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09/11/2022 | SUISSE | N°8C_202/2022

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral, Ire Cour de droit social  , Arrêt du 9 novembre 2022  , 8C 202/2022


 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_202/2022  
 
 
Arrêt du 9 novembre 2022  
 
Ire Cour de droit social  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Wirthlin, Président, 
Heine et Abrecht. 
Greffier : M. Ourny. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Séverin Tissot-Daguette, 
recourante, 
 
contre  
 
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), Division juridique, Fluhm

attstrasse 1, 6002 Lucerne, 
intimée. 
 
Objet 
Assurance-accidents (rente d'invalidité), 
 
recours contre le jugement du Tribunal administratif du canton de Berne du 13...

 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_202/2022  
 
 
Arrêt du 9 novembre 2022  
 
Ire Cour de droit social  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Wirthlin, Président, 
Heine et Abrecht. 
Greffier : M. Ourny. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Séverin Tissot-Daguette, 
recourante, 
 
contre  
 
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), Division juridique, Fluhmattstrasse 1, 6002 Lucerne, 
intimée. 
 
Objet 
Assurance-accidents (rente d'invalidité), 
 
recours contre le jugement du Tribunal administratif du canton de Berne du 13 février 2022 (200.2021.312.LAA). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________, née en 1963, a travaillé comme opératrice sur automates de ravitaillement auprès de B.________ SA à compter du 10 avril 2017. Le 4 juin 2019, elle a glissé sur le sol mouillé de sa cuisine et s'est blessée au genou gauche. La Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), auprès de laquelle elle était assurée contre le risque d'accidents, a pris en charge le cas. 
Par décision du 2 février 2021, confirmée sur opposition le 16 mars 2021, la CNA a, sur la base du rapport de son médecin d'arrondissement, nié le droit de l'assurée à une rente d'invalidité et lui a alloué une indemnité pour atteinte à l'intégrité (IPAI) de 10 %. 
 
B.  
Saisie d'un recours contre la décision sur opposition, la Cour des affaires de langue française du Tribunal administratif du canton de Berne l'a rejeté par jugement du 13 février 2022. 
 
C.  
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement, en concluant à sa réforme en ce sens que "les prestations légales découlant de la LAA, en particulier une rente d'invalidité" lui soient octroyées. 
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours est dirigé contre un arrêt final ( art. 90 LTF ) rendu en matière de droit public ( art. 82 ss LTF ) par une autorité cantonale de dernière instance ( art. 86 al. 1 let . d LTF). Il a été déposé dans le délai ( art. 100 LTF ) et la forme ( art. 42 LTF ) prévus par la loi. Il est donc recevable. 
 
2.  
 
2.1. Au vu des griefs contenus dans le recours, le litige se limite au point de savoir si les juges cantonaux ont violé le droit fédéral en confirmant la décision sur opposition du 16 mars 2021 en tant qu'elle nie le droit de la recourante à une rente d'invalidité.  
 
2.2. S'agissant d'une procédure concernant l'octroi de prestations en espèces de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par l'autorité précédente ( art. 105 al. 3 LTF ).  
 
3.  
 
3.1. Selon l' art. 6 al. 1 LAA , les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Si l'assuré est invalide ( art. 8 LPGA [RS 830.1]) à 10 % au moins ensuite d'un accident, il a droit à une rente d'invalidité ( art. 18 al. 1 LAA ). Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré ( art. 16 LPGA ; méthode ordinaire de la comparaison des revenus).  
 
3.2. Le revenu d'invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l'assuré. En l'absence d'un revenu effectivement réalisé, soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l'atteinte à la santé, n'a pas repris d'activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible, le revenu d'invalide peut être évalué sur la base de salaires fondés sur les données statistiques résultant de l'Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) (ATF 148 V 174 consid. 6.2; 139 V 592 consid. 2.3; 135 V 297 consid. 5.2). Aux fins de déterminer le revenu d'invalide, le salaire fixé sur cette base peut à certaines conditions faire l'objet d'un abattement de 25 % au plus (ATF 148 V 174 consid. 6.3; 129 V 472 consid. 4.2.3; 126 V 75 consid. 5b/aa-cc).  
 
4.  
La recourante se plaint d'une violation de l' art. 16 LPGA en lien avec la fixation du revenu d'invalide. Elle critique plus précisément le choix du niveau de compétence selon les tableaux statistiques de l'ESS. 
 
