (arrêt 8C_89/2020 du 4 décembre 2020).  
 
B.  
 
B.a. La Cour des assurances sociales a confié la mise en oeuvre de l'expertise judiciaire au docteur G.________, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, lequel s'est adjoint l'aide du docteur H.________, spécialiste en médecine physique et réadaptation, pour la récolte des informations (cf. courrier du docteur G.________ du 12 mars 2021). Dans leur rapport du 12 juin 2021, complété le 14 décembre 2021, les experts ont posé les diagnostics de tendinopathie calcifiante de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite, de traumatisme de l'épaule droite le 23 juillet 2013 compliqué d'une raideur articulaire post-traumatique et d'antécédent de résection de l'intervalle des rotateurs, capsulotomie antérieure, décompression sous-acromiale/bursectomie, acromioplastie, biopsies pour examen bactériologique par arthroscopie de l'épaule droite le 23 juillet 2020 (le troisième diagnostic correspond à l'intervention chirurgicale de la raideur articulaire réalisée à la Clinique I.________). Les experts ont exposé qu'il n'y avait pas de lésion du type SLAP 2A, mais une variante anatomique du labrum de type complexe de Buford. La tendinopathie calcifiante de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite n'avait pas de lien de causalité avec l'accident du 23 juillet 2013 et n'avait pas été aggravée par l'accident mais cette atteinte préexistante avait été simplement découverte fortuitement à la suite de cet événement. Les deux autres diagnostics avaient un lien de causalité certain avec ledit accident et occasionnaient des limitations fonctionnelles. L'état de santé n'était pas stabilisé dans la mesure où il persistait une raideur articulaire. Les experts ont proposé de poursuivre les séances de physiothérapie et auto-exercices afin de récupérer un maximum de mobilité. Une nouvelle évaluation devait être faite à un an post-opératoire et, en l'absence d'amélioration significative, l'état pouvait être considéré comme stabilisé.  
 
B.b. Par arrêt du 15 mars 2022, la Cour des assurances sociales a admis le recours de l'assuré contre la décision sur opposition de la CNA du 26 juillet 2017, qu'elle a réformée en ce sens qu'il serait mis fin au paiement des soins médicaux et de l'indemnité journalière avec effet au 23 juillet 2021.  
 
C.  
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre l'arrêt du 15 mars 2022, en concluant principalement à sa réforme en ce sens que l'intimée soit condamnée à lui verser des indemnités journalières jusqu'au 31 décembre 2021. A titre subsidiaire, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour nouvel examen et nouveau jugement. 
 
La CNA conclut implicitement au rejet du recours. Le Tribunal cantonal et l'Office fédéral de la santé publique ont renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours est dirigé contre un arrêt final ( art. 90 LTF ) rendu en matière de droit public ( art. 82 ss LTF ) par une autorité cantonale de dernière instance ( art. 86 al. 1 let . d LTF). Il a été déposé dans le délai ( art. 100 LTF ) et la forme ( art. 42 LTF ) prévus par la loi. Il est donc recevable. 
 
2.  
 
2.1. Au vu de l'arrêt entrepris et des conclusions du recours, le litige porte sur le point de savoir si la cour cantonale a violé le droit fédéral en mettant fin au paiement de l'indemnité journalière avec effet au 23 juillet 2021.  
 
2.2. Lorsque la décision qui fait l'objet d'un recours concerne l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par l'autorité précédente (art. 97 al. 2 et 105 al. 3 LTF).  
 
3.  
 
3.1. La cour cantonale a reconnu la valeur probante du rapport d'expertise judiciaire du 12 juin 2021 et du rapport complémentaire du 14 décembre 2021. Elle a indiqué que les experts avaient constaté une amélioration en flexion antérieure par rapport à la mobilité décrite dans les différents rapports opératoires, ainsi qu'une diminution des douleurs depuis l'intervention chirurgicale du 23 juillet 2020, ce qui permettait l'arrêt des traitements antalgiques et un meilleur sommeil. Lors de leur examen du 19 avril 2021 (soit environ neuf mois après l'intervention), les experts avaient toutefois constaté la persistance d'une raideur articulaire et préconisaient la poursuite de la physiothérapie et des auto-exercices afin de récupérer un maximum de mobilité. Une nouvelle évaluation devait être faite un an après l'opération. En l'absence d'amélioration significative, l'état pourrait être considéré comme stabilisé à cette échéance. Sur la base des conclusions de l'expertise, la juridiction cantonale a admis l'existence d'un lien de causalité certain entre l'accident, d'une part, et la raideur articulaire ainsi que le status post opération chirurgicale du 23 juillet 2020. Elle a ensuite considéré que l'état de santé du recourant devait être considéré comme stabilisé le 23 juillet 2021.  
 
3.2. Le recourant remet en cause la stabilisation de son état de santé au 23 juillet 2021. Il fait valoir que bien que les experts eussent jugé nécessaire de procéder à une nouvelle évaluation un an après l'opération, cette évaluation n'avait pas eu lieu. Les juges cantonaux seraient tombés dans l'arbitraire en fixant la stabilisation de son état de santé au 23 juillet 2021 sans se fonder sur une appréciation médicale.  
Le recourant se plaint en outre d'une violation de son droit d'être entendu, au motif que la juridiction cantonale ne lui aurait pas donné la possibilité de se prononcer sur la date de la stabilisation de son état de santé. Or en retenant que son état de santé s'était stabilisé le 23 juillet 2021, soit postérieurement à la décision sur opposition litigieuse du 26 juillet 2017, la juridiction cantonale aurait procédé à une extension de l'objet du litige qui ne pouvait pas se faire sans respecter son droit d'être entendu. 
 
