Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
2C_467/2020
Arrêt du 17 novembre 2020
IIe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux
Seiler, Président, Aubry Girardin et Beusch.
Greffier : M. Rastorfer.
Participants à la procédure
Secrétariat d'Etat aux migrations,
Quellenweg 6, 3003 Berne,
recourant,
contre
A.________,
représenté par Me Robert Assaël, avocat,
intimé,
Département de la sécurité, de l'emploi et de la santé de la République et canton de Genève (DSES),
rue de l'Hôtel-de-Ville 14, case postale 3952,
1211 Genève 3,
Objet
Révocation de l'autorisation d'établissement,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 1ère section, du 30 avril 2020 (ATA/409/2020).
Faits :
A.
A.a. A.________, ressortissant du Kosovo né en 1981, est arrivé en Suisse en septembre 1998. Après s'être vu refuser sa demande d'asile en mars 1999, il a épousé une ressortissante suisse en 2001. Il a de ce fait été mis au bénéfice d'une autorisation de séjour puis, à partir d'avril 2006, d'une autorisation d'établissement. Le divorce des époux a été prononcé en 2007.
A.b. En février 2008, A.________ a épousé, dans son pays d'origine, une compatriote. Cette dernière est arrivée en Suisse la même année et a obtenu une autorisation de séjour par regroupement familial. Deux enfants sont issus de cette union, nés en 2009 et 2013. Tous deux sont titulaires d'une autorisation d'établissement.
A.c. Entre 2006 et 2012, A.________ a été condamné pénalement à trois reprises, à savoir le 23 mars 2006 à une peine privative de liberté de 20 jours avec sursis pendant deux ans pour lésions corporelles simples, le 21 mai 2012 à une peine pécuniaire de 30 jours-amende avec sursis pendant trois ans et une amende de 500 fr. pour détournement de valeur patrimoniale en main de justice, et le 24 octobre 2012 à une peine pécuniaire de 30 jours-amende avec sursis pendant trois ans et une amende de 600 fr. pour emploi d'étrangers sans autorisation.
A la suite de sa première condamnation en 2006, l'Office cantonal de la population et des migrations du canton de Genève (ci-après: l'Office cantonal) a adressé à l'intéressé un avertissement formel concernant les conséquences que pourraient avoir des infractions pénales sur son séjour en Suisse.
A.d. Par jugement du 10 octobre 2014, le Tribunal criminel du canton de Genève a reconnu A.________ coupable de tentative d'assassinat, le condamnant à une peine privative de liberté de 7 ans. Il lui a principalement été reproché d'avoir, entre l'été 2011 et le mois de février 2012, à la demande de l'époux de la victime, décidé un tiers à la tuer, puis d'avoir accompagné ce tiers au domicile de la victime au moins à vingt reprises, afin d'y effectuer des repérages, ainsi que le jour de la tentative d'assassinat. Il avait agi par appât du gain, avec une absence particulière de scrupules et en faisant preuve du mépris le plus complet pour la vie de la victime, qui n'avait survécu que par miracle à son agression. Après avoir laissé celle-ci pour morte, A.________ et l'homme de main étaient allés faire la fête ensemble.
Sur appel du Ministère public du canton de Genève, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Chambre pénale d'appel) a fixé la peine privative de liberté à 9 ans. Par arrêt 6B_445/2016 du 5 juillet 2017, le Tribunal fédéral a admis le recours interjeté par le Ministère public à l'encontre de l'arrêt de la Chambre pénale d'appel et a renvoyé la cause à l'autorité précitée pour fixation d'une nouvelle peine. Il a en effet considéré que celle fixée à 9 ans procédait d'une clémence excessive. L'intéressé avait joué un rôle déterminant dans l'exécution du plan d'assassinat, avait agi pour de l'argent et avait été faire la fête avec l'homme de main après que celui-ci avait accompli son forfait. Sa faute était particulièrement lourde, et sa collaboration comme sa prise de conscience inexistantes.
Par arrêt du 27 décembre 2017, la Chambre pénale d'appel a statué à nouveau et condamné A.________ a une peine privative de liberté de 12 ans. La fin de l'exécution de celle-ci était prévue le 11 décembre 2023.
