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06/12/2022 | SUISSE | N°9C_246/2022

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral, IIe Cour de droit social  , Arrêt du 6 décembre 2022  , 9C 246/2022


 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_246/2022  
 
 
Arrêt du 6 décembre 2022  
 
IIe Cour de droit social  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, Stadelmann et Moser-Szeless. 
Greffier : M. Bürgisser. 
 
Participants à la procédure 
Service des prestations complémentaires, route de Chêne 54, 1208 Genève, 
recourant, 
 
contre  
 
A.________, 
représenté par Me Sarah Braunschmidt Scheidegg

er, 
intimé. 
 
Objet 
Prestation complémentaire à l'AVS/AI, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 21 avril 2022 (A/2850...

 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_246/2022  
 
 
Arrêt du 6 décembre 2022  
 
IIe Cour de droit social  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, Stadelmann et Moser-Szeless. 
Greffier : M. Bürgisser. 
 
Participants à la procédure 
Service des prestations complémentaires, route de Chêne 54, 1208 Genève, 
recourant, 
 
contre  
 
A.________, 
représenté par Me Sarah Braunschmidt Scheidegger, 
intimé. 
 
Objet 
Prestation complémentaire à l'AVS/AI, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 21 avril 2022 (A/2850/2021 ATAS/359/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Titulaire d'une rente de l'assurance-invalidité, A.________ a été mis au bénéfice de prestations complémentaires cantonales et fédérales dès le 1er décembre 2015. Par décision du 28 février 2019, confirmée sur opposition le 17 septembre 2020, le Service des prestations complémentaires de la République et canton de Genève (ci-après: le SPC) a réclamé à l'intéressé le remboursement de la somme de 21'230 fr. pour la période du 1er janvier 2016 au 28 février 2019, à la suite de la reconnaissance du droit à des prestations de la prévoyance professionnelle de son épouse, rétroactivement au 1er janvier 2016. Cette décision est entrée en force. 
Par courrier du 27 novembre 2020, A.________ a requis la remise de son obligation de rembourser le montant réclamé. Par décision du 10 mai 2021, confirmée sur opposition le 30 juin 2021, le SPC a rejeté la demande. Il a considéré que les époux, qui avaient retiré un montant de 25'000 fr. de leur compte bancaire le 5 avril 2019, en avaient encore la maîtrise au moment où la décision de restitution était devenue exécutoire; la condition de la situation difficile permettant une remise n'était dès lors pas réalisée. 
 
B.  
Statuant le 21 avril 2022 sur le recours de A.________, la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, l'a partiellement admis. Elle a annulé la décision sur opposition, constaté que le dessaisissement effectué sans contrepartie par l'intéressé s'élevait à 10'000 fr. en lieu et place de 25'000 fr. (ch. 2 à 4 du dispositif) et a retourné la cause au SPC pour qu'il statue à nouveau (ch. 5 du dispositif). 
 
C.  
Le SPC forme un recours en matière de droit public contre cet arrêt dont il demande l'annulation en ce qu'il concerne les prestations complémentaires fédérales à l'AVS/AI. 
A.________ conclut principalement à l'irrecevabilité du recours et subsidiairement à son rejet; il sollicite par ailleurs le bénéfice de l'assistance judiciaire. L'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
 
1.1. Le dispositif (ch. 5) de l'arrêt entrepris renvoie la cause au recourant pour nouvelle décision au sens des considérants. D'un point de vue formel, il s'agit d'une décision de renvoi, soit d'une décision incidente qui ne peut faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral qu'aux conditions de l' art. 93 LTF (ATF 133 V 477 consid. 4.2. et 4.3). Toutefois, le SPC est tenu de se conformer aux considérations de la juridiction cantonale selon lesquelles l'étendue du dessaisissement (au sens de l' art. 11 al. 1 let . g LPC) s'élève à 10'000 fr., en lieu et place de 25'000 fr. L'arrêt attaqué contient ainsi des instructions impératives destinées à l'autorité inférieure qui ne lui laissent plus aucune latitude de jugement sur ce point pour la suite de la procédure. En cela, le recourant subit un préjudice irréparable au sens de l' art. 93 al. 1 let. a LTF , si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière sur son recours (cf. arrêt 9C_589/2015 du 5 avril 2016 consid. 1.1 et les références).  
On précisera toutefois que, comme l'intimé le fait valoir, la condition de la bonne foi n'est pas litigieuse, de sorte que le renvoi y relatif n'a pas d'objet. En effet, le SPC a admis dans sa décision sur opposition du 30 juin 2021 que cette condition était réalisée, de sorte qu'on doit considérer que ce point non contesté en instance cantonale a acquis force exécutoire formelle (cf. arrêt 1C_357/2020 du 18 mars 2021 consid. 7.2 et les références). 
 