3.3. Selon une jurisprudence constante rendue dans le domaine des assurances sociales, la procédure juridictionnelle administrative peut être étendue pour des motifs d'économie de procédure à une question en état d'être jugée qui excède l'objet de la contestation, c'est-à-dire le rapport juridique visé par la décision, lorsque cette question est si étroitement liée à l'objet initial du litige que l'on peut parler d'un état de fait commun et à la condition que l'administration se soit exprimée à son sujet dans un acte de procédure au moins. Les conditions auxquelles un élargissement du procès au-delà de l'objet de la contestation est admissible sont donc les suivantes: la question (excédant l'objet de la contestation) doit être en état d'être jugée; il doit exister un état de fait commun entre cette question et l'objet initial du litige; l'administration doit s'être prononcée à son sujet dans un acte de procédure au moins; le rapport juridique externe à l'objet de la contestation ne doit pas avoir fait l'objet d'une décision entrée en force de chose jugée (ATF 130 V 501 consid. 1.2 et les références; arrêts 8C_124/2022 du 3 août 2022 consid. 3.2.2; 9C_678/2019 du 22 avril 2020 consid. 4.4.1).  
 
3.4. En l'espèce, la question excédant l'objet du litige, soit la date de stabilisation de l'état de santé et de la fin du paiement des indemnités journalières, est étroitement liée à l'objet initial du litige - lequel portait sur la question de la fin du droit aux soins médicaux et au paiement de l'indemnité journalière - et est en état d'être jugée. Quoi qu'en dise le recourant, les parties ont été invitées à s'exprimer sur cette question dans un acte de procédure au moins. Le recourant a en effet fait valoir dans ses observations du 10 février 2022 que l'intervention du 23 juillet 2020 auprès de la Clinique I.________ lui avait permis de retrouver une fonctionnalité totale de l'épaule au 1er janvier 2022, concluant implicitement à la stabilisation de son état de santé à cette date. Quant à l'intimée, elle avait conclu au rejet du recours, l'état de santé étant selon elle stabilisé au 1er juin 2017 (cf. lettre A.b supra). Les conditions permettant l'extension de l'objet du litige étaient ainsi réalisées en l'espèce et ce, dans le respect du droit d'être entendu du recourant.  
 
4.  
Il convient ainsi d'examiner si c'est à juste titre que la juridiction cantonale a considéré que l'état de santé du recourant était stabilisé au 23 juillet 2021, soit une année après l'intervention chirurgicale réalisée à la Clinique I.________. 
 
4.1. Il ressort du rapport d'expertise que le recourant avait constaté une amélioration des douleurs après l'intervention du 23 juillet 2020; lorsqu'il a été examiné par l'expert G.________ le 19 avril 2021, le recourant ne présentait plus de douleurs au repos, de légères douleurs lorsqu'il levait le bras et pas de douleurs nocturnes, et estimait la fonctionnalité de son épaule à 75-80 % (100 % étant une épaule parfaite). Les experts ont considéré que l'état de santé du recourant n'était pas encore stabilisé en raison de la persistance d'une raideur articulaire. Ils ont préconisé la poursuite des séances de physiothérapie et auto-exercices afin de récupérer un maximum de mobilité. Une nouvelle évaluation devait être faite "à un an post-opératoire", soit en juillet 2021. En l'absence d'amélioration significative, l'état pourrait être considéré comme stabilisé. Dans leur complément d'expertise du 14 décembre 2021 répondant à un courrier du juge instructeur du 19 novembre 2021, les experts ont rappelé que les traitements en physiothérapie et les auto-exercices préconisés avaient pour but une amélioration de la mobilité de l'épaule, afin de diminuer les douleurs et d'améliorer la fonctionnalité globale et ainsi de diminuer - voire de supprimer - les limitations fonctionnelles décrites dans l'expertise. Selon leur expérience, cette amélioration significative pouvait s'observer jusqu'à un an post-opératoire. Dans ses observations du 10 février 2022, le recourant a indiqué qu'il avait retrouvé au 1er janvier 2022 une totale fonctionnalité de son épaule, sans aucune limitation fonctionnelle.  
 
4.2. Il découle de ce qui précède que si l'état de santé du recourant n'était pas encore tout à fait stabilisé en avril 2021, la fonctionnalité de son épaule avait déjà atteint 75-80 % à cette date et pouvait encore être améliorée par des séances de physiothérapie et des auto-exercices. S'il est vrai qu'un nouvel examen médical pour contrôler la fonctionnalité de l'épaule du recourant n'a pas été réalisé en juillet 2021, on doit admettre que les premiers juges pouvaient, sans violer le droit fédéral, conclure à une telle stabilisation trois mois plus tard, soit en juillet 2021, en se fondant sur les déclarations des experts selon lesquels une amélioration significative devait être atteinte au plus tard une année après l'intervention chirurgicale du 23 juillet 2020 et ne pouvait plus être attendue après un tel laps de temps.  
 
5.  
Il suit de là que le recours est mal fondé et doit être rejeté. Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires ( art. 66 al. 1 LTF ). Bien qu'elle obtienne gain de cause, l'intimée n'a pas droit à des dépens ( art. 68 al. 3 LTF ). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral de la santé publique. 
 
 
Lucerne, le 19 décembre 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Wirthlin 
 
La Greffière : Fretz Perrin 


Synthèse
Formation : Ire cour de droit social  
Numéro d'arrêt : 8C_329/2022
Date de la décision : 19/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2023
Fonds documentaire ?: www.bger.ch
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2022-12-19;8c.329.2022 ?

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