La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/11/2020 | SUISSE | N°2C_703/2019

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral, IIe Cour de droit public  , Arrêt du 16 novembre 2020  , 2C 703/2019


 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
2C_703/2019  
 
 
Arrêt du 16 novembre 2020  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mmes les Juges fédéraux 
Seiler, Président, Zünd, Aubry Girardin, 
Donzallaz et Hänni. 
Greffière : Mme Vuadens. 
 
Participants à la procédure 
Administration fédérale des contributions, Service d'échange d'informations en matière fiscale SEI, Entraide administrative, 
Eig

erstrasse 65, 3003 Berne, 
recourante, 
 
contre  
 
1. A.________, 
2. B.________, 
3. C.________, 
4. D.________, 
5. E.________, 
6. F.________, 
7. G.________, 
 
t...

 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
2C_703/2019  
 
 
Arrêt du 16 novembre 2020  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mmes les Juges fédéraux 
Seiler, Président, Zünd, Aubry Girardin, 
Donzallaz et Hänni. 
Greffière : Mme Vuadens. 
 
Participants à la procédure 
Administration fédérale des contributions, Service d'échange d'informations en matière fiscale SEI, Entraide administrative, 
Eigerstrasse 65, 3003 Berne, 
recourante, 
 
contre  
 
1. A.________, 
2. B.________, 
3. C.________, 
4. D.________, 
5. E.________, 
6. F.________, 
7. G.________, 
 
tous représentés par Me Nicolas Candaux, avocat, 
intimés. 
 
Objet 
Assistance administrative (CDI CH-IN), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour I, du 5 août 2019 (A-3482/2018). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Le 22 juin 2016, l'autorité compétente indienne (ci-après: l'autorité requérante) a adressé quatre requêtes à l'Administration fédérale des contributions (ci-après: l'Administration fédérale), contenant cinq demandes d'assistance administrative, la première visant A.________, la deuxième son fils C.________, la troisième sa fille B.________ et les deux dernières E.________, fils de C.________. Selon l'autorité requérante, A.________, résidente fiscale indienne, était titulaire, avec B.________ et C.________, de plusieurs comptes bancaires non déclarés, dont le compte CH/********/*************** ouvert en Suisse auprès de la Banque X.________ (ci-après: la Banque). Un versement de 4'534'468 USD avait été effectué en 2008 depuis ce compte sur un compte bancaire ouvert à Singapour au nom de la société H.________, dont C.________ et E.________ étaient actionnaires. Par ailleurs, un versement de 1'240'000 USD avait été effectué en 2008 du compte bancaire CH*******************, dont C.________ était titulaire auprès de la Banque, sur le compte bancaire singapourien précité. Or, E.________ et A.________ niaient tout lien avec ces comptes. L'autorité requérante souhaitait dès lors obtenir copie de la documentation relative aux comptes précités ouverts auprès de la Banque et de tout autre compte dont l'une des personnes visées était titulaire ou ayant-droit auprès de la Banque, pour la période du 1 er  avril 1999 au 31 mars 2016.  
 
B.   
Par quatre décisions finales du 11 mai 2018, l'Administration fédérale a accordé l'assistance administrative à l'autorité requérante, limitant toutefois l'échange aux seuls renseignements concernant les périodes à compter du 1 er  avril 2011.  
A.________, C.________, B.________, D.________, E.________, ainsi que F.________ et G.________ ont recouru contre ces décisions finales auprès du Tribunal administratif fédéral. Les causes ont été jointes le 12 juillet 2018. 
Par arrêt du 5 août 2019, le Tribunal administratif fédéral a confirmé que l'assistance administrative devait être accordée à l'Inde. Il s'est toutefois écarté des décisions finales du 11 mai 2018 de l'Administration fédérale sur deux points. En premier lieu, il a ordonné à l'Administration fédérale de procéder à des caviardages supplémentaires, comme elle s'était déjà engagée à le faire au cours de la procédure (consid. 7.2.1). En second lieu, il a interdit à l'Administration fédérale de transmettre les renseignements concernant la période fiscale indienne couvrant la période du 1 er  avril 2015 au 31 mars 2016, parce qu'au jour des demandes, le délai pour déclarer les revenus afférents à cette période était encore ouvert et que l'autorité requérante n'avait dans cette mesure pas respecté le principe de la subsidiarité (consid. 8.2). Au surplus, le Tribunal administratif fédéral a refusé d'ordonner le caviardage des noms de I.________, de J.________ et de la société H.________, qui apparaissaient dans la documentation.  
Le Tribunal administratif fédéral a partant très partiellement admis les recours, les a rejetés pour le surplus (chiffre 1 du dispositif) et a modifié les décisions finales du 11 mai 2018 de l'Administration fédérale dans le sens des considérants 7.2.1 et 8.2 de son arrêt (chiffre 2 du dispositif). 
 