1.2. Le recourant n'a pas qualité pour former un recours en matière de droit public contre l'arrêt entrepris en tant qu'il concerne des prestations complémentaires de droit cantonal (ATF 134 V 53 consid. 2). C'est donc à raison qu'il a limité ses conclusions aux prestations complémentaires fondées sur le droit fédéral.  
 
1.3. Comme le soutient l'intimé, le recourant demande uniquement l'annulation de l'arrêt cantonal. Cette conclusion est cependant recevable, même si le recours en matière de droit public se caractérise comme un recours en réforme ( art. 107 al. 2 LTF ). Il ressort en effet du mémoire de recours (ATF 137 II 313 consid. 1.3) que le SPC conclut à la confirmation de sa décision sur opposition du 30 juin 2021, dès lors que, comme le montant du dessaisissement devrait être fixé à 25'000 fr, la condition de la situation difficile ne serait pas réalisée.  
 
2.  
Le recours en matière de droit public peut être formé notamment pour violation du droit fédéral ( art. 95 let. a LTF ), que le Tribunal fédéral applique d'office ( art. 106 al. 1 LTF ), n'étant limité ni par les arguments de la partie recourante, ni par la motivation de l'autorité précédente. Le Tribunal fédéral fonde son raisonnement sur les faits retenus par la juridiction de première instance ( art. 105 al. 1 LTF ) sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l' art. 95 LTF ( art. 105 al. 2 LTF ). 
 
3.  
 
3.1. Le litige porte sur la remise de l'obligation de A.________ de restituer la somme de 21'230 fr. sous l'angle de la condition de la situation difficile au sens de l'art. 25 al. 1, 2 e phrase, LPGA.  
 
3.2. L'arrêt attaqué expose les dispositions légales et les principes jurisprudentiels applicables concernant les conditions de la remise de l'obligation de restituer ( art. 25 al. 1 LPGA et 4 OPGA). Il suffit d'y renvoyer, tout en précisant qu'ont été rappelées les dispositions légales dans leur version en vigueur jusqu'au 31 décembre 2020, applicables en l'espèce dans la mesure où les faits déterminants quant à la restitution se sont déroulés avant cette date (décision sur opposition du 17 septembre 2020; arrêt C 93/05 du 20 janvier 2007 consid. 5.2).  
 
3.3. Dans le cadre de l'examen de la condition de la situation difficile ( art. 25 al. 1 LPGA ), lorsqu'un assuré a reçu, pour une période pendant laquelle il a déjà perçu des prestations complémentaires, des éléments de fortune versés rétroactivement (par exemple un paiement rétroactif de rentes), il convient de prendre en considération cette circonstance. Le Tribunal fédéral a ainsi jugé que dans l'hypothèse où le capital obtenu grâce au paiement de la rente arriérée est encore disponible au moment de l'entrée en force de la décision de restitution, la situation difficile doit être niée. En cas de diminution du patrimoine avant l'entrée en force de la décision de restitution, il faut en examiner les raisons. S'il s'avère que l'assuré a renoncé à des éléments de fortune sans obligation juridique ou sans avoir reçu, en échange, une contre-prestation équivalente (sur ces notions, ATF 146 V 306 consid. 2.3.1; arrêts 9C_787/2020 et 9C_22/2021 du 14 avril 2021 consid. 4.2 et les références), le patrimoine dont il s'est dessaisi devra être traité comme s'il en avait encore la maîtrise effective, en appliquant par analogie les règles sur le dessaisissement de fortune au sens des art. 11 al. 1 let . g aLPC et 17a aOPC-AVS/Al (arrêts 8C_954/2008 du 29 mai 2009 consid. 7.2 et les références; 8C_766/2007 du 17 avril 2008 consid. 4.2; C 93/05 du 20 janvier 2007 consid. 5.3.4).  
 