4.1. Depuis la dixième édition de l'Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS 2012), les emplois sont classés par l'Office fédéral de la statistique (OFS) par profession en fonction du type de travail qui est généralement effectué. Les critères de base utilisés pour définir le système des différents groupes de profession sont les niveaux et la spécialisation des compétences requis pour effectuer les tâches inhérentes à la profession. Quatre niveaux de compétence ont été définis en fonction de neuf grands groupes de professions (voir tableau T17 de l'ESS 2012 p. 44) et du type de travail, de la formation nécessaire à la pratique de la profession et de l'expérience professionnelle (voir tableau TA1_skill_level de l'ESS 2012; ATF 142 V 178 consid. 2.5.3). Le niveau 1 est le plus bas et correspond aux tâches physiques et manuelles simples, tandis que le niveau 4 est le plus élevé et regroupe les professions qui exigent une capacité à résoudre des problèmes complexes et à prendre des décisions fondées sur un vaste ensemble de connaissances théoriques et factuelles dans un domaine spécialisé (on y trouve par exemple les directeurs/trices, les cadres de direction et les gérant[e]s, ainsi que les professions intellectuelles et scientifiques). Entre ces deux extrêmes figurent les professions dites intermédiaires (niveaux 3 et 2). Le niveau 3 implique des tâches pratiques complexes qui nécessitent un vaste ensemble de connaissances dans un domaine spécialisé (notamment les techniciens, les superviseurs, les courtiers ou encore le personnel infirmier). Le niveau 2 se réfère aux tâches pratiques telles que la vente, les soins, le traitement des données, les tâches administratives, l'utilisation de machines et d'appareils électroniques, les services de sécurité et la conduite de véhicules (arrêt 8C_444/2021 du 29 avril 2022 consid. 4.2.3 et les arrêts cités). L'application du niveau 2 se justifie uniquement si la personne assurée dispose de compétences ou de connaissances particulières (arrêt 8C_801/2021 du 28 juin 2022 consid. 3.4 in initio et les arrêts cités).  
 
4.2. Pour déterminer le revenu d'invalide, les premiers juges se sont fondés sur les données statistiques de l'ESS 2018. Se basant sur le tableau TA1_tirage_skill_level, total femmes, ils se sont attelés à déterminer le niveau de compétence à prendre en compte. A ce titre, ils ont exposé que la recourante était au bénéfice d'une formation complémentaire d'infirmière en soins à domicile, d'un certificat fédéral de capacité (CFC) d'assistante en soins et santé communautaire ainsi que d'un certificat de compétence pour les soins de traitement. En outre, elle avait été durant seize ans responsable du service de santé ("Leiterin Gesundheitsdienst") d'un foyer pour jeunes. Dans le cadre de cette fonction, elle avait notamment assuré le triage, la conduite de consultations, l'organisation et l'accompagnement de la visite hebdomadaire du médecin, les soins ambulatoires simples, l'organisation des cours de formation pour le personnel et les jeunes, des travaux administratifs, le développement et la mise en oeuvre des processus internes ou encore la préparation du budget. La cour cantonale en a conclu que la formation et le parcours professionnel de la recourante justifiaient l'application du niveau de compétence 2, qui faisait référence à des domaines - par exemple administratif - dans lesquels elle était en mesure de mettre à profit ses connaissances en dépit de ses limitations fonctionnelles.  
 
4.3. La recourante ne critique pas le choix du tableau TA1_tirage_skill_level, total femmes, pour fixer le revenu d'invalide, pas plus que la compatiblité des tâches pratiques prévues par le niveau de compétence 2 avec ses limitations fonctionnelles. En revanche, elle soutient n'avoir endossé aucune responsabilité particulière lorsqu'elle travaillait au sein du service de santé du foyer pour jeunes, malgré la dénomination de sa fonction. Par ailleurs, dès lors qu'elle aurait exercé pendant plusieurs années un emploi manuel et physique équivalant au niveau de compétence 1, il ne serait pas envisageable qu'elle puisse obtenir soudainement un revenu correspondant au niveau de compétence 2. Le niveau de compétence 1 aurait ainsi dû être retenu pour fixer le revenu d'invalide.  
 
4.4. Il y a lieu d'admettre, avec l'intimée et la juridiction cantonale, que le niveau de formation et l'expérience acquise par la recourante justifient que son revenu d'invalide soit déterminé sur la base du niveau de compétence 2 des statistiques salariales de l'ESS. Comme relevé par les premiers juges, l'intéressée a suivi avec succès plusieurs formations dans le domaine des soins et a été pendant seize ans responsable d'un service de santé au sein d'un foyer pour jeunes. Quoi qu'elle en dise, elle assurait dans ce poste à responsabilités de multiples tâches administratives outrepassant largement la seule administration de soins. Dans ces conditions, rien n'empêche qu'elle mette à profit les compétences et connaissances acquises dans le cadre de cette longue activité dans un autre domaine tombant sous le large éventail d'activités pratiques prévues par le niveau de compétence 2, dont font notamment partie les tâches administratives (cf. consid. 4.1 supra), quand bien même elle travaillait au moment de l'accident depuis un peu plus de deux ans comme opératrice sur automates de ravitaillement. Son grief s'avère ainsi mal fondé.  
 
5.  
La recourante reproche encore à la cour cantonale de n'avoir appliqué aucun abattement sur le revenu d'invalide. 
 
5.1.  
 
5.1.1. La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et taux d'occupation). Il n'y a pas lieu de procéder à des déductions distinctes pour chacun des facteurs entrant en considération. Il faut bien plutôt procéder à une évaluation globale, dans les limites du pouvoir d'appréciation, des effets de ces facteurs sur le revenu d'invalide, compte tenu de l'ensemble des circonstances du cas concret (ATF 148 V 174 consid. 6.3; 126 V 75 consid. 5b/bb; arrêt 8C_716/2021 du 12 octobre 2022 consid. 5.3 et les arrêts cités).  
 
