{T 0/2}
8C_112/2010
Arrêt du 17 août 2010
Ire Cour de droit social
Composition
MM. les Juges Ursprung, Président,
Frésard et Maillard.
Greffière: Mme Berset.
Participants à la procédure
K.________,
représenté par Me Pierre Seidler, avocat,
recourant,
contre
AXA Assurances SA, General Guisan-Strasse 40, 8400 Winterthur,
représentée par Me Jean-Michel Duc, avocat,
intimée.
Objet
Assurance-accidents (lien de causalité),
recours contre le jugement de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois du 8 décembre 2009.
Faits:
A.
K.________, né en 1978, a travaillé en qualité d'agent professionnel au service de X.________ SA, à N.________. A ce titre, il était assuré obligatoirement contre le risque d'accident auprès de Winterthur Assurances, aujourd'hui AXA Assurances SA (ci-après: l'assureur).
Le 8 mars 2004, le prénommé a été victime d'un accident. Alors qu'il circulait au volant de sa voiture, à M.________, le véhicule précédant le sien s'est arrêté brusquement pour laisser passer un piéton. L'assuré s'est arrêté à son tour et sa voiture a été heurtée à l'arrière par une camionnette avant de heurter elle-même le véhicule qui la précédait. Souffrant de douleurs, l'assuré s'est rendu, le 18 mars 2004, au centre médical Y.________, où il a été examiné par le docteur V.________, spécialiste en médecine interne. Celui-ci a posé le diagnostic d'entorse cervicale et prescrit un traitement conservateur. L'incapacité de travail était totale. Le 29 mars 2004, l'employeur a rempli une déclaration d'accident LAA. L'assureur a pris le cas en charge.
La doctoresse D.________, médecin à l'Institut de radiologie de la Clinique Z.________, a procédé le 3 mai 2004 à un scanner dorso-lombaire, lequel n'a révélé ni lésion traumatique, ni hernie discale, mais a mis en évidence des séquelles d'une maladie de Scheuermann ainsi qu'une légère arthrose inter-facettaire pluri-étagée et des calcifications pluri-étagées du ligament jaune.
Du 2 au 18 juin 2004, K.________ a été hospitalisé au Service de rhumatologie, médecine physique et réhabilitation de l'Hôpital B.________. Dans un rapport du 28 juin 2004, le docteur G.________ et la doctoresse C.________ ont posé les diagnostics principaux de dorsalgies chroniques non spécifiques dans le cadre de dysbalances musculaires et de probable état anxio-dépressif réactionnnel. Les séquelles de la maladie de Scheuermann ne permettaient pas d'expliquer la symptomatologie.
Dans une expertise du 28 janvier 2005, le docteur H.________, spécialiste en neurologie, a diagnostiqué un status après distorsion cervicale simple et possible contusion dorso-lombaire banale le 8 mars 2004, des cervico-dorsalgies persistantes sans substrat organique objectivable, ainsi qu'une suspicion de syndrome somatoforme douloureux. Sur le plan strictement somatique, le statu quo ante avait été retrouvé six mois après l'événement accidentel.
Le 27 avril 2005, l'assuré s'est adressé au professeur R.________, spécialiste en anesthésiologie ainsi qu'en évaluation et traitement de la douleur, à la Clinique F.________. Ce médecin a procédé, notamment, à des discographies et a conclu à la présence d'une rupture partielle de l'anneau fibreux à la hauteur du disque D11-D12, laquelle était compatible avec le traumatisme subi. Il a précisé que le type de pathologie présenté par l'assuré ne pouvait être dû à une maladie (rapport du 8 juillet 2005).
Dans une lettre du 16 août 2005 adressée à l'assureur, le docteur H.________ a estimé que sur le plan clinique on ne pouvait considérer les discographies comme des tests hautement fiables. Ce médecin a précisé qu'un traumatisme aigu unique n'est pratiquement jamais la cause d'une lésion discale sans qu'existe une lésion vertébrale associée, à moins que ne préexistât une dégénérescence préalable du disque. Le docteur H.________ s'est dit conforté dans son appréciation du cas par le fait que le docteur R.________ a évoqué un ancien Scheuermann. En conclusion, le docteur H.________ a exposé que les arguments développés par le docteur R.________ n'étaient pas suffisamment convaincants pour modifier son appréciation du 28 janvier 2005.
Par décision du 21 septembre 2005, l'assureur a supprimé le droit de K.________ aux prestations à partir du 9 septembre 2004. motif pris de l'absence d'un lien de causalité entre l'accident et les atteintes persistant au-delà de cette date. L'assuré s'est opposé à cette décision en se prévalant d'un rapport du 30 septembre 2005 du professeur R.________, lequel contestait les conclusions du docteur H.________.