C.   
Agissant le 16 août 2019 par la voie du recours en matière de droit public, l'Administration fédérale demande au Tribunal fédéral d'annuler le chiffre 2 du dispositif de l'arrêt du 5 août 2019 du Tribunal administratif fédéral s'agissant de son consid. 8.2 et de confirmer ses décisions finales du 11 mai 2018, sauf en ce qui concerne le consid. 7.2.1 de l'arrêt attaqué; subsidiairement, d'annuler l'arrêt attaqué et de renvoyer la cause au Tribunal administratif fédéral pour nouvel examen dans le sens des considérants. 
Le Tribunal administratif fédéral se réfère à son arrêt. 
Le 19 septembre 2019, I.________ et H.________ se sont plaints auprès de l'Administration fédérale d'une violation de leur droit d'être entendus et ont demandé que la qualité de partie leur soit reconnue. 
Dans leur réponse au recours, les intimés ont principalement conclu à ce que la nullité des décisions finales du 11 mai 2018 soit prononcée en raison de la violation du droit d'être entendus de I.________ et de H.________; subsidiairement, à la suspension de la procédure jusqu'à droit connu sur la procédure initiée le 19 septembre 2019 par ces deux personnes auprès de l'Administration fédérale et à l'irrecevabilité du recours; plus subsidiairement, à la suspension de la procédure et au rejet du recours. L'Administration fédérale a répliqué. Les intimés ont dupliqué. 
 
D.   
Le 11 décembre 2019, I.________ et H.________ ont informé le Tribunal fédéral que l'Administration fédérale leur avait octroyé un accès au dossier. Ils ont requis la suspension de la procédure devant le Tribunal fédéral. Le même jour, les intimés ont confirmé leur demande de suspension de la procédure. L'Administration fédérale s'y est opposée. Le 4 février 2020, la juge chargée de l'instruction a ordonné la suspension de la procédure à titre exceptionnel, car une affaire portant sur les conditions auxquelles la suspension pouvait être octroyée dans le domaine de l'assistance administrative en matière fiscale était pendante devant le Tribunal fédéral. Le 13 août 2020, elle a ordonné la reprise de la procédure, en application des principes sur la suspension en ce domaine posés par l'arrêt 2C_804/2019 du 21 avril 2020. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. L'arrêt attaqué est une décision finale ( art. 90 LTF ), rendue dans une cause de droit public ( art. 82 let. a LTF ) émanant du Tribunal administratif fédéral ( art. 86 al. 1 let. a LTF ). Seul un recours en matière de droit public est donc envisageable (cf. art. 113 LTF a contrario).  
 
1.2. Contre les décisions en matière d'assistance administrative internationale en matière fiscale, le recours en matière de droit public n'est recevable que lorsqu'une question juridique de principe se pose ou lorsqu'il s'agit pour d'autres motifs d'un cas particulièrement important au sens de l' art. 84 al. 2 LTF (cf. art. 83 let . h et 84a LTF). Il appartient à la partie recourante de le démontrer ( art. 42 al. 2 LTF ). La loi ne contient qu'une liste exemplative de cas susceptibles d'être qualifiés de particulièrement importants. La présence d'une question juridique de principe suppose que la décision en cause soit déterminante pour la pratique; tel est notamment le cas lorsque les instances inférieures doivent traiter de nombreux cas analogues ou lorsqu'il est nécessaire de trancher une question juridique qui se pose pour la première fois et qui donne lieu à une incertitude caractérisée, laquelle appelle de manière pressante un éclaircissement de la part du Tribunal fédéral (ATF 139 II 404 consid. 1.3 p. 410; 340 consid. 4 p. 343; arrêt 2C_963/2014 du 24 septembre 2015 consid. 1.3 non publié in ATF 141 II 436, mais in Archives 84 p. 559 et traduit in RDAF 2016 II 374).  
L'Administration fédérale soutient que la présente cause pose la question de savoir si l'Etat requérant viole nécessairement le principe de la subsidiarité lorsqu'il formule une demande d'assistance pour obtenir des renseignements portant sur une période pour laquelle le délai prévu par son droit interne pour déclarer les revenus et la fortune n'est pas encore échu. La pratique du Tribunal administratif fédéral ne serait pas constante sur ce point, qui concernerait un nombre indéterminé de cas, de sorte qu'un arrêt du Tribunal fédéral serait nécessaire pour clarifier la pratique à adopter. 
Le principe de la subsidiarité a déjà été traité par la jurisprudence (ATF 144 II 206 consid. 3 p. 210 ss; arrêt 2C_904/2015 du 8 décembre 2016 consid. 7.2; cf. également arrêt 2C_616/2018 du 9 juillet 2019 consid. 9). La question soulevée par l'Administration fédérale n'a toutefois jamais été tranchée. Comme elle est susceptible de se poser dans un nombre important de procédures, elle mérite une clarification du Tribunal fédéral. Elle relève donc d'une question juridique de principe. 
 
