{T 0/2}
4A_303/2010
Arrêt du 11 août 2010
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes et M. les Juges Klett, présidente,
Rottenberg Liatowitsch et Kolly.
Greffière: Mme Cornaz.
Participants à la procédure
X.________, représenté par Cyril Aellen,
recourant,
contre
Y.________,
représentée par Me Serge Rouvinet,
intimée.
Objet
contrat d'assurance,
recours contre le jugement de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 16 avril 2010.
Faits:
A.
Le 25 mai 2007, X.________ a acheté d'un particulier une voiture automobile "..." pour le prix de 26'000 fr. Le véhicule, capote incluse, était alors en très bon état, exception faite d'un éclat sur l'aile droite, du type de ceux causés par un caillou.
Trois jours plus tôt, le 22 mai 2007, X.________ (ci-après: l'assuré) et Y.________ SA (ci-après: l'assurance) avaient signé un contrat pour une assurance casco complète avec assurance parking illimitée. A cette occasion, l'assuré a répondu aux questions figurant sur la formule de proposition d'assurance. Il a notamment déclaré, pour ce qui concernait les cinq dernières années, qu'il n'avait pas subi de dommage par vol sur son véhicule, qu'il n'avait signalé aucun sinistre ayant suscité une indemnisation à son assurance véhicules à moteur et qu'aucune assurance pour véhicule à moteur existante en sa faveur n'avait été résiliée par un assureur.
Le 5 juin 2007, soit dix jours après l'achat du véhicule, l'assuré a déposé plainte pénale contre inconnu pour dommage à la propriété, au motif que la nuit précédente, la voiture, stationnée sur la voie publique, avait été intégralement rayée au moyen d'un objet pointu et la capote lacérée de manière irréparable. Le même jour, il en a informé son assurance.
Après vérification auprès d'autres compagnies, l'assurance, par courrier du 6 juillet 2007, a informé l'assuré qu'elle résiliait le contrat d'assurance avec effet au 9 juillet 2007, pour cause de réticence. L'assuré a contesté cette décision. Le 11 octobre 2007, sous la plume de son avocat, il a mis l'assurance en demeure de lui verser 9'221 fr. 65, correspondant aux frais de réparation de sa voiture; à cette occasion, il a admis avoir "oublié de déclarer des sinistres précédents ainsi que le fait qu'un de ses contrats avait été résilié sur sinistre".
Fin 2007, l'assuré a revendu son véhicule au précédent propriétaire pour le prix de 23'000 francs.
B.
Le 23 avril 2008, l'assuré a ouvert action devant le Tribunal de première instance du canton de Genève, concluant à ce que l'assurance soit condamnée à lui payer 9'221 fr. 65 plus intérêts. Celle-ci a conclu au rejet pour trois motifs: elle a contesté le cas d'assurance, soutenant que les dommages avaient été causés par l'assuré lui-même; elle a soutenu ne rien devoir payer dès lors qu'il avait résilié le contrat pour cause de réticence; elle a objecté ne pas être liée par le contrat au motif que l'assuré avait sciemment omis de préciser que le véhicule était endommagé à l'aile droite et avait ainsi tenté d'obtenir frauduleusement une indemnité plus élevée que celle à laquelle il avait droit.
Par jugement du 23 avril 2009, le Tribunal de première instance a rejeté l'action. Il a admis que l'assurance avait valablement résilié le contrat pour cause de réticence et qu'un lien de causalité entre celle-ci et le sinistre invoqué devait être admis dès lors qu'il était établi que si l'assuré avait répondu correctement aux questions, l'assurance aurait soit refusé de l'assurer, soit assorti son offre de réserves ou de surprimes. Le Tribunal ne s'est dès lors pas prononcé sur les autres objections de l'assurance.
Statuant sur appel de l'assuré par arrêt du 16 avril 2010, la Chambre civile de la Cour de justice a confirmé la décision susmentionnée. Elle n'a pas précisément établi les sinistres que l'assuré avait tus dans sa déclaration, retenant néanmoins qu'il y en avait eu plusieurs dans les cinq ans précédant la déclaration, dont l'un avait conduit à la résiliation du contrat d'assurance. Elle a en outre relevé que l'assuré lui-même avait admis deux sinistres: "le vol d'une radio dans une BMW 330, et la rayure d'une voiture M3".