Le 10 mars 2006, le service d'analyse des accidents de l'assureur a établi un rapport d'expertise selon lequel le delta-v (modification de vitesse du véhicule induite par la collision) se situait pour le voiture de l'assuré entre 10,7 et 15, 5 km/h au moment du premier choc et entre 3,6 et 7,8 km/h lors du second choc.
La Clinique J.________ a établi une expertise pluridisciplinaire à l'initiative de l'assurance-invalidité confiée pour partie au docteur E.________, spécialiste en chirurgie orthopédique (rapport du 16 octobre 2006) et pour partie au docteur A.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie (rapport du 27 septembre 2006). Selon les conclusions du docteur E.________, K.________ présentait des dorsalgies chroniques sur status après distorsion cervicale et contusion dorso-lombaire, avec séquelles de Scheuermann et discopathie D11-D12. Par ailleurs, ce médecin a souligné la perplexité des nombreux spécialistes consultés quant à l'absence de substrat anatomique permettant d'expliquer l'intensité du syndrome douloureux décrit par l'intéressé. Il a également exposé que l'assuré ne présentait pas de signe évident de non-organicité à l'examen clinique. Pour sa part, le docteur A.________ n'a retenu aucun trouble psychique atteignant le seuil diagnostique. Les médecins de la Clinique J.________ ont conclu que le comportement d'invalide adopté par l'intéressé sortait de la sphère bio-médicale.
L'assureur a soumis le dossier à son médecin-conseil, le docteur P.________, pour appréciation. Selon les conclusions de ce médecin, les douleurs invalidantes dorsales, au niveau du thorax et des lombaires, étaient inexplicables par rapport à l'accident. Un lien de causalité avec les troubles dont se plaignait l'assuré était tout au plus possible. On pouvait conclure à un statu quo sine à six mois, voire douze mois au plus, après l'événement (rapport du 16 novembre 2006).
Dans l'intervalle, l'assureur avait informé K.________ de son intention de procéder à une dernière expertise ciblée sur l'aspect de la colonne dorsale en proposant deux experts, dont le docteur T.________, spécialiste en neuro-chirurgie (lettre du 3 novembre 2006). Après que la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois a rejeté la demande de récusation dirigée contre ce médecin (jugement incident du 26 juin 2007), le docteur T.________ a établi une expertise et rendu son rapport le 26 février 2008.
Par décision sur opposition du 4 juin 2008, l'assureur a confirmé sa décision du 21 septembre 2005.
B.
K.________ a recouru contre la décision sur opposition devant la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois en concluant au versement des prestations LAA au-delà du 9 septembre 2004, subsidiairement à la mise en oeuvre d'une contre-expertise multidisciplinaire.
Statuant le 8 décembre 2009, la juridiction cantonale a rejeté le recours.
C.
K.________ interjette un recours en matière de droit public contre le jugement cantonal, dont il demande l'annulation en concluant, sous suite de frais et dépens, au renvoi de la cause à l'assureur-accidents pour nouvelle expertise médicale.
L'assureur conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral de la santé publique a renoncé à se déterminer.
Considérant en droit:
1.
Le litige porte sur le point de savoir si l'intimée était fondée par sa décision sur opposition du 4 juin 2008, à supprimer le droit du recourant aux prestations de l'assurance-accidents à partir du 9 septembre 2004.
Dans la procédure de recours concernant l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral n'est pas lié par l'état de fait constaté par la juridiction inférieure (art. 97 al. 2 LTF).
2.
Le jugement entrepris expose de manière correcte les dispositions légales et les principes jurisprudentiels applicables en l'occurrence, de sorte qu'il suffit d'y renvoyer.
3.
3.1 Les premiers juges ont considéré qu'il n'existe pas de lien de causalité naturelle entre les maux de dos dont souffre encore l'assuré et l'accident du 8 mars 2004. Ils se sont fondés principalement sur l'expertise du docteur T.________ du 26 février 2008 dont l'appréciation convaincante justifiait de s'écarter du point de vue du docteur R.________, selon lequel les dorsalgies étaient dues à l'accident.