A.________ a été libéré conditionnellement le 9 décembre 2019. Il a immédiatement repris une activité professionnelle dans le domaine du bâtiment, lui permettant de renoncer à l'aide sociale dont bénéficiait son épouse depuis le 1er mai 2013.
B.
Par décision du 6 décembre 2018, après avoir entendu A.________, le Département de la sécurité, de l'emploi et de la santé du canton de Genève (ci-après: le Département cantonal) a révoqué l'autorisation d'établissement de l'intéressé et a prononcé son renvoi de Suisse dès sa sortie de prison.
Le 25 janvier 2019, A.________ a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance du canton de Genève (ci-après: le Tribunal administratif) qui, par jugement du 9 septembre 2019, a rejeté le recours. L'intéressé a contesté ce prononcé auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Cour de justice). Par arrêt du 30 avril 2020, considérant en substance que la mesure de révocation litigieuse apparaissait disproportionnée, la Cour de justice a admis le recours d'A.________, a annulé le jugement du Tribunal administratif de première instance du 9 septembre 2019, ainsi que la décision du Département cantonal du 6 décembre 2018, et a prononcé un avertissement à l'encontre de l'intéressé.
C.
Contre l'arrêt du 30 avril 2020 de la Cour de justice, le Secrétariat d'État aux migrations forme un recours en matière de droit public et demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt attaqué, de confirmer la décision du Département cantonal du 6 décembre 2018 révoquant l'autorisation d'établissement d'A.________ et prononçant son renvoi de Suisse, et de renvoyer la cause au Département cantonal pour la fixation d'un délai de départ.
A.________ dépose des déterminations et conclut au rejet du recours. Le Département cantonal renonce à formuler des observations et se réfère à sa décision du 6 décembre 2018. La Cour de justice ne s'est pas déterminée.
Considérant en droit :
1.
1.1. En vertu de l' art. 83 let . c ch. 2 LTF, le recours en matière de droit public est irrecevable contre les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit. Il est recevable contre les décisions infirmant, comme en l'espèce, la révocation d'une autorisation d'établissement, dès lors qu'il existe en principe un droit au maintien d'une telle autorisation (ATF 141 II 169 consid. 4.4.4 p. 178; arrêt 2C_744/2019 du 20 août 2020 consid. 1.1 destiné à publication). La présente cause ne tombe ainsi pas sous le coup de l' art. 83 let . c ch. 2 LTF. Aucune autre clause d'irrecevabilité figurant à l' art. 83 LTF n'entrant en ligne de compte, la voie du recours en matière de droit public est ouverte.
1.2. Le Secrétariat d'État aux migrations a qualité pour former un recours en matière de droit public si l'acte attaqué est susceptible de violer la législation fédérale dans son domaine d'attributions, c'est-à-dire le droit fédéral régissant le droit des étrangers et la nationalité ( art. 89 al. 2 let. a LTF et 14 al. 2 de l'ordonnance du 17 novembre 1999 sur l'organisation du Département fédéral de justice et police [Org. DFJP; RS 172.213.1]). Tel est le cas de l'arrêt entrepris, lequel annule la révocation d'autorisation d'établissement de l'intimé telle que décidée par le Département cantonal.
1.3. Au surplus, le recours a été déposé en temps utile ( art. 100 al. 1 LTF ) et dans les formes prescrites par la loi ( art. 42 LTF ). Il est donc recevable, sous réserve de ce qui suit.
1.4. Dans la mesure où l'autorité recourante demande la confirmation de la décision du Département cantonal du 6 décembre 2018, sa conclusion est irrecevable en raison de l'effet dévolutif complet du recours auprès du Tribunal administratif (ATF 136 II 539 consid. 1.2 p. 543). Les conclusions devant être interprétées à la lumière des motifs du recours (cf. ATF 137 II 313 consid. 1.3 p. 317), on comprend toutefois que c'est la confirmation du jugement du 9 septembre 2019 du Tribunal administratif que l'autorité recourante entend demander, en tant qu'il confirmait la décision du Département précitée.
2.
2.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF ). Conformément à l' art. 106 al. 2 LTF , il ne connaît de la violation des droits fondamentaux que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant, à savoir exposé de manière claire et détaillée (cf. ATF 142 I 99 consid. 1.7.2 p. 106; 141 I 36 consid. 1.3 p. 41).