5.1.2. Le point de savoir s'il y a lieu de procéder à un abattement sur le salaire statistique en raison de circonstances particulières (liées au handicap de la personne ou à d'autres facteurs) est une question de droit qui peut être examinée librement par le Tribunal fédéral (ATF 146 V 16 consid. 4.2; 142 V 178 consid. 2.5.9). En revanche, l'étendue de l'abattement sur le salaire statistique dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d'appréciation, qui est soumise à l'examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d'appréciation de manière contraire au droit, soit a commis un excès positif ("Ermessensüberschreitung") ou négatif ("Ermessensunterschreitung") de son pouvoir d'appréciation ou a abusé ("Ermessensmissbrauch") de celui-ci (ATF 146 V 16 consid. 4.2; 137 V 71 consid. 5.1), notamment en retenant des critères inappropriés, en ne tenant pas compte de circonstances pertinentes, en ne procédant pas à un examen complet des circonstances pertinentes ou en n'usant pas de critères objectifs (ATF 135 III 179 consid. 2.1; 130 III 176 consid. 1.2).  
 
5.2. Les juges cantonaux ont relevé que l'intimée avait déjà tenu compte des limitations fonctionnelles de la recourante pour fixer le revenu d'invalide, en retenant une diminution de rendement de 20 % en raison d'un besoin accru de pauses. Lesdites limitations fonctionnelles ne pouvaient pas justifier en sus un abattement salarial. En tout état de cause, les limitations fonctionnelles et la diminution de rendement mises en évidence par le médecin d'arrondissement n'avaient pas un caractère exceptionnel et n'empêchaient pas l'accès à tout un panel d'activités adaptées, par exemple une activité de type administratif. L'âge de la recourante n'était pas non plus un critère d'abattement. Âgée de 57 ans au moment où la décision sur opposition avait été rendue, elle disposait encore d'une durée d'activité de sept à huit ans avant l'âge de la retraite. Elle possédait en outre de solides connaissances et était au bénéfice de formations diverses dans le domaine des soins infirmiers. Enfin, elle maîtrisait tant le français que l'allemand et disposait d'une longue expérience professionnelle dans le domaine précité.  
 
5.3. La recourante soutient que la perte de rendement de 20 % retenue ne serait liée qu'à la nécessité d'un changement de position en raison de la problématique du gonflement des membres inférieurs, et non aux autres limitations fonctionnelles. Il se justifierait donc de procéder à un abattement pour ces autres limitations fonctionnelles. Elle expose être également inévitablement désavantagée sur le plan salarial en raison de son âge. Elle réclame ainsi la prise en compte d'un abattement d'au moins 10 %.  
 
5.4. S'agissant de ses limitations fonctionnelles, la recourante doit éviter le port de charges de plus de 5 kg, les travaux en position accroupie ou à genoux, l'utilisation d'échelles et d'échafaudages, ainsi que les travaux impliquant des vibrations sur les membres inférieurs. L'utilisation d'escaliers doit en outre être limitée. Au regard des nombreuses activités que recouvrent les secteurs de la production et des services (ESS 2018, tableau TA1_skill_level, niveau de compétence 2), un nombre suffisant d'entre elles correspondent à des travaux respectant ces limitations fonctionnelles. Une déduction supplémentaire sur le salaire statistique ne se justifie donc pas pour tenir compte des circonstances liées au handicap de la recourante. En effet, un abattement n'entre en considération que si, sur un marché du travail équilibré, il n'y a plus un éventail suffisamment large d'activités accessibles à l'assuré (cf. arrêt 8C_659/2021 du 17 février 2022 consid. 4.3.1 et l'arrêt cité), ce qui n'est pas le cas en l'espèce et n'est du reste pas allégué par la recourante.  
Pour le reste, la recourante n'expose pas - et on ne voit pas - en quoi ses perspectives salariales seraient concrètement réduites sur un marché du travail équilibré en raison de son âge. Il est en revanche constant qu'elle est au bénéfice d'une longue expérience dans de nombreuses tâches exercées durant seize ans au sein du foyer pour jeunes, de sorte qu'elle dispose de ressources sur le plan professionnel, susceptibles de compenser les éventuels désavantages compétitifs liés à son âge. C'est ainsi à bon droit que la cour cantonale n'a procédé à aucun abattement. Il s'ensuit que le recours, mal fondé, doit être rejeté. 
 
6.  
La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires ( art. 66 al. 1 LTF ). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour des affaires de langue française du Tribunal administratif du canton de Berne et à l'Office fédéral de la santé publique. 
 
 
Lucerne, le 9 novembre 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Wirthlin 
 
Le Greffier : Ourny 


Synthèse
Formation : Ire cour de droit social  
Numéro d'arrêt : 8C_202/2022
Date de la décision : 09/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2023
Fonds documentaire ?: www.bger.ch
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2022-11-09;8c.202.2022 ?

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