3.4. Dans le régime des prestations complémentaires, l'assuré qui n'est pas en mesure de prouver avec une vraisemblance prépondérante que ses dépenses ont été effectuées moyennant contre-prestation adéquate ne peut pas se prévaloir d'une diminution (supérieure à la moyenne) correspondante de sa fortune, mais doit accepter que l'on s'enquière des motifs de cette diminution et, en l'absence de la preuve requise, que l'on tienne compte d'une fortune hypothétique (ATF 146 V 306 consid. 2.3.2; arrêts P 65/04 du 29 août 2005 consid. 5.3.2; 9C_377/2021 du 22 octobre 2021 consid. 3.3 et les références).  
 
4.  
La juridiction cantonale a tout d'abord constaté que l'intimé et son épouse avaient reçu en date du 29 mars 2019sur leur compte bancaire la somme de 26'226 fr., correspondant aux arriérés de la rente de la prévoyance professionnelle allouée à l'épouse. Après avoir répertorié les retraits en espèce de ce compte (montants compris entre 1000 fr et 4000 fr.) sur la période courant d'avril 2019 à décembre 2020, les premiers juges ont considéré que ceux-ci avaient permis à l'intimé de payer des dépenses courantes, selon ses habitudes. S'agissant du retrait de la somme de 25'000 fr. en date du 5 avril 2019, ils ont considéré qu'il n'était pas prouvé qu'elle avait servi au remboursement d'un prêt de 10'000 fr. octroyé par un tiers, de sorte que ce montant correspondait à un dessaisissement sans obligation juridique et/ou sans contre-prestation. S'agissant du solde (15'000 fr.), il n'était pas exclu que l'intimé l'ait utilisé afin d'améliorer le quotidien du couple. Ainsi, il ne pouvait pas être considéré comme un dessaisissement de fortune. 
 
5.  
 
5.1. Le recourant ne s'en prend pas aux constatations cantonales selon lesquelles la somme de 10'000 fr. doit être considérée comme un dessaisissement. La seule affirmation de l'intimé qu'il "a démontré avoir dû emprunter cette somme à un tiers" ne suffit pas pour remettre en cause ces constatations; elle relève d'une motivation appellatoire. Il n'y a donc pas lieu de s'écarter de l'arrêt cantonal sur ce point.  
Le recourant se plaint en revanche d'une violation de l' art. 25 al. 1 LPGA , dans la mesure où il considère que la condition de la situation difficile n'est pas réalisée en lien avec le montant restant de 15'000 fr. Il reproche implicitement une constatation arbitraire des faits par les premiers juges, en ce que l'intimé n'avait pas démontré, avec une vraisemblance prépondérante, l'utilisation du solde de 15'000 fr. Dès lors, la juridiction cantonale aurait dû retenir que ce montant devait être traité comme si l'intimé en avait encore eu la maîtrise lorsque la décision de restitution était devenue exécutoire. 
 
5.2. Pour sa part, l'intimé fait valoir avant tout qu'il n'avait légitimement pas pensé qu'il devait conserver les quittances de toutes ses dépenses et que ces dernières avaient été effectuées afin d'améliorer le confort de la famille qui avait auparavant vécu modestement, échappant ainsi à la qualification du dessaisissement de fortune.  
 
6.  
 