2.2. Pour statuer, le Tribunal fédéral se fonde sur les faits constatés par l'instance précédente ( art. 105 al. 1 LTF ), à moins que ceux-ci n'aient été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire (ATF 143 IV 241 consid. 2.3.1 p. 244) - ou en violation du droit au sens de l' art. 95 LTF (cf. art. 105 al. 2 LTF ), ce que le recourant doit démontrer (cf. art. 97 al. 1 LTF ). Par ailleurs, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut en principe être présenté devant le Tribunal fédéral ( art. 99 al. 1 LTF ).
La Cour de céans ne tiendra donc pas compte, dans la mesure où ils ne ressortent pas déjà de l'arrêt attaqué, des faits allégués de manière appellatoire dans le mémoire de recours, s'agissant notamment de la dissolution par suite de faillite en 2008 et 2012 des deux précédentes entreprises de l'intimé et de l'existence de 41 actes de défaut de biens pour un montant total de 807'377 fr. Il ne sera également pas tenu compte des pièces nouvelles produites par l'intimé, toutes établies après le prononcé de l'arrêt attaqué, à l'exception de l'extrait du registre du commerce de la société anonyme administrée depuis le 31 janvier 2020 par l'intéressé, dans la mesure où il doit être considéré comme un fait notoire (cf. ATF 143 IV 380 consid. 1.1.1).
3.
3.1. A titre préalable, il convient de préciser que, selon les faits constatés, les infractions pour lesquelles l'intimé a été condamné ont toutes été commises avant le 1er octobre 2016, ce qui exclut l'application de l' art. 66a CP et permettait ainsi au juge administratif de statuer sur la révocation de l'autorisation d'établissement (cf. arrêts 2C_180/2020 du 30 avril 2020 consid. 8; 2C_113/2020 du 21 avril 2020 consid. 4.2).
3.2. Dans l'arrêt attaqué, la Cour de justice a retenu que l'intimé avait été condamné à une peine privative de liberté de longue durée, justifiant la révocation de son autorisation d'établissement. Procédant ensuite à un examen de la proportionnalité de la mesure de révocation, elle a considéré qu'un intérêt public lourd commandait le refoulement de l'intéressé, au vu de la gravité extrême de l'infraction commise. Cette infraction faisait de plus suite à "une" condamnation en 2006 pour lésions corporelles simples, qui avait donné lieu à un avertissement formel de l'Office cantonal. La Cour de justice a mis en balance cet intérêt public avec l'intérêt privé de l'intimé, prenant en particulier en compte "les circonstances actuelles" liées à son comportement adéquat en prison, à sa volonté de réintégration, à l'écoulement du temps, au versement régulier d'une somme d'argent à la victime, au lien fort qu'il avait réussi à maintenir avec son épouse et ses deux enfants, et à son faible risque de récidive, tel que relevé par les différentes autorités ayant été amenées à se prononcer à ce sujet depuis 2013. Les juges cantonaux ont également tenu compte de la "conviction" qu'ils avaient acquise lors de l'audition de l'intimé en audience de comparution personnelle, s'agissant notamment des regrets qu'il avait exprimés et du fait qu'un retour au Kosovo de ses deux enfants, qui ne parlaient que très peu l'albanais, n'apparaissait pas envisageable. La Cour de justice a ainsi jugé que l'intérêt privé de l'intimé, et celui de sa famille, à pouvoir continuer à vivre en Suisse, à développer une activité professionnelle, à encadrer ses filles et à indemniser sa victime devait l'emporter sur l'intérêt public à son renvoi. La révocation de l'autorisation d'établissement s'avérait dès lors disproportionnée.