1.3. Le recours a au surplus été formé en temps utile ( art. 100 al. 2 let. b LTF ) et en la forme prescrite ( art. 42 LTF ) par l'Administration fédérale, qui a qualité pour recourir au sens de l' art. 89 al. 2 let. a LTF (cf. arrêt 2C_1174/2014 du 24 septembre 2015 consid. 1.3 non publié in ATF 142 II 161). Il convient donc d'entrer en matière sur le recours.  
 
2.   
Dans leur réponse, les intimés font valoir que les décisions finales du 11 mai 2018 sont nulles, parce que l'Administration fédérale aurait violé le droit d'être entendu de tiers en n'informant pas ceux-ci de l'existence de la procédure d'assistance administrative alors que leur nom apparaît dans la documentation destinée à être transmise. 
 
2.1. La possibilité de former un recours joint est exclue devant le Tribunal fédéral (ATF 138 V 106 consid. 2.1 p. 110; arrêt 2C_1057/2018 du 7 avril 2020 consid. 7 et les références). Par ailleurs, il n'est en principe pas admis d'agir en justice pour faire valoir non pas son propre intérêt, mais l'intérêt de tiers (ATF 135 II 145 consid. 6.2 p. 152; 2C_587/2012 du 24 octobre 2012 consid. 2.2). La nullité d'une décision peut toutefois être constatée d'office en tout temps (ATF 137 I 273 consid. 3.1 p. 275; 132 II 342 consid. 2.1 p. 346; cf. aussi ATF 145 III 436 consid. 3 p. 438), de sorte que la problématique soulevée par les intimés doit être examinée.  
 
2.2. La nullité ne frappe que les décisions affectées des vices les plus graves, manifestes ou particulièrement reconnaissables, et pour autant que la constatation de la nullité ne mette pas sérieusement en danger la sécurité du droit (ATF 138 II 501 consid. 3.1 p. 503; 137 I 273 consid. 3.1 p. 275).  
Le Tribunal fédéral a récemment tranché la question de la participation à la procédure d'assistance administrative internationale en matière fiscale des tiers dont le nom apparaît dans la documentation à transmettre. Il en ressort que l'Administration fédérale n'a l'obligation d'informer un tiers de l'existence d'une procédure que si sa qualité de partie ressort de manière évidente du dossier et que le seul fait que son nom apparaisse dans la documentation destinée à être transmise ne suffit à cet égard pas (arrêts 2C_376/2019 consid. 7 destiné à la publication; 2C_687/2019 consid. 6; 2C_287/2019 consid. 4.1, tous du 13 juillet 2020). Le Tribunal fédéral a aussi relevé qu'il était douteux qu'une erreur de l'Administration fédérale sur l'étendue des personnes qui doivent être informées de la procédure relève d'une violation du droit d'être entendu à ce point grave qu'il justifie de constater la nullité d'une décision finale de cette autorité (arrêt 2C_376/2019 précité du 13 juillet 2020 consid. 7.6 destiné à la publication). 
 
2.3. En l'espèce, la qualité de partie de I.________ et de H.________ ne ressort pas à l'évidence du dossier. Il n'y a donc pas eu de violation grave de leur droit d'être entendus, à supposer que ce droit ait même existé. Il s'ensuit qu'une éventuelle violation de ce droit ne serait en tous les cas pas propre à entraîner la nullité de la décision finale du 11 mai 2018, à supposer que celle-ci soit prononçable.  
 