6.1. Avec le recourant, on doit admettre que les constatations des premiers juges se révèlent arbitraires. En effet, ces derniers ont d'abord constaté que les dépenses ordinaires alléguées par l'intimé (achats de vêtements et de meubles, repas) n'étaient aucunement documentées, alors même que pour certains de ces achats, il était d'usage de conserver la facture (meubles ou appareils ménagers) à des fins de garantie. De plus, ils ont retenu qu'aucune raison ne permettait de comprendre pourquoi, alors que d'autres retraits allant de 1000 fr. à 4000 fr. avaient été utilisés pour des besoins courants par l'intimé, celui-ci avait eu besoin de la somme de 25'000 fr. pour procéder à des achats courants ou "de confort". Cependant, malgré ces constatations, la juridiction cantonale a de façon contradictoire considéré qu'il était vraisemblable qu'une partie du montant de 25'000 fr. ait été utilisée pour permettre aux époux de s'acheter des biens qu'ils n'avaient pas eus les moyens de s'offrir auparavant. La juridiction cantonale n'explique pas sur quels éléments concrets elle se fonde, ni du reste pourquoi l'éventualité retenue apparaitrait comme la plus plausible.  
Or conformément à son devoir de collaborer (cf. supra consid. 3.4), il incombait à l'intimé de fournir des justificatifs, par exemple pour l'acquisition prétendue de nouveaux meubles, ou à tout le moins d'étayer ses affirmations qui n'apparaissent que comme des généralités (cf. arrêt 9C_377/2021 cité consid. 5.3.3), ce qu'il n'a pas fait. On peine en outre à imaginer que, pour des achats courants en espèces, des montants compris entre 1000 fr et 4000 fr. aient été suffisants et que soudainement, une somme bien plus importante eût été nécessaire pour des dépenses de même nature. Il s'en suit qu'en l'absence d'éléments concrets et d'explications convaincantes quant à la diminution de la fortune de l'intimé, la cour cantonale ne pouvait pas, sauf à violer le droit fédéral, retenir que le montant de 15'000 fr. ne constituait pas un dessaisissement. 
 
6.2. En vertu des règles sur le dessaisissement applicables par analogie, il faut considérer qu'en octobre 2020 (soit au moment où la décision sur opposition concernant la restitution est devenue exécutoire [ art. 4 al. 2 OPGA ; arrêt C 93/05 cité consid. 5.2]), l'intimé avait encore la maîtrise du montant de 25'000 fr. Par conséquent, la condition de la situation difficile au sens de l' art. 25 al. 1 LPGA n'est pas remplie en l'espèce.  
 
7.  
Bien fondé, le recours doit être admis. L'arrêt attaqué doit être annulé et la décision sur opposition du 30 juin 2021 du SPC confirmée. 
 
8.  
Les frais judiciaires sont mis à la charge de l'intimé ( art. 66 al. 1 LTF ), qui succombe. Il a cependant déposé une demande d'assistance judiciaire. Dès lors que les conditions d'octroi en sont réalisées ( art. 64 al. 1 et 2 LTF ), l'assistance judiciaire lui est accordée. L'intimé est rendu attentif au fait qu'il devra rembourser la Caisse du Tribunal fédéral, s'il retrouve ultérieurement une situation financière lui permettant de le faire ( art. 64 al. 4 LTF ). 
Compte tenu de l'issue du litige en instance fédérale, la cause est renvoyée à la juridiction cantonale pour nouvelle décision sur les frais et les dépens de la procédure antérieure ( art. 67 et 68 al. 5 LTF ). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis. L'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, du 21 avril 2022 est annulé et la décision sur opposition du 30 juin 2021 du Service des prestations complémentaires de la République et canton de Genève est confirmée. 
 
2.  
L'assistance judiciaire est accordée et Me Sarah Braunschmidt Scheidegger est désignée comme avocate d'office de l'intimé. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1600 fr., sont mis à charge de l'intimé. Ils sont toutefois supportés provisoirement par la Caisse du Tribunal fédéral. 
 
4.  
Une indemnité de 2800 fr. est allouée à l'avocate de l'intimé à titre d'honoraires à payer par la Caisse du Tribunal fédéral. 
 
5.  
La cause est renvoyée à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure antérieure. 
 
6.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 6 décembre 2022 
 
Au nom de la IIe Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
Le Greffier : Bürgisser 


Synthèse
Formation : Iie cour de droit social  
Numéro d'arrêt : 9C_246/2022
Date de la décision : 06/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2023
Fonds documentaire ?: www.bger.ch
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2022-12-06;9c.246.2022 ?

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