3.3. L'autorité recourante se plaint d'une violation des art. 96 de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers et l'intégration (LEI; RS 142.20, respectivement dans sa version en vigueur au moment de la décision de révocation litigieuse [RO 2007 5437; ci-après LEtr]; cf. art. 126 LEI ) et 8 CEDH. L'autorité recourante est d'avis que la Cour de justice a procédé à un examen de la proportionnalité qui n'est pas conforme au droit fédéral et international. Elle rappelle à ce propos la lourde peine prononcée à l'encontre de l'intimé, la gravité de la faute commise et l'extrême importance du bien juridique auquel il a porté atteinte. Elle y oppose les divers éléments retenus par les juges cantonaux en faveur de intimé, qu'elle ne considère pas comme étant exceptionnels. Elle relativise en particulier le temps passé en Suisse par l'intimé, dont deux ans l'ont été dans l'illégalité et plus de sept ans l'ont été en prison, ainsi que son comportement durant la période d'exécution de sa peine. Elle souligne également que l'indemnisation de la victime ne découle pas de la volonté de l'intimé, mais du jugement du Tribunal criminel du 10 octobre 2014 le condamnant à payer, conjointement et solidairement, des indemnités de procédure et pour tort moral à l'intéressée. Elle constate par ailleurs que l'intimé avait déjà fait l'objet d'un avertissement et que la présence de sa famille ne l'avait pas empêché de poursuivre son activité délictuelle, dont la tentative d'assassinat en cause. Finalement, l'autorité recourante mentionne une intégration qu'elle ne semble pas considérer comme réussie et constate que la réintégration de l'intéressé au Kosovo est parfaitement envisageable.
4.
Le présent litige porte sur la question de savoir si c'est à bon droit que la Cour de justice a retenu que la révocation de l'autorisation d'établissement de l'intimé constituait une mesure disproportionnée et, partant, a annulé la décision du Département cantonal.
4.1. L'existence d'une condamnation à 12 ans de peine privative de liberté constitue à l'évidence un motif de révocation de l'autorisation d'établissement de l'intimé en application de l'art. 62 al. 1 let. b LEtr, par renvoi de l'art. 63 al. 1 let. a LEtr, ce que l'arrêt attaqué reconnaît.
4.2. La révocation d'une telle autorisation ne se justifie toutefois que si elle est proportionnée. L'examen de la proportionnalité de la mesure imposé par l'art. 96 LEtr se confond avec celui qui est prévu à l' art. 8 par. 2 CEDH (cf. ATF 139 I 31 consid. 2.3.2 p. 34; 139 I 145 consid. 2.2; arrêt 2C_1072/2019 du 15 mars 2020 consid. 8.1).
4.3. De jurisprudence constante, lors de l'examen de la proportionnalité de la mesure de révocation, il y a lieu de prendre en considération la gravité de la faute commise, le degré d'intégration, la durée du séjour en Suisse, ainsi que le préjudice que l'intéressé et sa famille auraient à subir du fait de la mesure (ATF 139 I 16 consid. 2.2.1 p. 19; 135 II 377 consid. 4.3 p. 381). Quand la révocation est prononcée en raison de la commission d'une infraction, la peine infligée par le juge pénal est le premier critère servant à évaluer la gravité de la faute et à procéder à la pesée des intérêts. Lors d'infractions pénales graves, il existe, sous réserve de liens personnels ou familiaux prépondérants, un intérêt public digne de protection à mettre fin au séjour d'un étranger, afin de préserver l'ordre public et de prévenir de nouveaux actes délictueux, le droit des étrangers n'exigeant pas que le public demeure exposé à un risque même faible de nouvelles atteintes à des biens juridiques importants (ATF 139 I 31 consid. 2.3.2 p. 34). Pour évaluer la menace pour l'ordre public que représente un étranger condamné pénalement, le Tribunal fédéral se montre particulièrement rigoureux en présence, comme en l'espèce, d'actes de violence criminelle qui ont gravement porté atteinte à l'intégrité corporelle d'autrui (cf. ATF 139 II 297 consid. 3.3 p. 303; arrêt 2C_570/2020 du 20 septembre 2020 consid. 5.3).
La durée de séjour en Suisse d'un étranger constitue également un critère important. Plus cette durée est longue, plus les conditions pour mettre fin au séjour en Suisse doivent être appréciées restrictivement (cf. ATF 135 II 377 consid. 4.4 et 4.5 p. 382 s.). La révocation de l'autorisation d'établissement d'un étranger qui séjourne depuis longtemps en Suisse n'est toutefois pas exclue en cas d'infractions graves ou répétées, et ce même dans le cas d'un étranger né en Suisse et qui y a passé l'entier de sa vie. On tiendra alors particulièrement compte de l'intensité des liens de l'étranger avec la Suisse et des difficultés de réintégration dans son pays d'origine (ATF 139 I 16 consid. 2.2.1 p. 19 s.; 139 I 31 consid. 2.3.1 p. 33 s.).