3.  
 
3.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral applique le droit d'office ( art. 106 al. 1 LTF ). En vertu de l' art. 106 al. 2 LTF toutefois, il n'examine la violation de droits fondamentaux ainsi que celle de dispositions de droit cantonal et intercantonal que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant.  
 
3.2. Pour statuer, il se fonde sur les faits constatés par l'autorité précédente (cf. art. 105 al. 1 LTF ), sous réserve des situations visées à l' art. 105 al. 2 LTF . Selon l' art. 97 al. 1 LTF , le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire - ou en violation du droit au sens de l' art. 95 LTF et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (ATF 145 V 188 consid. 2 p. 190; 142 II 355 consid. 6 p. 358). Conformément à l' art. 106 al. 2 LTF , le recourant doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui qui est contenu dans l'acte attaqué (ATF 145 V 188 consid. 2 p. 190; 137 II 353 consid. 5.1 p. 356).  
L'Administration fédérale reproche au Tribunal administratif fédéral d'avoir retenu sur la seule foi de l'affirmation des intimés que le délai imparti aux contribuables indiens pour déclarer les revenus réalisés durant la période fiscale indienne courant du 1er avril 2015 au 31 mars 2016 n'était pas échu le jour de la formulation des demandes d'assistance administrative. Elle se limite toutefois à émettre une critique appellatoire à l'encontre de faits constatés dans l'arrêt attaqué, sans expliquer, conformément aux exigences de l' art. 97 al. 1 LTF , en quoi le Tribunal administratif fédéral les aurait établis de manière arbitraire ou contraire au droit. Il n'y a donc pas lieu de s'écarter des faits constatés dans l'arrêt attaqué ( art. 105 al. 1 LTF ). 
 
4.   
 
4.1. La présente affaire concerne quatre demandes d'assistance administrative déposées le 22 juin 2016 par l'autorité requérante.  
 
4.2. L'assistance administrative relève en l'espèce de l'art. 26 de la Convention du 2 novembre 1994 conclue entre la Confédération suisse et la République de l'Inde en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu (RS 0.672.942.31; ci-après: CDI CH-IN), ainsi que du chiffre 10 (ad art. 26) de son Protocole (ci-après : Protocole à la CDI CH-IN), dans leur version actuelle, en vigueur depuis le 7 octobre 2011, qui résulte de l'art. 8 du Protocole de révision du 30 août 2010 modifiant la CDI CH-IN (RO 2011 4617). Les renseignements demandés par l'autorité requérante s'étendaient sur une période qui débutait au 1 er  avril 1999. L'Administration fédérale a toutefois d'emblée exclu de l'échange des informations antérieures au 1 er  avril 2011, ce qui correspond à la période couverte par la CDI CH-IN, ce qu'a confirmé le Tribunal administratif fédéral. Ce point n'est pas litigieux.  
 
4.3. Sur le plan interne, la loi fédérale du 28 septembre 2012 sur l'assistance administrative internationale en matière fiscale (LAAF; RS 651.1), applicable en l'espèce (cf. art. 24 LAAF ), concrétise l'exécution en Suisse de l'assistance administrative en matière d'échange de renseignements (cf. art. 1 LAAF ; ATF 143 II 224 consid. 6.1 p. 228; 628 consid. 4.3 p. 639). Elle s'applique à la procédure en Suisse, mais ne saurait aller à l'encontre d'une convention de double imposition (cf. ATF 143 II 224 consid. 6.1 p. 228).  
 
5.   
Le litige porte sur le point de savoir si c'est à bon droit que le Tribunal administratif fédéral a jugé que l'assistance administrative ne devait pas être accordée à l'autorité requérante s'agissant des renseignements relatifs à la période du 1er avril 2015 au 31 mars 2016. 
 
5.1. Le Tribunal administratif fédéral a refusé de transmettre ces renseignements parce qu'il a estimé que l'autorité requérante n'avait pas respecté le principe de la subsidiarité en les sollicitant le 22 juin 2016. A cette date en effet, le délai prévu en droit fiscal indien pour déclarer les revenus afférents à la période fiscale indienne courant du 1er avril 2015 au 31 mars 2016 était encore ouvert. L'autorité requérante n'avait par ailleurs pas confirmé ultérieurement que ces renseignements étaient toujours pertinents. Ces derniers devaient partant être retranchés de la documentation à transmettre.  
 