C.
L'assuré (le recourant) forme un recours en matière civile et un recours constitutionnel subsidiaire au Tribunal fédéral, concluant à ce que son adverse partie soit condamnée à lui payer 9'221 fr. 85 avec intérêts à 5 % dès le 21 octobre 2007. L'assurance (l'intimée) propose le rejet du recours.
Considérant en droit:
1.
Selon le recourant, la voie du recours en matière civile serait ouverte nonobstant une valeur litigieuse inférieure à 30'000 fr., au motif que la contestation soulèverait une question juridique de principe (cf. art. 74 al. 1 let. b et al. 2 let. a LTF). Il allègue que le Tribunal fédéral serait pour la première fois appelé à interpréter l'art. 6 al. 3 de la loi fédérale du 2 avril 1908 sur le contrat d'assurance (LCA; RS 221.229.1) tel que modifié par une loi fédérale du 17 décembre 2004 entrée en vigueur le 1er janvier 2006 (RO 2005 5250), que les instances judiciaires inférieures seraient souvent appelées à appliquer à l'avenir. Selon cette disposition, si le contrat d'assurance est résilié pour cause de réticence, l'obligation de l'assureur d'accorder sa prestation pour les sinistres déjà survenus s'éteint uniquement lorsque le fait qui a été l'objet de la réticence a influé sur la survenance ou l'étendue du sinistre.
La jurisprudence a souligné qu'il fallait se montrer restrictif dans l'admission d'une dérogation à l'exigence de la valeur litigieuse. Cela découle en particulier du fait que le législateur, lors des débats parlementaires, a introduit un recours constitutionnel subsidiaire pour les cas où le recours ordinaire contre une décision cantonale n'était pas ouvert, raison pour laquelle les exemples de dérogations donnés dans le Message du 28 février 2001 concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale (FF 2001 4108), rédigé antérieurement, ne sont pas déterminants. En résumé, il doit être nécessaire, pour résoudre le cas d'espèce, de trancher une question juridique qui donne lieu à une incertitude caractérisée, laquelle appelle de manière pressante un éclaircissement de la part du Tribunal fédéral en tant qu'autorité judiciaire suprême chargée de dégager une interprétation uniforme du droit fédéral. Cela a été admis dans des cas où il existait des jurisprudences ou avis de doctrine divergents, ainsi que dans des situations où il était peu probable que la question litigieuse puisse un jour être présentée avec une valeur litigieuse suffisante pour ouvrir la voie du recours en matière civile (cf. ATF 135 III 397 consid. 1.2; 134 III 115 consid. 1.2, 267 consid. 1.2.3, 354 consid. 1.3; 133 III 493 consid. 1.1). Il incombe au recourant qui se prévaut de l'exception prévue par l'art. 74 al. 2 let. a LTF de démontrer en quoi la contestation soulèverait une question juridique de principe (cf. art. 42 al. 2 2ème phrase LTF).
A ce jour, le Tribunal fédéral ne s'est certes pas prononcé au sujet de l'art. 6 al. 3 LCA. Cela ne suffit toutefois pas, car toute question juridique, même importante, n'est pas nécessairement une question juridique de principe du simple fait qu'elle ne lui a pas encore été soumise. Le recourant ne donne pas d'autres motifs. Il n'allègue pas des pratiques cantonales divergentes ou des controverses doctrinales. En outre, il ne démontre pas qu'il y aurait urgence à clarifier des questions en relation avec la nouvelle règle. Enfin, il est manifeste que les litiges au sujet de prestations d'assurances ensuite de sinistre sont sans autre susceptibles d'atteindre la valeur litigieuse minimale de 30'000 fr. Dans ces circonstances, l'on ne saurait admettre que le recours porte sur une question juridique de principe; il s'ensuit l'irrecevabilité du recours en matière civile.
2.
Dans son recours constitutionnel subsidiaire, le recourant se plaint d'une violation de l'interdiction de l'arbitraire dans l'application de l'art. 6 al. 3 LCA. En bref, il plaide qu'il était insoutenable d'admettre l'existence d'un lien de causalité entre sa réticence et le dommage causé par un tiers à sa voiture assurée auprès de l'intimée.