En présence d'enfants, il faut enfin aussi tenir compte de leur intérêt fondamental à pouvoir grandir en jouissant d'un contact étroit avec leurs deux parents (art. 3 cum art. 9 CDE [RS 0.107]; ATF 143 I 21 consid. 5.5.1 p. 29), étant précisé que l' art. 3 CDE ne saurait fonder une prétention directe à l'octroi ou au maintien d'une autorisation (ATF 144 I 91 consid. 5.2 p. 98 et les arrêts cités).
4.4. En l'occurrence, par jugement du 27 décembre 2017 de la Chambre pénale d'appel, l'intimé a été condamné définitivement à une peine privative de liberté de 12 ans pour tentative d'assassinat. Selon les faits qui ressortent de l'arrêt entrepris, l'intéressé a incité un tiers à commettre un assassinat, agissant à la demande d'un mari qui souhaitait éliminer son épouse. Il s'est rendu à plusieurs reprises sur les lieux pour préparer, respectivement tenter le plan prévu, agissant uniquement par appât du gain, avec une absence particulière de scrupules et en faisant preuve du mépris le plus complet pour la vie de la victime. Sur plusieurs mois, il aurait pu renoncer, mais il n'en avait rien fait. Après avoir tenu la victime pour morte, il était allé faire la fête. La Chambre pénale d'appel a en outre retenu que l'intimé n'avait jamais émis de regrets en rapport à l'acte commis, sa collaboration comme sa prise de conscience ayant été qualifiées de nulles et sa faute de particulièrement lourde. Selon les constatations cantonales, qui lient le Tribunal fédéral ( art. 105 al. 1 LTF ), ce n'est en définitive que bien tardivement, soit devant la Cour de justice, lors de son audition de comparution personnelle du 13 janvier 2020, que l'intéressé a affirmé s'être "rendu compte de l'importance de la famille, des enfants" et avoir des regrets.
Il ressort de ce qui précède que l'intimé a commis une infraction extrêmement grave, dirigée contre le bien juridique le plus important, à savoir la vie et l'intégrité corporelle d'une personne, domaine dans lequel le Tribunal fédéral se montre particulièrement rigoureux (arrêt 2C_156/2018 du 5 septembre 2018 consid. 6.4 et les arrêts cités). Au demeurant, l'assassinat, y compris sa tentative, est une infraction pour laquelle le constituant a entendu se montrer intransigeant (cf. art. 121 al. 3 let. a Cst. ). La condamnation de l'intéressé constitue en outre un cas de récidive aggravée, dans la mesure où il avait déjà été condamné à trois autres reprises - et non pas une seule, comme le retient à tort la Cour de justice - entre 2006 et 2012. La première de ces condamnations a par ailleurs donné lieu au prononcé d'un avertissement formel de l'Office cantonal. Or, nonobstant cet avertissement, l'intéressé a réitéré ses agissements coupables à trois autres reprises sur une période de six ans, dont la dernière fois d'une façon extrêmement grave, démontrant son incapacité à se conformer à l'ordre juridique suisse. L'intérêt public à l'éloignement de l'intimé est ainsi manifeste. Dans ces circonstances, seuls des éléments exceptionnels permettraient de faire pencher la balance en sa faveur.