5.2. L'Administration fédérale soutient que le Tribunal administratif fédéral a procédé à une appréciation erronée du principe de la subsidiarité, compte tenu du principe de la confiance qui prévaut entre Etats et qui implique que l'Administration fédérale est fondée à présumer que l'Etat requérant a respecté le principe de la subsidiarité lorsqu'il formule une demande d'assistance administrative. Le raisonnement du Tribunal administratif fédéral reviendrait, selon l'autorité recourante, à l'obliger à vérifier l'application du droit interne de l'Etat requérant, ce qui outrepasserait le rôle qui lui échoit en tant qu'autorité requise. L'arrêt attaqué aurait en outre pour conséquence d'aboutir systématiquement à la conclusion que le principe de la subsidiarité a été violé dans tous les cas où le délai pour déclarer les revenus n'était pas échu au jour de la demande, ce qui serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse.  
 
5.3. Les intimés contestent l'interprétation que l'Administration fédérale fait de l'arrêt attaqué. Ils soutiennent en substance qu'en cas de doute sur le respect du principe de subsidiarité, il incombe à l'Administration fédérale d'interpeller l'autorité requérante pour obtenir un éclaircissement, ce qu'elle n'avait pas fait.  
 
6.   
Il faut donc se demander si c'est à bon droit que le Tribunal administratif fédéral a refusé d'accorder l'échange d'informations s'agissant des renseignements portant sur la période du 1er avril 2015 au 31 mars 2016 en application du principe de la subsidiarité. 
 
6.1. Le principe de la subsidiarité en matière d'assistance administrative internationale en matière fiscale signifie qu'il est attendu des Etats qu'ils cherchent d'abord à obtenir les renseignements dont ils ont besoin par leurs propres moyens avant de déposer une demande d'assistance administrative à un autre Etat. Solliciter l'assistance administrative internationale doit ainsi intervenir à titre subsidiaire, afin de ne pas faire peser sur l'Etat requis la charge d'obtenir des renseignements qui sont à la portée de l'Etat requérant en vertu de sa procédure fiscale interne (ATF 144 II 206 consid. 3.3.1 p. 211 et 3.3.3 p. 212). Le respect du principe de la subsidiarité de l'assistance administrative relève sous cet angle d'un comportement conforme à la bonne foi et s'impose aussi déjà pour des motifs relevant de la courtoisie internationale (ANDREA OPEL, Neuausrichtung der schweizerischen Abkommenspolitik in Steuersachen: Amtshilfe nach dem OECD-Standard, p. 365).  
 
6.2. Dans le contexte de l'assistance administrative avec l'Inde, le principe de la subsidiarité est expressément prévu sous le ch. 10 let. a du Protocole à la CDI CH-IN. Selon cette disposition, il est entendu que l'Etat requérant aura épuisé au préalable les sources "habituelles" de renseignements prévues par sa procédure fiscale interne (la version allemande mentionne aussi des sources habituelles [üblichen] de renseignements; la version anglaise parle des procédures "normales" [all normal procedures]).  
 
6.3. En tant qu'autorité d'exécution de l'assistance administrative internationale en matière fiscale ( art. 2 al. 1 LAAF ), l'Administration fédérale qui reçoit une demande d'assistance doit vérifier que la demande remplit les conditions de l'assistance administrative. En lien avec le principe de la subsidiarité, ce contrôle consiste à vérifier que la demande d'assistance administrative n'a été formulée qu'après que l'Etat requérant a utilisé les sources habituelles de renseignements prévues par sa procédure fiscale interne (arrêt 2C_493/2019 du 17 août 2020 consid. 5.5.1). Pour déterminer si le principe de la subsidiarité a été respecté, il faut se placer au moment de la demande (ATF 144 II 206 consid. 3.3.1 p. 211). La jurisprudence a toutefois souligné que la question du respect du principe de la subsidiarité était étroitement liée au principe de la confiance, associé au principe de la bonne foi et qu'il n'y avait en principe pas de raison de remettre en cause la réalisation du principe de la subsidiarité lorsqu'un Etat forme une demande d'assistance administrative. Cela étant, la jurisprudence a aussi relevé que le principe de la confiance ne faisait pas obstacle à la possibilité pour l'Administration fédérale de demander un éclaircissement à l'Etat requérant si la Suisse a des doutes sérieux quant au respect du principe de la subsidiarité (ATF 144 II 206 consid. 3.3.2 p. 211; arrêts 2C_493/2019 du 17 août 2020 consid. 5.5.1; 2C_904/2015 du 8 décembre 2016 consid. 7.2).  
 