2.1 Celui qui veut s'assurer doit déclarer par écrit à l'assureur, suivant un questionnaire ou en réponse à toutes autres questions écrites, tous les faits qui sont importants pour l'appréciation du risque (art. 4 al. 1 LCA). Sont importants tous les faits de nature à influer sur la détermination de l'assureur de conclure le contrat ou de le conclure aux conditions convenues (art. 4 al. 2 LCA). Il peut en particulier s'agir de faits propres à aggraver le risque assuré; l'aggravation du risque est décisive lorsqu'il faut admettre que l'assureur refuserait le contrat s'il connaissait le fait en question ou qu'il ne le conclurait qu'à d'autres conditions, plus restrictives ou plus onéreuses (cf. ATF 122 III 458 consid. 3b/aa p. 460).
Sous l'art. 6 aLCA en vigueur jusqu'au 31 décembre 2005, si, lors de la conclusion du contrat d'assurance, celui qui devait faire la déclaration des faits importants pour l'appréciation des risques avait omis de déclarer ou inexactement déclaré un fait important qu'il connaissait ou devait connaître (réticence), l'assureur n'était pas lié par le contrat, à condition qu'il s'en soit départi dans les quatre semaines à partir du moment où il avait eu connaissance de la réticence. Un lien de causalité entre le fait caché ou inexactement déclaré et le sinistre n'était pas nécessaire (cf. ATF 92 II 342 consid. 4; arrêt 5C.262/2006 du 25 mai 2009 consid 4.2, SJ 2008 I 400). A noter que les dispositions générales sur les vices du consentement (art. 23 ss CO) ne s'appliquent pas (cf. ATF 118 II 333 consid. 3d in fine; 61 II 281 consid. 1).
Cette règle en matière de réticence a été considérée comme trop sévère, spécialement par la doctrine. Le Conseil fédéral a dès lors proposé de remplacer le droit de se départir du contrat par un droit de résiliation et de ne permettre à l'assureur de se libérer de l'obligation d'accorder sa prestation qu'à la condition qu'il existe un lien de causalité entre le fait non déclaré ou inexactement déclaré et le sinistre survenu par la suite (Message du 9 mai 2003 concernant une loi sur la surveillance des entreprises d'assurance et la modification de la loi fédérale sur le contrat d'assurance [ci-après: Message], FF 2003 3370 ch. 1.2.5.2.1). Si le contrat prenait fin suite à un cas de réticence, l'assureur ne devait être libéré de son obligation d'accorder sa prestation que pour les sinistres dont la survenance ou l'étendue avaient été influencées par le fait qui avait fait l'objet de la réticence; l'obligation de l'assureur devait ainsi subsister si le fait non déclaré ou inexactement déclaré n'avait pas exercé d'influence sur la survenance du sinistre et l'étendue des prestations dues par l'assureur (cf. Message, FF 2003 3419 ch. 2.2.2 ad art. 6 et 8). Le Conseil fédéral a dès lors proposé un nouvel art. 6 al. 3 prévoyant que "l'obligation de l'assureur d'accorder sa prestation s'éteint également pour les sinistres déjà survenus lorsque le fait qui a été l'objet de la réticence a influé sur la survenance ou l'étendue du sinistre" (FF 2003 3474).
2.2 La proposition du Conseil fédéral a suscité des avis divergents lors des débats devant les Chambres. Les discussions ont notamment porté sur les conséquences de fausses déclarations au sujet de faits importants pour apprécier le risque.
En première lecture, la majorité du Conseil des Etats s'est ralliée à la proposition de sa commission et a complété le texte du Conseil fédéral dans le sens que l'obligation de l'assureur d'accorder sa prestation s'éteignait aussi pour les sinistres "qui sont considérés comme étant la réalisation d'un risque que l'assureur n'a pas pu apprécier avec fiabilité en raison d'un manquement à l'obligation de déclarer". Le but était de codifier la pratique du Tribunal fédéral concernant la récidive relative à des faits importants pour l'appréciation du risque (cf. BO 2003 CE 1236 ss). La majorité du Conseil national a par contre opté pour la version du Conseil fédéral, estimant que le Conseil des Etats allait trop loin (cf. BO 2004 CN 405 ss).