4.5. Sous l'angle des intérêts privés de l'intimé à demeurer en Suisse, c'est à tort que la Cour de justice apparaît accorder un poids important au risque de récidive, évalué comme faible par les autorités pénales, ainsi qu'au bon comportement de l'intéressé en détention et depuis sa sortie de prison. Ce dernier élément pèse peu dans la balance. Non seulement un tel comportement est attendu de tout délinquant (ATF 139 II 121 consid. 5.5.2 p. 128; arrêt 6B_2/2019 du 27 septembre 2019 consid. 8.4 non publié in ATF 145 IV 455), mais il ne permet de plus pas de tirer des conclusions déterminantes de l'attitude de l'intimé, du point de vue du droit des étrangers, afin d'évaluer sa dangerosité une fois en liberté, compte tenu du contrôle relativement étroit exercé par les autorités durant la période d'exécution de la peine, qui comprend le passage en milieu ouvert et le régime de congés. Il en va de même de la période de libération conditionnelle, puisqu'une récidive conduirait probablement à la révocation de ce régime (ATF 139 II 121 consid. 5.5.2 p. 128; arrêt 2C_727/2019 du 10 janvier 2020 consid. 5.4.3 et les références). Il n'en va pas différemment du risque de récidive, dans la mesure où, s'agissant d'infractions pénales graves, en particulier les atteintes graves à la vie et à l'intégrité corporelle, même un faible risque de récidive n'est pas acceptable (cf. ATF 139 I 31 consid. 2.3.2 p. 34; arrêt 2C_779/2017 du 26 octobre 2018 consid. 3.6). Du reste, l'ALCP (RS 0.142.112.681) ne s'appliquant pas en l'espèce, le risque concret de récidive n'est pas déterminant. Au demeurant, un tel risque, bien que faible, a bel et bien été reconnu en l'occurrence, ce en lien avec une infraction grave (cf. ATF 134 II 10 consid. 4.3 p. 24; arrêt 2C_94/2020 du 4 juin 2020 consid. 4.5 et les arrêts cités). Le temps écoulé depuis la dernière condamnation doit également être relativisé, dans la mesure où l'intimé a passé l'essentiel de cette période à exécuter la peine prononcée à son encontre. Enfin, s'il faut saluer le versement régulier d'une somme d'argent à la victime de ses agissements, force est de constater, avec l'autorité recourante, que cet aspect ne résulte pas de la volonté de l'intéressé, mais de l'exécution d'une décision pénale.
4.6. Pour le reste, en tant que la Cour de justice a retenu que l'intimé se trouvait en Suisse depuis 20 ans, elle oublie que les années passées en Suisse en prison ne sont pas prises en considération, et que celles passées dans l'illégalité ne revêtent que peu de poids et ne sont par conséquent pas déterminantes (ATF 137 II 1 consid. 4.3 p. 8; 134 II 10 consid. 4.3 p. 23 s.; arrêt 2C_233/2014 du 18 juillet 2014 consid. 4.2). A cet égard, c'est à juste titre que l'autorité recourante rappelle que, depuis le rejet de sa demande d'asile en mars 1999, l'intimé n'a été légalement autorisé à séjourner en Suisse qu'à partir de l'obtention d'une autorisation de séjour en mai 2001, et qu'il a ensuite été incarcéré de juin 2012 à décembre 2019. On ne saurait en outre, compte tenu des infractions commises durant son séjour, manifestement pas conclure à une intégration réussie, dès lors que, selon l' art. 58a al. 1 LEI , un étranger s'est bien intégré lorsqu'il respecte la sécurité et l'ordre publics notamment. Par ailleurs, le fait que l'intéressé s'attache à rembourser progressivement ses dettes et l'aide sociale dont a bénéficié son épouse, bien que louable, ne présente aucun caractère exceptionnel et est attendu de tout assisté dès que sa situation financière le permet. Enfin, s'agissant du suivi psychiatrique que l'intimé a entrepris volontairement depuis sa mise en liberté conditionnelle, on se limitera à constater que l'expertise psychiatrique rendue dans le cadre de la procédure pénale avait conclu à l'absence de trouble psychique, sa responsabilité au moment des faits étant pleine et entière ( art. 105 al. 2 LTF ).
4.7. En définitive, l'intérêt de l'intimé à demeurer en Suisse réside essentiellement dans la relation familiale qu'il entretient avec son épouse et ses enfants.
Sous cet angle, il est indéniable qu'un départ de Suisse de l'intéressé entraînera une séparation de la famille, pour le cas où son épouse et ses enfants ne le suivraient pas au Kosovo, ce dont ils ne sont pas tenus. On relèvera toutefois à ce propos que la femme du recourant, également de nationalité kosovare, a épousé l'intimé alors qu'il avait déjà subi une première condamnation et avait fait l'objet d'un avertissement formel de la part de l'Office cantonal. A la naissance de leur second enfant, l'intéressé avait en outre déjà été condamné à une peine privative de liberté de 12 ans pour tentative d'assassinat. Dans ces circonstances, on doit admettre que l'épouse ne pouvait ignorer qu'elle risquait de devoir vivre sa vie de famille de manière séparée. Par ailleurs, si l'intimé se décrit comme le "pilier et le moteur de la famille", toujours est-il que c'est bien son épouse qui s'est, pendant plus de sept ans, chargée de l'éducation et de l'entretien de la famille et qui, selon l'arrêt attaqué, a entrepris une formation d'onglerie, avec des perspectives d'emploi rémunéré.