6.4. Il est notoire qu'un Etat a en premier lieu connaissance de l'état des revenus (cas échéant de la fortune) imposables de ses contribuables par le biais des déclarations fiscales que ceux-ci doivent périodiquement lui remettre conformément aux dispositions de la procédure fiscale interne propre à cet Etat. La déclaration d'impôts représente donc, à n'en pas douter, une source habituelle ("üblich"), ou, pour reprendre la formulation anglaise, "normale" de renseignements au sens du ch. 10 let. a du Protocole à la CDI CH-IN. La recourante ne le conteste du reste pas. Le principe de la subsidiarité n'est donc pas respecté pour une période fiscale si et dans la mesure où une demande d'assistance a été formulée avant l'écoulement du délai pour déposer la déclaration d'impôts relative à cette période.  
 
6.5. Savoir si le délai pour déposer une déclaration fiscale était échu ou non lorsque l'autorité requérante a formulé une demande d'assistance administrative est une question qui relève du droit procédural fiscal interne de l'Etat requérant. Or, l'Etat requis ne peut avoir pour rôle d'examiner systématiquement le droit interne de l'Etat requérant dans le cadre de l'exécution d'une demande d'assistance administrative. Une telle approche ne serait pas soutenable dans le contexte de la coopération internationale et au vu des spécificités de chaque procédure nationale (cf. ATF 144 II 206 consid. 4.3 p. 214 s.; arrêts 2C_1162/2016 du 4 octobre 2017 consid. 6.3; 2C_241/2016 du 7 avril 2017 consid. 5.4 cf. aussi ATF 142 II 161 consid. 2.2 p. 170 s.; 218 consid. 3.6 et 3.7 p. 229 s.). Il s'ensuit que, sur le principe, l'Administration fédérale, à moins d'un doute sérieux, peut présumer que l'autorité requérante a respecté le principe de la subsidiarité lorsqu'elle formule une demande d'assistance administrative. Le Tribunal fédéral a, dans ce contexte, récemment souligné que le point de savoir si l'Etat requérant a, après le dépôt de la déclaration d'impôt seulement, demandé au contribuable de lui fournir des renseignements sur sa situation, ou si une procédure sur cette question a déjà été menée et est définitivement close, ne sont pas des éléments propres à remettre en cause la présomption selon laquelle l'Etat requérant a respecté le principe de la subsidiarité. En effet, attendre la clôture d'une procédure conduirait à retarder de manière inconsidérée l'assistance administrative et ne serait pas conforme aux exigences de célérité applicables en la matière (arrêt 2C_493/2019 du 17 août 2020 consid. 5.5.1).  
En revanche, si la personne visée par la demande fait valoir, sur la base d'une motivation étayée, qu'au jour de la demande, le délai pour déposer la déclaration fiscale était encore ouvert pour une des périodes fiscales concernées, l'Administration fédérale est tenue d'éclaircir ce point, car en pareille hypothèse, le principe de la subsidiarité ne serait pas respecté (cf. consid. 6.4 ci-dessus). La démarche consistant à demander un éclaircissement à l'autorité requérante est du reste conforme à l'esprit de l' art. 6 al. 3 LAAF , qui prévoit que l'Administration fédérale doit donner à l'autorité requérante la possibilité de compléter une demande d'assistance. Elle n'est au demeurant pas inhabituelle pour l'Administration fédérale (cf. par exemple l'ATF 146 II 150 consid. B.a et B.c p. 157 ss, qui mentionnent les éclaircissements demandés à l'autorité fiscale française; cf. aussi ATF 144 II 206 consid. A.b p. 209 et consid. 4.5 p. 216 s., dont il ressort que l'Administration fédérale a demandé des éclaircissements à l'autorité fiscale française pour savoir si le contrôle ouvert contre la personne visée par la demande était toujours en cours et les renseignements requis toujours vraisemblablement pertinents). 
 
6.6. La transmissibilité des renseignements concernés dépend alors de la manière dont l'autorité requérante répond à la demande d'éclaircissement:  
 
6.6.1. Si l'autorité requérante indique qu'au jour de la demande, le principe de subsidiarité a bien été respecté et qu'elle explique pour quelle raison elle soutient cette position, l'Administration fédérale doit, sous réserve d'éléments contradictoires de nature à mettre en cause la bonne foi de l'Etat requérant, s'en tenir à ces éclaircissements et considérer que le principe de la subsidiarité n'a pas été violé (cf. aussi arrêt 2C_493/2019 précité du 17 août 2020 consid. 5.5).  
 