Lors de la deuxième lecture, la commission du Conseil des Etats a proposé d'adhérer à la décision du Conseil national et, partant, au texte du Conseil fédéral, en précisant toutefois qu'en matière de faits permettant d'apprécier le risque, elle estimait que ce texte permettait d'en rester à la pratique et à la jurisprudence rendue sous le régime de l'art. 6 aLCA sur la réticence. Le représentant du Conseil fédéral s'est exprimé dans le même sens, partant de l'idée que la jurisprudence continuerait à l'avenir de tenir compte de manière appropriée des faits aggravant le risque assuré. Le Conseil des Etats a alors voté le texte du Conseil fédéral (cf. BO 2004 CE 336 s.). A la suite de cela, le Conseil national a également adopté le texte proposé par le Conseil fédéral sans autre discussion (BO 2004 CN 1294).
2.3 Une partie de la doctrine plaide dès lors pour une notion de la causalité large. Elle relève en outre qu'une notion étroite reviendrait à primer les abus et à faire porter à la collectivité des assurés les conséquences d'une appréciation des risques non conforme à la réalité. Elle est donc d'avis qu'il s'impose d'assimiler la violation d'informations qui auraient permis de tirer des conclusions sur l'existence d'un risque aux faits non déclarés en relation de causalité avec le sinistre (cf. Brulhart, Droit des assurances privées, 2008, n° 500 p. 226 s.). D'autres auteurs ne s'expriment pas sur la question, tout en plaidant pour une application stricte du principe de la causalité (cf. Eisner-Kiefer, Kausalität und Verschulden im VVG und VE-VVG, HAVE 2008 p. 215 ss, spéc. p. 217; Gauch, Das Kündigungsrecht des Versicherers bei verletzter Anzeigepflicht des Antragstellers, RSJB 2006, p. 361 ss, spéc. p. 368 ss).
2.4 La réponse à la question de savoir si l'assureur peut refuser ses prestations en cas de réticence au sujet de faits importants pour apprécier le risque assuré n'est ainsi pas évidente. Au vu des opinions émises lors des débats devant le Conseil des Etats et dans la doctrine, il n'est pas arbitraire d'admettre qu'un refus est légalement possible.
Si l'on retient une notion de la causalité large pour refuser les prestations en cas de sinistre, le fait important pour apprécier le risque qui n'a pas été déclaré doit néanmoins se rapporter au risque qui s'est réalisé. L'assureur ne saurait, en vertu de l'art. 6 al. 3 LCA, refuser d'indemniser l'assuré dont le véhicule parqué a été endommagé parce que cet assuré, par exemple, lui a tu avoir été condamné pour conduite en état d'ébriété ou vitesse excessive. De telles condamnations permettent de conclure à un risque aggravé que l'assuré cause fautivement un accident lors de la conduite du véhicule, mais non pas à un risque aggravé qu'il soit la victime d'un acte de vandalisme de la part d'un tiers sur le véhicule en stationnement.
En l'espèce, il a été constaté en fait que le recourant avait, par le passé, déjà obtenu des prestations d'assurances suite à des actes de vol et de vandalisme sur un véhicule lui appartenant. Il n'y a pas arbitraire à admettre qu'il s'agit là de faits qui étaient susceptibles d'influer sur la détermination de l'assureur de conclure le contrat ou de le conclure aux conditions convenues s'il en avait eu connaissance. Cela scelle le sort du grief et, partant, du recours constitutionnel subsidiaire, qui doit être rejeté.
3.
Compte tenu de l'issue du litige, les frais judiciaires et dépens de l'intimée sont mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 66 al. 1 ainsi qu'art. 68 al. 1 et 2 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours en matière civile est irrecevable.
2.
Le recours constitutionnel subsidiaire est rejeté.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Une indemnité de 2'500 fr., à payer à l'intimée à titre de dépens, est mise à la charge du recourant.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataire des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 11 août 2010
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: La Greffière:
Klett Cornaz