3.2 Dans son expertise du 26 février 2008, le docteur T.________ a diagnostiqué des douleurs dorso-lombaires chroniques et un état après chondrose juvénible, maladie de Scheuermann, sans affection neurologique ou neurochirurgicale, ni affection psychiatrique. Il a indiqué qu'une fissure de l'anneau fibreux du disque D11-D12 n'était pas traumatique, mais de caractère maladif dégénératif, les douleurs ressenties par l'assuré n'étant que possiblement liées à la discopathie. L'expert s'est rangé à l'avis du docteur H.________ pour lequel le statu quo ante (pour les troubles cervicaux) avait été atteint six mois après l'accident. Pour le docteur T.________, aucun élément pathologique somatique ou psychique ne pouvait expliquer les souffrances et douleurs de l'assuré. Celles-ci ne pouvaient pas avoir été causées par l'accident, ni par le syndrome cervical irradiant vers le bas qui avait pratiquement disparu, ni par les quelques signes radiologiques de dégénérescences spondylotiques dans la charnière dorso-lombaire ni par la rupture d'un disque décelée lors d'une discographie, ni par une autre pathologie se limitant à un seul niveau de la colonne vertébrale.
Toujours selon l'expert, une lésion de la colonne lombaire n'avait pas pu se produire, étant donné que la colonne dorso-lombaire n'avait pas pu être blessée lors de la collision arrière. Seule la distorsion de la colonne cervicale jouait un rôle après l'événement. Ce médecin a indiqué qu'à son avis les troubles et douleurs dorso-lombaires ne pouvaient pas être mis sur le compte de l'accident. Par ailleurs, l'expert a écarté l'hypothèse d'une suite tardive après un traumatisme par accélération/décélération.
4.
Le recourant conteste la valeur probante du rapport de l'expert. Il soulève à son égard plusieurs critiques.
4.1 En premier lieu, il allègue derechef que l'expert fonctionne habituellement comme médecin-conseil interne de l'assurance L.________ et met ainsi en doute son impartialité.
Cette allégation n'est toutefois aucunement étayée. A lire la décision incidente du 26 juin 2007 relative à la demande de récusation de l'expert, on peut tout au plus supposer que le docteur T.________ est régulièrement chargé par des compagnies d'assurance d'établir des rapports d'expertise. Ce fait ne constitue pas à lui seul un motif suffisant pour conclure à son manque d'objectivité et à sa partialité (cf. notamment arrêt U 212/97 du 21 octobre 1999 in RAMA 1999 n° U 332 p. 193 consid. 2a; voir aussi arrêt 9C_844/2009 du 29 mars 2010 consid. 4.1). On note d'ailleurs que le recourant, à réception de la décision incidente précitée, s'est déclaré d'accord de se soumettre à l'expertise du docteur T.________ sans émettre la moindre réserve (cf. lettre du 8 novembre 2007).
4.2 Le recourant fait encore valoir que le docteur T.________ est parti de la prémisse erronée que l'accident n'a consisté qu'en une collision par l'arrière, alors qu'il a été victime d'une deuxième collision, qui aurait entraîné une impulsion au niveau du thorax et qui n'a pas été prise en considération par l'expert.
Cette critique n'est pas fondée. Dans l'anamnèse (p. 5 de l'expertise), l'expert indique que l'accident a consisté en une collision en chaîne entre trois voitures et que le troisième véhicule a heurté l'arrière du deuxième véhicule conduit par l'assuré, lequel a été projeté contre le premier véhicule. L'expert a donc rendu ses conclusions en toute connaissance de cause.
4.3 Le recourant reproche enfin au docteur T.________ d'avoir purement et simplement confirmé l'opinion du docteur P.________, mettant en cause l'existence-même de la rupture du disque intervertébral D11-D12. Cette allégation est inexacte. Dans son expertise, le docteur T.________ a admis le diagnostic posé par le docteur R.________, à savoir l'existence d'une rupture partielle de l'anneau fibreux du disque en question. Il a estimé, contrairement à son confère, que cette rupture n'était pas de nature traumatique, mais de caractère dégénératif (p. 9 sous chiffre 2).
5.
Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de s'écarter des conclusions du docteur T.________ qui corroborent au demeurant l'avis exprimé par le docteur H.________ et les constatations faites lors du séjour à la Clinique J.________. L'opinion divergente du docteur R.________ dont se prévaut le recourant ne saurait être décisive. L'expertise confiée au docteur T.________ avait précisément pour but de départager les avis opposés des docteurs H.________ et R.________. Le cas a été suffisamment instruit. On ne voit pas ce qu'une nouvelle expertise pourrait apporter de plus. On doit ainsi admettre que les troubles invoqués par l'assuré postérieurement au 8 septembre 2004 n'étaient plus en relation de causalité naturelle avec l'accident.
6.
Vu ce qui précède, le jugement attaqué n'est pas critiquable et le recours se révèle mal fondé.
Les frais judiciaires sont mis à la charge du recourant qui succombe (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 750 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois et à l'Office fédéral de la santé publique.
Lucerne, le 17 août 2010
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:
Ursprung Berset