6.6.2. Si l'autorité requérante indique que le délai pour déposer la déclaration d'impôt pour l'une des périodes fiscales visées par la demande était effectivement encore ouvert le jour où la demande a été formulée, mais que ce délai est désormais échu et que les renseignements requis sont toujours vraisemblablement pertinents, l'Administration fédérale doit alors les lui transmettre, nonobstant le fait qu'au moment du dépôt de la demande, l'autorité requérante n'avait pas épuisé ses sources habituelles internes de renseignements. Cette solution se justifie d'abord pour des motifs d'économie de procédure, car elle évite d'obliger l'Etat requérant à formuler une nouvelle demande d'assistance administrative spécifiquement pour la période fiscale en cause, qui porterait sur les mêmes renseignements que la première. Elle permet aussi de tenir compte du fait que l'Etat requérant peut souvent partir de bonne foi de l'idée que le contribuable qu'il soupçonne d'avoir soustrait des montants d'impôts durant plusieurs années persévérera dans ce comportement et ne déclarera pas de manière complète les revenus qu'il a réalisés au cours de la période fiscale pour laquelle le délai de dépôt de la déclaration est encore ouvert au jour de la demande. Au surplus, cette solution est aussi celle que semble préconiser le Tribunal administratif fédéral (arrêt attaqué consid 8.2 p. 25 s.).  
 
6.6.3. Enfin, si l'autorité requérante ne donne pas suite à la demande d'éclaircissement de l'Administration fédérale ou si elle n'y confirme pas que le délai pour déposer la déclaration d'impôt est (désormais) échu et que les renseignements requis sont toujours vraisemblablement pertinents, l'Administration fédérale doit alors constater que le principe de la subsidiarité n'a pas été respecté et retrancher les renseignements concernés de la documentation destinée à être transmise. Il incombera alors le cas échéant à l'Etat requérant de décider s'il entend formuler une nouvelle demande d'assistance administrative pour obtenir des renseignements sur la période fiscale concernée.  
 
6.7. En l'espèce, les demandes d'assistance administrative formulées le 22 juin 2016 portent notamment sur la période fiscale indienne allant du 1 er  avril 2015 au 31 mars 2016. Le Tribunal administratif fédéral a constaté d'une manière à lier le Tribunal fédéral ( art. 105 al. 1 LTF , cf. supra consid. 2.2) que, le 22 juin 2016, le délai pour déclarer les revenus afférents à cette période fiscale n'était pas échu. Les intimés avaient attiré l'attention de l'Administration fédérale sur ce point ( art. 105 al. 2 LTF ). L'Administration fédérale se devait ainsi de demander un éclaircissement à l'autorité requérante, ce qui n'a pas été fait. Dans ce contexte, on ne peut certes pas reprocher à l'autorité requérante de n'avoir pas spontanément confirmé ultérieurement que les renseignements afférents à cette période fiscale étaient vraisemblablement pertinents. Toutefois, et contrairement à ce que soutient la recourante, le Tribunal administratif fédéral était fondé à retrancher des renseignements à transmettre à l'autorité requérante ceux qui portent sur la période allant du 1 er  avril 2015 au 31 mars 2016, faute pour l'autorité requise de s'être assurée du respect du principe de la subsidiarité en demandant des éclaircissements.  
 
7.   
Ce qui précède conduit au rejet du recours. Il n'est pas perçu de frais judiciaires ( art. 66 al. 4 LTF ). Les intimés ont droit à des dépens ( art. 68 al. 1 et 2 LTF ), solidairement entre eux. ( art. 68 al. 4 LTF ). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.   
L'Administration fédérale des contributions versera aux intimés un montant de 5'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué à l'Administration fédérale des contributions, Service d'échange d'informations en matière fiscale SEI, au mandataire des intimés et au Tribunal administratif fédéral, Cour I. 
 
 
Lausanne, le 16 novembre 2020 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Seiler 
 
La Greffière : Vuadens 


Synthèse
Formation : Iie cour de droit public  
Numéro d'arrêt : 2C_703/2019
Date de la décision : 16/11/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2023
Fonds documentaire ?: www.bger.ch
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2020-11-16;2c.703.2019 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award