S'agissant de l'intérêt des enfants à vivre avec leurs deux parents, on constatera que ceux-ci ont grandi jusqu'à présent essentiellement sans leur père, ce dernier ayant été incarcéré lorsque l'aînée n'avait pas encore 3 ans, alors que la cadette est née durant sa détention. Ce n'est ainsi que depuis moins d'une année qu'elles vivent en sa présence. Sous cet angle, quand bien même faut-il, avec les juges précédents, admettre que le renvoi de l'intéressé dans son pays d'origine aura une influence conséquente sur la qualité du lien qu'il pourrait entretenir avec ses enfants, il n'en demeure pas moins que l'on ne peut affirmer que sa présence en Suisse est indispensable à leur développement. Celles-ci pourront en effet demeurer en Suisse auprès de leur mère, par laquelle elles ont principalement été élevées jusqu'à présent, tout en pouvant maintenir des contacts réguliers avec l'intimé compte tenu de la distance raisonnable avec le Kosovo et des moyens de communication actuels. On relèvera enfin que l'intéressé a perpétré les actes qui lui ont été reprochés alors qu'il était déjà marié et père, tout en ayant été expressément averti des conséquences que pouvaient avoir des infractions pénales sur son séjour en Suisse, faisant ainsi passer l'intérêt de sa famille au second plan, ce qui ne peut être ignoré dans la pesée des intérêts.
4.8. Pour le reste, rien, dans l'arrêt entrepris, n'indique des difficultés de réintégration particulières de l'intéressé dans son pays d'origine, dans lequel il a grandi, dont il parle la langue et où il pourra mettre à profit ses qualifications dans le domaine du bâtiment acquises en Suisse, qui sont également de nature à favoriser sa réintégration. Il ne soutient d'ailleurs pas le contraire.
4.9. Sur le vu de l'ensemble de ce qui précède, on ne discerne pas de circonstances exceptionnelles propres à contrebalancer le passé pénal de l'intimé, dont l'extrême gravité ne saurait être niée, et qui seules auraient permis, conformément à la jurisprudence (cf. supra consid. 4.3), de faire primer son intérêt privé à demeurer en Suisse sur l'intérêt public à l'y éloigner. C'est donc à tort que l'autorité précédente a considéré que la mesure de révocation de l'autorisation d'établissement de l'intéressé était disproportionnée.
5.
Les considérants qui précèdent conduisent à l'admission du recours dans la mesure de sa recevabilité. L'arrêt de la Cour de justice du 30 avril 2020 est annulé et le jugement du 9 septembre 2019 du Tribunal administratif est confirmé. Le dossier est renvoyé au Département cantonal, afin qu'il fixe un nouveau délai de départ à l'intimé.
Succombant, l'intimé doit supporter les frais judiciaires ( art. 66 al. 1 LTF ). Aucun dépens ne sera alloué au Secrétariat d'État aux migrations, qui obtient gain de cause dans l'exercice de ses attributions officielles ( art. 68 al. 1 et 3 LTF ). La cause est en outre renvoyée à la Cour de justice pour qu'elle procède à une nouvelle répartition des frais et dépens de la procédure qui s'est déroulée devant elle ( art. 67 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis dans la mesure où il est recevable. L'arrêt du 30 avril 2020 rendu par la Cour de justice est annulé et le jugement du 9 septembre 2019 du Tribunal administratif est confirmé. Le Département cantonal est chargé de fixer un nouveau délai de départ.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de l'intimé.
3.
La cause est renvoyée à la Cour de justice pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la p rocédure antérieure.
4.
Le présent arrêt est communiqué à l'autorité recourante, au mandataire de l'intimé, au Département de la sécurité, de l'emploi et de la santé de la République et canton de Genève (DSES), et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 1ère section.
Lausanne, le 17 novembre 2020
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Seiler
Le Greffier : Rastorfer